Munich, ou l'éternelle reconstruction du hockey

 

Localisation : Munich, troisième ville d'Allemagne (après Berlin et Hambourg), comptant plus de 1,3 million d'habitants, capitale du Land de Bavière.

Nom du club actuel : EHC München (avec comme sponsor essentiel Red Bull)

Fondation du club : 1998 (premier club de hockey sur glace dans la ville en 1911).

Couleurs : bleu et blanc (les couleurs de la Bavière), avec l'ajout du rouge (de Red Bull) depuis mai 2013

Principale rivalité : Augsbourg

Palmarès : Champion d'Allemagne 2016, 2017, 2018, 2023

Titres antérieurs dans la ville : MTV champion 1922, Hedos champion 1994, Barons champions 2000.

 

 

La ville de Munich est aujourd'hui une place forte du hockey allemand. Le succès et le niveau de jeu proposé en fait une des références dans la DEL et une équipe qui peut rivaliser avec les meilleurs clubs européens. Seule la conquête du titre en Champions Hockey League manque à son palmarès.

Mais si l'avenir parait bien orienté, tout n'a pas toujours été rose. Les différents clubs qui ont marqué l'histoire du hockey munichois n'ont jamais permit de construire la stabilité. Souvent les succès éphémères ont été conclus par des désastres financiers. Alors même que la Bavière a très longtemps dominé le hockey allemand, sa capitale est restée longtemps à la traîne.

Aujourd'hui, pourtant, l'avenir du Red Bull Munich semble offrir des perspectives de structurations solides et mise sur l'avenir et le développement des jeunes joueurs. Mais dans cette époque de crise économique rien ne parait définitif.

Les débuts du Hockey avec le MTV 1879

Si le hockey allemand a pris naissance, via le bandy, dans les plaines de la Saxe, dans l'est de l'Allemagne, c'est dans la ville de Berlin, en 1908, avec le nouveau Eispalast que le développement du hockey sur glace prend forme. Parallèlement, en Bavière, le hockey se constitue, là aussi, dans une ville, à Munich. Plusieurs entités sont formées avec le Munich SC, Munich EV. Mais c'est le club omnisport du MTV 1879 avec sa section hockey qui prend part à la première finale de l'histoire du championnat national en 1913. La finale est perdue face aux Berlinois (4-0). L'année suivante, même effet, même conséquence, mais la défaite est encore plus cinglante (12-1).

Après le premier conflit mondial, tout est à reconstruire, mais Munich remet le MTV en activité dans un mini championnat de Bavière contre Nuremberg et accède à la poule finale. Le Graal est remporté en 1922 avec une victoire nationale, jouée en Bavière à Garmisch-Partenkirchen.

Mais ce succès est de courte durée car l'Allemagne est en proie à une grave crise économique qui impacte les déplacements dans le pays. Mais pour couronner le tout, le club de Haute-Bavière, le SC Riessersee crée un département de hockey indépendant et bâtit les fondations d'un futur club de légende. La quasi-intégralité de l'équipe de hockey du Munich EV 1883 décide de le rejoindre. Le SC Riessersee est considéré comme le club de Munich et dispute certains de ses matchs à domicile devant environ 5 000 spectateurs dans le Prinzregentenstadion de Munich, en plus de jouer dans sa ville de base, la station de sports d'hiver de Garmisch-Partenkirchen.

Il ne reste donc, en ville, plus que les " restes " du Munich EV, fondé en 1883 par des rameurs d'aviron cherchant une activité hivernale. Même si l'équipe joue dans le championnat de Bavière, il lui est impossible de contrer la 1e puissance du hockey Bavarois, le SCR. Pour ne rien arranger, un autre village des montagnes bavaroises a constitué un club, il s'agit de Füssen qui remporte son premier titre de Bavière en 1926. Même si en 1925 et 1932, Munich EV atteint le tournoi final national, les deux clubs phares des montagnes se partagent la part du lion et Riessersee remporte quatre titres de champion dans l'entre-deux-guerres. Il s'agit de la seule force capable de rivaliser avec le Berliner SC.

À l'issue de la deuxième guerre mondiale, c'est dans une Allemagne dévastée et ensuite séparée en deux nations (RFA et RDA) que le hockey reprend. Dans ces années d'après-guerre, la Bavière voit de nouvelles équipes rejoindre le plus haut niveau à Bad Tölz, Rosenheim ou encore Landshut et Kaufbeuren... Füssen fonde une nouvelle dynastie du hockey allemand et parvient même à atteindre la finale de la Coupe d'Europe crée en 1966. Le hockey munichois évolue dans l'anonymat et le Munich EV réapparaît discrètement en 1963 en Oberliga, le deuxième échelon national.

L'arrivée du FC Bayern Munich

La nouvelle tonitruante et incroyable de l'investissement du club de football et omnisports FC Bayern Munich dans le hockey sur glace provoque un choc. Elle est l'œuvre du président Wilhelm Neudecker. Le département de hockey sur glace est créé en 1966. Les dirigeants voulaient "ne ménager aucun effort" pour atteindre leur objectif : la promotion en Bundesliga et la création d'un bastion du hockey sur glace dans la capitale bavaroise.

Neudecker s'est appuyé sur la longue tradition du patinage et du hockey dans le Land de Bavière. Lorsque le Munich EV, qui existe encore et est donc le plus ancien club de patinage de Munich, est prêt à céder son activité, le Bayern FC n'hésite pas une seconde. De plus une patinoire est déjà en construction dans le parc olympique de la ville.

Dès la première saison, 1965-66, l'équipe termine 3e du championnat d'Oberliga. La saison suivante, 1966-67, le club remporte la poule de promotion du Sud et gagne la finale d'Oberliga contre les Preussen Krefeld. Le club se dirige vers l'élite. La nouvelle section hockey sur glace du Bayern Munich a recruté le meilleur défenseur du pays Leonhard Waitl (six fois champion avec Füssen) mais aussi l'attaquant Hans Huber. L'équipe est dirigée par l'ancien international tchécoslovaque (qui est précisément slovaque), Jan Starsi.

Le club ne s'y est pas trompé en publiant son analyse d'avant saison. Une photo de la première contre le SC Riessersee, inaugurée par le maire Georg Brauchle, orne la couverture du journal du club en février 1967 : "Nous verrons certainement d'excellents matchs au Prinzregentenstadion et dans la nouvelle patinoire d'Oberwiesenfeld cette saison."

Aucun autre club allemand ne peut se vanter d'avoir une équipe de Bundesliga dans trois sports : football, basket-ball et hockey sur glace. Derrière ce beau succès, la réalité rattrape les grands objectifs des dirigeants. Si le Bayern parvient à se maintenir, un autre club tout proche fait de l'ombre avec un public de passionnés. Augsbourg constitue une concurrence et une menace certaine. Les espoirs de Neudecker de fonder un bastion du hockey sur glace à Munich et de susciter l'enthousiasme des gens pour ce sport n'ont pas été exaucés. Cela devient clair en regardant le nombre de spectateurs, tout au plus 2000 fanatiques sont présents les soirs de match.

De plus la formation des jeunes n'est pas au rendez-vous. Seuls 50 joueurs munichois ont joué au hockey avec le maillot du Bayern, car beaucoup de joueurs viennent de Haute-Bavière, les montagnes des Alpes bavaroises. Tout ceci coûte de l'argent dans les frais de transfert, les frais de déplacement, les pertes de revenus. Les dépenses s'accumulent et la section est au bord du gouffre financier. Neudecker en est conscient et résume la situation : "L'avenir du département de hockey sur glace devra être démontré dans les prochains mois." Le maintien obtenu pour trois points lors de la saison 1968-69 ne lui suffit pas. Neudecker dissoudt l'équipe et la vend avec son équipement à Augsbourg pour 350 000 marks. Le Bayern consacre alors ses moyens au football... où il obtient son deuxième titre national cette même saison (le premier datait de 1932). Il deviendra progressivement le club dominant d'Allemagne dans ce sport.

Renaissance avec EHC70

À peine le Bayern cesse-t-il son activité sur la glace qu'une nouvelle association voit le jour indépendamment. EHC 70, est créé, comme son nom l'indique en 1970, par Johann Beinholzl. L'équipe se présente en 1973 en Oberliga, qui est devenue la troisième division allemande avec la création d'une deuxième Bundesliga. Le club hérite de plusieurs anciens joueurs du Bayern comme Peter Maus et Michael Mauer, et a comme gardien Theo Gross.

En 1976, c'est avec l'ancien défenseur international Hans Bader et le Finlandais Reijo Hakanen que le club parvient en finale du championnat. Malgré la défaite en finale contre Landsberg, l'élargissement à 12 équipes permet l'accession en Bundesliga 2. Auparavant, les dirigeants ont engagé la fusion de l'EHC avec le Munich EV qui poursuivait son activité et évoluait encore dans ce championnat.

En 1978, le maintien en Bundesliga 2 est assuré suite à un nouvel élargissement malgré une relégation sportive. Le coach canadien Mike Daski, qui avait amené par le passé Bad Tölz au titre de champion d'Allemagne, n'est pas conservé. Par contre, les dirigeants embauchent la légende Jiri Holecek devant les filets. À sa seconde saison, l'ancien gardien de l'équipe nationale tchécoslovaque aide à l'accession dans l'élite avec la meilleure défense du championnat 1979/80, sous la conduite du jeune entraîneur Mike Zerres qui a fini major de promo à la haute école du sport de Cologne. Le public de Munich se prépare à redécouvrir une équipe qui va côtoyer les grands clubs du pays.

Pour ce retour dans l'élite 1980/81, Munich voit les choses en grand avec le recrutement de trois internationaux allemands, Georg Kink, Klaus Mangold et Walter Stadler, et de deux Finlandais, l'attaquant Seppo Repo et surtout le grand gardien de l'équipe nationale Jorma Valtonen. Mais le premier match de Bundesliga contre Rosenheim tourne au fiasco : d'abord le match est arrêté par une coupure d'électricité, puis le fisc récupère la recette du match ! Le magazine Sportkurier écrit que "le vainqueur du jour est la Finanzamt" (l'administration fiscale) !

Tout comme les lois fiscales, la réalité sportive rattrape le club avec une avant-dernière position synonyme de relégation. Comme un symbole, c'est Riessersee qui remporte le titre de champion de Bundesliga en 1981, avec sept joueurs entre 19 et 21 ans. Le club des montagnes investit une part importante de son budget dans la formation des jeunes : 250 000 marks. Si le SC Riessersee remporte son dixième titre de champion, il s'agit du début de la fin car le club n'aura plus les moyens de tenir le rythme des investissements des clubs adverses.

À Munich, la saison 1981-82 est le chant du cygne. Avec encore un joueur légendaire dans l'effectif, le Tchécoslovaque Jiri Kochta, passé par l'élite à Landshut. Munich termine quatrième de la Bundesliga 2 mais explose en vol avec des finances anéanties. Le dépôt de bilan est signifié et l'aventure est terminée. Pour la troisième fois, le hockey munichois arrivé dans l'élite s'effondre financièrement.

Hedos Munich, une nouvelle formation de haut niveau

À peine la faillite de l'EHC 70 est-elle signifiée qu'un nouveau club est fondé le 8 décembre 1982 sous le nom "Eissportclub Hedos Muenchen". Le nom vient de la société de vêtements Hedos. Il est pourtant formellement interdit par le règlement d'avoir un sponsor dans le nom d'un club. Les dirigeants munichois font alors croire qu'il s'agit d'un mot de grec ancien. Un mot qui n'existe pas... Les autorités sportives ne comptent apparemment aucun helléniste et sont dupées par la supercherie...

L'équipe part tout en bas de l'échelle et remporte la ligue régionale (Bayernliga) en 1985 avec Jiri Kochta aux manettes de l'équipe. La progression se poursuit et en 1987, Munich se présente, déjà, en Bundesliga 2. Le groupe s'impose avec deux Canadiens qui explosent les compteurs : Scott McLeod et Doug Morrison (319 et 291 points en deux saisons). C'est maintenant l'accession à l'élite qui est en point de mire, derrière Freiburg, champion de Bundesliga 2 en 1989. Par contre les deux vedettes canadiennes prennent un autre chemin vers l'Italie à Merano.

Mais en Bundesliga pour la saison 1989/90, les Bavarois font bien mieux que les autres promus de la Forêt Noire avec une bataille pour la qualification en play-offs. La dernière place qualificative se joue dans une confrontation directe à l'avant-dernière journée entre Munich et Landshut. Pour ce derby bavarois, la halle olympique (Olympiahalle) de Munich, construite pour les Jeux olympiques d'été de 1972 et qui a déjà accueilli deux fois les championnats du monde de hockey sur glace, est utilisée pour la première fois pour un match de championnat. Les onze mille places sont toutes vendues, et il y a même vingt mille demandes de billets. Le hockey défensif de l'entraîneur suédois Anders Nordin a réussi à tirer le meilleur d'une équipe que beaucoup voyaient descendre, et Munich s'impose (4-2) grâce à un doublé d'Anthony Vogel. Munich termine sa course en quart de finale contre le puissant club de Düsseldorf.

La saison 1991-92 est la grande déception. Le club a rehaussé son budget de quatre à six millions de marks, et qui voulait ainsi viser le haut du tableau pour marquer le coup dans une ville de football, même si le public répond déjà bien présent avec six mille spectateurs. Trois entraîneurs prestigieux vont se succéder (Curt Lindström, František Kaberle, Pavel Volek), sans succès. Il n'y a pas de play-offs au programme.

1992/93 est encore une mauvaise surprise. L'équipe regroupe un effectif exceptionnel, avec notamment le duo Didi Hegen - Gerd Truntschka. Elle se vend comme la "Dream Team" (nom de l'équipe de basketball américaine aux JO de Barcelone cet été-là) après ce recrutement de superstars, mais alors que les tribunes étaient presque pleines la saison précédente, la location pour 9 matches de la plus grande Olympiahalle (11 000 places) ne permet pas d'augmenter les affluences. Au contraire, le public se détourne d'une équipe qui fonctionne mal et la moyenne de spectateurs descend ! Munich n'enthousiasme ni par ses résultats, ni par son jeu. En effet, si l'attaque est bien pourvue, la défense ne dispose que d'un joueur de grande classe, le Tchèque Leo Gudas.

Il faut attendre 1994 pour que la réussite soit au rendez-vous. Barré en saison régulière par Düsseldorf, le Hedos accède à la finale et retrouve la DEG pour le combat ultime. L'entraîneur suédois Hardy Nilsson, recruté la saison précédente en même temps que les vedettes, voit triompher son credo : d'abord la discipline tactique, puis l'improvisation et la créativité. Mais cette réussite apparente est aussi la conséquence de dépenses inconsidérées qui ont laissé un gros trou dans la caisse.

Munich est le siège de la fédération, et celle-ci peut difficilement se passer de la capitale bavaroise dans la nouvelle DEL (Deutsche Eishockey Liga) - un modèle de ligue fermée qu'elle a décidé de créer. Voilà pourquoi, ne pouvant placer le Hedos financièrement anéanti, la nouvelle SARL des "Mad Dogs" est autorisée à prendre le départ. Le championnat tourne court et la 15e journée est la dernière pour le club avec une défaite à Nuremberg (6-5). La liquidation est entérinée, il s'agit à nouveau de la fin d'une structure pro à Munich. Mais l'année de la création de la DEL, la perte fait tache !

ESC et Barons

La reconstruction de structures de hockey est une histoire sans fin dans la capitale bavaroise. Et c'est une nouvelle création qui apparaît dès 1995. Fondé par Franz Litzinger, commerçant d'articles de sports et ancien responsable des jeunes des Maddogs après avoir été diplômé de philosophie (sa thèse sur Kant s'intitulait opportunément "L'île de vérité au milieu d'un océan d'apparences"), l'ESC Munich part de tout en bas mais se montre plus professionnel. Les chouchous du public local continuent de jouer pour de simples primes de match, le programme distribué au match regorge des annonces de sponsors restés fidèles et le club est un des premiers en Allemagne à se doter d'un site internet, publiant un compte-rendu quelques minutes après la fin de chaque match. Il rassemble 3000 spectateurs dès sa deuxième saison en Landesliga (cinquième division) : cela attire l'attention bien au-delà des frontières de la Bavière puisque la chaîne de télévision sportive nationale (DSF) et un magazine de Hambourg (Stern) viennent faire des reportages sur le phénomène. L'ESC Munich atteint en 1999 la 2. liga (troisième échelon) mais se voit couper l'herbe sous le pied.

En fin de saison, le groupe Anschutz, propriétaire des Los Angeles Kings, effectue en effet une prise de position dans la DEL en récupérant l'équipe de Landshut, en difficulté financière, pour installer dans la capitale une nouvelle formation appelée "München Barons". Beaucoup d'argent est investi pour construire un groupe compétitif. L'effectif est tout simplement impressionnant, avec quelques Allemands quand même. On retrouve Peter et Tobias Abstreiter, Alexander Serikow, le jeune Thomas Greillinger et une batterie d'étrangers comme l'ex-NHLer Bob Sweeney, ou encore Simon Wheeldon et Shane Peacock. Dès sa première saison d'existence (1999/2000), ce "Retortenklub" - expression allemande que l'on peut traduire par club-éprouvette et qui évoque une création artificielle sans racines - devient champion !

La saison suivante, Munich surfe sur le succès et atteint la finale mais échoue devant Mannheim. En 2001/2002, Munich aligne le plus d'expérience NHL dans ses rangs. Sont en effet arrivés Derek King (877 matchs, meilleur marqueur de l'IHL la saison passée) et Derek Plante (491 matches, vainqueur de la Coupe Stanley avec Dallas). Si l'équipe trône en tête à la saison régulière, le parcours se termine en demi-finale, dans une saison où les blessures ont pesé. Mais le pire est à venir.

L'argent investi par la maison-mère Anschutz EG pour constituer cette équipe de haut niveau ne correspond pas aux recettes engendrées. La moyenne de spectateurs n'a jamais décollé et est restée figée à 3000, bien loin d'un seuil de rentabilité qui paraît hypothétique au vu des sommes colossales dépensées. La Bavière est pourtant une vraie terre de hockey, mais sa capitale, ville de football, n'est pas prête à se passionner pour une franchise artificielle dont beaucoup pensent qu'elle risque de repartir aussi vite qu'elle est arrivée... Et c'est finalement ce qui se produit ! Anschutz, après avoir promis le maintien de l'équipe, s'en va investir à Hambourg, amplifiant la colère des supporters. Encore une fois, les investissements sans volonté de construire des structures viables ont fait s'effondrer le club comme un château de cartes...

EHC Munich repart sur de nouvelles bases

Pendant qu'Anschutz s'amuse et investit dans le hockey pro, une structure indépendante s'est constituée en 1998 avec le HC 98. Ce sont des anciens joueurs du Hedos, Franz Jüttner et Leos Andrysek, qui constituent l'entité en compagnie de Patrick Lange, Sebastian Schwele et Moritz Geiselbrechtinger, trois joueurs venus de Kaufbeuren (autre membre fondateur de la DEL qui a vite fait faillite) qui cherchent eux aussi à continuer à pratiquer leur sport dans la métropole bavaroise. La compétition démarre pour la saison 1998-99 en Landesliga, c'est-à-dire le sixième niveau. Il est donc parti d'une bas de l'échelle contrairement aux Barons ! Monté d'un étage pour la Bayernliga, le club ne peut financer son habitat à l'Olympia Eisstadion et s'exile sur la glace de Klostersee à une quarantaine de kilomètres à l'est de Munich.

Pour la saison 2000-2001, le club se renomme EHC Munich. À partir de maintenant, l'équipe est logée à l'Olympia Eisstadion. Et en 2003, l'équipe atteint la finale de Bayernliga. Munich est soutenu par plus de quatre mille personnes en play-offs, soit plus que les dernières affluences des Barons en DEL, alors que l'équipe joue en quatrième division ! En Oberliga, l'équipe est déjà compétitive avec une immense majorité de joueurs allemands dans l'effectif. C'est en demi-finale que Bremerhaven lui barre la route. En 2005, la finale est perdue contre Dresde mais c'est, tout de même, l'accession en Bundesliga 2.

C'est à ce moment-lè que surgit l'idée de réactiver un nom qui avive la nostalgie des fans, non pas les Barons dont personne ne veut entendre parler, mais le Hedos. Pendant plusieurs jours, les tabloïds munichois caressent l'idée d'un "EHC Hedos", qui a l'air de plaire aux supporters, mais suscite l'opposition de certains partenaires. Si Jürgen Bochanski, le président de l'EHC Munich qui avait vécu les dernières heures du Hedos en tant que sponsor et membre du conseil d'administration, abandonne finalement ce projet, c'est surtout parce qu'une recherche juridique pointe les risques liés aux dettes qui restent associées au Hedos en faillite. Et puisque le sujet du nom du club est sur la table, Bochanski se dit ouvert à toute proposition et lâche alors cette phrase dans Eishockey News : "Si une entreprise arrivait et sollicitait un nouveau nom en échange de beaucoup d'argent dans un contrat à long terme, il faudrait y réfléchir". Une rumeur circule alors : l'équipe pourrait prendre le nom de "Rhino's". Mais ce n'est qu'une rumeur : cette société munichoise de boissons énergisantes s'affiche uniquement comme sponsor sur le casque et un changement de nom n'est pas envisagé à court terme. Clin d'œil de l'histoire, c'est un fournisseur de boissons énergisantes - beaucoup - plus connu et plus riche qui associera son nom sept années plus tard...

L'arrivée au deuxième niveau du pays est encore couronnée de succès avec une progression chaque année. Pat Cortina, alors sélectionneur national de la Hongrie, arrive en cours de saison 2006/07, repart dans l'été dans une incertitude financière liée au départ du sponsor principal, puis revient quelques mois plus tard après une expérience avortée à Innsbruck. Cortina fait progresser l'équipe, qui échoue en finale de Bundesliga 2 contre Bietigheim en 2009 malgré l'apport de très bons joueurs du pays - comme l'attaquant Uli Maurer - et du défenseur naturalisé Kevin Lavallée. En 2010, avec la même équipe, c'est la victoire en finale contre Schwenningen. Pourtant, l'objectif de déposer un dossier pour intégrer la DEL, préparé depuis des mois, échoue quand la caution très élevée demandée (650 000 euros) n'est pas versée à la date requise. Mais comme la ligue autrichienne fait une proposition d'intégrer la capitale bavaroise dans son championnat, la DEL pare donc à cette offre et ouvre finalement ses bras. Cette fois la patience et la construction par étapes ont permis de consolider un club et d'ancrer un public. Celui-ci se montre extrêmement attaché à ses chouchous, comme le gardien Joey Vollmer.

Les saisons de Munich en 2e Bundesliga : bilan 2005/06, bilan 2006/07, bilan 2007/08, bilan 2008/09, bilan 2009/10.

Munich conserve son ossature et la renforce avec des joueurs ayant une grande expérience en DEL mais n'ayant pas effectué une dernière saison folichonne (ce qui permet de limiter la facture). C'est le cas de Ryan Ready, qui a laissé un souvenir marquant à Vollmer : "Ryan était un dur et n'avait pas de dents. Il nous faisait toujours savoir que lui avait joué en NHL et que nous n'étions rien. Ryan jouait avec une plaque de plastique dans le dos pour se protéger des cross-checks. Je n'ai plus jamais vu ça." Ready termine deuxième marqueur de l'équipe, formant la première ligne avec la révélation bavaroise Martin Buchwieser, qui joue en première ligne par sa combativité et son travail alors qu'il n'est pas le plus talentueux, et le leader offensif Eric Schneider, que Munich a su attirer avec sa famille nombreuse lorsque les Francfort Lions ont fait faillite. Neuvième, Munich est le meilleur promu de l'histoire de la DEL.

L'arrivée de Red Bull

La deuxième saison de DEL est plus compliquée et s'achève par un échec cuisant (11e place). Bochanski déclare que l'EHC est mort, la licence dans l'élite est même sur le point d'être vendue à Schwenningen, et on croit revivre le cycle sans fin des clubs munichois éphémères... quand le miracle se produit : le sponsor autrichien Red Bull décide d'investir dans le club. D'où vient-il ? Son succès est celui d'un responsable marketing, Dietrich Mateschitz, qui, lors d'une mission en Asie pour les dentifrices allemands Blendax en 1982, découvre le concept des boissons énergisantes, aussi stimulantes pour l'organisme de leurs consommateurs que pour les finances de leurs propriétaires. L'image et le dynamisme de ce partenaire se diffuse partout dans le monde. Du football au hockey sur glace et du surf à la Formule 1, la marque a effectivement investi tous azimuts : son nom est associé à près de 500 athlètes et quelque 600 manifestations sportives. Le patron présente lui-même sa vision dans le magazine GQ, en 2010 : "Le but de l'entreprise n'est plus de vendre de la boisson, mais de découvrir des gens doués et de les aider à s'accomplir."

Même si toute cette activité reste un business, Red Bull a débuté son partenariat dans le hockey sur glace avec un autre club, celui de Salzbourg, en Autriche. Malheureusement pour les partisans de cette équipe, ils découvrent que celle-ci sert désormais de tremplin pour Munich. Deux jeunes Québécois - Brent Aubin et Ryan Kavanagh - sont les premiers à franchir la frontière et à troquer leur maillot Red Bull pour un autre, affublé du même logo, mais dans un championnat plus fort. Cet essai ouvre la voie à une migration plus massive l'année suivante, alors que le sponsor autrichien a décidé de s'engager définitivement : ce ne sont pas seulement trois joueurs mais aussi le coach canadien Pierre Pagé qui arrive de Salzbourg (car Pat Cortina est désormais sélectionneur de l'Allemagne).

Pagé, ancien entraîneur national du Canada, fait l'unanimité contre lui dans les tribunes, à Salzbourg comme à Munich. Ce sera tout le contraire pour son successeur qui a suivi le même chemin, l'entraîneur-chef aux multiples titres de champion DEL avec Berlin, et qui vient aussi d'être titré en Autriche : Don Jackson. Cette année 2014 voit l'arrivée de sérieux renforts comme Daryl Boyle ou Richie Regehr. Les dirigeants ont même embauché le gardien de l'équipe de France Florian Hardy, qui a tapé dans l'œil suite à sa prestation magistrale en championnat du monde. Il conclut même sa saison de 24 matchs à 91% en concurrence avec Niklas Treutle. En concluant à la seconde place derrière Mannheim, les play-offs sont enfin atteints même s'ils tournent court en quart de finale face à Wolfsburg. Pourtant on peut fonder de sérieux espoirs pour la réussite sportive.

La saison 2015/2016 est l'aboutissement d'un système. La consécration est enfin arrivée. Le jeune talent Dominik Kahun s'épanouit en attaque et la défense est la plus solide de DEL. S'il n'a pas enthousiasmé les foules, le titre de Munich est sportivement incontestable. Il est confirmé en 2017, encore une fois face à Wolfsburg. Et le capitaine bavarois Michael Wolf, qui vient de dépasser la barre des 300 buts en DEL, annonce qu'il prolonge une saison supplémentaire. En 2018, l'EHC Red Bull München gagne alors un troisième championnat consécutif. L'entraîneur Don Jackson est au sommet de son art, avec 9 titres de champion sur les 11 dernières saisons ! Keith Aucoin, meilleur marqueur, est élu MVP. Munich a établi une nouvelle dynastie, comme Berlin et Mannheim depuis la création de la DEL, comme Düsseldorf, Cologne, Riessersee, Füssen et encore plus loin le Berliner SC.

Lors de la saison 2018/19, l'équipe est toujours aussi forte mais échoue en finale face à une équipe de Mannheim offensivement impressionnante. Mais c'est sur la scène européenne que les Bavarois ouvrent les yeux du grand public. L'équipe de Don Jackson atteint la finale de la Champions Hockey League, le gratin du hockey européen. Si au passage, le duel Red Bull a eu lieu en demi-finale contre Salzbourg, la finale propose la meilleur équipe d'Europe et multi-victorieuse de la CHL : Frölunda. L'équipe de Göteborg est intouchable (3-1) et les Allemands ne peuvent rivaliser. Mais la victoire est ailleurs. Munich a démontré que son équipe et son club pouvait maintenant rivaliser sur la scène européenne, comme l'ont fait Füssen, Düsseldorf et Cologne en atteignant des finales européennes. Cette finale de CHL à Göteborg a été suivie par 400 000 téléspectateurs allemands sur la chaîne Sport 1.

Des projets pour l'avenir

Depuis 2014, Red Bull a construit une "Akademie" de développement de jeunes joueurs de hockey en collaboration avec le secteur du football à Salzbourg. Le centre ultra-moderne est à la pointe de la technologie pour faire progresser les jeunes vers le haut niveau. C'est dans cette structure que l'EHC Munich s'est associé. Loin de devenir une franchise professionnelle déconnectée de la base, c'est sans doute avec ce lien avec la jeunesse que les erreurs du passé peuvent être effacées.

Une nouvelle page se tourne, Munich attire les meilleurs talents allemands (et autrichiens) dans les infrastructures créées de toutes pièces par Red Bull. Tout n'est pas réglé pour autant car encore faut-il gérer la transition au niveau sénior. Mais le club ne prend pas ombrage des talents qui vont en NHL (comme John Jason Peterka) ou qui finissent pas réussir ailleurs, il les cite aussi en exemple.

Économiquement l'illustre et ancienne patinoire olympique est à bout de souffle. Elle ne peut accueillir que 4600 personnes et ne comporte que des loges rudimentaires. Le public est au rendez-vous, Red Bull a donné une image internationale et des valeurs "rafraîchissantes" dans le sport. La nouvelle arena, le SAP Garden, est en chantier, elle sera partagée avec la section basket du Bayern Munich. Tout est en place pour que Munich ne soit plus simplement l'un des favoris au titre national, qu'il a repris en 2023. Dans la ligne des objectifs de la fédération allemande, la DEB, faire progresser les jeunes vers le haut niveau cet objectif est en marche et Munich s'y associe. Une fois qu'il y aura plusieurs surfaces de glace et des heures de pratique suffisantes, il sera possible de développer des jeunes Munichois en grand nombre et pas seulement d'attirer les meilleurs talents des autres clubs dans l'académie.

Les saisons de Munich en DEL : présentation et bilan 2010/11, présentation et bilan 2011/12, présentation et bilan 2012/13, présentation et bilan 2013/14, présentation et bilan 2014/15, présentation et bilan 2015/16, présentation et bilan 2016/17, présentation et bilan 2017/18, présentation et bilan 2018/19, présentation et bilan 2019/20, présentation et bilan 2020/21, présentation et bilan 2021/22, présentation et bilan 2022/23, présentation et bilan 2023/24.

Damien Kuster

 

 

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