Allemagne 2022/23 : bilan

 

La médaille d'argent de l'Allemagne aux championnats du monde a mis en lumière de nouveaux visages peu connus qui se sont récemment révélés en DEL. Tout réussit à une fédération qui a fêté ses 60 ans en ce mois de juin, juste après avoir obtenu l'organisation du Mondial 2023. L'Allemagne garde une place importante dans le hockey sur glace mais elle sait qu'elle n'est pas un pays majeur. Elle affronte un creux dans ses jeunes générations après quelques bonnes années et sa pyramide a encore quelques fragilités.

Le contexte général est néanmoins satisfaisant et le retour à la promotion/relégation entre DEL et DEL2 s'est bien passé. Certains commencent même à en réclamer plus en débloquant certains critères sur dossier. L'intérêt s'est développé à tous les étages et les différents championnats n'ont donc sans doute jamais été suivis par les amateurs de hockey sur glace. Mais pour atteindre le grand public, il faudra réussir à faire durer le coup de projecteur de la finale mondiale jusqu'à la reprise des compétitions à la rentrée.

Les résultats commentés du championnat allemand

 

Les clubs de DEL

 

Munich (1er) : l'entraîneur qui choisit sa fin

La rumeur du remplacement de Don Jackson par Toni Söderholm la saison prochaine a bruissé dès le début des play-offs. Le fait que l'ancien sélectionneur national - qui a "lâché" l'équipe d'Allemagne pour un contrat à Berne en novembre - revienne aussi vite dans le club où il avait commencé sa carrière d'entraîneur avait de quoi faire parler. Mais c'est presque passé inaperçu. Le cas de Söderholm était presque secondaire par rapport à celui de Jackson. Les dirigeants de Munich ont été obligés de se positionner par rapport à ces indiscrétions, en précisant que c'est Don Jackson lui-même qui déciderait de son départ.

Peu d'entraîneurs peuvent se vanter de jouir d'un tel statut et d'avoir le luxe de choisir quand et comment ils partent. Don Jackson le fait en pleine gloire, après un neuvième titre de champion d'Allemagne. Il deviendra directeur du développement des entraîneurs au sein de la galaxie Red Bull, un poste créé sur mesure pour lui. Le manager Christian Winkler lui a rendu le plus bel hommage en saluant sa retraite : "Comme entraîneur, c'est la classe mondiale. Comme homme, il est encore meilleur."

Le meilleur des entraîneurs ne peut rien sans une grande équipe, et bien sûr, Munich avait aussi le meilleur effectif à sa disposition. Leader presque sans discontinuer à partir du mois d'octobre, il affichait une homogénéité sans égal. Trevor Parkes, surnommé "l'éboueur" au sein de l'équipe pour sa capacité à lire et exploiter les rebonds, est devenu le meilleur buteur de l'histoire du club en DEL, devant Michael Wolf, mais n'était qu'un attaquant parmi d'autres. Le meilleur marqueur Yasin Ehliz a été meilleur joueur de la saison régulière, mais c'est le onzième marqueur de l'équipe, Max Kastner, qui a été élu MVP de la finale. Le dix-huitième marqueur munichois en saison régulière, Filip Varejcka, a été co-meilleur buteur en play-offs avec Ehliz (7 buts) en étant placé sur la ligne de Parkes et de Ben Street et en concrétisant cette chance avec une insolente efficacité aux tirs de 30%. Varejcka a même été incorporé à l'équipe nationale pour les Mondiaux (profitant un peu du forfait de son coéquipier Ehliz). Il n'y avait rien à faire contre cette armada si redoutable sur toutes ses lignes.

 

Ingolstadt (2e) : un gardien hué devenu un héros émouvant

Le titre de meilleur entraîneur n'est pas revenu à Don Jackson mais à Mark French, qui a fait forte impression dès sa première saison en DEL. Ingolstadt est en effet apparue comme l'équipe la plus structurée défensivement mais aussi la plus flexible tactiquement, en adaptant le système de jeu à l'adversaire. Il y a un point toutefois où French était moins souple, c'est la gestion de ses gardiens, où il favorisait clairement son numéro 1 Michael Garteig. La blessure de celui-ci à la fin du quart de finale aurait donc dû sérieusement affaiblir le deuxième de saison régulière.

Le deuxième gardien Kevin Reich s'est alors retrouvé de nouveau au centre de l'attention. Après une éclipse pour raisons privées (alors inconnues), il fut remplacé à son retour mi-décembre après avoir pris 3 buts en 5 tirs en une période. Après avoir joué tout le match lors de la défaite 1-9 à Wolfsburg deux semaines plus tard, il est parti dans le vestiaire sans saluer ni ses partenaires ni l'équipe adverse. Il fut alors hué par le public. On apprendra au début des play-offs ce qui avait perturbé psychologiquement le gardien : son jeune frère Robin, handicapé de naissance, s'était cassé la colonne vertébrale dans une chute début décembre et était alors en coma artificiel. Il restera sans doute paralysé à vie. Quand Kevin Reich rend publique la tragédie qu'il vit, les supporters collectent les gobelets consignés et les offrent à sa famille pour l'équivalent de 5000 euros, un geste de solidarité qui émouvra profondément sa mère. C'est donc un Reich rasséréné qui a regagné la confiance de ses coéquipiers pour qualifier son équipe en finale.

Mais lorsqu'il a été victime d'une otite, c'est le troisième gardien de 21 ans Jonas Stettmer qui a pris place dans les cages... pour ne plus la lâcher ! Une preuve que des jeunes joueurs allemands peuvent se révéler quand on leur donne la chance. Ingolstadt aurait-il pu être champion sans la blessure de Garteig ? Pas sûr, car Munich était sans doute plus fort. Quelques joueurs ont marqué le pas en play-offs, comme Mirko Höfflin et Charles Bertrand. Tous auront une seconde chance l'an prochain (Bertrand a même prolongé pour deux ans, mais pas les deux héros inattendus devant les filets : n'ayant jamais joué en saison régulière, Stettmer avait déjà signé pour devenir troisième gardien de Berlin, tandis que Reich, qui ne s'est pas toujours senti soutenu, rentrera dans sa ville natale Iserlohn.

 

Mannheim (3e) : un petit échec mais une grande purge

17 joueurs plus l'entraîneur Bill Stewart : la liste des départs annoncés par Mannheim juste après la fin de saison étonne par sa longueur. Une troisième place en saison régulière et une demi-finale, ce n'est pourtant pas un bilan si catastrophique. C'est un effet de balancier après l'été dernier, où les Adler avaient dû garder beaucoup de joueurs encore sous contrat. La recrue majeure de l'intersaison Tyler Gaudet s'est blessée en début de saison, ce qui n'a pas aidé son intégration. Ce fut malheureusement pire pour le vétéran Nigel Dawes, car une charge de Lampl (Straubing) en janvier a tristement mis une fin prématurée à sa carrière.

En défense, Mannheim s'est débarrassé de la totalité des étrangers et d'un Sinan Akdag déclinant. En attaque, alors que le chouchou du public (le Croate Borna Rendulic) repart en KHL, quelques cadres s'en vont après une saison moyenne : la fiche de -13 de Nicolas Krämmer fait tache pour un attaquant défensif et le finisseur Markus Eisenschmid illustre les difficultés offensives des Adler en n'ayant mis qu'un but en play-offs. Ils vont tous les deux à Munich, et si eux aussi se mettre à amasser des trophées en Bavière, cela va torturer les fans de Mannheim...

Aucun changement n'est programmé devant les cages, mais la hiérarchie a été modifiée au cours de la saison. Lorsque Felix Brückmann est sorti après 4 buts encaissés en 40 minutes à la première manche des quarts de finale, Arno Tiefensee a pris la place de titulaire et l'a conservée. Le gardien de 20 ans ne représente pas seulement l'avenir mais déjà le présent, et on a l'impression qu'une passation de pouvoir a eu lieu. Une passation que Mannheim rêverait de voir au niveau du titre de champion...

 

Wolfsburg (4e) : plus de résilience que de profondeur

Après avoir imposé un hockey robuste à sa première saison, l'entraîneur Mike Stewart a évolué vers un style de jeu moins physique en utilisant des profils plus rapides et techniques. Le vestiaire s'est montré capable de surmonter le drame qui l'a profondément affecté : le cancer de la femme de Rhett Rakashkani (qui a arrêté sa carrière pour s'occuper d'elle) qui est aussi la belle-sœur du capitaine et meilleur marqueur Spencer Machacek.

Rêve de tout coach, Wolfsburg était la meilleure équipe aussi bien en supériorité qu'en infériorité numérique lors de la saison régulière. Mais elle est devenue médiocre dans ces deux secteurs en play-offs, à l'instar de l'organisateur du powerplay Dustin Jeffrey qui paraissait soudain moins génial. Cela s'est joué sur des détails : les Grizzlys ont gagné leur quart de finale en 7 matches (contre Straubing) et perdu leur demi-finale en 7 matches (contre le futur champion Munich). Dans ce marathon, la profondeur de banc a sans doute fait la différence, aux dépens des Grizzlys.

On reproche souvent à Wolfsburg le faible temps de jeu donné aux joueurs de moins de 23 ans qui ne font que remplir les quotas. L'intégration des jeunes semble très secondaire dans la politique de l'équipe professionnelle. C'est d'autant plus dommage que ce club autrefois considéré quasiment sans base (comme dans tout le nord de l'Allemagne assez désertique en matière de formation) est aujourd'hui labellisé 4 étoiles (sur un maximum de 5) dans les critères de la fédération : cela a récompensé l'augmentation des heures d'entraînement des catégories de jeunes et le vestiaire dédié mis en place pour les U17.

 

Straubing (5e) : l'avantage de la glace n'a pas suffi

"Personne n'aime jouer contre nous, nous avons la salle plus froide et la plus bruyante", a déclaré le défenseur Marcel Brandt, qui présentait la meilleure fiche statistique de la ligue (+33). Il est vrai que Straubing avait le meilleur bilan de DEL à domicile, avec seulement 5 défaites, même si elle était loin à l'extérieur. Le fait d'avoir décroché l'avantage de la glace en finissant à la quatrième place semblait donc un atout décisif. Mais si les Tigers ont joué le premier match 7 de leur histoire, devant leur fervent public, ils l'ont malheureusement perdu, 1-3 devant Wolfsburg, après avoir cédé le match précédent en prolongation. Très frustrant. C'est la quatrième fois consécutive que l'aventure s'arrête en quart de finale.

Qu'a-t-il manqué ? Le gardien Hunter Miska devait jouer un rôle-clé de titulaire indéboulonnable, avec 7 matches enchaînés en 16 jours en début de championnat, mais il s'est alors blessé. Le jeune Florian Bugl l'a parfaitement suppléé. Il a aidé à sortir son équipe de l'ornière et a gagné la confiance de son coach pour partager ensuite les rencontres. Il a fini avec un pourcentage d'arrêts moyen (90,0%), mais meilleur que celui de Miska (89,3%). C'est pourtant l'Américain qui a joué les playoffs, sans avoir grand chose à se reprocher.

L'entraîneur Tom Pokel a conclu que la défense de Straubing - la plus faible des qualifiés en playoffs - n'était pas au niveau des ambitions du club. Derrière les stats impressionnantes de Brandt, les autres arrières ont été bien plus ordinaires. Comme les gardiens resteront, on observera leurs performances la saison prochaine derrière des lignes arrières remaniées.

 

Cologne (6e) : la meilleure première ligne

Après des années difficiles, le KEC a vécu une saison plus sereine en milieu de tableau. Il craignait pourtant la fin de saison régulière car il devait passer tout le mois de février à l'extérieur, faute de pouvoir caler le moindre match dans le calendrier de la Kölnarena, extrêmement occupée avec tous les spectacles et concerts à "rattraper" après la pandémie. Mais il a géré cette série de neuf déplacements avec un bilan positif, puis a écrasé Bietigheim (8-2) dans l'ultime match à domicile Il a ainsi obtenu in extremis une place dans le top-6, synonyme de qualification directe en quart de finale, alors qu'il a passé presque tout le championnat à une position plus basse.

En play-offs contre Mannheim, le retour de Cologne parmi les prétendants sérieux s'est confirmé. Il a mené deux fois en gagnant à l'extérieur, mais lors du troisième déplacement, il a mené 3-0 avant de se faire battre 3-4 dans une défaite crève-c ur. Mais à domicile, il a perdu trois fois, pâtissant peut-être d'un certain manque de repères pendant le mois passé ailleurs. Ce qui manque pour aller plus haut est très clair : la profondeur. Les Haie sont très dépendants de quelques cadres indispensables, comme le meilleur arrière du championnat Nick Bailen et le capitaine Moritz Müller en défense. Même dans les cages, le jeune gardien Mirko Pantowski ne s'attendait sans doute pas à jouer 80% du temps, sans menace de son concurrent germano-russe Oleg Shilin.

C'était encore plus flagrant en attaque. Le premier trio Maximilian Kammerer - Louis-Marc Aubry - Marcus Thuresson a été le plus prolifique de la ligue, avec des fiches supérieures à +30 play-offs inclus, mais les joueurs de quatrième ligne (Carter Proft, Alexander Oblinger) étaient à -16. Cela signifie concrètement que ceux-ci ont "gâché" la moitié de la contribution positive de la première ligne. Ce sont des chiffres dignes d'une autre époque, qui ne doivent plus avoir cours dans un club ambitieux. Cette faiblesse de fond de banc était connue, mais la déception fut sans doute plus grande encore de voir la troisième ligne avec un bilan négatif alors qu'elle était conduite par un duo (Landon Ferraro - Jon Matsumoto) qui avait été très bon la saison précédente. Si les cadres maintiennent le même niveau et sont mieux soutenus, le retour au sommet de Cologne pourra connaître une étape supplémentaire.

 

Düsseldorf (7e) : un entraîneur renvoyé malgré un bon bilan

Même si le dénouement fut identique, la DEG a connu une meilleure saison que la précédente. Le bilan défensif s'est nettement amélioré grâce au gardien norvégien Henrik Haukeland, rapidement adopté par le public de Düsseldorf. L'attaque est restée au même niveau, avec - fait unique dans la ligue - trois joueurs allemands comme meilleurs marqueurs : Philip Gogulla, Daniel Fischbuch et Tobias Eder. En play-offs, ils ont été devancés par un autre Allemand, le vétéran Alexander Barta, qui a brûlé ses derniers feux à 40 ans.

Il faut souligner de plus que Düsseldorf a perdu son défenseur numéro 1 Kyle Cumiskey qui s'est rompu les ligaments croisés dès la deuxième journée, puis son meilleur marqueur Brendan O'Donnell qui s'est déchiré le tendon d'Achille début novembre. Deux blessures graves pour la saison entière, c'est quand même un handicap lourd. Ils n'ont pas été remplacés, même si le joker finlandais Mikko Kousa a apporté une aide précieuse dans un rôle de défenseur offensif.

Il peut donc paraître étonnant dans ce contexte que l'entraîneur suédois Roger Hansson ait été viré. Sur le plan des résultats, on peut lui reprocher la gestion des moments-clés : la place dans le top-6 perdue d'un rien à la dernière journée, puis ce terrible match 5 du quart de finale à Ingolstadt où la DEG menait 6-3 avant de perdre en prolongation. Peut-être n'aurait-elle pas renversé la série, mais la chanson des Toten Hosen Hier kommt Alex aurait au moins pu retentir une dernière fois pour saluer Barta, contraint à une retraite à l'extérieur sur un match à l'issue terriblement décevante. La décision de se séparer de Hansson a été incomprise hors de Düsseldorf, mais elle résulte d'une analyse interne que seule l'équipe connaît. Le coach suédois ne n'a pas totalement convaincu. Peut-être voulait-on aussi laisser mûrir son adjoint Thomas Dolak qui lui succèdera. Mais la barre sera haute pour celui-ci, avec des Cumiskey et O'Donnell rétablis.

 

Bremerhaven (8e) : un capitaine impliqué mais un gardien égoïste

Leader de DEL au mois d'octobre, Bremerhaven est maintenant perçu comme un membre normal du haut de tableau, en dépit de toute hiérarchie budgétaire. Il a connu un bon début de saison, et pour une fois sans ligne forte, car son trio slovène n'était plus dominant sur le plan statistique. Cela signifie-t-il qu'on pouvait s'en passer ? Non. Quand Jan Urbas, revenu au jeu après une déchirure à la cuisse, s'est re-blessé au niveau de la flexion de la hanche, on a compris son importance car les Pinguins ont traversé une série de 10 défaites en 12 matches.

Alors que l'équipe était en crise, le gardien Brandon Maxwell en a rajouté une couche en sollicitant un départ pour une proposition en KHL. Le dédain de l'Américain envers la situation de son club actuel a agacé tout le monde car il n'y aurait eu aucun gardien à passeport allemand pour le remplacer en pleine saison. Bremerhaven ne s'est pas laissé faire : on n'a pas libéré le joueur vers la Russie, et puisqu'il faisait la mauvaise tête, on l'a payé deux mois sans qu'il joue, jusqu'à le laisser partir en Suède en janvier pour un salaire sans doute moins conséquent que les roubles qu'il aurait pu engranger. La défection de son concurrent a en tout cas bénéficié à Maximilian Franzreb, qui jouait moins jusque là mais qui s'est imposé en numéro 1 et a ainsi gagné sa place en équipe d'Allemagne.

Bien plus concerné par ce que traversait son équipe, le capitaine slovène Jan Urbas a dit à la presse de son pays qu'il avait vécu des moments difficiles en la voyant souffrir sans lui. Il a occupé de nouveau un rôle central dans la phase décisive. Il a inscrit 4 buts - dont 2 en cage vide - lors des deux rencontres de pré-playoffs contre Nuremberg. Mais malheureusement, au match 6 du quart de finale contre Munich, Urbas a aussi échoué deux fois tout seul face au gardien adverse. C'est toute l'attaque des Fischtown Pinguins qui a calé après avoir remporté les deux premières manches. Mais le seul fait d'avoir fait trembler le champion a impressionné : ce troisième quart de finale de suite reste remarquable pour le petit club d'Allemagne du Nord.

 

Nuremberg (9e) : ne surtout pas perdre le tempo

Même si certains experts la voyaient en danger de relégation, Nuremberg visait les play-offs, ne serait-ce que pour offrir de beaux adieux au doyen de la ligue Patrick Reimer, triple meilleur joueur de DEL qui a mis fin à une grande carrière immensément respectée - au point d'être récompensée par un prix européen remis par l'alliance des clubs. La performance de l'an dernier a été égalée en atteignant les pré-playoffs, ce qui a répondu en grande partie aux attentes.

Les Ice Tigers avaient un jeu de transition parmi les meilleurs de DEL, grâce à un rythme élevé et à des passes intelligentes en zone neutre. Toutes les lignes ont contribué à ce tempo caractéristique, du jeune et énergique quatrième trio Elis Hede - Danjo Leonhardt - Dennis Lobach jusqu'à la première ligne conduite par Gregor McLeod. Pour sa seconde année, celui-ci a moins gardé le palet et a mieux servi ses coéquipiers, devenant le véritable leader offensif de Nuremberg.

Mais dès que l'équipe perd ce rythme, elle est vite dominée et révèle alors ses failles dans sa zone. La défense - où on aura apprécié les premières apparitions de Maximilian Merkl à seulement 16 ans grâce à son très bon patinage et trajectoires intelligentes - manque de présence dans son enclave. Le gardien Niklas Treutle a décliné depuis qu'il n'y a plus d'entraîneur de gardiens, ce qui ne peut que susciter la réflexion au sein du club. Les axes de progrès sont donc assez identifiables.

 

Francfort (10e) : un promu qui brûle les étapes

Francfort a fait son retour en DEL de manière magistrale. Les bonnes performances dès le début de saison ont fait en sorte que la redescente ne soit jamais vraiment un danger. L'équipe a aussi épaté par ses ressources psychologiques et sa volonté inexpugnable : jusqu'au 4 janvier, elle a réussi 7 fois à égaliser après avoir sorti son gardien. Mais cela n'est plus jamais arrivé par la suite. Cette force mentale n'apparaissait plus quand le physique ne suivait plus. Les Löwen ont fini la saison à bout de souffle et n'ont pas existé lors des pré-playoffs (0-5 et 1-5 contre Francfort).

Un élément important a été perdu début février avec la blessure de Dominik Bokk : ce talent qui n'avait jamais percé a enfin atteint le niveau espéré, dépassant un point par match sur un premier trio très fort avec Brendan Ranford et le meilleur marqueur Carter Rowney. Bokk ne voulait pas être arrêté ainsi dans son élan, et s'il a mis les bouchées doubles pour revenir au dernier match, c'est aussi pour obtenir enfin sa place en équipe nationale. Sa réaction après sa mise à l'écart du camp de préparation fut désabusée : "J'ai mis 3 buts, je ne vois pas ce que je peux faire de plus." Mais quand on sait que sa fiche était de -4, on comprend la décision du sélectionneur. Bokk a franchi un camp en championnat, mais ne semble pas avoir la maturité internationale.

Dans tous les cas, Francfort ne devrait pas connaître le sort du précédent promu Bietigheim-Bissingen, dépouillé de ses hommes-clés après sa première saison et réduit à l'impuissance. Les Löwen ont su prolonger leurs deux éléments majeurs Rowney et Bokk. Ce sont même eux qui se montrent agressifs sur le marché des transferts, ce qui témoigne - espérons-le pour ne pas revivre le passé - de capacités économiques accrues.

 

Berlin (11e) : du titre au désastre

Cette onzième place met fin à 21 ans de présence sans discontinuer des Eisbären en play-offs. Mais c'est un moindre mal car le club avait un temps flirté avec les places de relégables. L'entraîneur Serge Aubin - qui ne pouvait pas être soudain devenu un incapable après deux saisons de champion - a aussitôt été prolongé malgré l'élimination. Cela a déclenché des critiques de "favoritisme québécois" qui visaient le directeur sportif Stéphane Richer et l'organisation du groupe AEG. Richer défend pour sa part le fait que son club ait eu le troisième meilleur bilan sur les 20 dernières journées.

Richer sait surtout qu'i porte une partie des responsabilités de l'échec par son recrutement. Le choix de deux puis trois jeunes gardiens n'a pas fonctionné. Nikita Quapp a été longtemps blessé et le Finlandais rajouté Juho Markkanen a été un flop retentissant. Tobias Ancicka a réalisé de meilleures performances en fin de saison, ce qui a permis aux Eisbären de finir tout près des play-offs, mais cela n'a pas suffi. Les Berlinois ont perdu sur tous les tableaux car Ancicka a souffert au cours de la saison et a choisi de partir (à Cologne). Élu junior de l'année, Bennet Rossmy a quant à lui signé pour la DEG. Le club de la capitale perd donc ses meilleurs jeunes et aggrave son déficit en la matière, n'ayant pas gardé grand chose sur quoi bâtir après cette saison noire.

L'absence de play-offs coûte évidemment très cher dans le budget, et elle ne pouvait absolument pas être prévue après deux titres consécutifs. Il va clairement falloir qu'AEG mette la main à la poche car Richer a décidé de faire le ménage dans son effectif. Il a racheté contre indemnité des contrats en cours de plusieurs leaders offensifs (Matt White, Kevin Clark) qui n'ont pas eu le leadership escompté. Et il a même dû faire annuler le contrat d'une recrue avant même qu'elle arrive : Ryan Olsen a tellement fait scandale par une longue suspension et un comportement douteux à Francfort que son arrivée à Berlin - qui avait déjà fuité - était impossible.

 

Schwenningen (12e) : Harold Kreis sifflé avant de devenir un héros national

Le directeur général Christoph Sandner a creusé sa propre tombe en annonçant dès l'automne qu'il ne prolongerait pas le directeur sportif Christoph Kreutzer à la fin de la saison. Même si les choix de Kreutzer ne faisaient pas l'unanimité auprès des supporters du club, ceux-ci ont trouvé la manière de procéder et de communiquer de Sandner très déplacée. Les propriétaires n'ont pas tardé à démettre Sandner avec effet immédiat et à rappeler Stefan Wagner, qui avait géré les Wild Wings à l'époque de la DEL2. Wagner s'est bien entendu avec Kreutzer, mais sans pouvoir le convaincre de rester. Il a choisi un autre défi à Augsbourg, où le sort serait favorable...

Le staff de Schwenningen devra donc changer intégralement puisque Harold Kreis a été embauché comme entraîneur national. Longtemps en discussion (après la défection soudaine du sélectionneur Söderholm en novembre), cette nomination a été rendue officielle le 30 janvier. Or, les Wild Wings ont ensuite perdu 7 de leurs 9 matches en février et laissé échapper la place en pré-playoffs qu'ils tenaient alors. Les supporters n'y ont pas vu une coïncidence et ont soupçonné Kreis d'avoir déjà la tête ailleurs et de s'être assuré d'être disponible à temps pour l'équipe nationale. Ils l'ont donc copieusement sifflé en fin de saison. C'est un reproche très injuste. Kreis est toujours resté aussi investi et a été très transparent avec les joueurs en les informant des négociations avec la fédération.

Si Schwenningen a encore raté les play-offs, c'est que tous les joueurs-cadres n'ont pas livré la marchandise. Le gardien Joacim Eriksson a été irréprochable, au point de recevoir une prolongation de trois ans jusqu'en 2026 (les dirigeants ont déclaré qu'ils n'auraient "fait une telle proposition à aucun autre gardien"). Les frères Spink ont été excellents, mais pas toujours soutenus en attaque. Malgré ses qualités techniques indéniables, le Letton Miks Indrasis n'a pas vraiment été le leader attendu et a fini avec une fiche catastrophique de -16.

 

Iserlohn (13e) : cheveux longs, résultats courts

Après seulement un mois (sept défaites en neuf matches), Iserlohn a - encore - opéré un changement d'entraîneur. Kurt Kleinendorst a été remplacé par Greg Poss, ancien sélectionneur allemand revenu - avec les cheveux plus longs - après de longues années passées en Floride en ECHL. Fin janvier, Greg Poss déclare d'ailleurs qu'il veut d'abord rentrer en Amérique, puis prendre sa décision de rester ou pas. Ces propos ne plaisent pas vraiment à un club qui veut de la visibilité, mais Poss prolonge finalement. Interrogé sur son bilan de saison, Poss situe le problème dans la mauvaise condition physique des étrangers, une pierre jetée dans le jardin de son prédécesseur Kleinendorst.

Les entraîneurs se sont tellement succédé que la critique du public s'est concentrée sur le manager Christian Hommel, peut-être maladroit quand il a dénoncé le manque d'implication de l'équipe sur le site internet du club. Une banderole a alors été déployée dans les tribunes : "une équipe professionnelle dirigée par des amateurs".

Il n'y a en effet pas eu de problèmes de vestiaire et de dissensions manifestes comme les années précédentes. Pour autant, les résultats restent décevants et provoquent fatalement une nouvelle remise en cause. Dès la fin de saison, 7 étrangers (dont le joker Anthony Rech) ont été annoncés sur le départ.

 

Augsbourg (14e) : relégué pendant 34 jours

Une équipe sauvée de la relégation par un entraîneur qu'elle a viré, c'est pour le moins original ! C'est bien ce qui s'est passé à Augsbourg. Le sélectionneur national britannique Peter Russell ne laissera finalement pas un si mauvais souvenir. Oh, bien sûr, son bilan sportif a été catastrophique, aucun doute là-dessus. L'équipe a demandé qu'on ne le renvoie pas à la trêve de novembre malgré la dernière place, mais les résultats ne se sont toujours pas améliorés et il n'a eu que six semaines de sursis. Son successeur Kai Suikkanen n'a pas fait mieux, dilapidant sa réputation de sauveur de mi-saison acquise à Bolzano. Le Finlandais n'a pas eu d'effet en critiquant le manque de virilité de son équipe. On notera au passage que c'est la seconde année de suite que le trophée du fair-play de l'équipe la moins pénalisée est remporté par une formation sportivement reléguée !

Russell avait entre-temps signé à Ravensburg en DEL2. Or il s'agit du club partenaire d'Augsbourg, qui lui prête des jeunes. Une idée a surgi avant la limite des transferts du 15 février : pourquoi ne pas lui céder des renforts, d'autant qu'il y a des joueurs surnuméraires en tribune à chaque match avec un effectif largement dimensionné. À défaut de gagner par lui-même son maintien, Augsbourg pourrait l'obtenir indirectement si Ravensburg était champion puisqu'il n'avait pas droit de monter. Les dirigeants souabes ont fait le choix de ne pas fausser le jeu et d'assurer déjà l'avant-dernière place qui laissait une chance de repêchage... Finalement, Ravensburg n'a eu besoin de personne pour gagner ! Les hommes de Russell ont ainsi sauvé son ancien club.

Entre le dernier match de la saison, joué à guichets fermés (le public souabe vraiment digne de l'élite y a fait une ola pour les adieux supposés à la DEL) et le maintien obtenu par les résultats inattendus des play-offs de DEL2, il s'est écoulé 34 jours. "Aussi stupide que cela paraisse, cela aurait peut-être été plus simple [de terminer dernier] du point de vue de la planification", a déclaré le directeur sportif Duanne Moeser dans le Donaukurier. Après le dénouement miraculeux, personne ne regrette l'attente. Ceux qui ont signé quand Augsbourg paraissait destiné à DEL2 - l'entraîneur Christoph Kreutzer ou les frères Elias qui sont natifs de la ville - officieront finalement en DEL !

 

Bietigheim-Bissingen (15e) : impossible de nier l'évidence

Comme on le craignait, la seconde saison a été bien plus difficile pour Bietigheim-Bissingen, qui a perdu les trois quarts de ses matches. L'euphorie de la montée est passée, et il était clair que les joueurs-clés n'avaient pas été remplacés, faute de moyens sans doute. En niant l'évidence, les dirigeants n'ont fait que se mettre le public à dos. Ce n'était pas la faute de l'entraîneur. Viré fin novembre de son poste de coach, Daniel Naud a été réembauché en février comme futur directeur sportif. Une forme de désaveu.

Deux semaines plus tôt, le directeur général Volker Schoch, celui que les supporters avaient pris en grippe, avait annoncé son départ en fin de saison. Schoch aura conduit le club à une domination au niveau inférieur puis à la montée en DEL. Mais il n'a pas réussi à élargir les ressources pour y rester. Son successeur sera le jeune Gregor Rustige (35 ans), diplômé d'un master de management sportif. Rustige dirige depuis neuf ans le club de base et sa reprise en mains de l'équipe professionnelle a pour objectif de renforcer les liens avec la structure amateur. Le directeur du hockey mineur Rupert Meister a d'ailleurs été nommé directeur du développement et de la stratégie, pour définir l'avenir avec Naud.

Il faut repartir d'une feuille presque blanche. Seuls quelques joueurs resteront après la relégation, comme le troisième gardien et héros de la montée Leon Doubrawa. La remontée immédiate ne paraît donc guère à l'ordre du jour.

 

 

Les clubs de DEL2

 

Premier : Ravensburg. Arrivé en cours de saison après son échec à Augsbourg (à la place de Tim Kehler), l'entraîneur écossais Peter Russell a amené une nouvelle motivation à l'équipe, mais aussi un système de jeu qui a su s'adapter aux adversaires. Les rivaux, eux, n'ont jamais trouvé la solution pour contrer une gâchette redoutable. Avec 17 buts en 17 matches, Robbie Czarnik a en effet dominé les play-offs de DEL2 comme on l'a rarement vu. Les adversaires successifs ont évidemment repéré ses one-timers du cercle gauche et ont bien essayé de les empêcher. Mais le buteur américain est aussi dangereux autrement, par ses tirs fulgurants du poignet dans l'enclave. Décisif dans ce titre, Czarnik a décidé de prolonger son contrat à Ravensburg, ville où il a rencontré sa femme, et c'est un signe fort pour pérenniser l'équipe... même si ce sera en DEL2.

C'est le troisième titre après 2011 et 2019 et le problème reste entier : la patinoire de Ravensburg ne répond pas - de peu d'ailleurs - aux critères exigés par la DEL il y a une quinzaine d'années. Le directeur sportif Daniel Heinrizi a remis en cause cette vieille règle des 8000 points sur les capacités minimales. Il a reçu le soutien du directeur de la DEL2 René Rudorisch, qui a fait valoir que la moitié des clubs de DEL ont une moyenne de spectateurs inférieure aux 4500 places exigées des promus... La remarque pertinente a trouvé un écho auprès du public, mais même si la course au gigantisme n'est plus aussi tendance, il est très improbable que la DEL change une règle qui arrange ses membres actuels.

 

Deuxième : Bad Nauheim. Une euphorie incroyable s'est emparée de toute une région lors des play-offs. Finaliste de deuxième division pour la seconde fois de son histoire (après 1999 où l'ECN avait s'était incliné aux pénaltys au match décisif à Essen), Bad Nauheim aurait pu vendre sans problème 10 000 billets lors de la finale. Cet engouement se traduit aussi de manière durable. On comptait déjà 1200 abonnés pour la saison prochaine, alors que la barre des 1000 n'avait été dépassée pour la première fois que l'an passé. Un bon signal alors que le projet de nouvelle patinoire avance.

Les Rote Teufel se sont surtout appuyés sur leur contingent de quatre étrangers, tous alignés en attaque. Et ce d'autant plus que Tobias Wörle, deux fois champion d'Allemagne, n'a pas participé à la belle aventure printanière : il a dû mettre fin à sa carrière à 38 ans après une opération de l'épaule en février. Mais Bad Nauheim a aussi compté dans ses rangs le meilleur jeune de DEL2 : pendant une brève absence sur blessure du cadre Christoph Körner, le jeune Fabian Herrmann (20 ans) a pris sa place sur le premier trio avec Taylor Vause et Jerry Pollastrone, et a inscrit 4 buts dans ses 6 premiers matches. Il est alors resté à cette place toute la saison. Avec Herrmann, Körner et les quatre étrangers (conservés pour la première fois dans l'histoire du club), le top-6 restera intact, mais Bad Nauheim devra apprendre à gagner sans un maillon essentiel de ses succès, le gardien Felix Bick, engagé par Krefeld qui a la possibilité de monter tout de suite.

 

Troisième : Kassel. Les Huskies avaient mis en place le staff le plus étoffé de DEL2, tout en restant fonctionnel en pratique. Les deux directeurs sportifs Hugo Boisvert et Manuel Klinge et le directeur général Joe Gibbs communiquent beaucoup entre eux. La composition d'équipe est optimale et les Huskies ont pratiqué le "hockey le plus attractif" de DEL2 selon le directeur de la ligue lui-même. Les louanges se sont multipliés toute la saison. Kassel a dominé la saison comme rarement, et sa montée devait être la conclusion évidente.

Mais cette trop grande avance était peut-être un piège. Sur leurs huit défaites en saison régulière, les Huskies en avaient concédé trois contre Weisswasser... qui était justement l'adversaire en quart de finale. Comme ils ont balayé les Füchse en quatre manches, on se disait que ce n'était pas un problème. La seule autre équipe à avoir gagné dans le temps réglementaire à Kassel était Bad Nauheim, rival de derby qui croisait de nouveau sa route en demi-finale. C'est la bête noire éternelle des Huskies, qui les avait déjà privés de montée en Oberliga et éliminé en quart de finale l'an passé. Le grand favori a craqué sous la pression qu'il s'est mis lui-même.

 

Quatrième : Krefeld. Arrivé en avril 2020, Sergejs Saveljevs aura consommé 5 entraîneurs en deux ans et demi ! Un seul joueur - Tom-Eric Bappert - aura survécu à son passage à Krefeld, dans ce qui était autrefois un club de jeunes fidèles. L'investisseur suisse annoncé à l'origine, et jamais vu, semble être une simple couverture. Même s'il s'était présenté comme simple conseiller, Saveljevs était en fait le véritable actionnaire majoritaire de la société "Save's AG" qui a racheté le club, apparemment grâce à l'argent de son épouse (héritière d'un groupe pharmaceutique en Lettonie). Il présente bien, parle avec éloquence et est toujours affable avec les journalistes locaux. Mais son omniprésence était épuisante, il se pensait compétent sur tout et se mêlait des compositions d'équipe. Début octobre, Saveljev a ainsi critiqué la répartition des temps de jeu trop déséquilibrée du coach suédois Leif Strömberg. Il remarquait que Nikita Shatsky (un chouchou pour qui il avait dépensé une licence d'étranger au grand désespoir des fans) jouait peu. Strömberg répondait poliment que c'est un joueur utile qui se sacrifie devant les tirs et qu'il le ferait progresser jusqu'aux play-offs. Strömberg fut viré - et remplacé par Peter Draisaitl - alors que l'équipe était classée quatrième.

Le chaos paraissait ne jamais devoir s'arrêter tant que Saveljev serait là. Ce fut donc un immense soulagement le 1er décembre quand Saveljevs annonça avoir vendu ses 80% de parts à l'entrepreneur local Peer Schoop. Apparemment, il avait voulu partir à l'intersaison mais n'avait pas de repreneur ; il a fallu le temps que l'expert comptable du club en trouve un dans ses contacts. À partir de cette date, Krefeld est redevenu un club normal. Draisaitl a pris la place de directeur sportif que s'arrogeait le Letton et a laissé les rênes de l'équipe à Boris Blank pour s'occuper à remettre d'équerre une équipe mal construite. Schoop a repris la gestion et constaté des bêtises économiques de son point de vue, comme la fameuse acquisition d'un car l'été dernier. Le déficit était de 650 000 euros avant les play-offs, qui ont heureusement amené des recettes providentielles. Il y avait plus de 8000 spectateurs au match décisif du quart de finale, un record de DEL2 hors match en plein air.

Krefeld a retrouvé son public et lui a fait un beau cadeau. Le jour du 20e anniversaire du titre de champion d'Allemagne, il a annoncé le retour au jeu de la légende locale, Christian Ehrhoff. Peut-être un pari sportif après cinq années de retraite (!), mais pas un risque financier. Ehrhoff ne revient sûrement pas pour l'argent : en raison des conditions de sortie de son contrat, les Sabres de Buffalo le paient encore 800 000 dollars par an par jusqu'en... 2028 !

 

Cinquième : Kaufbeuren. Leader début octobre, deuxième presque toute la saison, l'ESVK se croyait parti pour la meilleure saison de son histoire et est donc tombé de très haut. Il est tombé à la troisième place au tout dernier match de saison régulière après un week-end désastreux (1-8 à domicile contre Heilbronn à l'avant-dernière journée) et n'a pu enrayer la tendance qui était déjà négative depuis Noël. En quart de finale, Kaufbeuren a été balayé en quatre manches sèches et ne s'attendait pas à une fin aussi abrupte.

Le jeune gardien Daniel Fießinger, complimenté toute la saison pour sa stabilité et élu gardien de l'année en DEL2, a vu ses performances décliner brutalement : de 91,7% d'arrêts en saison régulière à 80,7% en play-offs. La meilleure équipe de la ligue en infériorité numérique est aussi devenue subitement la moins bonne ! Il ne s'agit pas de tout remettre en cause pour quatre rencontres, mais il est difficile de ne rien changer. Le club a donc décidé de "sacrifier" une licence d'étranger en défense en recrutant le relanceur canadien Jamal Watson pour l'an prochain. Pour autant, Kaufbeuren conserve encore le secret espoir de garder ses quatre attaquants étrangers. Si le physique Sebastian Gorcik arrive à faire valoir les origines bavaroises de la famille de sa mère pour obtenir un passeport allemand, il sera conservé. C'est ce qu'on appelle du suspense administratif.

 

Sixième : Dresde. Des trois clubs éligibles à la promotion, Dresde était celui dont la capacité réelle à monter sur la glace était la moins avérée. Il s'est pourtant pris au jeu. Il sa suffi que la place dans le top-6 soit menacée début février pour que l'entraîneur Andreas Brockmann soit viré. Son adjoint Petteri Kilpivaara a assuré l'intérim jusqu'à la fin de la saison. En quart de finale, les Eislöwen ont remonté leurs trois défaites initiales contre Krefeld et ne se sont inclinés qu'au septième match.

L'équipe a beaucoup changé en quelques années. Le point fixe en était Jordan Knackstedt, joueur de l'année la saison passée. Même s'il a été le meilleur marqueur de l'équipe, ce fut la moins bonne de ses cinq saisons. Son déficit de patinage devenait trop flagrant malgré ses qualités techniques et physiques et il n'a pas pesé sur les play-offs. La comparaison entre la fiche de Knackstedt (-4 en saison régulière et -4 en play-offs) et celle de l'ex-Lyonnais Tomas Andres (+21 et +4) est on ne peut plus claire et se passe de commentaires.

 

Septième : Landshut. Le powerplay à 5 attaquants - un choix tactique audacieux - a démarré très fort (47% après 4 journées) mais Landsut a fini sous les 20% dans ce secteur. C'est un exemple d'une saison en dents de scie, au cours de laquelle l'entraîneur Heiko Vogler a parfois vu son siège trembler. Pas du genre à céder, il a dénoncé les "Rambos de l'internet" qui mitraillent sur les forums

Le sujet chaud fut le poste de gardien. Le retour à la maison du gardien Sebastian Vogl s'est mal passé. Il a été sorti deux fois en cours de jeu à 0-4 (à Selb et contre Kaufbeuren)... pour voir son équipe gagne 5-4 et 6-4 avec deux doublures différentes ! Vogl n'arrivait tellement pas à trouver la forme que l'international slovène Luka Gracnar est arrivé en décembre. Il a stabilisé l'équipe et a sans doute été le meilleur joueur en play-offs quand il a poussé le futur champion Ravensburg à un septième match malgré un effectif réduit par les blessures. Le problème est que Vogl est toujours sous contrat la saison prochaine. Les supporters pouvaient toujours ostensiblement fêter Gracnar après l'élimination, il n'avait pas vocation à rester...

Ce ne sera pas la seule incompréhension avec les supporters. Les 100 000 euros de coûts de sécurité, dus au comportement agressif de certains ultras et à des incidents, expliquent la majorité du déficit annuel selon les dirigeants. Pour le combler, ils ont augmenté les abonnements de +15% à +50% ! Pas sûr que les affluences un peu décevantes de saison régulière (2904 spectateurs) s'améliorent malgré le regain de passion en play-offs. Si l'EVL veut à terme redevenir candidat à la DEL, il faudra qu'il trouve un compromis avec un public désireux d'ambitions élevées mais pas forcément prêt à faire les efforts en conséquence.

 

Huitième : Weißwasser. L'objectif des Lausitzer Füchse a été atteint : le "maintien anticipé", grâce à une qualification en playoffs. Les prêts des Eisbären de Berlin continuent de bien les aider, mais quand le gardien Nikita Quapp s'est déchiré la syndesmose de la cheville en tout début de saison, il a fallu recruter le gardien finlandais Ville Kolppanen et avoir ainsi cinq étrangers pour quatre places.

Le problème est surtout offensif : Weißwasser était l'avant-dernière attaque du championnat alors même qu'il comptait dans ses rangs le joueur de l'année Hunter Garlent, qui a participé à presque la moitié de ses buts (63 sur 131, puis 8 sur 16 en play-offs). Recruté en Suisse par Thurgovie, Garlent a recommandé personnellement son successeur Jake Coughler, un ami originaire de la même ville. Malgré ce départ du joueur-clé, cette saison tranquille conclue par un quart de finale conforte bien le club. Il a donc prolongé le capitaine Clarke Breitkreuz pour 4 ans, une durée de contrat très rare dans son histoire.

 

Neuvième : Fribourg-en-Brisgau. Les Wölfe ont réussi un début de saison étonnamment bon alors qu'ils alignaient au maximum trois étrangers (et souvent moins en raison de blessures). Le quatrième étranger n'a été recruté qu'en décembre quand l'équipe piquait du nez. Le manager Peter Salmik, d'origine slovaque, a utilisé les contacts avec les dirigeants de Nitra pour en faire venir le défenseur Michael Prapavessis (frère du joueur d'Angers) qui y était sous contrat mais n'y avait pas joué en raison d'une blessure au genou. Les performances individuelles de Prapavessis ont été bonnes et on a vite laissé filer le décevant attaquant slovaque Martin Reway.

Après une défaite humiliante à Bad Nauheim en février, Salmik a viré l'entraîneur Robert Hoffmann et l'a remplacé jusqu'en fin de saison. Il a assuré la place en pré-playoffs, perdus en trois manches contre Weißwasser. Un bilan honnête à l'économie. Il n'est guère possible d'envisager beaucoup mieux dans la vétuste patinoire de 1967, couverte en 1970, qui n'a plus le droit d'accueillir que 3500 spectateurs alors qu'elle en contenait 5100 à l'origine. Un dossier toujours au point mort avec la ville...

 

Dixième : Regensburg. L'entraîneur Max Kaltenhauser a prolongé jusqu'en 2026 en décembre alors que les Eisbären figuraient à une étonnante septième place. La seconde moitié de saison a été moins bonne, mais la dixième place a été assurée. Des pré-playoffs, et pas de playdown ! Objectif pleinement rempli puisque Kaltenhauser avait expliqué : "notre championnat, c'est le maintien".

Le promu a largement rempli son contrat et prouvé qu'il avait sa place dans cette division tout en gardant son identité. Il a cherché à gagner la possession et à faire le jeu, sans complexes, quel que soit l'adversaire. Aucun joueur vedette, mais un collectif toujours aussi soudé. Parce qu'il faut bien un chouchou des fans et un porteur du casque d'or de meilleur marqueur, ce fut Corey Trivino, qui a lui aussi prolongé dès le mois de décembre. Juste derrière, on retrouve le capitaine Nikola Gajovský est devenu le meilleur buteur de l'histoire du club. Un club qui sait bien que ce sera plus dur l'an prochain avec deux descentes, et qui se méfie.

 

Onzième : Crimmitschau. C'est l'action de la saison : le capitaine Patrick Pohl s'échappe, slalome entre trois joueurs et marque le but décisif à 16 secondes de la fin du match 5 du premier tour de playdown, qui aura été le dernier à domicile pour le plus grand bonheur des supporters puisque les Eispiraten se sont sauvés à l'extérieur au match suivant. Crimmistchau ne jouera donc pas en Oberliga... mais Patrick Pohl si ! Le deuxième marqueur de l'histoire du club n'a pourtant pas hésité à accepter une meilleure offre des Indians de Hanovre, un club de division inférieure !

Cet étonnant transfert est-il le signe que Crimmitschau atteint ses limites financières. Il ne semble pas, car le budget est en croissance ces derniers temps. Arrivé comme sponsor seulement à l'été 2022, Aufarkstrom deviendra le partenaire principal dès la saison prochaine, avec le plus gros montant de l'histoire du club. Il s'agit d'un fournisseur et installateur de panneaux photovoltaïques, ce qui est symbolique de la transition énergétique dans une ex-RDA plus connue pour la très polluante centrale à charbon près de Weisswasser...

 

Douzième : Selb. Pas au niveau jusqu'ici, les Selber Wölfe ont enfin été compétitifs pour leur troisième saison en DEL 2. Ils se sont véritablement mêlés à la lutte pour les pré-playoffs, ce qui était leur objectif avoué. Mais en perdant 12 de leurs 17 derniers matches, ils ont laissé filer cette position préférentielle et ont terminé en avant-dernière position. Ce n'est pas tant la perte de l'avantage de la glace qui était préoccupante (Selb a remporté plus de points à l'extérieur qu'à domicile) que le fait d'être en méforme au mauvais moment.

Les barrages de relégation avaient souri l'an passé face à Bayreuth, et l'on pouvait craindre une revanche dans une situation inversée au classement. Il ne valait mieux pas se retrouver dans une série à la vie à la mort face à une équipe larguée qui préparait cette échéance depuis des mois. Selb le savait parfaitement pour avoir été de l'autre côté, et a su éviter le pire en gagnant en six manches contre Heilbronn, moins préparé psychologiquement aux joutes pour le maintien. Mieux établi en DEL2, Selb a pu annoncer le recrutement d'un joueur légendaire : l'enfant du pays Frank Hördler, qui sera l'autre célébrité de DEL2 l'an prochain avec Ehrhoff.

 

Treizième : Bayreuth. La conférence de presse de présentation de l'entraîneur Rich Chernomaz et du directeur sportif Rainer Schan donnait une idée de la façon dont fonctionne le club de Bayreuth : le président Matthias Wendel, habillé dans une veste d'entraînement d'un rouge flamboyant, attirait la lumière et répondait aux questions comme un spécialiste du hockey pendant que les deux véritables experts qu'il avait recrutés restaient discrets. C'est un peu ça, Bayreuth, le club d'un seul homme, un modèle à l'ancienne qui masque les limites d'une patinoire qui n'est pas la priorité de la ville. Elle ne comprend même pas de vraie salle de musculation : les pros utilisent un ex-salon VIP sous la tribune en bois, les jeunes n'ont rien.

Ce modèle a failli complètement s'écrouler cette saison. Les grandes ambitions affichées ont été très éloignées de la réalité. Le recrutement de Petteri Nikkilä a été un flop retentissant : ce bon joueur de Liiga finlandaise n'était tout simplement pas fait pour un championnat de niveau bien inférieur où on demande aux étrangers de produire toute l'offensive. Il est retourné au HPK au bout de deux mois et a encore obtenu de meilleures stats en élite finlandaise qu'en DEL 2 ! Lanterne rouge sans espoir, Bayreuth s'est quand même sauvé lors du dernier tour de relégation de maintien, comme l'an passé. Ce fut ensuite le grand ménage : 19 départs, dont des joueurs sous contrat. Chernomaz et Schan restent néanmoins, et - a priori - Wendel s'est mis en retrait et laisse Schan rebâtir une équipe.

 

Quatorzième : Heilbronn. L'équipe la moins préparée à se battre contre la relégation est celle qui a oublié ce que ça faisait. Heilbronn avait déjà connu des sauvetages de justesse par le passé, mais ne s'attendait pas à jouer en bas de classement après la demi-finale l'an passé. Le changement d'entraîneur (Martin Jiranek a remplacé Jason Morgan fin décembre) n'a pas suffi à corriger le tir. Heilbronn a appelé avec l'aide comme autrefois le voisin et partenaire Mannheim, mais l'entraîneur Bill Stewart - pourtant récemment passé par Heilbronn - a refusé de céder ses jeunes même s'il n'a pas utilisé Tosto en fin de compte.

Dans l'équipe, il y avait trop de joueurs d'expérience qui ne s'engageaient qu'à moitié et ne paraissaient pas concernés (car ils se savaient sur le départ. Le vétéran de NHL Jeremy Williams (39 ans), meilleur compteur de DEL il y a quatre ans, a été accusé de léthargie et de faiblesse dans les duels - parce qu'il avait été surutilisé et cramé par l'ex-coach Jason Morgan ? Le meilleur marqueur Alex Tonge a horripilé par des passes risquées et des erreurs techniques. Heureusement qu'il existe l'exemple inverse : Frederik Cabana, lui, a accepté de rester au club malgré la relégation et de relever le défi de la remontée.

 

Promu d'Oberliga : Rosenheim. S'il y a une fragilité dans la pyramide du hockey allemand, c'est l'Oberliga, tiraillée entre des clubs ambitieux qui ne cessent de se renforcer pour décrocher l'unique promotion au niveau supérieur - si dure à décrocher - et des clubs vraiment semi-pros qui ne peuvent pas suivre cette escalade. Le nouveau règlement obligeant à n'avoir que 15 joueurs de 24 ans ou plus (étrangers inclus) ne règlera pas forcément le problème : les trois premières divisions ont des quotas de jeunes - calculés différemment mais les jeunes générations vont aller en diminuant avec le creux Covid...

Plus la saison avançait, et plus deux clubs se sont détachés comme deux grands favoris. Weiden a dominé la saison régulière. Son actionnaire principal Stefan Ziegler est aussi devenu sponsor de Nuremberg avec son groupe Ziegler en janvier. Cela a renforcé le partenariat entre les deux clubs avec la volonté de se faire prêter le grand espoir Roman Kechter pour les play-offs : néanmoins ce junior était encore trop tendre pour faire la différence.

Club bien plus connu dans le hockey allemand, Rosenheim, ancien champion dans les années 1980 avec un riche sponsor, a pour lui l'histoire, un environnement qui connaît le hockey, et une patinoire de plus de 5000 places. Deuxième du classement, les Starbulls n'ont cessé de se renforcer en cours de saison avec des hommes d'expérience. Leur entraîneur Jari Pasanen a officié pendant six ans en DEL à Iserlohn. Norman Hauner est arrivé directement de Bietigheim-Bissingen en octobre et il a été décisif en tant que MVP des play-offs. Mais la différence en finale s'est peut-être faite au poste de gardien grâce à Tomas Pöpperle, encore un ancien de DEL arrivé en cours de saison. Rosenheim est en théorie le promu le plus fort de ces dernières années... et il arrive l'année où il y aura deux descentes (pour repasser de 15 à 14 équipes, par ricochet un an après la DEL).

 

Marc Branchu

 

 

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