URSS - Canada (29 avril 1989)

 

Championnats du monde, poule finale, deuxième journée.

Les vainqueurs du premier jour se retrouvent face-à-face pour le titre mondial. Pour le Canada, ce serait le premier depuis 28 longues années. L'URSS se dit quant à elle que ce pourrait être le dernier dans sa configuration actuelle, avant que sa ligne-vedette s'éparpille outre-Atlantique.

Les équipes adoptent un jeu rapide et offensif, pourtant guère aidées par un arbitrage coulant qui laisse jouer alors que l'on accroche ou que l'on fait trébucher les attaquants dès lors qu'ils font la différence. Pour marquer, il faut donc non seulement passer le défenseur, mais le mettre tellement dans le vent qu'il ne puisse même pas commettre de faute ! C'est ce que fait Igor Larionov en dribblant Dave Ellett à la ligne bleue. Il file ensuite à droite du second défenseur Marois et place un tir du revers entre les jambières de Grant Fuhr, coupable sur ce but faible (1-0).

Les Soviétiques prennent alors le contrôle de la situation. Aleksei Kasatonov sert une excellente passe transversale pour Aleksei Yashin dans le cercle gauche, et en se couchant devant le tir, Mario Marois le dévie avec la crosse... sur le poteau. C'était l'avertissement... Les frais arrivent une minute plus tard.

Une passe trop peu précise de Scott Stevens est interceptée dans l'axe avant la ligne bleue par Ilya Byakin qui renvoie aussitôt le palet au fond. Igor Larionov le récupère et passe en retrait à Vladimir Krutov. Voyant l'ailier russe face à lui, Stevens choisit de se mettre à genoux et de faire l'éventail avec sa crosse. C'est sa seconde erreur dans la même action car le numéro 9 a la place pour le contourner et piéger Fuhr en deux temps (2-0, image de gauche). Le gardien canadien est ensuite tout heureux de capter de la mitaine une déviation de Sergei Nemchinov, qui avait réussi un sacré numéro pour arriver au but.

Le Canada est en souffrance, mais finit par réagir. Kirk Muller délivre une passe aveugle à Kevin Dineen dans l'enclave, mais le tir de celui-ci heurte le montant à mi-hauteur. Les blancs ont égalisé... mais seulement au nombre de poteaux ! Rassurez-vous, le but arrive. Scott Stevens prend le palet à Kamensky dans la bande en zone neutre, et Dale Hawerchuk relance vers Mark Messier qui échappe aux griffes de Vyacheslav Fetisov et dribble le gardien (2-1). Les Canadiens ne peuvent pas enchaîner car Bellows prend la première pénalité du match en retenant l'intenable Mogilny : l'URSS installe son jeu de puissance, Fetisov lance de la bleue et Larionov prend le rebond (3-1).

La deuxième période s'ouvre par un cinglage Makarov. Ce sont longtemps les Russes qui font la loi en infériorité, avec deux tirs de Bykov et Khomutov, mais sur la première action des blancs, Brian Bellows reprend une passe en retrait de Steve Yzerman (3-2). La quatrième ligne russe riposte aussitôt quand Sergei Nemchinov dévie à ras glace un petit centre de Dmitri Kvartalnov (4-2, image de droite). Un but totalement inattendu. L'URSS semble de nouveau souveraine. Aleksandr Mogilny épate le Globen avec un 360° du revers autour de la cage, mais Dave Ellett dévie de justesse son tir.

Quelle que soit la ligne sur la glace, les Russes ne quittent pas la zone offensive... jusqu'à cette magnifique passe de ce même Ellett qui envoie Glenn Anderson en breakaway dans le dos de Konstantinov. Le quadruple vainqueur de la Coupe Stanley ne conclut pas (29'23"), mais l'action marque une rupture dans la physionomie du match. Larionov retient le bras de Muller, et le second jeu de puissance canadien est largement meilleur dans la manière... mais moins efficace dans le résultat. L'avantage numérique est raccourci quand Mark Messier rabat sa crosse sur la tête du gardien dans une tentative de déviation. Le Canada garde une bonne dynamique. Aleksei Gusarov doit intercepter in extremis une passe sûrement décisive à 2 contre 1. Finalement, c'est Kirk Muller qui conclut cette bonne phase canadienne par un tir entre les cercles, à mi-hauteur côté plaque (4-3). Ellett se couche devant un centre de Larionov pour Makarov dans les dernières secondes, et les blancs s'accrochent toujours avec un seul but de retard.

L'URSS tente de contrôler le palet au troisième tiers, mais le Canada reste dangereux, notamment quand Glenn Anderson feinte le tir et cherche en fait une déviation de son capitaine Dale Hawerchuk qui passe à moins de dix centimètres du poteau. Lorsqu'on atteint les dix dernières minutes, les Nord-Américains accentuent la pression dans les bandes, mais Kasatonov indique tout de suite que les Soviétiques sont prêts à répondre à ce jeu. Les Canadiens se heurtent à une défense solide. Et quand ils sortent leur gardien, Marois manque le palet et Messier se fait contrer. Le jeune Sergei Fedorov lobe alors le dernier défenseur pour faire retomber le palet dans les filets déserts (5-3).

L'Union Soviétique est championne du monde avant même cette dernière journée, et après cette neuvième victoire consécutive, sa supériorité ne fait plus aucun doute. Les fissures survenues au sein du système de Tikhonov face aux départs programmés "à l'ouest" n'ont pas déréglé la belle machine, d'une homogénéité à toute épreuve. La KLM a certes marqué trois buts pour ses "adieux en or", mais les quatre lignes ont été dangereuses, à l'instar des épatants Mogilny et Nemchinov qui prouvent que les Russes ont encore un avenir. Le Canada n'a pas pu tenir ce rythme. Sa propre quatrième ligne McBain-Ferraro-MacLean s'annonçait forte sur le papier, puisque ces joueurs ont marqué 120 buts à eux trois cette saison en NHL et ont une bonne réputation défensive, mais elle a totalement subi le jeu sur ses rares présences ce soir. Réduit de fait à trois blocs, le Canada s'est accroché durant toute la partie, parvenant à chaque fois à marquer quand on le sentait dériver, mais il n'a jamais paru en mesure de prendre l'avantage.

Étoiles Hockey Archives : *** Aleksei Gusarov / ** Igor Larionov et Brian Bellows / * Sergei Nemchinov et Aleksandr Mogilny

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Viktor Tikhonov (entraîneur de l'URSS) : "Aujourd'hui, je ne ressens rien d'autre que du bonheur. Peut-être parce que cette saison a été très dure pour moi. Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de connaître ce que j'ai vécu. Le conflit avec les joueurs m'a beaucoup coûté. Je ne suis pas fait d'acier, vous savez. [...] Si [les joueurs de la première ligne] veulent partir, ils peuvent le faire. Ils décident pour eux-mêmes. Les autorités ne les bloqueront pas. Il est temps d'effectuer un changement de génération dans notre équipe de hockey. À mes yeux, les anciens joueurs sont finis et les jeunes doivent prendre le relais. J'étais plus nerveux à propos de mon équipe et de l'opposition que dans n'importe quel autre tournoi précédent. Je suis content des jeunes Fedorov et Mogilny, mon seul regret est de ne pas avoir aussi emmené Pavel Bure, même s'il n'a que 17 ans."

Vyacheslav Fetisov (défenseur de l'URSS) : "Les jeunes talents de mon pays sont bons et les succès devraient se poursuivre. Mais je ne suis pas sûr du tout que le coach puisse aider les jeunes joueurs à réaliser leur potentiel. Tikhonov a dit qu'il entraînerait l'équipe à 100 ans. Prétendrais-je qu'il ne dit pas la vérité sur tous les sujets ? Je ressens quelques sentiments négatifs parce que ce devrait être un moment heureux pour nous. Nous avons fait de très belles choses ensemble, mais maintenant il est temps pour un autre groupe de jeunes de prendre la suite comme nous l'avons fait autrefois. Je suis très satisfait du résultat compte tenu de tout ce qui est arrivé. Je pense avoir plutôt bien joué avec seulement deux semaines de préparation. Ce n'était certainement pas mon plus mauvais championnat du monde."

 

URSS - Canada 5-3 (3-1, 1-2, 1-0)
Samedi 29 avril 1989 à 19h30 au Globen de Stockholm. 13643 spectateurs.
Arbitrage de Rob Hearn (USA) assisté de Sven-Olof Lundström et Anders Ekhagen (SUE).
Pénalités : URSS 4' (0', 4', 0'), Canada 4' (2', 2', 0').
Tirs : URSS 29 (11, 11, 7), Canada 22 (5, 10, 7).

Évolution du score :
1-0 à 07'13" : Larionov assisté de Byakin
2-0 à 11'26" : Krutov assisté de Kvartalnov
2-1 à 16'38" : Messier assisté de Hawerchuk
3-1 à 18'15" : Larionov assisté de Fetisov (sup. num.)
3-2 à 21'52" : Bellows assisté d'Yzerman (sup. num.)
4-2 à 23'32" : Nemchinov assisté de Kvartalnov
4-3 à 37'35" : Muller assisté d'Ellett et Ashton
5-3 à 59'24" : Fedorov (cage vide)

 

URSS

Attaquants :
9 Vladimir Krutov (+3) - 11 Igor Larionov (+3, 2') - 24 Sergei Makarov (A, +1, 2')
13 Valeri Kamenski (-2) - 27 Vyacheslav Bykov (-2) - 15 Andrei Khomutov (-2)
25 Sergei Yashin - 29 Sergei Fedorov (+1) - 10 Aleksandr Mogilny
8 Yuri Khmylev (+1) - 12 Sergei Nemchinov (+1) - 18 Dmitri Kvartalnov (+2)

Défenseurs :
2 Vyacheslav Fetisov (C, -1) - 14 Valeri Shiriaev (-1)
22 Vladimir Konstantinov (+2) - 7 Aleksei Kasatonov (+2)
6 Ilya Byakin (+1) - 5 Aleksei Gusarov (+1)

Gardien :
1 Sergei Mylnikov

Remplaçant : 20 Arturs Irbe (G). En réserve : 30 Vladimir Myshkin (G), 3 Svyatoslav Khalizov, 21 Aleksandr Chernykh (tête).

Canada

Attaquants :
11 Kevin Dineen - 9 Kirk Muller (A) - 7 Brent Ashton
22 Mark Messier (-1, 2') - 10 Dale Hawerchuk (C) - 18 Glenn Anderson (+1)
17 Gerard Gallant (-1) - 19 Steve Yzerman - 23 Brian Bellows (-1, 2')
20 Andrew McBain (-2) - 27 Ray Ferraro - 15 John MacLean (-2)

Défenseurs :
2 David Ellett - 44 Mario Marois (-2)
8 Randy Carlyle - 5 James Patrick
26 Scott Stevens (-2) - 24
Dave Babych (-1)

Gardien :
33 Grant Fuhr

Remplaçant : Sean Burke (G). Surnuméraires : 31 Peter Sidorkiewicz (G), 3 Kenneth Daneyko, 16 Pat Verbeek.

 

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