Le Club des Patineurs de Paris

 

L'effervescence soudaine du week-end de Noël 1897 - le Noël du hockey - compte un grand absent : le Club des Patineurs. Pour ne pas se faire dépasser par la publicité donnée au Hockey club de Paris et à ses nouveaux émules, il communique néanmoins dans les journaux au même moment pour annoncer qu'il a fait aménager le terrain du Vélodrome des Pistes Fleuries (1 place Villiers à Levallois-Perret), et qu'il a signé un traité de 3 ans avec le directeur du vélodrome (Trousselier) pour que les membres du club aient l'accès gratuit à cette patinoire en périodes de gelées.

Ces négociations avec les responsables de patinoires, c'est l'essence même de ce Club des Patineurs. Son assemblée générale constitutive s'est tenue le 20 février 1896 au domicile de Lucien Tignol (93 rue du Bac), son premier président. Il compte déjà plus d'une soixantaine de membres lorsque son existence est officialisée par l'autorisation du préfet de police le 25 mars. À l'été 1896, Tignol part "aux colonies" et le trésorier du club Ben de Tuault lui succède à la présidence, récupérant chez lui le siège social du club, qui ne se déplace que de quelques centaines de mètres, au 3 rue de Lille, toujours dans le VIIe arrondissement.

Le but du club est de regrouper les passionnés du patinage (qui n'avaient pas attendu les patinoires artificielles pour s'adonner à leur passion sur les lacs des environs en défiant les risques et la police). L'initiative est vue d'un œil bienveillant par les propriétaires des patinoires, qui, plutôt que de se méfier de cette coalition de leurs clients, voient vite l'intérêt que cela peut avoir dans le développement de leurs activités. Les membres du club obtiennent ainsi une réduction de moitié de l'entrée au Pôle Nord (1 franc au lieu de 2) et également un rabais au Palais de Glace (2 francs au lieu de 3 ou 5 suivant l'horaire). Ce sont les frères Auger, bijoutiers, qui dessinent les premières cartes de membres.

Le Club des Patineurs organisera peu à peu en son sein plusieurs disciplines : des épreuves de figures (huit, ...) où le plus habile est souvent un certain Louis Magnus, qui a rejoint le club en 1897 à seulement seize ans, des courses de vitesse, mais aussi tout un ensemble d'activités regroupées sous le nom de gymkhana, et qui ont des abords moins sérieux. Elles comprennent par exemple des concours de patinage en arrière, mais aussi cette épreuve plus loufoque où un équipier tient par les pieds un complice qui avance en plaçant ses mains dans les patins...

Couturier, pionnier

Après ces jours bénis de Noël 1897, le hockey sur glace parisien est retourné à une période de vaches maigres. La fermeture du Pôle Nord en 1898 n'a laissé qu'une seule piste accessible aux patineurs, le Palais de Glace. Les heures y sont précieuses et les patineurs n'y sont pas les bienvenus. Les passionnés gagneraient à s'unifier pour parler d'une seule voix. Justement, en décembre 1902, le Club des Patineurs organise un match public de hockey sur le lac d'Enghien en collaboration avec le journal L'Auto-Vélo et les joueurs issus de l'ancien Hockey Club de Paris, sorti en sommeil avec deux rencontres quelques jours plus tôt au même endroit. Le dégel annule ce match, mais Henri Couturier, dit "Dickard", demande dans la foulée l'intégration au sein du Club des Patineurs, qui devient alors "de Paris" sur la requête des hockeyeurs.

Cycliste qui a commencé à se faire un nom le 27 juillet 1890 en remportant la course des juniors sur le vélodrome de Thoune en Suisse, Henri Couturier, né en 1872 à la Flèche dans la Sarthe, a suivi son père normalien installé à Versailles comme inspecteur dans l'éducation. Étudiant en droit, il était membre du Cycle Amateur Versaillais dans les rangs duquel s'est formé le Hockey Club Versaillais. S'il n'était qu'un joueur parmi d'autres fin 1897, "Dickard" est maintenant le capitaine du HCV, l'âme du hockey français, qui "bondit sur le palet tel un tigre" mais qui a surtout su dans le cas présent bondir sur l'occasion de rejoindre une structure permettant l'essor de ce sport.

Ils sont dix à rejoindre le CP à la faveur de la fusion avec le Hockey Club de Paris le 29 janvier 1903. Outre Couturier, on recense là Paul Wasse, l'âme du HCP, et huit noms nouveaux qui n'apparaissaient pas cinq ans plus tôt : Armand Rischmann, Georges Bauer, Georges Codoni, Édouard Malaret, Édouard Blondel la Rougery, Charles Flamand, Louis Méline et Albert Parenty. L'équipe de hockey du CPP adopte dans un premier temps une tenue entièrement noire... issue de celle du HCP (qui était définie ainsi cinq ans plus tôt : maillot noir avec initiales bleues sur écusson rouge, culotte blanche). Le mauve et blanc propre au Club des Patineurs supplantera bientôt ce noir.

La nouvelle équipe part immédiatement pour Lyon - l'autre ville de France avec un Palais de Glace et des hockeyeurs - mais seuls quatre joueurs se déplacent, "Dickard", Flament, Marx et Malaret. Les Rhodaniens sont obligés de prêter trois joueurs pour que ce premier match Paris-Lyon puisse se tenir. Les Parisiens rentrent chez eux et se préparent plus sérieusement pour le match retour. D'ores et déjà, il n'y a plus qu'un seul ancien du HCP, Couturier lui-même.

Ces premières rencontres sont un déclencheur car le directeur du Palais de Glace des Champs-Élysées, M. Maringer, leur accorde deux créneaux de glace hebdomadaires, le mardi et le vendredi entre 21h et 21h20. Quand le nouveau CPP retourne dans l'ex-capitale des Gaules quelques semaines plus tard, il a pu cette fois s'entraîner et dispute deux vraies rencontres, dont sa première victoire. L'effectif devient vite conséquent, voire pléthorique, le hockey est agréable à pratiquer et attire du monde à chaque séance. Le problème est cependant le manque de cohésion de l'équipe, déjà flagrant face à des Lyonnais au jeu collectif plus élaboré.

Le Club des Patineurs de Paris a très vite adopté ce nouveau sport comme sien et le pratique avec ses propres joueurs. Lors du second déplacement à Lyon, il n'y déjà plus d'anciens du HCP, sinon le Versaillais Henri Couturier. Et encore, on ne recensera plus celui-ci dans les équipes du CPP les années suivantes. La pratique du hockey sur des patinoires artificielles de dimensions limitées ne l'intéressait peut-être pas ? Couturier continue de jour à l'occasion des hivers rudes, il est photographié lors d'un gala face à un certain Barlett en 1907 (sur cette photo, Couturier, c'est le barbu à droite).

Les lacs parisiens continuent en effet d'être utilisés pour des représentations publiques de hockey. Le 3 janvier 1904, à l'occasion de la fête du journal L'Auto, un match de hockey en plein air est organisé conjointement avec le CPP. Les "rouges" (capitaine Luntel) y battent les "bleus" (capitaine Magnus) par 5 à 4, et tous les illustrés sportifs prennent des photos de l'évènement. Grâce à la large circulation des images, le hockey sur glace occupe les conversations parisiennes pendant une semaine. Le succès est tel qu'une nouvelle fête est prévue le dimanche suivant, mais comme à l'accoutumée quand on se met à faire des préparatifs de ce genre, le gel n'est pas au rendez-vous.

Le hockey sur glace continue donc de se pratiquer essentiellement sur les pistes exiguës des Palais de Glace de Paris et de Lyon. Que les jolies montagnes représentées sur les photos prises ci-dessus par La Vie au Grand Air ne vous y détrompent pas : regardez les ombres des joueurs par rapport à l'ensoleillement de l'arrière-plan. Ces sommets enneigés et ces sapins sont en fait un décor du Palais de Glace des Champs-Élysées.

Premières rencontres internationales

En mars 1905, le CPP participe à ce qui est parfois considéré comme le premier match international à caractère officiel de l'histoire, libellé "Belgique-France". Il oppose en fait un club bruxellois, la Fédération des Patineurs de Belgique (FPB), au Club des Patineurs de Paris. C'est Édouard "Roby" Malaret, un Français qui évoluait en Belgique et avait joué avec la FPB avant de revenir à Paris, qui est à l'origine de ce rapprochement. Il marque les seuls buts de l'équipe française qui est battue à deux reprises (3-0 et 4-2). Ce déplacement à Bruxelles est l'évènement de l'année pour le CPP, et il n'est pas anodin sur le plan comptable. Il lui a coûté 280 francs sur un budget qui avoisine les 2400 francs.

Le hockey sur glace devient la grande affaire au sein du CPP, contribuant à la multiplication de ses adhérents (qui passeront de 20 en 1904 à 300 en 1909). À partir de la saison 1905/06, le club tient des réunions deux fois par mois (de novembre à mars), où le clou de spectacle est souvent le hockey, qui attire chaque semaine de nouveaux initiés. On en vient ainsi à constituer quatre équipes. Les A et B sont fixes, les C et D sont parfois déterminées sur place en fonction des présents, et parfois établies à l'avance. À titre d'exemple, lors de la deuxième réunion du club le 19 novembre 1905, les équipes étaient composées comme suit. Il est à noter que la majorité des joueurs cités ont commencé le hockey au cours de cette année 1905, celle de la croissance du club, le plus souvent dans les semaines qui ont précédé.

Équipe A (à revers bleus) : Édouard Malaret sous le pseudonyme de E. Jeack (engageur), Louis Magnus [cap], Maurice Del Valle (avants), Jean de Francia (demi), Robert van der Hœven, Gabriel Carranza y Loya (arrières), Charles Sabouret (but).

Équipe B (à revers rouges) : Alfred Ricard (engageur), Robert Lacroix, Léon Demanest (avants), Jean de Montrichard [cap] (demi), Émile Gariod, André Pipaud (arrières), Édouard Brisson (but).

Équipe C (à revers verts) : Édouard Blondel la Rougery [cap] (engageur), Gaston Vincent, Wessbecher (avants), Paul Ruinat de Gournier (demi), Robert Miroude, E. Roussel (arrières), René Weiler-Fischer (but).

Équipe D (à revers oranges) : Gérald Hounsfield [cap] (engageur), Raymond Mézières, Jean Dufayet (avants), Nicolas Yankoloff (demi), Pierre Del Valle, Gaston Lefebvre (arrières), Léon Saulnier (but).

Une petite parenthèse sur ce Raymond Mézières qui n'a fait qu'un passage discret comme joueur : sa mère Blanche est une héritière de la maison "Félix Potin" et il est donc cousin de Jean Potin, qui présidera le successeur du CPP dans les années vingt et offrira une Coupe à son nom. Jean, dont le fils Philippe sera à l'origine du renouveau du hockey français dans la seconde moitié du siècle en présidant l'ACBB puis en fondant Grenoble...

On remarque que les formations comprenaient alors un joueur de plus qu'aujourd'hui, un "demi" placé entre les trois avants et les deux arrières. Au milieu de l'attaque, celui qu'on appellerait aujourd'hui joueur de centre se dénommait "engageur", car le rôle de prendre les mises au jeu lui était dévolu. Ces engagements se faisaient alors d'une manière héritée du hockey sur gazon, en frappant trois fois la glace et trois fois la crosse adverse avant de jouer le palet.

Tenue correcte exigée

Les buts faisaient 1,50 m de large et étaient représentés par des poteaux de 1,25 m de haut. La ligne reliant les sommets de ceux-ci était encore imaginaire, même si la barre transversale allait bientôt apparaître. Un "tiers arbitre" placé derrière chaque but était chargé de dire si le palet était rentré ou pas. Le silence était de rigueur, seul le capitaine était en droit de contester la décision de l'arbitre, et il le faisait simplement en levant la main, signifiant ainsi qu'il poserait une réclamation après la partie, qui durait trente minutes (plus une prolongation éventuelle de dix minutes, plus une seconde prolongation de trente minutes).

Le code vestimentaire était extrêmement précis. Chaque joueur, qui était aussi tenu d'arriver avec sa crosse car le stock du club était limité, devait se présenter vêtu d'une culotte noire boutonnant en dessous du genou ("pour éviter le spectacle des plaies et bosses aux âmes sensibles", sera-t-il répondu à un chroniqueur railleur de L'Écho des Sports qui s'interrogera sur cette règle), d'une chemise blanche et mauve, et de bas noirs avec des revers aux couleurs de son équipe. Les écharpes, admises compte tenu du froid, doivent obligatoirement être ceintes, et des amendes sont prévues en cas d'infraction à cette règle.

Le règlement mentionne également que les joueurs doivent obéissance à leur capitaine, mais cela ne se fait pas toujours sans heurts. Ainsi, dès décembre, une pétition des joueurs de l'équipe B demande la destitution de leur capitaine Alfred Ricard, qui est alors remplacé dans ce rôle par Jean de Montrichard.

Unification française et victoire contre les Anglais

La saison 1905/1906 marque le véritable décollage du hockey sur glace en France, en particulier parce qu'elle marque l'adoption définitive des règles canadiennes. Cela ne s'est fait non sans polémique. La commission de patinage de l'Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques (USFSA) - l'équivalent de l'actuel ministère des sports - a fait son règlement de hockey sur glace en s'appuyant sur le Club des Patineurs, mais sans tenir compte des règles utilisées à Lyon. La presse rhodanienne hurle au jacobinisme, alors que les Lyonnais ont développé le hockey depuis plus longtemps. Le délégué lyonnais Knœri de Fernex vient à Paris en décembre 1905 pour une longue réunion et fait modifier les règles pour y introduire les crosses canadiennes et les palets ronds, alors que le CPP jouait encore avec des crosses recourbées de hockey sur gazon et avec de lourds palets carrés de bois lestés de clous. Les Parisiens ne seront pas les plus en retard : quand la Suisse romande se convertira aux palets canadiens, Grindelwald (Suisse centrale) utilisera encore les palets carrés, pendant les stations des Grisons continuent de jouer avec une balle...

Le mois suivant, en janvier 1906, trois étudiants américains rejoignent le CPP : Walter Sykes, Rudolf de Wardener et Henri Coit. Ils ont la particularité d'être tous trois de très grande taille pour l'époque à 1 mètre 85. Ils vont aider les Parisiens à se familiariser avec le jeu canadien et ils vont nettement améliorer le niveau de l'équipe. Le Club des Patineurs obtient ainsi une victoire face au Prince's Club de Londres, le club-référence en Europe pour le hockey canadien, qui battait systématiquement toutes les équipes françaises depuis sa première venue au Pôle Nord près de dix ans plus tôt.

Le persuasif Louis Magnus

Deux hommes occupent une place essentielle dans le développement du hockey au sein du CPP. En premier lieu, Louis Magnus. Né à Kingston (Jamaïque) de parents français, revenu à Paris à l'âge de huit ans, le petit moustachu a commencé à patiner en classe de quatrième, dans la cour du Collège Stanislas. Il fréquente à cette époque le Pôle Nord le dimanche, et s'y amuse à faire ce qu'il appelle des "chichis", c'est-à-dire à patiner et sauter à toute allure au milieu des patineurs sans en toucher un seul. En 1899, après avoir passé son bac philo, Magnus pratique quotidiennement au Palais de Glace pendant les 180 jours d'ouverture annuels. Il devient presque un meuble de l'édifice, et dans les soirées parisiennes, on ne lui parle plus que de patinage. Il s'investit progressivement dans le CPP jusqu'à devenir l'homme-orchestre du club. Il est surtout son trésorier redoutable, qui n'a pas son pareil pour faire rentrer cotisations et arriérés de retard. Peu à peu, le quintuple champion de France de patinage de figures, qui n'en a découvert que trop tard les règles et conventions pour être compétitif au niveau international, consacre surtout sa force de persuasion et son énergie au hockey sur glace, une activité annexe qui devient vite sa passion.

Le second homme-clé dans les progrès du CPP, c'est Robert Planque, un des pionniers du hockey en France, un boute-en-train amateur de calembours et de bières munichoises. C'est en effet lui qui dirige les entraînements qui ont alors lieu le lundi et le jeudi de 20h45 à 21h15 au Palais de Glace des Champs-Élysées. Durant ce laps de temps, quinze minutes pour les équipes A et B puis quinze minutes pour les équipes C et D, il s'occupe de mettre en place un embryon de jeu collectif.

Le Club des Patineurs de Paris ne se contente pas des patinoires parisiennes et des lacs gelés des environs (Enghien, Ville d'Avray), il organise aussi des excursions dans les stations hivernales. Vers le Nouvel An 1906, le jeune marié Louis Magnus (il a épousé Esther Nahmias le mardi 19 décembre 1905 à l'église Saint-Pierre de Chaillot) se rend avec sa femme et d'autres membres du club à Davos, la Mecque suisse des Sports d'Hiver.

Le couple emménage dans un appartement plus grand, et Louis Magnus quitte donc le Square Saint-Ferdinand (XVIIe) pour le 26 rue de La Trémoille (VIIIe)... à deux pas du Palais de Glace, évidemment ! Son nouveau domicile fait office de siège social du club (et ultérieurement de la fédération internationale), car c'est là que les adhérents doivent envoyer leurs cotisations pour ne pas être impitoyablement rayés des listes. La simple mention des adresses aura suffi à le prouver, nos amis ne sont pas de condition modeste. Le CPP ne s'en cache pas, le patinage est une passion onéreuse, et il considère donc que sa mission n'est pas de le populariser mais de le développer parmi ceux qui en ont les moyens.

Déjà à l'époque, les renforts étrangers sont particulièrement prisés dans la poignées de clubs européens, puisque le hockey était très implanté en Amérique du Nord et encore balbutiant en Europe. Pendant les séances publiques du Palais de Glace, certains dirigeants du CPP accostent ainsi tout individu ayant un accent étranger ou "ayant l'air" américain, même s'il s'avère le plus souvent que celui-ci n'a jamais joué au hockey de sa vie !

Premier championnat et premier match féminin

Mais le CPP s'intéresse également au développement du sport en France et dans le monde. Au moment où il accueille avec satisfaction la nouvelle de l'ouverture du Palais de Glace de Nice (piste de 40 x 20 m) le 9 février 1907, le club est invité par son tout premier président - souvenez-vous - Lucien Tignol. Celui-ci est désormais installé à Chamonix, et il s'est porté candidat à l'organisation du championnat de France 1908.

Le premier championnat de France de hockey sur glace, sous l'égide de l'USFSA, vient en effet d'être joué à Lyon, et on pense déjà à celui de l'année suivante. La délégation du Club des Patineurs, emmenée par Louis Magnus et sa femme, repart enchantée de la station de Haute-Savoie, qui a le potentiel pour devenir un petit Davos français.

La semaine des sports d'hiver 1908 est attribuée à Tignol et à Chamonix. Elle voit Louis Magnus s'illustrer en patinage de figures dans la tenue mauve et blanche du CPP (photo). Le championnat de France de hockey, sur une piste en plein air de 50 mètres sur 33, est remporté par les Parisiens qui prennent leur revanche sur le SC Lyon. Le club de tous les records du hockey français, le HC Chamonix, sera fondé deux ans plus tard, en 1910.

L'année 1908 sera aussi le théâtre d'un autre évènement, le premier match de hockey sur glace féminin organisé en France, entre membres du CPP. En lever de rideau du match de gala CP Paris - SC Lyon du 9 février, ces dames disputent le "Challenge Savoye". Les "bleues" battent les "rouges" 1 à 0 lors de cette rencontre historique. Les capitaines des deux équipes féminines sont Madeleine Naudin et Esther Magnus. Pourtant, on ne peut pas dire que le Club des Patineurs était un pionnier de l'égalité des sexes. Certes, il tolérait les femmes en son sein, mais pour être admises elles devaient avoir quatre parrains à l'intérieur du club, contre deux seulement pour les hommes. Et surtout, les femmes devaient obligatoirement être les épouses, mères, filles ou sœurs d'autres membres du club, il était donc hors de question qu'elles soient émancipées.

Promoteur d'une fédération internationale

À l'époque, se déplacer signifie aussi s'habituer à une glace différente, non seulement par sa qualité mais aussi par ses dimensions. Piste elliptique de 33 x 30 m à Paris, piste hexagonale de 50 m à Lyon, piste - ou plutôt couloir - de 60 x 16 m à Londres, piste rectangulaire de 30 x 15 m à Bruxelles, le hockey sur glace doit s'adapter aux conditions existantes, y compris les plus farfelues, faute de disposer des glaces aussi grandes qu'il le voudrait. Mais il n'y a pas que ça.

Les règles ont certes été unifiées en France à l'initiative des Lyonnais. Elles correspondent à ce qui se pratique alors de l'autre côté de l'Atlantique, avec toutefois deux différences notables : deux innovations que les Canadiens ont introduites dans les règles anglaises en s'inspirant du rugby, l'autorisation des charges et l'interdiction de la passe en avant, ne sont pas pratiquées en Europe. On remarque que la première définira l'identité du hockey sur glace, et la seconde pas du tout... Cependant, les Suisses continuent de jouer avec des règles plus éloignées, hybrides avec le bandy enseigné par les Anglais : ils ont notamment des cages plus grandes. C'est un match aux Avants, en Suisse, le 15 janvier 1908, qui donne à Louis Magnus la conviction d'agir. Le journaliste Magnus écrit alors dans le Bulletin du Club des Patineurs de Paris : "Il serait bon de trouver une solution pour l'unification des règlements de hockey. La question est à l'étude et nous espérons apporter une solution cette année même." Il a d'abord l'idée de s'adresser à l'IEV, l'Union Internationale de Patinage, mais celle-ci refuse de s'occuper du hockey car ce n'est pas du patinage proprement dit.

Il crée donc une fédération indépendante dévolue entièrement au hockey, la Ligue Internationale de Hockey sur Glace. Elle est portée sur les fonts baptismaux les 15, 16 et 17 mai 1908 au cours d'un congrès fondateur où les cadres du CPP (Magnus, Planque et Van der Hœven) reçoivent les représentants de la Belgique (De Clercq de la FPB), de la Suisse (Mellor de Leysin et Dufour des Avants) et de la Grande-Bretagne (Eustratius Mavrogordato de la National Skating Association) au siège de l'USFSA. La "LIHG", avec Magnus comme président et Planque comme secrétaire général, aura pour pays fondateurs les quatre nations citées, que rejoindra bientôt la Bohème. Elle créera un premier tournoi international à Chamonix à l'occasion de son deuxième congrès du 22 au 25 janvier 1909, organisera un Championnat d'Europe des nations l'année suivante, puis des Championnats du monde deux décennies plus tard.

Tout cela doit beaucoup à l'intermédiaire du Club des Patineurs de Paris et à l'énergie de son homme à tout faire et mentor Louis Magnus.

Marc Branchu

 

Retour à la rubrique histoire