Championnats du monde 1969
Mars 1968 : Ludvik Svoboda, dont le nom de famille signifie "liberté", devient président de la République de Tchécoslovaquie, et ouvre la voie à une série de réformes initiées par le premier secrétaire du parti communiste slovaque Alexander Dubcek. C'est le Printemps de Prague : le pays s'engage dans sa propre voie afin de restaurer les libertés individuelles. Mais cette période d'émancipation s'achève le 22 août par l'irruption des chars soviétiques "pour lutter contre les forces contre-révolutionnaires", et l'URSS remet la Tchécoslovaquie à sa botte. Dans ce contexte, les retrouvailles sur la patinoire entre les deux équipes sont attendues pour des raisons qui ne sont plus seulement sportives. Les championnats du monde 1969 étaient d'ailleurs initialement prévus à... Prague, mais ils sont déplacés à Stockholm, sur terrain neutre, par crainte de débordements.
Mondial A (du 15 au 30 mars 1969 à Stockholm, Suède)
15 mars Tchécoslovaquie - Canada 6-1 (1-0,2-1,3-0) Suède - Finlande 6-3 (3-1,1-1,2-1) URSS - États-Unis 17-2 (3-0,11-0,3-2) 16 mars Canada - Finlande 5-1 (1-1,1-0,3-0) Suède - URSS 2-4 (2-1,0-1,0-2) Tchécoslovaquie - États-Unis 8-3 (2-1,4-2,2-0) 18 mars Tchécoslovaquie - Finlande 7-4 (4-1,3-1,0-2) Suède - États-Unis 8-2 (1-2,3-0,4-0) URSS - Canada 7-1 (5-1,2-0,0-0) 19 mars URSS - Finlande 6-1 (3-0,1-0,2-1) Suède - Tchécoslovaquie 2-0 (1-0,0-0,1-0) 20 mars Canada - États-Unis 5-0 (1-0,0-0,4-0) 21 mars Suède - Canada 5-1 (1-1,3-0,1-0) Tchécoslovaquie - URSS 2-0 (0-0,1-0,1-0) 22 mars Finlande - États-Unis 4-3 (1-1,1-0,2-2) 23 mars États-Unis - URSS 4-8 (1-3,1-2,2-3) Suède - Finlande 5-0 (2-0,2-0,1-0) Canada - Tchécoslovaquie 2-3 (1-1,0-1,1-1) 24 mars Suède - URSS 2-3 (1-1,1-1,0-1) 25 mars Finlande - Tchécoslovaquie 2-4 (2-2,0-1,0-1) États-Unis - Canada 0-1 (0-1,0-0,0-0) 26 mars Finlande - URSS 3-7 (0-1,1-4,2-2) États-Unis - Tchécoslovaquie 2-6 (0-2,1-2,1-2) 27 mars Suède - Canada 4-2 (1-0,0-2,3-0) 28 mars URSS - Tchécoslovaquie 3-4 (0-2,2-0,1-2) 29 mars Finlande - Canada 1-6 (0-2,1-3,0-1) Suède - États-Unis 10-4 (6-2,1-1,3-1) 30 mars États-Unis - Finlande 3-7 (1-1,0-5,2-1) Suède - Tchécoslovaquie 1-0 (1-0,0-0,0-0) Canada - URSS 2-4 (1-1,0-1,1-2)
Classement (10 matches)
Pts V N D BP-BC Diff 1 URSS 16 8 0 2 59-23 +36 2 Suède 16 8 0 2 45-19 +26 3 Tchécoslovaquie 16 8 0 2 40-20 +20 4 Canada 8 4 0 6 26-31 -5 5 Finlande 4 2 0 8 26-52 -26 6 États-Unis 0 0 0 10 23-74 -51
Une nouvelle formule est mise en place, avec six équipes - au lieu de huit - qui se rencontrent désormais deux fois. L'objectif est d'intensifier la compétition, mais l'entraîneur soviétique Anatoli Tarasov ne croit pas que cela puisse remettre en cause la domination de l'URSS, bien au contraire : "Je pense que notre équipe sera encore meilleure lors du second tour. En fait, le système de double confrontation est à notre avantage car nos joueurs récupèrent plus vite et sont capables de jouer blessés. Par contre, c'est aussi pour cette raison que nous sommes désavantagés par l'autre nouvelle règle, qui porte les effectifs à dix-neuf joueurs au lieu de dix-huit, ou même de dix-sept il y a quelques années en arrière." Les Soviétiques font une énorme impression d'entrée en passant dix-sept buts aux Américains. Boris Mikhaîlov établit alors un record en compétition internationale en marquant trois buts en l'espace de quarante-six secondes.
Pourtant, le titre mondial de l'URSS est le plus difficile qu'elle ait jamais eu à acquérir. La raison en est bien sûr la motivation décuplée de la Tchécoslovaquie, comme l'explique son entraîneur Jaroslav Pitner : "Battre les Soviétiques a toujours été notre objectif majeur. Mais jamais notre volonté de gagner contre ce vieux rival n'a été aussi forte qu'aujourd'hui. Car depuis l'année dernière, les évènements d'août se sont immiscés dans le sport. L'émotion a une influence beaucoup plus importante qu'avant sur les performances de notre équipe. Nous devons perturber la machine de précision soviétique, les épuiser par des mises en échec et freiner la fluidité de leur jeu, afin que cette tactique ébranle leur moral."
Devant huit mille spectateurs suédois tout acquis à leur cause, les Tchécoslovaques ont fait un geste politique fort et courageux avant même le coup d'envoi. Sur leur maillot, il y a normalement, au-dessus du blason tchèque représentant un lion, une étoile rouge, mais ce signe d'allégeance au système soviétique a été recouvert d'un morceau d'adhésif noir par la plupart des joueurs tchèques, ce qui pourrait pourtant leur valoir des représailles. Ce match Tchécoslovaquie-URSS est le plus intense de toute l'histoire du hockey sur glace. Combattant comme s'ils devaient arrêter les chars soviétiques, les joueurs tchécoslovaques sentent leurs forces décupler, ils patinent, chargent et tirent comme jamais. Le défenseur Jan Suchý ouvre enfin le score en double supériorité numérique, puis en troisième période, Josef Cerny se débarrasse de deux défenseurs pour inscrire le deuxième but. Pendant ce temps, le gardien Vladimir Dzurilla blanchit les Russes, dont l'attaque reste muette pour la première fois depuis quatorze ans en championnat du monde. Les cinq cent supporters soviétiques sont noyés sous les cris de "Dubcek ! Dubcek !" de la foule suédoise.
Lorsque survient la seconde confrontation, les Tchécoslovaques viennent de perdre Jan Suchý, peut-être le meilleur joueur du tournoi, qui s'est cassé l'index contre les Américains. Ils ne partent toujours pas favoris, mais, profitant d'un match médiocre de Viktor Zinger dans les cages soviétiques, ils battent une seconde fois l'URSS. À Prague, les Tchécoslovaques se rassemblent par dizaine de milliers sur la place Venceslas et leurs chants de victoire prennent une tournure politique : "À vous, les tanks ! À nous, les crosses !". Cherchant un symbole du pouvoir soviétique, ils se retrouvent devant les locaux de la compagnie aérienne Aeroflot qui sont mis à sac. Un demi-million de personnes descend dans les rues ce jour-là dans tous les pays, et certaines attaques de bases militaires soviétiques serviront de prétexte à la riposte soviétique. À Mlada Boleslav, la foule jette des pierres sur les baraquements, et à Ústí nad Labem, un véhicule militaire est brûlé.
Mais le championnat du monde n'est pas fini. Il reste encore à la Tchécoslovaquie à passer l'obstacle suédois, mais la malchance vient encore s'en mêler. Jaroslav Jirík, un des quatre joueurs qui terminent leur carrière internationale (avec Golonka, Cerny et Havel) et ont là une dernière chance d'être champions, se blesse au genou lors du premier tiers-temps.
Si la Tchécoslovaquie avait pris au moins un point, elle aurait été sacrée... Si la Suède avait gagné ce match de deux buts, elle aurait pu coiffer la couronne mondiale... Mais les Scandinaves s'imposent 1-0, un score qui fait l'affaire de l'URSS. Les trois équipes sont en effet à égalité de points et de différence de buts dans les confrontations particulières, et c'est donc la différence de buts générale qui fait office de juge de paix. Les Soviétiques doivent donc leur titre à l'écrasante victoire d'entrée face aux États-Unis, un pays contre lequel ils doivent toujours jouer à fond, par obligation politique. Même avec sept débutants en compétition officielle (dont la nouvelle ligne Kharlamov-Petrov-Mikhaïlov), l'URSS a conservé sa suprématie.
Lors de la cérémonie des médailles, le son baisse soudainement à la télévision tchécoslovaque. Puis, lorsque le drapeau soviétique est hissé, l'image disparaît tout d'un coup. Deux jours plus tard, le parti communiste tchécoslovaque ouvre une enquête pour rechercher les techniciens responsables de ces "étranges incidents". Il cèdera aussi à toutes les exigences des Soviétiques, qui demandent que l'on resserre la vis pour empêcher que des manifestants s'en prennent à leurs troupes. Il ne reste plus beaucoup de courageux dans le politburo qui vote à une large majorité le remplacement de Dubcek par un partisan de la ligne dure, Gustav Husak.
Meilleurs marqueurs
B A Pts 1 Anatoli Firsov URS 10 4 14 2 Boris Mikhaïlov URS 9 5 14 3 Ulf Sterner SUE 5 9 14 4 Jaroslav Holík TCH 4 10 14 5 Valeri Kharlamov URS 6 7 13 6 Stig-Göran Johansson SUE 6 6 12 7 Václav Nedomanský TCH 9 2 11 8 Lars-Göran Nilsson SUE 6 5 11 9 Aleksandr Maltsev URS 5 6 11 10 Jan Suchý TCH 5 4 9
Meilleur gardien : Leif Holmqvist (Suède).
Meilleur défenseur : Jan Suchý (Tchécoslovaquie).
Meilleur attaquant : Ulf Sterner (Suède).
Équipe-type élue par les journalistes : Vladimír Dzurilla (TCH) ; Lennart Svedberg (SUE) - Jan Suchý (TCH) ; Anatoli Firsov (URSS) - Ulf Sterner (SUE) - Václav Nedomanský (TCH).
On l'a vu à Vienne en 1967, l'organisation conjointe des trois divisions mondiales est une charge lourde à supporter. Il faut assurer l'hébergement de toutes les équipes, mais les groupes B et C se disputent souvent dans l'anonymat. C'est pourquoi l'IIHF se décide enfin à les organiser dans des lieux différents et à des dates distinctes. Pour l'instant, les tournois B et C se déroulent encore dans le même pays, la Yougoslavie, mais à l'opposé l'un de l'autre. Le groupe C fait ainsi découvrir le hockey à la Macédoine.
Mondial B (du 28 février au 9 mars 1969 à Ljubljana, Yougoslavie)
28 février Pologne - Roumanie 4-2 (0-1,2-0,2-1) Allemagne de l'est - Italie 11-1 (2-0,4-1,5-0) Norvège - Autriche 3-3 (2-0,1-2,0-1) Yougoslavie - Allemagne de l'ouest 4-1 (1-1,2-0,1-0) 1er mars Allemagne de l'est - Norvège 13-4 (4-1,5-0,4-3) Allemagne de l'ouest - Roumanie 6-2 (2-2,2-0,2-0) 2 mars Yougoslavie - Italie 2-1 (0-0,2-0,0-1) Pologne - Autriche 9-1 (2-0,3-0,4-1) 3 mars Allemagne de l'est - Roumanie 11-2 (2-1,4-1,5-0) Allemagne de l'ouest - Norvège 5-0 (0-0,1-0,4-0) Pologne - Italie 5-2 (0-0,2-1,3-1) Yougoslavie - Autriche 2-1 (0-0,1-0,1-1) 4 mars Norvège - Roumanie 5-4 (2-1,3-1,0-2) Allemagne de l'ouest - Allemagne de l'est 1-6 (0-1,1-0,0-5) 5 mars Autriche - Italie 3-1 (0-0,2-0,1-1) Yougoslavie - Pologne 1-4 (1-2,0-0,0-2) 6 mars Allemagne de l'est - Autriche 11-3 (1-1,7-1,3-1) Pologne - Norvège 5-1 (4-0,1-1,0-0) Allemagne de l'ouest - Italie 5-1 (2-0,1-1,2-0) Yougoslavie - Roumanie 4-4 (0-1,3-3,1-0) 8 mars Yougoslavie - Norvège 3-3 (0-2,2-0,1-1) Allemagne de l'ouest - Autriche 8-0 (2-0,2-0,4-0) Roumanie - Italie 5-2 (0-1,0-0,5-1) Allemagne de l'est - Pologne 4-1 (2-1,1-0,1-0) 9 mars Norvège - Italie 10-2 (6-0,3-2,1-0) Pologne - Allemagne de l'ouest 3-2 (1-0,1-1,1-1) Roumanie - Autriche 5-4 (0-1,2-3,3-0) Yougoslavie - Allemagne de l'est 1-6 (0-1,0-4,1-1)
Classement (7 matches)
Pts V N D BP-BC Diff 1 RDA 14 7 0 0 62-13 +49 2 Pologne 12 6 0 1 31-13 +18 3 Yougoslavie 8 3 2 2 17-20 -3 4 RFA 8 4 0 3 28-16 +12 5 Norvège 6 2 2 3 26-35 -9 6 Roumanie 5 2 1 4 24-36 -12 7 Autriche 3 1 1 5 15-39 -24 8 Italie 0 0 0 7 10-41 -31
L'Allemagne de l'est est promue dans le groupe A. L'Autriche et l'Italie sont reléguées en groupe C.
Meilleurs marqueurs
B A Pts 1 Lothar Fuchs RDA 11 2 13 2 Alois Schloder RFA 11 2 13 3 Joachim Ziesche RDA 5 8 13 4 Bernd Hiller RFA 8 4 12 5 Rainer Patchinski RDA 7 3 10 6 Sepp Puschnig AUT 6 3 9 7 Rolf Riedel RDA 4 4 8 Slavko Beravs YOU 4 4 8
Meilleur gardien : Andrzej Tkacz (Pologne).
Meilleur défenseur : Dietmar Peters (RDA).
Meilleur attaquant : Alois Schloder (RFA).
Mondial C (du 24 février au 2 mars 1969 à Skopje, Yougoslavie)
24 février Japon - Bulgarie 3-4 (0-0,2-2,1-2) Suisse - Hongrie 11-1 (3-0,4-0,4-1) Pays-Bas - Danemark 4-3 (2-0,0-2,2-1) 25 février Suisse - Pays-Bas 8-0 (2-0,3-0,3-0) 26 février Hongrie - Bulgarie 5-3 (2-1,2-2,1-0) Japon - Danemark 11-1 (1-1,5-0,5-0) 27 février Pays-Bas - Bulgarie 7-5 (2-2,4-1,1-2) Japon - Hongrie 6-3 (0-1,4-1,2-1) Suisse - Danemark 9-0 (3-0,5-0,1-0) 28 février Japon - Pays-Bas 11-0 (5-0,4-0,2-0) 1er mars Hongrie - Danemark 4-1 (1-0,1-1,2-0) Suisse - Bulgarie 11-3 (5-0,3-3,3-0) 2 mars Bulgarie - Danemark 4-2 (1-1,3-1,0-0) Hongrie - Pays-Bas 13-1 (5-0,3-0,5-1) Japon - Suisse 5-2 (3-0,1-2,1-0)
Classement (5 matches)
Pts V N D BP-BC Diff 1 Japon 8 4 0 1 36-10 +26 2 Suisse 8 4 0 1 41-9 +32 3 Hongrie 6 3 0 2 26-22 +4 4 Pays-Bas 4 2 0 3 12-40 -28 5 Bulgarie 4 2 0 3 19-28 -9 6 Danemark 0 0 0 5 7-32 -25
Le Japon et la Suisse sont promus dans le groupe B. Les dirigeants japonais versent une belle prime en récompense à leur entraîneur canadien Jacques Tremblay, qui en profite alors pour partir en voyage et découvrir l'Asie.
Meilleurs marqueurs
B A Pts 1 Hideaki Kurokawa JAP 12 2 14 2 Michel Turler SUI 7 6 13 3 Takao Hikigi JAP 5 8 13 4 György Rozgonyi HON 8 2 10 5 Daniel Piller SUI 9 0 9
Meilleur gardien : Mátyás Vedres (Hongrie).
Meilleur défenseur : René Huguenin (Suisse).
Meilleur attaquant : Michel Turler (Suisse).
Les précédents championnats du monde "seuls" (1967)
Les Jeux Olympiques 1968 (qui comptent également comme championnats du monde)
Les championnats du monde suivants (1970)