Mémoires de Larry Skinner

 

 Original English text

Carrière au Canada et en NHL

Avant d'arriver à Paris, j'ai joué au hockey professionnel en Amérique du Nord l'hiver et au fastball (softball) l'été. J'ai été intronisé au Wall of Fame de la ville de Nepean en 1992 pour le hockey et le softball (parce que j'ai joué pour le Canada aux championnats du monde de softball en 1985).

J'ai passé ma carrière junior en WHL avec les Winnipeg Clubs puis en OHL avec les Ottawa 67's où j'ai joué sous la conduite de Brian Kilrea, membre légendaire du Hall of Fame. J'ai été choisi en 92e position par les Scouts de Kansas City à la draft NHL 1976... Plus tard cet été-là, ils sont devenus les Rockies du Colorado.

J'ai marqué le premier but de l'histoire de la franchise des Colorado Rockies dans une victoire 4-2 contre les Maple Leafs de Toronto. Marquer lors de mon premier match et le gagner, que peut-on trouver de mieux pour un gamin qui rêvait de jouer en NHL un jour ? Ayant grandi au Canada, et Toronto étant l'équipe que je regardais le plus à la télévision quand j'étais un jeune adolescent, c'était certainement une grande sensation d'être sur la glace face à certaines des stars que j'avais admirées toutes ces années, comme Darryl Sittler. Je n'ai jamais obtenu le palet car ils m'ont dit qu'il irait au Temple de la Renommée du Hockey puisque c'était le premier but de l'histoire de la franchise... Je ne suis pas sûr qu'il y soit exposé mais je peux toujours dire qu'il doit être quelque part dans leurs archives (si quelqu'un veut se faire un peu d'argent c'est toujours une bonne question pour un quizz...).

Malheureusement, je n'ai joué que 47 parties de NHL pendant quatre saisons dans l'organisation de Colorado, marquant 10 buts et 22 assists. Ceci étant dit, je n'échangerais ces souvenirs pour rien au monde. Des moments de fierté pour moi et ma famille !

Innsbruck

En 1980/81, j'ai participé au camp d'entraînement des Bruins de Boston et j'ai été envoyé dans leur filiale d'AHL, les Springfield Indians. J'ai connu une bonne année même si je me suis fracturé la cheville en début de saison. En 48 matches, j'ai inscrit 20 buts et 41 assists pour 61 points. Tout ce qui tournait autour d'un point par match était considéré comme de bonnes stats et j'ai toujours atteint ce seuil au fil des ans.

J'ai alors été approché par un agent de joueurs qui savait que mon contrat était à échéance et qui m'a demandé si je pouvais être intéressé à jouer à Innsbruck en Autriche. Je n'étais pas vraiment sûr de ma décision car je n'avais aucune information sur le niveau du hockey ou le mode de vie là-bas. De plus, mon rêve de jouer en NHL à plein temps serait terminé si je décidais de partir. Après avoir évalué les différentes options avec mon épouse Laurie, nous avons décidé de déménager à Innsbruck pendant la saison 1981/82 avec notre fille de 4 mois Lauren. Chaque équipe avait le droit à deux imports et Alain Daigle était l'autre Canadien. Avant cela, Alain avait joué cinq ou six saisons avec les Black Hawks de Chicago [NDLR : puis une saison à Gap avant d'aller en Autriche].

Innsbruck était une des meilleures villes dans lesquelles j'ai vécues.... Les petites villes sont absolument fantastiques. Les gens étaient si amicaux et aidaient les Canadiens que nous étions à nous sentir confortables alors que nous ne parlions pas un mot d'allemand. On nous a fourni - à Laurie et moi - un bel appartement dans une ville appelée Mutters... Un paradis des skieurs dans les montagnes à seulement 15 minutes d'Innsbruck. Conduire en hiver était un peu difficile... Il ne fallait jamais oublier de mettre les chaînes autour des pneus avant de descendre à la patinoire pour l'entraînement.

La patinoire aussi était exceptionnelle. Je pense qu'elle a été construite pour les Jeux olympiques de 1976 ou peut-être pour ceux d'avant [NDLR : elle date effectivement des JO 1964]. Il y avait une grande verrière à un bout de patinoire d'où l'on pouvait voir les montagnes... Quel beau site à voir tout en jouant au hockey. En rentrant de l'entraînement quotidien, je passais aussi devant le tremplin de saut à skis utilisé aux Jeux olympiques.

Je ne peux pas en dire assez sur l'opportunité que j'ai eu de jouer et de vivre à Innsbruck pendant deux saisons. J'ai presque oublié de vous parler du "roadling" autrichien, du toboggan de nuit - par pleine lune - sur la route. On conduit jusqu'en haut de la montagne et on descend sur une luge (tout ce que je peux dire est FOU). À cette époque, les skieurs canadiens (Podborski, Read) étaient connus comme les Crazy Canucks, ils devaient penser que tous les Canadiens étaient fous pour nous faire faire ce roadling.

Merci à nos amis du Café Pichl à Mutters (Sandy, Gurtie, Charlie), au propriétaire du magasin Tony Stauder... Ils ont tous pris beaucoup soin de nous. Le hockey était un challenge au début à cause des glaces plus larges qu'en Amérique du nord, il a fallu s'ajuster. Les attentes autour des joueurs étrangers étaient aussi très exigeantes. On attendait de nous que l'on marque au minimum deux fois dans un match et que l'on qualifie l'équipe en play-offs (ce qui n'était pas une tâche facile mais que l'on a fait en 1982/83). Les défaites étaient imputées aux Canadiens.

Les voyages étaient faciles, on restait dans le pays donc il n'y avait pas vraiment besoin de passer la nuit loin de chez soi. C'était agréable de rentrer à la maison toutes les nuits pour Laurie. Je dois dire que, même si j'ai apprécié le hockey et les gens en Autriche, le plus beau moment de notre séjour dans le pays fut la naissance de notre fils (Jordan) le 18 septembre 1982. L'équipe médicale de l'hôpital d'Innsbruck était excellente et a pris soin de Laurie durant sa grossesse et son accouchement. Nous étions des parents très fiers et la photo de la famille a fait la une du journal d'Innsbruck.

Le projet des Français Volants

Le monde est si petit... Mon père travaillait pour Hockey Canada quand cette lettre est arrivée sur son bureau. C'était une lettre du Hockey Club des Français Volants demandant s'ils connaissaient quelqu'un qui pourrait convenir pour leur équipe à Paris. Tout est dans le timing... Par chance je n'avais pas de contrat en Autriche pour une troisième saison donc les choses se sont bien passées pour moi. De nouveau, Laurie et moi avons discuté de l'étape suivante et avons décidé de saisir cette opportunité à Paris pour continuer à jouer au hockey et pour voyager dans des endroits où nous n'étions jamais allés. C'est juste si beau.

Paris construisait une nouvelle aréna et les Français Volants voulaient monter de deuxième division pour pouvoir jouer dans cette salle de 16 000 places assises (Bercy) en première division la saison suivante. Le vainqueur de Nationale B monterait en Nationale A et le dernier de Nationale A descendrait en Nationale B. Cette première année était très intéressante, avec beaucoup de pression. Avant toute chose, ils se sont assurés de me dire que c'était très important que le hockey en France (à Paris) puisse se jouer dans la nouvelle aréna la saison suivante... On devait gagner. Nous ne jouions que 14 matches et nous avions un entraînement par semaine à la patinoire de Colombes. Hormis cela, c'était à chacun de rester en forme. Le plus important était de remporter le championnat pour monter en division A. Je dois dire que le niveau de hockey n'était pas le meilleur mais le plus important était l'opportunité à venir si nous réussissions à être promus. C'était une saison avec un objectif.

Quand nous sommes arrivés à Paris, ils ont pris grand soin de nous et de notre famille (avec un appartement et une voiture). Laurie adorait aller au marché tous les jours et aller faire du shopping quand elle le pouvait (c'était absolument une belle ville). Il s'agissait plus de lèche-vitrines que d'achats en centre-ville mais c'était si agréable... Nous allions à des spectacles quand la famille ou des amis nous rendaient visite. La nourriture était aussi excellente.

Mon ami Kader Sadoun s'occupait des allers-retours en voiture à la patinoire la première saison. Je n'avais vu une telle circulation et une telle conduite au Canada. Je m'y suis habitué après quelques années. Kader et moi avons marché dans Bercy, ce qui nous a vraiment aidés à nous motiver à gagner. C'était fantastique de se dire que si nous pouvions être promus nous jouerions là.

Kad était aussi un grand joueur (un défenseur avec de belles qualités offensives), nos familles aimaient passer du temps ensemble. Il parlait anglais, ce qui me permettait de me sentir plus confortable. Mea culpa de ne pas très bien parler français. L'équipe était un très bon groupe de jeunes, ils parlaient tous un peu anglais, ce qui me faisait sentir le bienvenu, et ils avaient envie d'apprendre ce qu'ils pouvaient de moi.

Comme je l'ai mentionné, le management, le directeur et les joueurs avaient un but en tête, monter en Division A avec les grandes équipes de Saint-Gervais et Megève la saison suivante. Thierry Lacarrière, Patrick Hanna, Pierre Samson et le reste du staff croyait vraiment en moi. Nous ne pouvons pas assez les remercier pour leur générosité et pour les amitiés acquises durant ces années à Paris.

Je ne me souviens plus trop du match décisif à Anglet, sinon que je crois avoir pris 17 minutes de pénalité en première période et les gars ont résisté en infériorité numérique tout ce temps... Incroyable ! Pas sûr mais je crois que nous avons gagné 3-2 [NDLR : en fait 3-1, photo ci-contre de Philippe Lacarrière félicitant Kader Sadoun], trop de coups au fil des ans pour me rappeler aussi loin. Des souvenirs pour toute une vie que cette première l'année.

Les années Bercy

Nous avons réussi et nous avons donc déménagé à Bercy l'année suivante pour jouer et nous entraîner tous les jours dans notre salle de rêve. Je me sentais comme de retour dans le hockey professionnel nord-américain, c'était fantastique. Nous avions même une patinoire d'entraînement s'ils utilisaient la grande patinoire pour d'autres évènements (concerts, tennis, etc).

La Nationale A était plus forte et il y avait beaucoup de Franco-Canadiens dans chaque équipe, plus des joueurs d'autres pays. Thierry a fait un bon travail de recrutement donc nous avons eu du succès et les gens ont été excités autour du hockey à Paris. Je crois que la première année nous avons probablement eu sept à huit mille spectateurs de moyenne. Nous n'avons jamais remporté le championnat lorsque j'étais là.

Cela a commencé à chuter ensuite. Lorsque je suis parti en 1988, les Français Volants jouaient encore dans la grande patinoire de Bercy mais de ce que j'ai compris, ils ont déménagé dans la petite patinoire la saison suivante et n'ont plus jamais rejoué dans la grande.

Les voyages étaient faciles, soit en TGV soit en bus. Le TGV était fantastique. On ne se sentait pas vraiment dans un train comme j'avais pu en connaître au Canada.

En 1986, notre fille Angela est née à Charenton en France. Je me souviens que trois ou quatre gars de l'équipe étaient venus avec moi à la clinique où Laurie était en train d'accoucher. Ils étaient tous dans le hall à attendre la nouvelle pour savoir si c'était une fille ou un garçon... C'est quelque chose que je n'oublierai jamais.

Les souvenirs que nous avons dureront toute une vie. Quelle belle ville que Paris. On nous a fournis quelques-uns des plus beaux lieux de vie qu'on puisse trouver. Pouvoir passer la porte de chez soi et être à portée de marche de beaucoup d'attractions, c'est devenu une partie de notre routine quotidienne. Les amitiés étaient fantastiques pour Laurie et moi (les dîners, les fêtes, etc). Il y avait toujours quelqu'un pour nous inclure dans tout ce qu'ils faisaient.

La vie après le hockey

Quand j'ai pris ma retraite, je suis parti au bas de l'échelle avec un journal (Ottawa Sun) qui réouvrait et j'ai travaillé dans la distribution pendant 10 ans. Laurie était une mère au foyer qui s'occupait de Jordan et d'Angela, plus d'autres enfants du voisinage. Elle a aussi occupé divers métiers au cours de ces années.

Pendant ce temps j'ai continué à jouer en hockey senior pendant trois ou quatre ans et en 1992 j'ai eu la chance de participer de nouveau à un camp d'entraînement NHL à 36 ans. Les Sénateurs d'Ottawa étaient une toute nouvelle franchise de NHL et comme je travaillais pour le Ottawa Sun, ils se sont dit que ce serait super si je pouvais suivre le camp et écrire un article quotidien. Ce fut une grande émotion de remonter dans le temps et de faire ce qu'on avait tellement aimé (mon premier camp d'entraînement NHL avait eu lieu en 1976/77 à Denver dans le Colorado). J'ai aussi été impliqué avec l'association des anciens des Ottawa Senators pour récolter de l'argent pour différents évènements de charité, tout en pratiquant le sport que j'aimais.

En 1999 j'ai décidé de changer une dernière fois de travail dans ma vie et je suis entré dans le métier que j'exerce toujours : responsable de comptes à Global Knowledge, une entreprise multinationale d'apprentissage et de développement. Mon principal client est le gouvernement fédéral du Canada.

J'ai entraîné mon fils Jordan tout au long de sa carrière au hockey et au baseball. Maintenant, il a sa propre entreprise, faisant de l'art à partir de métal (Murals in Metal). Ma fille Angela et son mari Hunter ont leur propre commerce (Almonte Butcher shop). Laurie et moi sommes très fiers de Jordan, d'Angela et de leurs familles et de ce qu'ils ont réussi dans la vie. Jordan a deux enfants, Hayden et Makayla, et Angela aussi avec Grace et Ivy. [ci-contre, Larry Skinner, Laurie, Jordan et Angela]

Angela et Hunter ont pris des vacances à Paris et dans le sud de la France il y a quelques années et ont rencontré certains de nos vieux amis de l'époque où l'on jouait au hockey à Paris. Ils ont été absolument fantastiques, leur faisant visiter la ville. Des hôtes merveilleux, trente ans après.

Encore un grand merci au club de hockey des Français Volants pour tout ce qu'ils ont fait pour moi et ma famille ! Nous n'oublierons jamais... C'était la plus belle période de nos vies.

Propos recueillis et traduits par Marc Branchu, 2021

 

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