Suède - URSS (30 mars 1970)

 

Championnats du monde 1970, dernière journée.

Les cornes de brume et les "Sverige" chantés par les dix mille spectateurs mettent l'ambiance pour ce dernier match du tournoi. 5 des 8 millions de Suédois sont devant leur poste de télévision. Avec un seul point de retard au classement, la Tre Kronor peut détrôner les inamovibles champions soviétiques en cas de victoire.

Les Soviétiques jouent sans avoir l'air de s'engager à fond, plutôt de manière très posée, mais cela peut aussi piéger des Suédois qui se laissent porter par leur public. Leur défenseur Arne Carlsson se découvre ainsi en venant presser haut en zone neutre pour donner des mises en échec. C'est sans compter sur la capacité des Russes à transmettre le palet sous la pression. Pendant que Carlsson joue l'homme, Vladimir Petrov et Valeri Kharlamov réussissent ainsi à envoyer Boris Mikhaïlov vers deux échappées : la première fois, Lennart Svedberg cingle sa crosse pour lui faire perdre le palet, et la seconde fois, il a le temps de terminer son mouvement pour un tir du revers que le gardien Leif Holmqvist parvient à repousser. Mikhaïlov obtient même une troisième occasion sur une mauvaise passe en zone neutre du capitaine suédois Ulf Sterner, et Holmqvist fait cette fois l'arrêt côté mitaine.

Leif Holmqvist est de plus en plus sollicité et son nom est scandé à plusieurs reprises par le public. Comme le gardien suédois ne porte pas le moindre masque, on le voit distinctement gonfler les joues pour mieux souffler pendant une pause. Il retrouve toutefois un peu de calme en fin de premier tiers. Si les Soviétiques n'ont pas su maintenir une pression constante, c'est que leur première ligne est transparente. Le vétéran Anatoli Firsov a un coup de patin peu engagé, et même s'il joue sur sa facilité technique, ses passes n'aboutissent pas. Les rouges s'appuient donc sur leurs jeunes attaquants, ainsi que sur la vigilance de leurs défenseurs aux interventions parfaites.

Il n'est donc pas entièrement surprenant de voir l'URSS aligner son deuxième bloc à l'engagement du deuxième tiers... mais la Suède fait pareil ! Håkan Wickberg gagne la mise au jeu face à Vladimir Petrov, avec l'aide de Stefan Karlsson qui lui rend le palet. Après une première tentative de lancer empêchée par un accrochage de Petrov, le second tir de Wickberg semble un peu écrasé et passe pourtant sous les bottes de Konovalenko ! Un but en huit secondes, voilà qui fait exploser le Hovet et fait encore grimper le suspense.

Voilà les Soviétiques au pied du mur. Si Viktor Polupanov dribble à travers toute la défense, la deuxième ligne russe (initiale) se montre toujours la plus dangereuse collectivement, avec de belles passes de derrière la cage : Mikhaïlov pour Petrov, puis Kharlamov d'un magnifique revers à l'aveugle pour ses deux coéquipiers, qui se gênent presque en étant chacun en position de reprendre. Ce trio - pourtant en difficulté en début de tournoi - a de plus en plus de temps de jeu et menace sans cesse la cage. À la mi-match, Leif Holmqvist doit même se faire soigner le doigt sur son banc après avoir reçu un coup de crosse de Petrov, qui cherchait un rebond inexistant mais s'est tout de suite excusé auprès du gardien.

À force de monopoliser le palet, l'URSS finit logiquement par égaliser... sur un cadeau. Une passe complètement ratée de Björn Palmqvist, qui venait de franchir la ligne bleue, donne le palet en retrait à Mikhaïlov, qui accélère sur l'aile gauche et laisse Petrov conclure, d'un tir croisé à ras glace (1-1, 37'05"). Sur l'engagement, après un tir de Tord Lundström aisément écarté par Konovalenko, la contre-attaque rouge est immédiate : Anatoli Firsov relance vers Vladimir Vikulov, qui se retrouve en un contre un face à Nils Johansson. Deux coups de patin latéraux pour se décaler, un tir du revers parfait côté mitaine, et voilà le match renversé (1-2, 37'23").

Pour ne rien arranger, Thommy Abrahamsson prend la première pénalité du match pour avoir donné un mauvais coup à Kharlamov devant la cage. La Suède atteint la pause à quatre et avec un but de retard. Une fois la pénalité tuée, les jaunes repassent à l'attaque. Björn Palmqvist reprend un centre de la droite d'Ulf Sterner, et Viktor Konovalenko signe son deuxième arrêt capital du bouclier de la soirée (après un tir du poignet de la ligne bleue de Stefan Karlsson qui prenait la direction de la lucarne en début de match).

La troisième ligne russe met le point final. Valeri Nikitin, le défenseur offensif du Khimik obligé de se "réfréner" en sélection, s'occupe de l'entrée en zone. Les attaquants se chargent du reste. Si le tir de Starshinov sur passe de derrière la cage de son camarade spartakiste Yakushev est contré, le Dynamiste Aleksandr Maltsev signe ensuite un numéro individuel en mettant dans le vent Lars-Göran Nilsson puis le gardien (1-3, 45'42"). Le défenseur Nils Johansson, qui ne s'est pas relevé après avoir été mis sur le dos par Yakushev dans un duel, porte la plus grande part de responsabilité sur ce but par son abandon de poste.

Le public est maintenant éteint. Il ne semble plus croire à un possible retour. Il ne se ranime guère que pour saluer l'arrêt-mitaine de Leif Holmqvist face à Boris Mikhaïlov, qui manque donc sa troisième échappée du match.

L'URSS, impériale, remporte un huitième titre mondial consécutif. Les joueurs peuvent porter en triomphe le gardien Konovalenko puis l'entraîneur Anatoli Tarasov. Si l'on salue souvent le talent des attaquants soviétiques, il faut aussi reconnaître la capacité des défenseurs, rarement pris en défaut. Ils ont tous été solides. Le duo Romishevsky-Ragulin a fait le gros du boulot, mais l'autre homme d'expérience Vitaly Davydov a été lui aussi remarquable de discipline et de courage, se couchant sans peur devant les lancers.

Joueur du match (jury de 3 journalistes) : Vladimir Vikulov (URSS).

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Vyacheslav Starshinov (capitaine de l'URSS) : "J'ai participé à neuf championnats du monde, donc je peux dire que ce tournoi a été le plus difficile pour nos entraîneurs. Ils n'ont jamais été aussi inquiets du résultat. À la première victoire de notre série, les gens nous félicitaient en nous disant d'essayer de gagner l'année suivante. Ensuite, le mot 'essayer' a disparu. La victoire aux championnats du monde est venue dans l'ordre des choses. Mais c'est extrêmement dur de gagner chaque année. Nos entraîneurs ont souvent souligné que l'équipe soviétique affronte des adversaires qui jouent selon nos principes. En d'autres termes, nous jouons contre nous-mêmes. [...] Le plus fort sur la première ligne a été Volodya Vikulov. Je ne me rappelle pas depuis longtemps qu'un de nos ailiers ait joué avec autant de solidité et de confiance ! Persévérant, passionné, Vikulov a mené l'attaque, a marqué des buts importants et n'a pas bronché devant la force adverse. En un mois, on a vu un grand champion mature. Polpulanov a fait deux très bons derniers matches. Au début, son jeu n'allait pas et il a été plusieurs fois remplacé par Mishakov. Nous avions dit aux entraîneurs qu'un homme aussi fier que Polupanov ne tolèrerait pas d'être mis en réserve et de voir son trio bien jouer sans lui. [...] Le principal pour Maltsev est de digérer le flot de compliments après son excellent tournoi. Je pense que sa réussite a été rendue possible en partie parce qu'il n'a pas joué au centre mais à l'aile cette fois, avec moins de charge de travail en défense. Autrefois il se fatiguait au centre, maintenant toutes ses forces sont dirigées vers l'attaque.."

 

Suède - URSS 1-3 (0-0, 1-2, 0-1)
Lundi 30 mars 1970 à 19h30 au Johanneshovs Isstadion. 9572 spectateurs.
Arbitrage de Rudolf Bata (TCH) et Jan Wycisk (POL).
Pénalités : Suède 2' (0', 2', 0') ; URSS 2' (0', 0', 2').
Tirs : Suède 23 (7, 11, 5) ; URSS 39 (15, 17, 7).

Évolution du score :
1-0 à 20'08" : Wickberg assisté de S. Karlsson
1-1 à 37'05" : Petrov assisté de Mikhaïlov
1-2 à 37'23" : Vikulov assisté de Firsov
1-3 à 45'42" : Maltsev

 

Suède

Attaquants :
18 Björn Palmqvist (-1) - 14 Ulf Sterner (C, -1) - 12 Stig-Göran Johansson (-1)
11 Tord Lundström - 10 Håkan Wickberg - 9 Stefan Karlsson
15 Lars-Göran Nilsson (-1) - 20 Anders Hedberg (-1) - 23 Hans Lindberg (-1)

Défenseurs :
8 Thommy Abrahamsson (-1, 2') - 7 Lars-Erik Sjöberg (-1)
4 Lennart Svedberg (+1) - 3 Arne Carlsson (A)
6 Kjell-Rune Milton (-1) - 5 Nils-Rune Johansson (-2)

Gardien :
1 Leif Holmqvist

Remplaçant : 2 Gunnar Bäckman (G). En réserve : 19 Anders Hagström (D), 17 Roger Olsson, 21 Anders Nordin (A).

URSS

Attaquants :
11 Anatoli Firsov (+1) - 9 Viktor Polupanov (+1) - 18 Vladimir Vikulov (+1)
17 Valeri Kharlamov - 16 Vladimir Petrov - 13 Boris Mikhaïlov
15 Aleksandr Yakushev (+1) - 8 Vyacheslav Starshinov (C, +1) - 10 Aleksandr Maltsev (+1)

Défenseurs :
6 Igor Romishevsky (+1) - 5 Aleksandr Ragulin (+1)
3 Vladimir Lutchenko - 7 Evgeny Paladyev (2')
2 Vitaly Davydov (+1) - 4 Valeri Nikitin (+1)

Gardien :
1 Viktor Konovalenko

Remplaçant : 20 Vladislav Tretiak (G). En réserve : 14 Valeri Vassiliev (D), 12 Evgeni Mishakov, 19 Vladimir Shadrin (A).

 

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