Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl (12 avril 2009)

 

Finale de la KHL, match 7.

Ce dimanche 12 avril 2009 est un jour de fête en Russie. Oui, c'est Pâques ? Mais non, on y célèbre le 48e anniversaire du premier vol orbital de Youri Gagarine, l'homme qui a donné son nom à la coupe récompensant le vainqueur de cette première édition de la KHL, précisément remise ce dimanche, à croire que les deux acteurs de la finale ont fait exprès de la porter jusqu'au septième match. De fait, on aurait pu aussi bien offrir au vainqueur la coupe Stakhanov, vu le nombre de matches disputés par les deux équipes pour parvenir à ce stade (77 pour Kazan, 75 pour Yaroslavl).

Le Lokomotiv, qui a laissé échapper le match 6 alors qu'il menait encore 2-1 à un quart d'heure de la fin, est désormais obligé de faire tomber les panthères tatares dans leur Tatneft Arena bouillante, et Heikkilä a pour cela changé ses alignements défensifs sans toucher aux troïkas offensives. Les contacts de début de match sont aussi vifs que l'ambiance, forçant le duo arbitral à distribuer six minutes de pénalité dès les premiers instants (2' pour Vassiliev, 2'+2' pour Kazionov). On sait déjà que l'on assistera pas à un remake de la cinquième manche, où aucune minute de geôle n'avait été appelée...

Les deux gardiens ne sont pourtant guère inquiétés par les unités spéciales : pas étonnant si l'on se réfère à l'efficacité en supériorité de Kazan lors de ces playoffs (12,5%), plus surprenant par contre de la part du Lokomotiv (28,6%). Mais les hommes d'Heikkilä ne prennent que peu de lancers (Åkerman deux fois, Irgl et Yashin), sans doute intimidés par Norrena, le cerbère finlandais dont le regard bleu électrique fascine le réalisateur russe. Pas d'erreur, l'ancien Blue Jacket de Columbus, peut-être frustré d'avoir quitté la franchise l'année de sa première participation aux playoffs NHL, a décidé d'être un des grands hommes de cette KHL.

La moitié du premier tiers est atteinte sans réel frisson jusqu'à ce que Kuzmin, qui a temporairement remplacé Hentunen sur la ligne "finlandaise" de Kazan, ne soit victime d'un accrocher. Une occasion de plus pour les Tatars de voir empirer leurs statistiques en surnombre, se dit-on, avant qu'Irgl ne charge un adversaire avec la crosse, causant quarante secondes de cinq contre trois en défaveur de son équipe. On lève le sourcil, va-t-il se passer quelque chose ? Oui, mais sur l'autre cage avec un breakaway du défenseur Sergeï Zhukov (à ne pas confondre avec son homonyme de Kazan, Mikhaïl, un attaquant qui a parfois joué en défense dans cette finale à cause des blessés) qui, surpris de se trouver en si belle position, tergiverse et échoue sur Norrena.

Les deux formations s'étant gentiment testées au cours des vingt premières minutes, sans trop puiser dans leurs réserves, on attend le grand embrasement pour la deuxième tranche. C'est vérifié un temps, par un slap de Rudenko et une passe-abandon de Klyukin ponctuée par un lancer balayé de Guskov dans les bottes de Norrena. Le TGV Zaripov répond en contre, faisant passer Vishnevsky et Zhukov pour des Lokomotiv à vapeur grâce à sa vitesse de patinage, mais ne visant que le plastron de Gelashvili.

Si Norrena est un client, Gelashvili (prénommé Georgi, en référence à son nom à consonance géorgienne ?), éjecté du Traktor Chelyabinsk en janvier 2008 et retapé par Ilari Näckel, le spécialiste des gardiens qu'Heikkilä a amené dans ses bagages, n'est pas mal non plus. À mi-match, il est évident que la différence se fera en faveur de celui qui, le premier, trouvera le petit trou dans l'épaisse armure adverse. Hentunen croit y être parvenu quand il se retrouve, sans savoir comment, seul face à la cage blanche. Gelashvili, en se couchant, sauve ses deux premières tentatives et... il n'y en aura pas de troisième car quatre garçons du Lokomotiv tombent sur le pauvre Hentunen, qui râle auprès des arbitres d'avoir dû recevoir quatre quintaux sur le râble, soit le poids d'un gros ours, sans qu'aucune sanction ne soit prononcée. Compensation sans doute, une charge inexistante de Semin lui vaudra deux minutes que les Tatars gâcheront sans modération.

La seconde partie de ce tiers intermédiaire, pourtant démarré sur un haut rythme, est plus morne, surtout marquée par l'acidité des contacts qui usent les fibres et les nerfs des acteurs. Il leur faudrait pourtant des nerfs en bon état à l'heure de conclure, car les occasions sont rares, donc précieuses. Las, quand Mikhnov exploite enfin un rebond, à 15 secondes de la sirène, c'est pour trouver la mitaine de Norrena. Et sur le buzzer, une passe de Vasicek trouve Irgl dans le slot ! La cage est ouverte mais le palet, faiblement dévié, file derrière. Zinetula Bilyaletdinov, si placide d'habitude, laisse échapper un gros soupir de soulagement en rentrant aux vestiaires.

Quatre minutes après la reprise, il peut à nouveau remercier la providence car Irgl échoue dans une position encore plus favorable, si c'est possible. Lui qui avait surgi de l'anonymat pour permettre aux Tchèques de battre les... Russes en quart de finale du Mondial 2006 manque aujourd'hui singulièrement de sang-froid. Il n'est pas le seul, d'ailleurs, et peut-on en vouloir à des athlètes exténués par une saison épuisante au-delà du raisonnable ?

Ces considérations pèsent bien peu cependant à dix minutes du terme. Il faut en finir, il faut que la balance penche d'un côté. Ce sera forcément une injustice, aucune de ces deux belles équipes ne méritant de perdre, mais la coupe Gagarine ne se partagera pas. Par sa cruauté, le scénario rappelle la finale des Jeux olympiques de Nagano en 1998, où deux équipes auront éprouvé cinquante minutes durant la solidité de leurs bétons respectifs avant qu'un lancer opportun ne force le destin.

Pourquoi évoquer cette finale ? Car la décision s'y fera à peu près au même moment et car Aleksei Morozov en était. C'est lui qui récupère un rebond laissé par Gelashvili sur un lancer de Pervyshin pour contourner le gardien blanc et glisser le puck dans la cage (1-0, 50'04"). Après un recours à la vidéo pour vérifier que personne ne fréquentait la zone du gardien, le but est confirmé, provoquant un rugissement dans la Tatneft Arena. Le Lokomotiv a beau lutter, on devine qu'il n'y arrivera pas. On ne remonte pas les panthères de Kazan chez elles, à dix minutes du terme, quand la coupe Gagarine est en jeu et, partant, l'honneur du Tatarstan. À peine le buzzer a-t-il retenti qu'on assiste à un empilement de viande fraîche (et exténuée) au milieu de la glace. Le public aligne les "Ak Bars", Kazan est champion de toutes les Russies et le président de la République du Tatarstan, Mintiner Shaimiev, en profite pour faire le malin devant le président de Gazprom et de la KHL, Aleksandr Medvedev. Appelons cela la victoire du pétrole sur le gaz...

Les vrais, les purs, ce sont les hockeyeurs de Kazan. Récompense méritée pour tout ce collectif, très régulier tout au long de la saison, et surtout pour la paire Aleksei Morozov - Danis Zaripov, déjà présente lors du titre de 2006 et toujours aussi influente, même orpheline de Zinoviev.

Compte-rendu signé François Borel / photos khl.ru

 

Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl 1-0 (0-0, 0-0, 1-0)

Dimanche 12 avril 2009 à 17h00 la Tatneft Arena. 8295 spectateurs.

Arbitrage de Vyacheslav Bulanov et Anatoli Zakharov (Moscou).

Pénalités : Kazan 20' (4', 0', 16'), Yaroslavl 24' (6', 2', 16').

Évolution du score :

1-0 à 50'04" : Morozov assisté de Pervyshin

 

Ak Bars Kazan

Gardien : Fredrik Norrena (FIN).

Défenseurs : Andrei Pervyshin - Ilya Nikulin ; Evgeni Medvedev - Andrei Mukhachev (A) ; Vyacheslav Buravchikov - Grigori Panin.

Attaquants : Danis Zaripov (A) - Tony Mårtensson (SUE) - Aleksei Morozov (C) ; Oleg Petrov - Niko Kapanen (FIN) - Jukka Hentunen (FIN) ; Mikhaïl Zhukov - Dmitri Kazionov - Aleksandr Stepanov ; Gleb Klimenko - Nikita Alekseev - Andrei Kuzmin.

Remplaçants : Stanislav Galimov (G), Vassili Tokranov. Absents : Aleksei Emelin (fracture de l'orbite), Dmitri Kosmachev (blessé), Aleksei Badyukov, Dmitri Obukhov.

Lokomotiv Yaroslavl

Gardien : Georgi Gelashvili [sorti de 59'08" à 59'17" et de 59'36" à 60'00"].

Défenseurs : Sergei Zhukov - Vitali Vishnevsky ; Vitali Anikeenko - Aleksei Vassiliev ; Johan Åkerman (SUE) - Aleksandr Guskov ; Evgeni Nurislamov.

Attaquants : Zbynek Irgl (TCH) - Josef Vasicek (TCH) - Aleksei Yashin ; Konstantin Rudenko - Dmitri Semin - Ivan Tkachenko ; Marcus Nilson (SUE) - Gennadi Churilov - Aleksei Mikhnov ; Aleksei Kudashov (C) - Nikita Klyukin - Aleksandr Galimov.

Remplaçant : Sergei Zvyagin (G). Absents : Sergei Konkov, Ilya Gorokhov.

 

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