Grenoble - Dijon (22 février 2009)

 

Finale de la Coupe de France.

Un virage jaune et bleu

Le boycott des supporters de Rouen, en protestation contre l'arbitrage de leur demi-finale perdue contre Grenoble, n'a pas empêché cette troisième finale à Bercy d'être à nouveau un succès public avec une patinoire pleine. Comme annoncé, les Dijonnais sont au moins aussi nombreux que les Grenoblois dans les tribunes, et ils sont surtout plus visibles du fait de leurs couleurs plus vives. Ils savent aussi se faire entendre, comme à l'occasion de la composition de "l'équipe des étoiles" de Ligue Magnus qui s'affiche sur les écrans : ils réservent à leur "meilleur ennemi", l'entraîneur briançonnais Luciano Basile, une bronca aussi sonore que les acclamations réservées par le kop des BDL à ses (nombreux) sélectionnés.

Il faut dire que c'était la seule occasion pour eux de s'exprimer lors de ce défilé de visages : on ne compte pas un seul Dijonnais parmi les trois lignes et les deux gardiens choisis par les entraîneurs et internautes, ni dans la sélection française, ni dans la sélection étrangère. On ne s'attendait pas à en voir, à vrai dire, compte tenu du championnat très médiocre réalisé par les Ducs. Un championnat qui sera bien vite oublié si Dijon, dernier vainqueur de la Coupe de France hors de Bercy (en 2006), s'impose ce soir dans le nouvel écrin annuel du hockey français.

Du bon pied

La partie commence sous un mode tactique puisque Dijon débute avec sa deuxième ligne, celle de Mazerolle, alors que Grenoble réplique en alignant son troisième trio, celui de Tartari. Dans ce round d'observation, les Brûleurs de Loups s'installent souvent en zone offensive, mais c'est sur une amorce de contre-attaque bourguignonne que Stephen Dugas prend la première pénalité, pour une obstruction en zone neutre. Une pénalité déjà exploitée : Johan Forsander passe de derrière la cage à Martin Masa lancé qui propulse le palet en lucarne (1-0, 07'18"). Jancek se met à son tour à la faute dans la foulée, mais sans conséquence cette fois. Rouleau écope ensuite de la première prison grenobloise, mais la meilleure occasion est encore pour les rouges malgré l'infériorité numérique : Mitja Sivic sert de derrière la cage Damien Fleury seul dans l'enclave qui rate la cage ouverte. Dijon parvient enfin à être dangereux dans les dernières secondes de la pénalité, après avoir nettement durci le ton dans les bandes.

La domination grenobloise reprend de plus belle, et Jan Hammar perce toute la défense adverse, avant de voir son tir paré de la jambière par Radovan Hurajt. Pour l'instant, c'est bien le match à sens unique redouté par certains. Il y a un seul joueur dont Grenoble n'arrive pas à maîtriser la technique et les changements de rythme : l'étonnant Anthony Guttig.

On joue depuis un quart d'heure et une charge incorrecte de Baptiste Amar laisse Luc Mazerolle brièvement couché sur la glace dans le rond central. En supériorité numérique, Miroslav Kristin déborde sur l'aile gauche et laisse le palet un peu sur sa droite à Mazerolle qui franchit la ligne de fond et passe aussitôt en retrait pour la reprise gagnante de Stephen Dugas (1-1, 15'42").

La passe de derrière la cage est l'arme fatale aujourd'hui, puisque c'est aussi elle qui permet à Ludek Krayzel de... croire à l'égalisation. Son tir frappe le poteau opposé et laisse perplexe. Pas de but, indique l'arbitre. Amar interpelle le juge de but qui, lui, avait allumé la lampe... Grenoble reste installé et c'est alors qu'Anthony Guttig prend le palet dans le pied sur un slap, à deux mètres à peine du tireur. Il essaie de se relever mais n'arrive même pas à rejoindre le banc, à plat ventre à trois mètres de la délivrance alors que Grenoble reste installé à cinq contre quatre. Guttig, souffrant énormément, ne restera pas longtemps sur le banc. On lui ouvrira les portes pour qu'il puisse rejoindre les vestiaires. Coup dur pour Dijon qui perd son meilleur joueur de ce début de match. En plus, les Bourguignons terminent le premier tiers-temps en infériorité après un retenir de Kevin Dugas, mais son frère Stephen puis Sabol s'appliquent à ressortir le palet de la zone.

Toujours à sens unique

Bonne nouvelle au retour des vestiaires : Guttig est de retour et contribue à tuer le restant de pénalité. Le deuxième tiers-temps reprend avec la même physionomie : domination grenobloise et passes presque systématiques de derrière la cage. Broz sert ainsi Forsander dont le tir est trop centré sur le gardien. Dijon ne s'en sort pas : tir sur engagement de Rouleau, que Fleury vient dévier de près. Radovan Hurajt répond présent, effectuant également une belle mitaine sur une infiltration de Rouleau qui a percé le mur dijonnais à la ligne bleue. La menace se précise de plus en plus, à l'image de ce palet qui ricoche sur la mitaine de Hurajt et qui retombe... sur le dessus du filet.

Marek Jancek donne un coup de poing sur une énième action chaude après la cage dijonnaise, un coup de sang qui coûte très cher : Alexandre Rouleau a du champ pour envoyer un missile de la bleue dans la botte droite de Hurajt, et Anders Nilsson prend le rebond (2-1, 30'00"). Peu après, le chronomètre de Bercy, qui avait déjà oublié de s'arrêter à la fin de la première période, revient à zéro : le temps sera annoncé au micro pour le reste de la période.

Les Dijonnais restent durs physiquement loin de leur zone, mais ils peinent en défense face aux assauts grenoblois répétés. Jancek fait ainsi obstruction sur Martin Masa qui filait à son tour seul au but. Un slap de la bleue de Viktor Wallin provoque encore un rebond brûlant, écarté cette fois-ci. Une pénalité de Tartari doit permettre aux Ducs de souffler : même pas ! À quatre contre cinq, ce sont Mitja Sivic et Damien Fleury qui monopolisent le palet...

Quand le ciel leur tombe sur la tête

Pour l'instant, Dijon s'applique toujours à tenir le score pour rester dans la course jusqu'au bout. Pour que cette stratégie fonctionne, il ne faut pas encaisser de but malheureux. Or, c'est ce qui se produit dès le début de la troisième période. Tomas Janak se fait surprendre par une porte de banc ouverte, Grenoble se retrouve à l'offensive, et le centre de Damien Fleury est dévié par la crosse de Thomas Decock... entre les jambes de son gardien Radovan Hurajt qui laisse filer ce palet (3-1, 42'28"). Johan Forsander s'échappe ensuite, mais Marek Jancek, sur la même ligne, plonge dans ses patins et arrive à lui enlever exactement le palet avec la crosse. Défense parfaite, diront certains. Tir de pénalité, estime l'arbitre. Calle Bergström s'élance et envoie un tir imparable côté plaque - photo de droite (4-1, 43'50"). Daniel Maric demande son temps mort. Avec trois buts de retard, le sorcier dijonnais a besoin d'un miracle.

Voilà donc Dijon obligé de passer à l'attaque, ce qui ne pouvait pas être fait en début de match au risque de courir au suicide. Une charge incorrecte de Forsander sur Guttig en milieu de glace peut y aider, mais le jeu de puissance bourguignon ne parvient même pas à s'installer. Malgré un nouveau numéro de Guttig qui met dans le vent Nilsson dans la zone neutre, les Ducs ne se créent aucune occasion et les minutes défilent. Grenoble récupère sans cesse le palet en zone neutre et place des contre-attaques. Sur l'une d'elles, Viktor Wallin centre pour Anders Nilsson au second poteau qui tue le match (5-1, 55'19").

L'entraîneur-adjoint grenoblois Patrick Rolland plaide auprès de Mats Lusth pour faire rentrer les jeunes en fin de match et finit par dérider le Suédois. Les juniors participent eux aussi à la fête... et ils ne font pas que participer. Raphaël Papa dévie joliment dans le haut du filet un tir de la bleue de Maxime Moisand (6-1, 59'25"). La cerise sur le gâteau isérois !

La logique a prévalu, implacable. Les Ducs devaient savoir que le jaune et le bleu ne sont pas des couleurs qui remportent des finales en région parisienne, c'est une vérité que les amateurs auvergnats de rugby connaissent depuis longtemps. Dijon a fait son match et défendu le plus longtemps possible, mais Grenoble était bien plus fort dans tous les secteurs du jeu. Les Brûleurs de Loups s'octroient donc une seconde finale consécutive et deviennent les rois de Bercy.

Après le trophée des champions, la Coupe de la ligue et la Coupe de France, les Grenoblois ne sont plus qu'à une étape de la saison parfaite...

Désigné joueur du match : Martin Masa (Grenoble).

Compte-rendu signé Marc Branchu (photos François Laurent, sauf B. Amar : photo Caroline Landré)

 

 

Commentaires d'après-match

Baptiste Amar (capitaine de Grenoble) : "L'important est de gagner, peu importe la manière. C'est une chance de revenir ici deux ans d'affilée. C'est un régal de venir à Bercy. Notre premier tiers a été difficile, mais je suis très content de notre réaction au deuxième tiers, en jouant simple avec beaucoup d'intensité. Au troisième tiers, ils ont craqué physiquement, ou moralement. On a senti qu'ils baissaient les bras."

Alexandre Rouleau (défenseur de Grenoble) : "On appréhendait beaucoup le match. Dijon a fait un beau chemin pour se rendre jusqu'en finale. On était un peu nerveux au début, sur les talons. C'était mieux au deuxième tiers. Le gardien venait de faire deux beaux arrêts sur moi, je voulais la mettre en puissance plus qu'en précision, le rebond arrive sur la palette de Nilsson. L'an dernier, après notre élimination avec Briançon, je n'avais même pas regardé la finale. Ici, c'est un bel ampithéâtre, mais le plus beau, c'est l'ambiance qui se dégage."

Antonin Manavian (défenseur de Grenoble) : "On a mis de l'intensité jusqu'au bout, on a su les déséquilibrer. Depuis le début de l'année, le mental est là. On ne perd jamais espoir, on n'avait pas peur à 1-1. On ne peut pas rêver mieux pour l'instant. On a trois trophées, on est au pays des merveilles. On savoure. Je viens de Paris, je suis content que la famille vienne me voir."

Aymeric Gillet (défenseur de Dijon) : "C'est frustrant parce que le score ne reflète pas du tout le match. Un 3-1 aurait suffi. Au début du troisième tiers, on prend un peu l'eau. Un troisième but-gag avec une porte qui s'ouvre et un gars qui tombe. Ensuite, s'il juge penalty, il y a penalty, même si c'est un pmeu sévère. Ces deux buts ne nous laissent pas de chance de nous rattraper. [La demi-finale à] Angers reste un méga-souvenir. Ici, la fête est sympa, mais ce que tu retiens, c'est que tu as perdu. Ils sont plus forts, mais sur un match, c'est carrément jouable."

Thomas Decock (attaquant de Dijon) : "Grosse déception. On perd sur des erreurs bêtes. On voulait faire mieux. Perdre, oui, mais avec la manière. Ayant sorti Briançon et Angers, on était capable. On a perdu en prolongation contre eux en championnat. On les a fait douter, mais sur cette troisième période, on a des regrets. Cette porte ne doit jamais être ouverte, c'est un sketch, on change en passant par-dessus la balustrade normalement. Le joueur n'a aucun moyen de savoir que la porte est ouverte derrière lui."

 

 

Grenoble - Dijon 6-1 (1-1, 1-0, 4-0)

Dimanche 22 février 2009 à 15h00 au Palais Omnisports de Paris-Bercy. 12655 spectateurs

Arbitrage d'Alexandre Bourreau assisté d'Éric Bouguin et Pierre Dehaen.

Pénalités : Grenoble 8' (4', 2', 2'), Dijon 10' (6', 4', 0')

Évolution du score :

1-0 à 07'18" : Masa assisté de Forsander et Rouleau (sup. num.)

1-1 à 15'42" : S. Dugas assisté de Mazerolle et Kristin (sup. num.)

2-1 à 30'00" : Forsander assisté de Rouleau (sup. num.)

3-1 à 42'28" : Fleury assisté de Masa

4-1 à 43'50" : Bergström (tir de pénalité)

5-1 à 55'19" : Nilsson assisté de Wallin et Bergström

6-1 à 59'25" : Papa assisté de Moisand et Baylacq

 

Grenoble

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Alexandre Rouleau - Teddy Trabichet ; Antonin Manavian - Viktor Wallin ; Baptiste Amar (C) - Calle Bergström ; Jason Crossman - Maxime Moisand.

Attaquants : Jan Hammar - Christophe Tartari (A) - Anders Nilsson ; Martin Masa - Mitja Sivic - Damien Fleury ; Ludek Krayzel - Ludek Broz (A) - Johan Forsander ; Julien Baylacq - Raphaël Papa - Nicolas Arrossamena.

Remplaçant : Lucas Normandon (G).

Dijon

Gardien : Radovan Hurajt.

Défenseurs : Martin Balcik - Aymeric Gillet (A) ; Juraj Senko - Vladimir Sabol ; Marek Jancek.

Attaquants : Stephen Dugas (C) [puis K. Dugas à 20'] - Luc Mazerolle - Mathieu Séguy ; Kevin Dugas [puis S. Dugas à 20'] - Anthony Guttig - Miroslav Kristin (A) ; Tomas Janak - Erik Bochna - Thomas Decock.

Remplaçants : Julien Roullier (G), Daniel Masik, Antoine Cohen, Yassine Fahas, David Dauphin, Loïc Chabert.

 

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