Grenoble - Rouen (20 janvier 2009)

 

Coupe de France - Demi-finale.

À peine remis de leur performance lors de la finale de la Coupe Continentale, les Dragons de Rouen doivent remettre le couvert pour un autre enjeu de taille : se qualifier pour la finale de la coupe de France à Bercy. Pour cela, il faudra écarter les Brûleurs de Loups qui ont enfin pu profiter d'une semaine de repos après avoir enchaîné les matchs à un rythme effréné depuis le 23 décembre. Il est donc clair que l'avantage de la fraîcheur est côté grenoblois, mais d'un autre côté, Rouen se présente avec un moral gonflé à bloc suite à son week-end européen inoubliable qui l'a vu battre le futur vainqueur, le MHC Martin. Bref, une demi-finale bien indécise, revanche de la finale de l'an dernier qui avait vu les Dauphinois s'imposer face aux Normands à l'issue de la séance des tirs aux buts après un suspense insoutenable. À noter côté rouennais, l'absence de Carl Mallette tandis que Jaako Niskavaara est ménagé sur le banc.

Ce sont d'entrée les Grenoblois qui prennent le jeu à leur compte. Alexandre Rouleau déclenche le premier tir de la rencontre tandis que les Brûleurs de Loups campent dans la zone rouennaise. Les Dragons montrent leur présence physiquement et parviennent à contenir les assauts des locaux. Ramon Sopko doit se mettre rapidement dans le match et s'interpose avec brio sur une reprise de Damien Fleury. Mais les apparences sont trompeuses et sur sa première occasion du match, Rouen va faire la différence : Bouchard s'y reprend à deux fois face à la cage de Ferhi, et Marc-André Thinel, présent au rebond, finit par avoir raison du gardien tricolore, abandonné par sa défense (0-1, 05'04").

Cette ouverture du score rapide est idéale pour Rouen qui peut se contenter de gérer le match à sa guise, en laissant venir les attaquants grenoblois pour mieux les repousser à la ligne bleue. Les hommes de Mats Lusth sont contraints de menacer Sopko sur des tirs lointains mais le portier slovaque répond présent sur la lancée de son week-end européen. Manavian lui facilite le travail en ne cadrant pas son tir alors qu'il était en bonne position. Les Grenoblois finissent par douter et reculent petit à petit. L'initiative du jeu devient rouennaise : Peltola s'offre une belle occasion alors que quelques minutes plus tard Marc-André Thinel s'ouvre le chemin de la cage mais son revers passe au ras du poteau. À son tour, Bouchard fait parler sa puissance sur un débordement le long de la bande côté droit. Son rush se termine dans la cage de Ferhi mais le palet ne rentre pas. La défense grenobloise semble avoir des difficultés à contenir les attaquants rouennais. Rouen finit le tiers très fort et peut presque avoir des regrets de ne pas avoir marqué un deuxième but. Chose curieuse, aucune pénalité n'a été sifflée dans ce tiers même s'il y avait matière, M.Colleoni ayant choisi visiblement de laisser jouer.

La donne change au début du deuxième tiers puisque Baptiste Amar neutralise un peu trop vigoureusement une échappée de Bouchard. Le premier avantage numérique rouennais est de courte durée puisque Julien Desrosiers est puni pour une crosse haute dans le visage de Johan Forsander. À quatre contre quatre, chaque équipe tente de faire pencher la balance de son côté. Dufournet effectue un tour de cage bien près d'aboutir mais quelques instants plus tard, Sivic, en bonne position, voit son tir heurter la transversale des buts de Sopko. Forsander est accroché près des buts par Glad sans que cela soit signalé par l'arbitre. Quelques instants plus tard, c'est Carlsson qui part en prison, offrant à Grenoble son premier vrai power-play du match. Les Grenoblois n'en profitent pas mais ils bénéficient d'une deuxième chance sous la forme d'une pénalité de Peltola. Cette fois, ils se montrent bien plus présents autour du slot et Forsander, bien placé au second poteau, est tout près de conclure sur un centre au cordeau de Broz mais l'attaquant suédois manque le palet. Les Dragons, rassérénés par ces deux pénalités tuées, reprennent l'initiative et un tir d'Éric Doucet vient s'écraser sur le poteau.

Le rythme s'accélère après la mi-match avec beaucoup de mouvement de part et d'autre et des actions plus directes vers la cage. Chaque équipe semble en mesure de marquer, Masa est tout près de conclure un tour de cage mais c'est Olivier Bouchard qui surprend tout le monde en revenant de derrière le but grenoblois sans opposition pour glisser le palet dans un petit trou laissé par Ferhi, au grand dam de Trabichet bien passif sur le coup (0-2, 36'05"). Ce but, qui semble être celui du K.O., refroidit Pôle Sud d'autant que Grenoble continue de manquer de réalisme avec une nouvelle cage ouverte manquée cette fois par Krayzel. La réussite fuit Grenoble, Rouleau écope de deux minutes de prison et Desrosiers est bien près d'ajouter un troisième but sur le power-play. À la fin du tiers, Rouen semble maîtriser le match et se dirige tranquillement vers Bercy.

Pour provoquer une réaction de ses joueurs, plutôt ternes jusque-là, Mats Lusth bouleverse ses lignes au coup d'envoi du troisième tiers-temps et laisse Teddy Trabichet sur le banc. L'effet escompté n'a pas lieu dans l'immédiat puisque Rouen démarre très fort au troisième tiers-temps. Bouchard, en excellente position, rate la cage. Puis c'est au tour de Thinel, oublié par la défense grenobloise côté droit, de se retrouver seul devant Ferhi mais son tir est repoussé. Doucet a une seconde chance au rebond sans plus de réussite. Ferhi laisse son équipe dans le match tandis que les Dragons sont passés tout près du 3-0. Une occasion majuscule qu'on pourra qualifier par la suite de tournant du match.

Car sur l'arrêt de jeu qui suit, le juge de ligne signale à M. Colleoni une obstruction de Bouchard lors de l'action précédente. M. Colleoni décide de sanctionner le Rouennais, déjà dans le viseur pour plusieurs interventions à la limite. Vogin conteste longuement l'intervention du juge de ligne mais l'arbitre maintient la pénalité. Grenoble ne laisse pas cette fois passer l'occasion : un tir de Baptiste Amar est repoussé par Sopko... dans la crosse de Forsander qui marque du revers (1-2, 45'07"). Ce but réveille Pôle Sud et quelques secondes plus tard Masa rate l'égalisation d'un cheveu, les Brûleurs de Loups sont transfigurés. David effectue une mauvaise charge sur Fleury près du banc rouennais, ce dernier se venge et se fait sanctionner pour dureté par M. Colleoni. Une belle occasion pour Rouen de reprendre une avance plus confortable, mais la fatigue semble peser sur les Rouennais pour la première fois du match. Grenoble s'implique enfin physiquement à l'image d'une grosse charge de Forsander sur David. Bergström, arrivé lancé, expédie un énorme slap sur Sopko mais ce dernier répond encore présent. Sur un contre, Bouchard négocie mal un 3 contre 1 et les attaquants rouennais semblent avoir perdu leur lucidité du début de match. Suite à une remontée de palet de Fleury le long de la bande, Sivic prend un tir près des cages. Sopko repousse comme il peut, le palet s'envole en l'air et percute Masa, accroché devant l'enclave par Glad. Le palet finit sa course dans les filets et M. Colleoni accorde le but malgré les protestations véhémentes de Ramon Sopko (2-2, 48'34").

Alain Vogin sent son équipe craquer nerveusement et demande un temps mort pour calmer ses joueurs. Peine perdue, sur une contre-attaque iséroise, Johan Forsander est neutralisé irrégulièrement. Il parvient tout de même à tirer assis sur la glace, Sopko repousse de la jambière... dans la crosse de Krayzel qui avait bien suivi (3-2, 50'04"). En cinq petites minutes, Rouen a tout perdu, laissant filer un avantage qui semblait décisif. Les Dragons vont tenter de refaire leur retard, mais avec une concentration envolée et un physique qui commence à être défaillant, les conditions ne sont pas optimales. Le jeu se durcit et les accrochages sont nombreux devant la cage de Ferhi. Sur l'un d'eux, Marc-André Thinel est sanctionné pour un coup de poing sur Rouleau, coupable d'une charge irrégulière non sifflée quelques instants auparavant. Comme sur la pénalité de Fleury, seul le joueur voulant se faire "justice" est sanctionné. Une pénalité ayant été appelée contre Bergström, les deux équipes évoluent à quatre contre quatre... Un moindre mal pour Rouen qui se retrouve quand même en infériorité pour une faute de Desrosiers. Grenoble tourne autour de la cage mais ne parvient pas à marquer malgré une bonne échappée de Fleury. Une pénalité contre Broz à quatre minutes de la fin semble être l'occasion rêvée d'égaliser pour Rouen mais la défense grenobloise tient bon. Dans la dernière minute, Krayzel se fait sanctionner à son tour. Vogin sort le gardien et Rouen joue à six contre quatre, la pression est énorme mais la défense parvient à se dégager : Grenoble est en finale !

Rouen peut avoir beaucoup de regrets d'avoir laissé échapper en cinq minutes le ticket pour Bercy. Bien en place sur leur lancée de la coupe continentale, les Dragons ont dominé leur sujet pendant deux tiers-temps sans vraiment trembler. Sopko était une muraille infranchissable et Thinel avait su marquer tôt pour permettre à son équipe de faire la course en tête ce qui au final semblait s'avérer payant. Avec un troisième but marqué en début de troisième tiers, les Rouennais n'auraient sans doute jamais vu Grenoble revenir sur eux. Après le premier but grenoblois, le bel ensemble s'est pourtant fissuré, les Dragons ont perdu leur concentration à pester contre les décisions arbitrales plutôt que de rester dans leur match. Et à 2-3, ils se trouvaient incapables de chercher l'égalisation malgré une fin de match favorable avec deux supériorités numériques. La fatigue accumulée ce week-end en Coupe continentale n'est sans doute pas étrangère à ce troisième tiers difficile des Dragons. Les questions concernant l'enchaînement des matchs seront sans doute soulevées, de même que celles relatives à l'arbitrage, au vu de la véhémence des joueurs rouennais à l'encontre de l'arbitre M. Colleoni. Une frustration compréhensible au vu du déroulement du match mais pas vraiment justifiée sur le fond des décisions prises par le corps arbitral.

Les Brûleurs de Loups pour leur part reviennent de très loin. Ils vont retrouver Bercy un an après même si Paris semblait bien loin après quarante minutes. Grenoble semblait alors impuissant face à l'armada rouennaise, incapable de trouver la faille dans une défense regroupée autour d'un Sopko impérial. Seuls Sivic et Krayzel semblaient tout près de marquer mais ils avaient fait preuve d'imprécision. En bouleversant ses lignes au début du troisième tiers, Mats Lusth a tenté un coup de poker qui a fonctionné, bénéficiant également de la fatigue d'une équipe rouennaise plus émoussée en fin de match. La ligne Krayzel-Broz-Forsander a très vite trouvé des automatismes tandis que Masa a marqué un but opportuniste. Ferhi, bien que battu à deux reprises, a fait ce qu'il fallait pour laisser son équipe dans le match jusqu'au bout, avec quelques arrêts de grande classe comme celui à bout portant face à Doucet. Il a su tenir bon dans les dernières minutes, répondant une nouvelle fois présent dans les grands rendez-vous. Et à l'image de Forsander, auteur d'un grand match ce soir, c'est toute l'équipe grenobloise qui a une fois encore montré une volonté et un mental d'acier dans le "money-time", malgré un score défavorable. Il reste maintenant à Grenoble de tenter le doublé à Bercy : un bien beau pari pour une équipe à qui les coupes semblent réussir cette saison !

Désignés meilleurs joueurs du match : Johan Forsander (Grenoble) et Marc-André Thinel (Rouen)

Compte-rendu signé Christophe Laparra

 

Commentaires d'après-match (d'après le Dauphiné Libéré et le site officiel de Rouen) :

Patrick Rolland (entraîneur-adjoint de Grenoble) : "Ça serait mentir que de dire qu'on n'a pas douté. Il fallait se montrer plus réalistes. On aurait pu perdre. Mais la foule nous a donné une énergie incroyable ce soir ! Pour l'avoir déjà vécu, une finale de coupe de France, c'est quelque chose de magique. Mais on va revenir sur terre, on va surtout penser à notre rencontre face à Épinal, samedi. On a un mois pour préparer cette finale."

Eddy Ferhi (gardien de Grenoble) : "À 2-0, on y croyait toujours. Rouen avait joué trois matchs ce week-end, on savait qu'ils allaient craquer. Même si je pensais que ce serait plus tôt... On les a poussés dans leurs retranchements. [Sur le second but], Bouchard arrive de derrière la cage, moi je couvre bien le ras de la glace. Après je ne sais pas si c'est un défenseur qui soulève le palet, ou si c'est lui qui le lève en bout de course dans un geste étonnant. Quand on reprend l'avantage, il y a un peu plus de pression qui revient sur moi. C'était à moi, avec mon équipe devant, de tenir. À ce moment-là, j'essaie de me sortir de toute l'émotion qu'il y a autour de moi et de me reconcentrer sur cette tâche."

Alain Vogin (entraîneur de Rouen) : "On s'est fait voler. Il y a eu quatre erreurs d'arbitrage flagrantes dans le troisième tiers. La première, qui a été reconnue par l'arbitre : une collision se produit alors que Bouchard sort du banc des joueurs, l'arbitre ne voit rien, le jeu se poursuit pendant 31 secondes avec une énorme occasion de Thinel, mais le juge de ligne, ancien capitaine de l'équipe espoir de Grenoble il y a deux ans, va voir l'arbitre qui décide de donner une pénalité à Bouchard. Le règlement stipule qu'il est interdit de signaler une pénalité mineure si l'arbitre ne va pas solliciter les explications du juge de ligne. Deuxième erreur, moi-même dans le feu de l'action je ne l'ai pas vue mais la vidéo est claire, [Masa] réussit à frapper volontairement le palet avec sa tête vers la cage. Troisième erreur, l'arbitre a pris l'avis d'un seul juge de ligne qui indique le coup de poing de Thinel, alors qu'il n'a pas pris en considération l'opinion de l'autre juge de ligne qui signale la simulation de Rouleau qui faisait un cinéma pas possible. Dernier truc qui semble anodin après tous ces évènements, à deux minutes de la fin, un juge de ligne dit qu'il n'y a pas dégagement interdit, celui à l'autre bout siffle et arrête le jeu, donc engagement au centre de la glace qui brise le rythme du match. Le recours, j'ai mis ça entre les mains de Guy Fournier qui a téléphoné au superviseur des arbitres, que j'ai aussi eu. Je dis juste que, si on n'est pas au rendez-vous de Bercy, ce n'est pas à cause des joueurs, qui ont fait preuve d'un courage incroyable. Je demande juste qu'on reconnaisse qu'il y a eu des erreurs qui ont fait en sorte que le club de Rouen ne soit pas de la partie."

 

Grenoble - Rouen 3-2 (0-1, 0-1, 3-0)

Mardi 20 janvier à 20h00 à la patinoire Pôle Sud de Grenoble. 3500 spectateurs

Arbitrage de Bruno Colleoni assisté de Geoffrey Barcelo et Alexis Grabit.

Pénalités : Grenoble 12' (0', 4', 8'), Rouen 12' (0', 6', 6')

Évolution du score :

0-1 à 05'04" : Thinel assisté de Bouchard

0-2 à 36'05" : Bouchard assisté de Doucet

1-2 à 45'07" : Forsander assisté de Amar et Broz (sup. num.)

2-2 à 48'34" : Masa

3-2 à 50'04" : Krayzel assisté de Forsander

 

Grenoble

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Alexandre Rouleau - Baptiste Amar (C) ; Viktor Wallin - Antonin Manavian ; Teddy Trabichet - Calle Bergström.

Attaquants : Jan Hammar [puis Masa à 40'00"] - Mitja Sivic - Damien Fleury ; Ludek Krayzel - Ludek Broz (A) - Martin Masa [puis Forsander à 40'00"] ; Johan Forsander [puis Hammar à 40'00"] - Christophe Tartari (A) - Anders Nilsson.

Remplaçants : Lucas Normandon (G), Julien Baylacq, Raphaël Papa, Nicolas Arrossamena, Jason Crossman, Maxime Moisand. Absents : Martin Jansson (genou, saison terminée), Mathieu Frecon (blessé).

Rouen

Gardien : Ramon Sopko (sorti de 59'19" à 59'28" et de 59'40" à 60'00").

Défenseurs : Petri Virolainen - Jarkko Glad ; Daniel Carlsson (A) - Jean-François David.

Attaquants : Olivier Bouchard - Éric Doucet (C) - Marc-André Thinel (A) ; Julien Desrosiers - Mikko Peltola - Jérémie Romand ; Lionel Tarantino - Loïc Lamperier - Édouard Dufournet.

Remplaçants : Ronan Quemener (G), Sebastian Strozynski, Peter Bourgaut, Cédric Custosse, Jaako Niskavaara. Absent : Carl Mallette (déchirure abdominale).

 

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