Suède - Suisse (7 mai 2008)

 

Championnat du monde 2008, premier tour, groupe A.

De la Suisse dans les idées

La Suisse peut dormir tranquille. La menace bélarusse écartée lundi soir (2-1), la nouvelle garde helvète de Ralph Krueger a donc l'esprit libéré pour jouer la "finale" du groupe A à la Suède. La Tre Kronor, poussive face à sa bête-noire bélarusse en ouverture de tournoi (6-5), a reproduit durant vingt-cinq minutes un scénario brouillon face aux Français, avant de dérouler en fin de partie devant des Bleus démobilisés sitôt la mi-match (9-0). C'est dire si la Nati, rajeunie, semble à même de contrarier un ensemble scandinave pas totalement convaincant jusqu'alors, si ce n'est devant la France...

En attendant Henrik Lundqvist, en congé prématuré de NHL après l'élimination de ses Rangers, c'est Stefan Liv qui défend une seconde fois le filet suédois, orné d'un chandail vintage de 1957. Et celui-ci, sorti blanc comme neige de la promenade française quarante-huit heures plus tôt, doit rapidement aller rechercher le disque au fond de ses filets. Un signe de l'intensité helvète, concrétisée d'une montée latérale de Thierry Paterlini, suivie d'un lancer déclenché en entrée de zone. L'essai du Luganais, contré dans l'axe, est repris par celui-ci, déportant Liv sur son flanc droit pour ouvrir le score (0-1 à 00'48").

Dominatrice le long des bandes, à l'instar de l'engagement physique prôné par Thomas Déruns, un spécialiste en la matière, la Nati se retrouve ainsi dans son élément. Gérer le score et tisser lentement, mais sûrement sa toile pour mieux contrarier une Suède allégée et pas tranchante pour deux sous. Contrariée en amont par le forecheck des Lemm et compagnie, celle-ci reste muette lors de ses deux premiers avantages numériques, incapable de réellement déstabiliser la boîte rouge. Empêtrée, elle reste même à la merci des contres adverses, symbolisés par cette passe dans l'intervalle de Patrik Bärtschi ouvrant la voie du but à Roman Wick, mais ce dernier est trop juste pour déjouer Liv (09'00").

Pour l'instant donc, le plan se déroule presque sans accrocs mais un tir complément excentré de Fredrik Warg, sur un palet ressorti par Tony Mårtensson, surprend Jonas Hiller dans le petit côté. Matthias Weinhandl, plongeant au devant du back-up des Ducks d'Anaheim, intronisé pour la première fois de cette quinzaine québécoise, était bien près de couper la trajectoire (1-1 à 10'47").

La Suisse, reprenant rapidement le collier sur un poteau de son capitaine Sandy Jeannin (11'11"), démontre toujours un entrain supérieur à celui de son adversaire. Les contre-attaques en font foi, comme cette poussée axiale de Philippe Furrer, quittant ses bases défensives pour servir Thomas Ziegler, menaçant sous le nez de Stefan Liv (15'43").

Sans le savoir, le duo bernois n'a fait qu'indiquer la marche à suivre à l'énergique Andres Ambühl, lancé à son tour sur le flanc droit après une mise au jeu gagnée dans sa zone. Le Grison déboule toutes voiles dehors pour armer un tir finissant sous la barre du portier de HV71 (1-2 à 16'35").

Sans son chef d'orchestre Mark Streit, absent de ces Mondiaux pour soigner une blessure apparue en playoffs (et qui, en s'aggravant, pourrait nuire à son actuelle renégociation de contrat avec Montréal), et quelques-uns de ses plus fameux dinosaures, la Suisse s'est trouvée une vraie perle en la personne de Julien Sprunger. L'athlétique ailier fribourgeois, après avoir éclaboussé la LNA, a fait son trou sous le chandail frappé de la croix blanche, accompagné d'une nouvelle vague déjà testée avec succès durant toute la campagne hivernale. C'est peu dire que Sprunger, meilleur buteur helvète du tournoi, tape dans l'œil du Wild. Oui, car l'organisation du Minnesota détient, rappelons-le, ses droits outre-Atlantique et devrait le mettre sous contrat pour ne pas les perdre (tout en le laissant jouer chez lui à Fribourg-Gottéron la saison prochaine). La menace est donc toute ciblée pour Bengt-Ake Gustafsson et ses troupes, et tout particulièrement pour Marcus Nilson, séché au retour des vestiaires par une charge de Sprunger.

Cette collision entre l'as de Fribourg-Gottéron et le col-bleu de Calgary amorce une ère de nervosité, où tour à tour Marc Reichert et Patrick Hörnqvist (30e), puis ce même Sprunger et Hörnqvist (33e) sont appelés à chauffer les bancs d'infamie de la Vieille Capitale, rejoints sur ce coup par le Zurichois Thibaut Monnet, pour un faire trébucher (33e), Sprunger voit là son intensité naturelle se retourner contre lui et offrir une nouvelle chance au jeu de puissance scandinave. Mais ce dernier, toujours aussi improductif hormis un bon tir en coin de Nils Ekman (31'32"), ne se montre gère plus brillant que son homologue suisse, qui lui, par faute d'approximations, se perdra dans les bas-fonds de sa zone...

Hormis un léger surcroît d'activité en fin de période devant Hiller, le spectacle est ressorti perdant d'un deuxième acte marqué, outre ce flux migratoire pénitentiaire, par un faux rythme décidément tenace et reproduit en troisième période. Pas de doutes, la troupe de Ralph Krueger connaît ses classiques sur le bout des doigts et fait tout le nécessaire pour piéger la Suède dans ses doutes, à grand coups d'échec-avant et de placements sûrs et rigoureux dans sa zone. Une telle couverture n'aide pas ces Nordiques-là, sans grand génie et contraints, sur leurs quelques incursions, à se casser les dents sur ce rideau défensif.

La Suisse, elle, délivre tout un travail de sape pour préserver son avantage et joue de surcroît sur l'opportunisme et la vivacité de ses attaquants. Ainsi Thibaut Monnet exploite les quelques libertés offertes pour s'extraire du coin gauche et s'infiltrer ligne de fond et s'en venir trouver la lucarne opposée à l'aide de son plus beau revers (1-3 à 45'23").

Le gros du travail fait, la Nati n'a plus qu'à se retrancher pour laisser venir un adversaire s'échinant toujours à faire vivre le danger aux avant-postes. Néanmoins, la frustration aidant, c'est vers une stratégie plus rugueuse qu'elle bascule comme en témoigne une fin de match presque intégralement subie en désavantage numérique. Deux charges par derrière, l'une de Niclas Wallin (54'10"), l'autre d'Alexander Edler (56'12"), laissent leurs vis-à-vis sur le carreau. Et notamment le remuant Roman Wick, rentré précocement aux vestiaires après avoir été atteint à la tête par le blueliner des Carolina Hurricanes, qui écope d'une pénalité de match.

En bénéficiant d'un net relâchement aux abords de l'enclave, les Suédois parviennent à réduire la marque. Robert Nilsson se voit tout heureux d'obtenir une rondelle qu'il redirige aussitôt au second poteau, où coupe imparablement un Patrick Hörnqvist tout aussi esseulé (2-3 à 59'01"). Une errance finalement lourde d'aucune conséquence puisque Stefan Liv, sorti de son filet pour un hypothétique coup de poker, voit du banc Beat Forster dégager d'un revers lointain dans sa cage désertée (2-4 à 59'53").

La Suisse finit première de sa poule et bouscule une fois de plus la hiérarchie. Tous les ans, un des "sept grands" se retrouve pris au piège favori de Ralph Krueger. Cette année, c'est à la Suède de capituler. Le second tour s'amorce donc avec le sourire pour un contingent helvète apparu non seulement solide, mais également capable de réussir de belles choses dans ce Mondial. Les doutes sont plus nombreux du côté nordique, et infiniment légitimes vu le verdict rendu par une première ronde très décevante. Se mêler à la grande bagarre au second tour sera donc tout un sacré défi.

Désignés joueurs du match : Kenny Jönsson pour la Suède et Beat Forster pour la Suisse.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "Nous avons réalisé une performance pleine de maturité. C'était le meilleur match de ma carrière de sélectionneur national. Nous ne pouvons pas rivaliser avec les grandes nations joueur par joueur mais nous pouvons rivaliser en équipe. Nous avons eu un camp plus long que les autres, ce qui nous a aidé à construire l'équipe. Mais maintenant nous devons nous concentrer sur le prochain match contre les Tchèques. Nous savons qu'ils ont une défense quelque peu vascillante. À nous d'utiliser ça à notre avantage avec notre système de jeu."

Julien Vauclair (défenseur de la Suisse) : "Avoir pris l'avantage nous a facilité les choses, parce que cela a diminué la pression. Notre objectif était de gagner pour terminer en tête de notre groupe dans ce tour préliminaire. Les consignes étaient de dégager chaque palet au début et ne courir aucun risque. Ensuite nous avons joué 'à la suisse', en cherchant à exploiter les contre-attaques. Dans 24 heures nous seront de nouveau en piste. Il faudra très bien récupérer."

Bengt-Åke Gustafsson (entraîneur de la Suède) : "Ils ont travaillé mieux que nous dans tous les aspects du jeu, il n'y a pas eu photo pour savoir qui était la meilleure équipe."

 

Suède - Suisse 2-4 (1-2, 0-0, 1-2)

Mercredi 7 mai 2008 à 19h00 au Colisée Pepsi de Québec. 7939 spectateurs.

Arbitrage de Guy Pellerin (CAN) et Jyri Petteri Rönn (FIN) assistés de Stefan Fonselius (FIN) et Thomas Gienke (NOR).

Pénalités : Suède 47' (0', 8', 4'+10'+25'), Suisse 12' (4', 6', 2').

Tirs : Suède 30 (10, 10, 10), Suisse 28 (7, 8, 13).

Évolution du score :

0-1 à 00'48" : Paterlini assisté de Di Pietro et Blindenbacher

1-1 à 10'47" : Warg assisté de Mårtensson et Weinhandl

1-2 à 16'35" : Ambühl assisté de Forster

1-3 à 45'23" : Monnet assisté de Sprunger et Sannitz

2-3 à 59'01" : Hörnqvist assisté de Nilsson et Ekman (inf. num.)

2-4 à 59'53" : Forster (cage vide)

 

Suède

Gardien : Stefan Liv [sorti à 59'28"].

Défenseurs : Kenny Jönsson (C) - Anton Strålman ; Alexander Edler - Niclas Wallin (A) [exclu à 54'10"] ; Daniel Fernholm - Magnus Johansson (A) ; Jonas Frögren.

Attaquants : Fredrik Warg - Nicklas Bäckström - Patric Hörnqvist ; Nils Ekman - Rickard Wallin - Robert Nilsson ; Karl Fabricius - Tony Mårtensson - Mattias Weinhandl ; Johan Andersson - Michael Holmqvist - Marcus Nilson ; Per Ledin.

Remplaçant : Mikael Tellqvist (G).

Suisse

Gardien : Jonas Hiller.

Défenseurs : Raphael Diaz - Beat Forster ; Goran Bezina - Severin Blindenbacher ; Philippe Furrer - Julien Vauclair ; Beat Gerber.

Attaquants : Thomas Déruns - Sandy Jeannin (C) - Romano Lemm ; Paul DiPietro - Thomas Ziegler - Thierry Paterlini ; Roman Wick [sorti à 54'10"] - Andres Ambühl (A) - Patrik Bärtschi ; Julien Sprunger - Thibaut Monnet - Raffaele Sannitz ; Marc Reichert.

Remplaçant : Ronnie Rüeger (G).

 

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