Ak Bars Kazan - Salavat Yulaev Ufa (26 mars 2008)

 

Demi-finale de Superliga russe, match 3.

Un partout, palet au centre ! Après les deux premières rencontres à Oufa, les deux meilleures équipes du monde turcophone russe se retrouvent à Kazan pour la troisième manche. Un derby des plus serrés entre deux équipes pour qui la rivalité régionale interdit de céder sous peine de honte éternelle ! Enfin presque !

En tout cas, la Tatneft Arena est pleine, malgré les prix des places des places pas vraiment donnés : entre 350 et 850 roubles; soit entre près de 10 euros et pratiquement 24 euros ! Ce qui fait (très) cher au vu du niveau de vie russe en général et tatar en particulier. Bientôt, il ne suffira plus de travailler comme salarié dans le pétrole pour aller voir un match de hockey, mais de posséder une raffinerie ou une compagnie !

Mais quand on aime la panthère blanche, on ne compte pas, et elle vous le rend bien ! On joue depuis deux minutes seulement, qu'Ak bars a donné son premier coup de griffe ! Une  superbe contre-attaque du deuxième bloc tatar, qui débouche sur un 2 contre 1, conclu magnifiquement par Alexandre Stépanov, l'un des rescapés de la greffe 2006 des meilleurs Dynamistes sur la panthère blanche (1-0, 02'00").

La Tatneft Arena respire... Pas pour longtemps ! La réplique bachkire est immédiate. Ilia Nikouline (autre ex-Dynamiste) est sanctionné et le jeu de puissance en provenance du Bachkortostan ne va pas traîner à prouver son efficacité. Douze secondes vont suffire. Un centre en retrait parfait qui arrive pile poil sur la crosse du défenseur Oleg Tverdovski et "l'Ukrainien-naturalisé russe-formé aux KSM-longtemps en LNH" n'hésite pas : boum ! Robert Esche, l'ancien goalie de Philadelphie, ne peut que constater les dégâts : cela fait un partout (1-1, 03'20"). Et bien dîtes-moi, trois minutes de jeu et déjà deux buts !

Et les évènements s'enchaînent, Robert Esche prend deux minutes de pénalité pour avoir dégagé un palet en dehors des limites de jeu (4'40"), mais cet avantage est vite supprimé par une pénalité bachkire pour Tarataoukhine (5'15"), sauf que quelques secondes plus tard, c'est Morozov qui est à son tour sanctionné (5'30"). Cela laisse de l'espace ! Le jeu est très rapide, cela va d'une cage à l'autre. Mais il y a toujours la prison de trop...

Elle tombe sur les épaules de Sergueï Zinoviev à la 8e et Oufa en profite une fois de plus. Une percée d'Alexeï Chkotov trompe la vigilence d'Esche. Le joueur formé à Elektrostal, passé par le CSKA et le Khimik (le vrai), est déséquilibré par un défenseur de Kazan, mais il parvient, d'une manière spectaculaire, à se remettre à peu près sur ses patins et à tirer dans une position inconfortable. Quoi qu'il en soit, Oufa a réussi à renverser la vapeur et mène 2-1 sur la glace ennemie.

Il sera cependant dit que ce premier tiers-temps nous réservera encore des surprises ! Quarante secondes plus tard, Kazan égalise (2-2, 11'10"). Une action totalement confuse devant la cage d'Alexandre Eremenko, avec un palet qui rebondit sur tout, joueurs, gardien, patin, crosse, je ne sais quoi et qui au final se retrouve derrière la ligne. Bien embêté pour savoir quel joueur a touché le palet en dernier, l'arbitre désigne d'abord Alexeï Morozov, en embuscade dans le coin droit, mais le cinquième ralenti montre que c'est en fait le défenseur Grigori Panine qui est le papa de ce but. Les fans de la panthère blanche se moquent un peu de qui a marqué, ce qu'ils voient, c'est qu'ils sont revenus à égalité avec les Bachkires !

Et dans la minute qui suit, ces fans pensent même qu'Ak bars va poursuivre sur sa lancée : Tverdovski est sanctionné d'une pénalité mineure. Les locaux poussent alors très fort, cela tourne à cent à l'heure dans la zone défensive bachkire, mais visiblement, il en faut plus pour troubler Alexandre Eremenko qui se dévoile un gardien remarquable à 28 ans, alors que personne jusque là ne l'avait remarqué, ni au Dynamo, ni... à Kazan ! Peut-être qu'à Tver, son premier club...

Même sur la pénalité suivante contre Taratoukine (17'57"), qui permet aux locaux de finir le tiers en supériorité numérique, rien ne passe. Pourtant, ce n'est pas manque d'avoir essayé de la part de Kazan.

Le problème est que si les supporters tatars ont trouvés que les efforts de leurs protégés n'ont pas été récompensés au premier tiers, que vont-ils penser de la deuxième période. Âmes sensibles, abstenez-vous de lire la cruelle suite, si vous êtes protecteurs des panthères des neiges...

Dire que les vert-blanc-rouge ne vont pas essayer serait mesquin ! Ils vont même pousser de toutes leurs forces pour gagner la confiance de Dame victoire. Oufa va se contenter d'aller tranquillement récolter les lauriers de la gloire !

Ak bars domine largement ce tiers. Les Tatars font le siège de la défense bachkire, c'est impressionnant, le jeu est d'une rapidité déconcertante, c'est tout simplement magnifique à voir. Il ne manque qu'une seule chose, essentiel en sport : la concrétisation. Le but quoi !

Et là, la leçon va être bachkire ! Après avoir tout essayé, tout tenté, on s'aperçoit que le doute est en train de s'installer dans les têtes tatares. Comment expliquer alors que le premier bloc de Kazan, le célèbre et (jadis ?) terrifiant trio Zaripov-Zinoviev-Morozov, ne parvienne plus à pénétrer la zone défensive adverse et se fasse contrer pratiquement à chaque fois et relativement aisément à la bleue ?

C'est une fois de plus grace aux pénalités qu'Oufa va donner la leçon. Stépanov est sanctionné pour Kazan (34'08"), mais huit secondes plus tard, le remuant Tchèque d'Oufa, Michal Mikeska l'est à son tour. Il a beau raler, jeter sa crosse de rage sur le banc... À quatre contre quatre, il y a de l'espace pour un exploit individuel d'Igor Volkov. Le fidèle attaquant d'Oufa (juste passé par le Dynamo en 2005, histoire de faire l'inverse des autres...) slalome dans la défense tatare et va jusqu'à éliminer Esche pour marquer le but qui fait mal, très mal (2-3, 36'03").

Et ce n'est pas terminé. Loin de là ! C'est tout d'abord Alexandre Stépanov qui retourne en prison (36'38"). Kazan résiste comme il peut, et alors que les Tatars pensent qu'ils ont fait le plus gros, Grigori Panine en fait une grosse ! De bêtise ! Emporté par son élan, il donne un magistral coup de crosse, qui a beau être involontaire, n'en termine pas moins sa course en pleine face de Michal Mikeska qui a baissé la tête au mauvais moment ! Le visage du Tchèque est en sang, l'ancien joueur de Pardubice, une fois sur le banc, plonge même sa main dans sa bouche et en retire quelque chose qu'il jette rageusement par terre en jurant. Je pense qu'il s'agit d'une dent !

Quoi qu'il en soit, Panine prend 2'+2', Oufa a du temps devant soi en double puis simple supériorité. Plus de temps qu'il n'en faut pour Oleg Tverdovski qui inscrit son deuxième but et son troisième point du match. Un tir de loin qui ne laisse aucune chance à Esche (2-4, 39'12"). Fin de ce tiers de cauchemar pour Kazan.

Comme quoi, on peut dominer territorialement un match, jouer magnifiquement et se retrouver mener de deux buts par son ennemi de toujours sur sa glace en plus ! Comment dit-on "tu l'as dit bouffi" en bachkire ?

Autant être clair, la panthère des neiges a pris un (gros) coup sur la tête ! Elle chancelle, la pauvre bête. Je vous avais prévenu, amis protecteurs de la nature, que cette histoire était cruelle...

En revanche, le rebelle bachkire, monsieur Salavat Iouliaev, lui se porte bien. Il a la situation bien en main et ne va pas faire n'importe quoi dans la dernière ligne droite. Pas question de se jeter dans la gueule du fauve, autant tranquillement attendre en zone neutre. Le problème est que le fauve s'est transformé en petit minou...

Oufa gère alors le temps qui passe, songe peut-être à ses glorieux ancêtres venus de l'orient, sous la yourte... Enfin, comme les bachkires sont peu nombreux (un, c'est peu nombreux ?) dans l'équipe, ils ne doivent pas penser à cela.

Ce qui est certain, c'est qu'à 54'48" lorsque Grigori Panine (encore lui !) prend deux minutes, le Salavat Ioulaiev se dit que c'est dans la poche. Il suffit de faire tourner le palet pendant ces deux minutes, et ensuite, Kazan n'aura jamais le temps de revenir au score. La première partie de ce plan ingénieux se passe merveilleusement bien. Les vert et bleu font effectivement tourner la rondelle : "Et toi, ta femme, elle-est contente de sa nouvelle Porsche Cayenne ?", "Ouais, mais le périph' d'Oufa, c'est pas top..."

Le hic, c'est la suite ! Tout aurait dû se passer comme prévu... sans compter la légendaire hargne nord-américaine. Car, asti, tant que c'est pas fini... C'est pas fini !

À la fin de la prison de Panine, il y a dans les rangs de Kazan, un joueur, devenu emblématique du club, qui estime que ce n'est pas encore le moment de plier les gaules. Tel un cavalier décidé de la police montée canadienne, Raymond Giroux s'empare du palet et fonce ! "Mais, où va-t-il comme ça ?" se demande la défense d'Oufa. Quelques secondes plus tard, elle a la réponse ! Il s'en va "putter l'puck dans l'goal !" (3-4, 57'14"). Et Raymond Giroux de foncer vers son banc en hurlant des "Come on" réunificateurs ! Eh bé !

Cela redonne évidement de l'espoir aux troupes tatares, le Khan Zinetoula Bilialetdinov réunit son conseil de guerre et décide de sortir du champ de bataille son mercenaire américain pour renforcer son avant-garde. Six fiers guerriers tatars qui campent devant la citadelle bachkire...

Oui, mais en fait, rien ! C'est trop tard, et la citadelle, et bien, elle ne se rend pas !

Coup de sirène final, et Oufa mène deux victoire à une devant Kazan. Avantage Bachkortostan ! Définitif ? Seul Allah le sait !

Étoiles du match Sport-Express : *** Oleg Tverdovski (Salavat), ** Raymond Giroux (Ak bars), * Alexeï Chkotov (Salavat).

Étoiles du match Soviet Sport : *** Oleg Tverdovski (Salavat), ** Igor Volkov (Salavat), * Alexeï Morozov (Ak bars).

Compte-rendu signé Bruno Cadene

 

Commentaires d'après-match

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "Je n'ai rien à reprocher à mes gars aujourd'hui. Ils ont tout donné pour gagner. Malheureusement, nous n'avons pas été bons en supériorité ni en infériorité. Ce sont les composantes qui nous ont manqué ce soir."

Sergei Mikhalev (entraîneur d'Ufa) : "Une fois de plus, nos équipes ont joué un hockey de grande qualité avec un engagement maximal. Tous les joueurs se sont battus jusqu'à la fin. La réussite était de notre côté, puisque nous avons marqué un but de plus que l'adversaire. Nous sommes contents d'avoir pu récupérer l'avantage sur leur glace. Je pense que le match suivant aura la même flamme."

 

Ak bars Kazan - Salavat Yulaev Ufa 3-4 (2-2, 0-2, 1-0)

Mercredi 26 mars 2008 à 19h00 à la Tatneft Arena de Kazan. 9300 spectateurs.

Arbitrage de Sergei Kulakov (Tver) assisté de Roman Gofman et Yakov Monashkov (Chelyabinsk).

Pénalités : Kazan 22' (8', 10', 4'), Ufa 18' (6', 8', 4').

Tirs cadrés : Kazan 22 (7, 11, 4), Ufa 20 (9, 9, 2).

Évolution du score :

1-0 à 02'00 : Stepanov assisté de Kazionov et Arkhipov

1-1 à 03'20 : Tverdovsky assisté de Volkov et Medvedev (sup. num.)

1-2 à 10'29 : Shkotov assisté de Mikeska et Chernov (sup. num.)

2-2 à 11'10 : Panin

2-3 à 36'03 : Volkov assisté de Tverdovsky

2-4 à 39'12 : Tverdovsky assisté de Medvedev et Koltsov (sup. num.)

3-4 à 57'14 : Giroux assisté de Morozov et Zinoviev

 

Ak Bars Kazan

Gardien : Robert Esche (USA) [sorti à 58'26"].

Défenseurs : Grigori Panin - Raymond Giroux (CAN) ; Evgeni Medvedev - Aleksei Emelin ; Andrei Pervyshin - Ilya Nikulin ; Vyacheslav Buravchikov - Yakov Seleznev.

Attaquants : Danis Zaripov - Sergei Zinoviev - Aleksei Morozov (c) ; Aleksandr Stepanov - Dmitri Kazionov - Denis Arkhipov ; Jukka Hentunen (FIN) - Petr Cajanek (TCH) - Oleg Petrov ; Mikhaïl Zhukov - Grigori Shafigulin - Dmitri Obukhov.

Remplaçant : Emil Garipov (G). Absents : Mika Noronen (gardien étranger surnuméraire), Nikita Alekseïev (cheville cassée), Mikhaïl Tyulapkin  (blessé), Kirill Petrov (équipe de Russie 18 ans), Andrei Zubarev (surnuméraire).

Salavat Yulaev Ufa

Gardien : Aleksandr Eremenko.

Défenseurs : Vitali Proshkin - Igor Shchadilov ; Miroslav Blatak (TCH) - Andrei Kuteïkin ; Kirill Koltsov - Oleg Tverdovsky ; Mikhaïl Chernov - Pavel Doronin.

Attaquants : Andreï Taratukhin - Alekseï Tereshchenko - Aleksandr Perezhogin ; Konstantin Koltsov - Michal Mikeska (TCH) - Vladimir Antipov (c) ; Igor Volkov - Alekseï Medvedev - Andrei Sidyakin ; Ruslan Nurtdinov - Artiom Gordeev - Alekseï Shkotov.

Remplaçant : Vadim Tarasov (G). Absents : Vladimir Vorobiev, Nikolaï Zavarukhin, Aleksandr Voïkov et Radek Philipp (blessés), Milan Hnilicka, Igor Grigorenko (surnuméraires).

 

Retour au championnat de Russie