Salavat Yulaev Ufa - Ak Bars Kazan (22 mars 2008)

 

Demi-finale de Superliga russe, match 1.

Quelle affiche ! Le derby des républiques turcophones de la Volga s'annonce comme un sommet du hockey russe ! Deux équipes à l'histoire semblable. Deux équipes nées de la volonté du dirigeant politique de la république. Deux dirigeants au parcours proche d'ailleurs. Le Tatar Mintimer Chaïmiev et le Bachkir Mourtaza Rakhimov sont tout deux issus du Parti Communiste de l'Union Soviétique, tout deux sont arrivés au pouvoir dans leur république au moment de la chute de l'URSS en "surfant" sur la vague "d'indépendance" du début des années 90, tout deux ont négocié avec Boris Eltsine un maintien dans la Fédération de Russie en échange d'une "tranquillité" dans la gestion de "leur" république, enfin tout deux ont "rallié" Vladimir Poutine et Russie Unie, afin de maintenir leur contrôle sur la République. Un contrôle rendu "intéressant" par la manne pétrolière. Et c'est là que l'on retombe sur le hockey. Afin d'affirmer leur prestige, Chaïmiev le Tatar et Rakhimov le Bachkir plongent dans les pétro-roubles pour financer des équipes sportives de haut niveau, évoluant dans des salles spacieuses et hyper modernes. C'est Tatneft ("les pétroles du Tatarstan") et Bachneft ("les pétroles du Bachkortostan") qui servent à financer Ak bars et le Salavat Ioulaiev, et les immenses patinoires qui vont avec.

Les deux clubs, vitrine du pouvoir, jouant avec un maillot aux couleurs du drapeau de la République avec les symboles de ces républiques sur le cœur...

Dans ce cadre, on comprend que ce match dépasse largement le hockey sur glace, le Bachkortostan voulant détrôner le Tatarstan. Ou plus exactement, Rakhimov rêvant de la gloire sportive de Chaïmiev dont le club a déjà remporté le triplé : Superliga, Coupe d'Europe, Coupe Continentale...

La "Oufa Arena" est donc pleine, avec le président bachkir dans la loge officielle (son collègue tatar n'a pu quitter Kazan à cause des chutes de neige). Les drapeaux bleu-blanc-vert du Bachkortostan sont fièrement agités et ça promet !

Le match débute visiblement sous tension. Chaque équipe ne veut pas se jeter dans la gueule de l'adversaire. Le jeu va d'une cage à l'autre, mais les défenses font bonne garde, et les deux gardiens sont très concentrés. Que ce soit Alexandre Eremenko (si longtemps doublure de gardiens étrangers au Dynamo et... à Kazan) ou Robert Esche, l'Américain auteur d'un match de légende contre le CSKA lors du premier quart de finale à Moscou.

Les consignes sont visiblement strictes, puisqu'aucun joueur de commet de faute. Il faut attendre la 18e pour voir Grigori Panine briser le vœu par une pénalité évitable, une charge à retardement. Cela permet à Oufa d'installer le premier jeu de puissance du match... mais Esche veille. Cependant, cette première faute a au moins permis au Salavat Ioulaiev (un rebelle bachkir de la fin du XVIIIe siècle qui s'était révolté contre le pouvoir tsariste) d'élever son niveau de jeu. Cela va servir au début de la deuxième période...

On ne joue en effet que depuis trois minutes dans ce tiers, lorsque le Bachkir de l'équipe, Rouslan Nourtdinov, trompe Robert Esche sur un exploit personnel. Il file sur l'aile gauche et décoche un tir instantané qui file dans le but tatar (1-0, 23'08"). Le match est débloqué !

Sergueï Zinoviev prend ensuite deux minutes (27e) et cela permet à Oufa de poursuivre sa marche en avant. Kazan résiste en infériorité, mais cède juste après... Alexeï Medvedev double la mise d'un superbe tir de face (2-0, 32'01").

Oufa met une terrible pression sur son voisin, et le voisin craque. C'est tout d'abord Dimitri Kazionov qui prend 2'+10' et c'est finalement le Tchèque Michal Mikeska qui en profite juste après le retour à cinq contre cinq. Un premier tir d'Andreï Sidiakine est repoussé par Esche et pendant qu'un défenseur tatar envoie Sidiakine dans le décor (contre la cage) et qu'Esche est déséquilibré, l'ancien joueur de Pardubice en profite pour marquer le troisième but en coin. L'arbitre va, par acquis de conscience, contrôler la vidéo, mais c'est évident, Oufa a fait le trou (3-0, 39'41").

Jamais Kazan n'a pu résister à la pression bachkire durant le deuxième tiers. Et jamais Kazan ne va pouvoir élever son niveau de jeu pour bousculer Oufa dans la dernière période.

Comme au premier tiers, le jeu se réinstalle dans la zone neutre. Oufa bloque à la rouge et attend le contre. La panthère blanche tatare ne parvient pas à secouer la défense bachkire. Cela engendre évidement de la frustration et pousse peut-être le Finlandais Jukka Hentunen à la grosse faute, pas loin de l'irréparable. À la cinquantième minute, l'attaquant international, habitué de la SM-Liiga et passé par la LNH, se jette sur le pauvre Alexandre Boïkov, avec de l'élan, sans qu'aucun patin ne touche le sol. L'ancien défenseur de Magnitogorsk et de la LNH percute violemment la balustrade et s'écroule. Il s'effondre littéralement sous le choc. À en faire peur. Ses camarades se précipitent, le médecin intervient et il faut deux joueurs pour porter Boïkov, totalement knock-out, chancelant, incapable de faire un pas, vers les vestiaires. Pourquoi est la seule question qu'on peut se poser. M. Alexandre Poliakov n'hésite pas et expulse le Finlandais...

Cette agression jette un froid sur le match. Le jeu a un peu de mal à reprendre. Quoi qu'il en soit, l'opération est très mauvaise pour Kazan qui doit défendre en infériorité numérique pendant cinq minutes. Oufa en profite pour faire tourner et gagner un temps précieux. D'autant plus que Denis Arkhipov est à son tour sanctionné de deux minutes (56e) et permet à Oufa d'attendre sereinement la sirène finale.

Le Salavat Ioulaiev mène donc une victoire à zéro dans ce derby turcophone (euh, à part quelques spectateurs, pas grand-monde ne doit parler tatar ou bachkir...) et surtout a totalement étouffé Ak bars. Comme un boa constrictor, Oufa a privé d'air la panthère des neiges que l'on avait connue plus "groaaaarrrrr" contre le CSKA.

Une journée de repos (cette année, on alterne les matches des demies, afin d'obtenir une meilleure couverture télévisuelle) et l'on verra lundi, toujours à Oufa, si la tendance ce confirme. En attendant, place en ce dimanche à l'autre demie entre Magnitka et le Loko de Iachine...

Étoiles du match Sport-Express : *** Alexandre Eremenko (Salavat), ** Rouslan Nourtdinov (Salavat), * Alexeï Chkotov (Salavat).

Étoiles du match Soviet Sport : *** Rouslan Nourtdinov (Salavat), ** Kirill Koltsov (Salavat), * Kirill Petrov (Salavat).

Compte-rendu signé Bruno Cadene

 

Commentaires d'après-match

Sergei Mikhalev (entraîneur d'Ufa) : "Je pense que le match a plus aux spectateurs. Les deux équipes ont montré un hockey digne d'une demi-finale. Nous allons demander dans le rapport de match que Hentunen soit suspendu. Boïkov a une commotion cérébrale et une fracture du nez. Et il y a un autre défenseur, Philipp, qui s'est aussi blessé et sera absent au prochain match. Nous avons deux autres défenseurs, Kuteïkin et le jeune Loginov. Mais ce dernier n'a joué que six matches en saison régulière, et pas le moindre en play-offs."

Ruslan Nurtdinov (attaquant d'Ufa) : "Je ne pensais pas à Esche dans les cages. Le tir est allé au fond. En fait, le gardien était déséquilibré, il était un peu décalé par rapport à sa cage. Les entraîneurs nous avaient prévenu qu'il ne fallait pas prendre de pénalités car Kazan a deux lignes très fortes en supériorité. Mais à cinq contre cinq, nous étions meilleurs qu'eux. [...] Oui, j'ai demandé 24 tickets. Je connais tellement de gens ici que je n'ai pas pu contenter tout le monde. J'en demanderai autant au prochain match, et qu'on n'essaye pas de me les refuser..."

Kirill Koltsov (défenseur d'Ufa) : "On apprend cette combinaison à l'entraînement. On change de place avec mon partenaire de défense Tverdovsky pour dérouter l'adversaire. J'avais une ligne de passe diagonale dégagée pour Medvedev, et je lui ai donné le palet pour le deuxième but. Tout est simple !"

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "Le match a été intéressant, mais nous n'avons pas eu de réussite. Pour nous, il est important de se battre à chaque période et quel que soit le score."

 

Salavat Yulaev Ufa - Ak Bars Kazan 3-0 (0-0, 3-0, 0-0)

Samedi 22 mars 2008 à 17h00 à l'Arena Ufa. 8400 spectateurs.

Arbitrage d'Aleksandr Polyakov (Moscou) assisté d'Ivan Zibinin (Chelyabinsk) et Alekseï Shemyakin (Magnitogorsk).

Pénalités : Salavat Yulaev 4' (0', 2', 2'), Ak Bars 43' (2', 4'+10', 2'+5'+20').

Tirs : Salavat Yulaev 22 (7, 8, 7), Ak Bars 20 (6, 8, 6).

Évolution du score :

1-0 à 23'08" : Nurtdinov assisté de Shkotov

2-0 à 32'01" : Medvedev assisté de Sidyakin et Koltsov

3-0 à 39'41" : Mikeska assisté de Sidyakin

 

Salavat Yulaev Ufa

Gardien : Aleksandr Eremenko.

Défenseurs : Vitali Proshkin - Igor Shchadilov ; Miroslav Blatak (TCH) - Aleksandr Boïkov ; Kirill Koltsov - Oleg Tverdovsky ; Pavel Doronin - Radek Philipp (TCH).

Attaquants : Andreï Taratukhin - Alekseï Tereshchenko - Aleksandr Perezhogin ; Konstantin Koltsov - Michal Mikeska (TCH) - Vladimir Antipov (c) ; Igor Volkov - Alekseï Medvedev - Andrei Sidyakin ; Ruslan Nurtdinov - Artiom Gordeev - Alekseï Shkotov.

Remplaçant : Vadim Tarasov (G). Absents : Milan Hnilicka (gardien surnuméraire), Vladimir Vorobiev et Nikolaï Zavarukhin (blessés), Andrei Kuteïkin, Mikhaïl Chernov et Igor Grigorenko (surnuméraires).

Ak Bars Kazan

Gardien : Robert Esche (USA).

Défenseurs : Grigori Panin - Raymond Giroux (CAN) ; Andrei Zubarev - Aleksei Emelin ; Andrei Pervyshin - Ilya Nikulin ; Vyacheslav Buravchikov - Yakov Seleznev.

Attaquants : Danis Zaripov - Sergei Zinoviev - Aleksei Morozov (c) ; Aleksandr Stepanov - Dmitri Kazionov - Denis Arkhipov ; Jukka Hentunen (FIN) - Petr Cajanek (TCH) - Oleg Petrov ; Mikhaïl Zhukov - Grigori Shafigulin - Kirill Petrov.

Remplaçant : Emil Garipov (G). Absents : Mika Noronen (G, étranger surnuméraire), Nikita Alekseïev (cheville cassée), Evgeni Medvedev (choix du coach).

 

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