Dynamo Moscou - Spartak Moscou (24 février 2008)

 

Match comptant pour la cinquante-quatrième journée de Superliga russe.

Plus que deux semaines à tenir ! Dans deux semaines, le championnat de Premier liga russe de football reprend et les énergumènes qui vont avec rejoindront enfin leur milieu naturel : les tribunes en virage des stades de foot. En attendant, et d'autant plus pour un derby, on a droit à leur présence encombrante dans les travées de Loujniki.

Alors, certes, il y a des bons côtés. Les tribunes sont pleines, il y a de l'ambiance et les trésoriers des clubs sont contents. Après, il faut subir tout le reste. Les immenses drapeaux avec bouledogues et croix celtiques pour les BWD, Blue White Dynamo, et le nationalisme exacerbé de certains fans du Spartak (remember, les saluts nazis vus devant moi un jour à Sokolniki...).

Le truc à la mode actuellement chez les fans du Spartak foot, c'est le Kosovo. Alors, nous voilà donc obligé de subir la charmante rhétorique panslave qui de tout temps en Russie a été d'une finesse sans nom (cette rhétorique anti-occidentale s'accompagne souvent d'un antisémitisme virulent). Au nom de la solidarité slave et orthodoxe avec la Serbie et les hooligans belgradois (les fans de l'Étoile Rouge et du Partizan sont des "chauds" dans leur genre...), les supporters du Spartak passent leur temps depuis quelques matches à scander des slogans sur le Kosovo éternellement serbe et sur ces chiens de musulmans... Un drapeau américain, symbole, sera même brûlé par des cagoulés du Dynamo...

Cela me fait penser à une anecdote que l'on m'avait racontée à Tbilissi. À l'époque soviétique, les matches de coupe d'Europe de foot des clubs moscovites pendant l'hiver se déroulaient sous des cieux plus cléments qu'à Moscou, la plupart du temps en Crimée ou dans le Caucase. Et justement, en novembre 1985, le FC Nantes était allé jouer un match européen contre le Spartak à Tbilissi. Les Géorgiens, supporters du Dynamo Tbilissi détestant le nationalisme panslave des fans du Spartak, avaient passé leur temps à encourager les Français... qui avaient gagné. "C'est mon meilleur souvenir", avait ajouté mon interlocuteur !

Sachez également pour votre "culture" personnelle que les supporters des autres équipes surnomment le Dynamo "les ordures", terme argotique pour les policiers puisque le club était celui du ministère de l'intérieur soviétique, et que les Spartakistes sont eux appelés "les cochons" par les autres, car les rouge et blanc sont supportés essentiellement par les quartiers populaires de Moscou, alors que les supporters du Spartak eux préfèrent s'appeler les "tas de viande" car le Spartak a été dans les années 20 lié à un "combinat" produisant de la viande. Amis de la poésie, bonjour...

Et le hockey dans tout ça ? Et bien il attend patiemment que ces braves gens soient retournés au foot... pour retrouver le public familial et bon enfant, en particulier de Sokolniki.

Ce derby s'annonce en tout cas sportivement passionnant, car les deux premiers sont allés au bout du suspense, jusqu'aux tirs au but. Les Dynamistes se sont imposés à Sokolniki et les Spartakistes ont fait de même à Loujniki. En tout cas, cela part sans "round d'observation". Et ce sont les locaux du Dynamo qui s'y mettent en premier avec une première action dangereuse d'Alexeï Badioukov. Mais immédiatement après, c'est le Spartakiste qui tente une réplique de loin, bien bloquée par le nouveau gardien finlandais du Dynamo, Sinuhe Wallinheimo, en provenance du JYP Jyväskylä (l'équipe de SM Liiga au "point d'interrogation" sur son logo !). Evgueni Lobanov réplique par un bel arrêt sur Konstantin Romanov. Meuh non, pas le Grand-Duc, juste le hockeyeur !

La première pénalité du match est pour l'international kazakhstanais du Spartak, Dimitri Oupper à la 4e, mais le Dynamo n'a pas vraiment le temps d'en profiter puisque dans la minute suivante le défenseur dynamiste Iakov Rylov est à son tour sanctionné, suivi dans la foulée par son collègue Oleg Orekhovski. Le Spartak tente alors d'en profiter, mais Sinuhe Wallinheimo s'oppose à toutes les tentatives, dont celle lointaine et puissante de Roman Koukhtinov à la 10e.

Et évidemment, dans ces cas-là, vieux classique, qu'est-ce qui arrive ? Lorsque l'équipe pénalisée a bien été ballottée, mais qu'elle a résisté, dès qu'elle revient au complet, elle profite pour marquer ! Bingo ! Une superbe lucarne d'Alexeï Badioukov.

Les ordures mènent 1-0 devant les cochons... Mais les porcs n'ont pas bien longtemps à attendre pour déverser leur revanche sur le tas d'immondice... (Ça vous plaît, la prose foot ?)

Le vétéran (36 ans) Alexeï Tchoupine est sanctionné (12e) et le Spartak en profite pour égaliser. Un beau but de près, entre les jambières de Wallinheimo, réussi par Dimitri Pestounov et cela fait 1-1 (13e). Le joueur formé à Magnitogorsk, champion en titre, arrivé à l'intersaison à Moscou, est d'ailleurs l'une des très bonnes pioches du Spartak 2008. Tchoupine qui n'a visiblement pas retenu la leçon retourne en prison immédiatement après ce but ! Mais le Dynamo se dit qu'il serait dangereux de laisser Spartacus entrevoir la liberté, et le club de l'ancienne Tchéka verrouille sa défense, avant, de retour à forces égales, de lancer une offensive. La fin de tiers est donc bleue et blanche avec même un tir sur le poteau pour le défenseur canadien du Dynamo, ex-Calgary Flames, Mark Giordano (17e).

Si le Dynamo n'a pas trouvé la solution en fin de premier tiers, il le fera la période suivante. L'intenable Badioukov sonne la première charge, mais Evgueni Lobanov répond présent.

Il faut donc attendre qu'il y ait moins de monde sur la glace et donc plus de monde sur le banc des pénalités. Cela arrive rapidement. Deux Spartakistes sont sanctionnés pratiquement en même temps : Evgueni Sapojkov à 24'56 et Alexandre Iounkov (2'+10') quinze secondes plus tard. Une occasion en or que le Dynamo ne va pas manquer en prenant l'avantage à deux secondes de la fin de cette double supériorité. Et c'est encore Alexeï Badioukov qui marque ce but en contournant Lobanov (2-1).

C'est toujours la même doublette Iatchmenev-Badioukov qui met le feu dans la défense spartakiste pour le troisième but, un peu plus de trois minutes plus tard. Vitali Iatchmenev s'y prend d'ailleurs d'une manière des plus spectaculaires. Le premier tir de Badioukov frappe le poteau mais lui revient dessu, et sur le rebond, il est à genoux, mais parvient quand même du bout de la crosse à tromper Lobanov, pas très chanceux sur ce coup. C'est la mi-match (30'30) et le Dynamo à deux buts d'avance (3-1). L'arbitre vérifie à la vidéo que Iatchmenev n'a ni gêné le gardien, ni fait du camping dans la zone dudit gardien, et comme les réponses à ces deux questions sont "niet", il valide justement le but.

Quant à Milos Riha, l'entraîneur tchèque du Spartak (l'entraîneur du Dynamo est également tchèque, Vladimir Vujtek) il se dit alors que c'est un bon moment pour demander un temps mort. Le Spartak tente de se remettre dans le sens de la marche et se crée deux belles occasions par Maxime Rybine et l'international bélarussien Dzimitri Mialechka, mais Sinuhe Wallinheimo continue à impressionner. L'élan rouge et blanc est de courte durée, car Mialechka prend deux minutes. Dans la foulée de sa libération, la défense du Spartak craque à nouveau. Une passe de Vitali Iatchmenev rebondit sur Alexeï Badioukov lancé sur la cage de Lobanov et cela fait but. L'arbitre vérifie qu'il n'y avait pas de geste volontaire de marquer du patin de la part de Badioukov et valide ce but. Les deux lutins Iatchmenev-Badioukov ont fait très mal au Spartak ! 4-1 à la fin des quarante premières minutes. Le Dynamo est bien placé dans ce derby.

D'autant plus que les bleu et blanc tuent tout suspense d'entrée d'ultime période. Un but extraordinaire de l'ancien NHLer de Tampa Bay, Dimitri Afanassenkov. Le palet a une trajectoire originale, il va d'abord se loger dans la lucarne, puis file sous la transversale pour finir sa course à l'angle opposé où il était entré ! 5-1, la messe est (pratiquement) dite.

Surtout que le Spartak enchaîne les pénalités : Melechko (47e), Koukhtinov (48e) et Kanereïkine (49e) ! Belle série non ? Cela permet surtout au Dynamo de monopoliser le palet et de faire "courir" le chrono. Et quand le Spartak est dangereux, le sort s'en mêle. C'est d'abord un palet qui longe la ligne de but dynamiste... mais choisit de ne pas la franchir ! Et c'est ensuite, Sinuhe Mindjinbaheimo, euh pardon, Wallinheimo qui pousse franchement sa cage en cas d'urgence. Les Spartakistes marquent même sur cette histoire, mais comme la cage avait été bougée avant, l'arbitre est contraint d'annuler le but, mais il inflige deux minutes au portier finlandais.

Les rouge et blanc tentent le tout pour le tout, le natif du Kazakhstan Pavel Vorobiev croit bien y parvenir à la 55e, mais Wallinheimo est également impérial lorsqu'il ne déplace pas sa cage !

Et évidemment, sur l'action suivante, c'est le Dynamo qui crucifie le Spartak ! Un tir dans l'axe, pur, parfait, de Guennadi Stoliarov (jeune joueur de 21 ans, formé au club), qui file le long du poteau gauche de Lobanov, pour le 6-1 final. Une dernière prison infligée au défenseur dynamiste Oleg Orekhovski ne change rien à l'affaire.

Une affaire qui est bonne pour le Dynamo qui respire un peu. Car dans la lutte interne aux clubs moscovites, les bleu et blanc étaient un peu sur la pente descendante. Longtemps habitués à dominer Moscou et la Russie, les Dynamistes sont un peu en perte de vitesse actuellement. Le CSKA, 3e de la Superliga et demi-finaliste l'an passé, a repris son trône, et le Spartak après une année sans jouer et un début de saison difficile était en train de revenir sur les talons dynamistes. Cette victoire donne un peu d'air au Dynamo. Quant au Sprtak, il reste cependant en embuscade aux alentours de la 12e place, ce qui est son meilleur classement depuis bien longtemps.

Sinon, le 16 mars, le Spartak va à Saint-Pétersbourg et le Dynamo à Tomsk ! Vivement le 16 mars ! Et oui, c'est le redémarrage de la saison de foot !

Étoiles du match Sport-Express et Soviet Sport : *** Alexeï Badioukov (Dynamo), ** Vitali Iatchmenev (Dynamo), * Sinuhe Wallinheimo (Dynamo).

Compte-rendu signé Bruno Cadene

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Vujtek (entraîneur du Dynamo) : "La ligne de Badyukov a obtenu la victoire et marqué quatre buts, mais les autres n'ont pas démérité. Dans ce match, j'ai vu pour la première fois le nouveau Dynamo, différent de celui que j'ai pris en mains il y a un mois et demi. [...] Kharitonov et Markov pourront revenir au prochain match, on a promis à Fedorov qu'il serait de retour samedi contre le Sibir. Ce n'est pas beau ce qui s'est passé dans les tribunes. Avec du si beau hockey... pourquoi se battre ?"

Milos Riha (entraîneur du Spartak) : "Je suis étonné. C'est le pire match depuis que je suis au Spartak, alors que les derniers étaient bons. À partir de la deuxième période, il n'y avait plus qu'une équipe sur la glace. Mes suggestions lors du temps mort ont servi dix minutes, et ensuite ce fut encore erreur sur erreur. Et aucune volonté d'aller à la cage."

 

Dynamo Moscou - Spartak Moscou 6-1 (1-1, 3-0, 2-0)

Dimanche 24 février 2008 à 17h00 à la Malaïa Sportivnaïa Arena Loujniki de Moscou. 8000 spectateurs.

Arbitrage de M. Ravodin assisté de MM. Birin et Medvedev.

Pénalités : Dynamo 16', Spartak 24'.

Tirs : Dynamo 35 (14, 17, 11), Spartak 34 (6, 10, 11).

Évolution du score :

1-0 à 09'58" : Badyukov assisté de Yachmenev

1-1 à 12'58" : Pestunov assisté de Kukhtinov (sup. num.)

2-1 à 26'53" : Badyukov assisté de Yachmenev et Giordano (double sup. num.)

3-1 à 30'30" : Yachmenev assisté de Shitokov et Badyukov

4-1 à 38'01" : Badyukov assisté de Yachmenev

5-1 à 45'17" : Afanasenkov assisté de Rylov

6-1 à 58'39" : Stoliarov assisté de Goroshanski

 

Dynamo Moscou

Gardien : Sinuhe Wallinheimo (FIN).

Défenseurs : Sergei Vyshedkevich - Yakov Rylov ; Aleksandr Budkin - Mark Giordano (CAN) ; Alekseï Troshchinski (c, KAZ) - Oleg Orekhovsky ; Ivan Maksimkin.

Attaquants : Dmitri Afanasenkov - Igor Emeleev - Dmitri Shitikov ; Konstantin Romanov - Alekseï Chupin - Roman Voloshenko ; Vitali Yachmenev - Aleksei Badyukov - Éric Landry (CAN) ; Andrei Lozhkin - Aleksandr Goroshansky - Gennadi Stoliarov.

Remplaçant : Vadim Zhelobnyuk (G). Absents : Vitali Eremeiev, Gennadi Razin (étrangers surnuméraires), Aleksandr Kharitonov (grippé), Daniil Markov, Fedor Fedorov.

Spartak Moscou

Gardien : Evgeni Lobanov.

Défenseurs : Roman Kukhtinov - Leonid Kanareïkin ; Alekseï Bondarev - Vyacheslav Belov ; Evgeni Sapozhkov - Jamie Rivers (CAN).

Attaquants : Aleksandr Yunkov - Mikhaïl Yunkov - Pavel Vorobiev ; Maksim Rybin (c) - Dmitri Pestunov - Eduard Kudermetov ; Alekseï Akifeiev - Dmitri Upper (KAZ) - Aleksandr Drozdetsky ; Kirill Knyazev - Ilya Dokshin - Dmitri Meleshko (BLR).

Remplaçant : Aleksandr Polukeiev (G). Absents : Konstantin Simchuk (adducteurs), Nikolaï Semin (étranger surnuméraire), Mikhaïl Ivanov (blessé depuis un mois et demi, a repris l'entraînement).

 

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