Rouen - Grenoble (17 février 2008)

 

Finale de la Coupe de France.

Que l'évènement devienne la norme

La finale à Bercy n'est plus une nouveauté, c'est - heureusement - déjà une habitude. Les guichets fermés, le record de spectateurs battu, les treize mille personnes casées jusque sous le toit du POPB, le bruit assourdissant : tout cela est un décor destiné à resservir chaque année, avec des spécificités pour le centenaire comme le coup d'envoi symbolique donné par le président de l'IIHF René Fasel. On attend aussi autre chose, un match de qualité, avec a priori une meilleure glace (prête depuis mardi) et théoriquement de meilleures équipes que l'an passé.

Rouen et Grenoble sont indubitablement les deux clubs majeurs actuels dans le hockey français. Le seul club qui aurait pu leur contester ce statut récemment, Amiens, est aujourd'hui un peu plus en retrait. Pour voir des maillots des Gothiques ce soir, il faudra attendre les pénalités, puisqu'elles sont illustrées sur l'écran géant par les séquences habituelles du Coliseum. Mais des pénalités, il n'y en aura pas énormément.

M. Colleoni a en effet envoyé un message très tôt en sifflant un cinglage contre Forsander après seulement sept secondes. Cette supériorité numérique donne lieu à deux belles passes d'Éric Houde, l'une de derrière la cage qui échappe à Virolainen, l'autre sur une remontée de palet avec un revers qui décale Desrosiers plein axe pour un premier arrêt de la botte de Ferhi. Le gardien grenoblois est plus sollicité en ce début de match. La créativité offensive est rouennaise, mais, à l'instar de Woods qui intercepte dans le slot une passe transversale de Doucet pour Thinel, les Isérois se mettent en place défensivement. Même quand Rouen passe une longue séquence à trois contre quatre, le tir le plus dangereux est celui de Marc-André Thinel.

Moins souvent à l'ouvrage, la défense rouennaise connaît une frayeur quand Jarkko Glad perd le palet derrière sa cage. Pettersson en profite et passe en retrait à Masa, qui tire au-dessus. Une minute après cet avertissement sans frais, Grenoble ouvre le score sur une action individuelle de Sacha Treille. L'espoir tricolore entre en zone, fait incursion dans le cercle droit et bat Sopko à mi-hauteur côté plaque (0-1, 14'32"). Ferhi connaît un moment d'inquiétude avant le retour aux vestiaires quand il voit le palet fuir en direction de la cage lors d'une sortie avec la crosse derrière son but. Plus de peur que de mal.

Les Grenoblois, menant au score, surprennent en mettant une forte pression au retour sur la glace. Treille conduit le palet jusqu'à Sopko, puis la quatrième ligne enchaîne par une belle occasion : Mickaël Perez a la cage ouverte sur un rebond, mais Ramon Sopko se couche pour arrêter du bras in extremis. Grenoble a tiré plus souvent en cinq minutes que pendant tout le premier tiers-temps ! Mais c'est au tour de Rouen de marquer contre le cours du jeu : Carl Mallette, oublié devant la cage, pousse au fond le palet envoyé sur Ferhi par Desrosiers (1-1, 27'12").

Grenoble reprend aussitôt l'avantage à l'issue d'une incroyable partie de billard sur un lancer de la bleue de Kevin Hecquefeuille : le palet heurte une jambe, oblique à droite, puis touche un autre patin et repart complètement à gauche devant la cage, où Perez ne évidemment pas passer la seconde chance qui lui est offerte (2-1, 27'59").

Maîtrise du palet contre maîtrise des espaces

Cette échange de buts a changé la physionomie du jeu, puisque les Dragons reprennent la main. Olivier Bouchard rate son contrôle à 2 contre 1, mais on sent les Rouennais bien plus libres de leurs mouvements. Thinel, de dos en protection de palet, peut ainsi reculer de la bande jusqu'à l'enclave et adresser un tir en pivot du revers. Ferhi capte tranquillement de la mitaine mais l'action est symptomatique. La défense grenobloise se relâche, et elle laisse ainsi libre cours à Mallette, encore démarqué après un bon travail de pressing de Desrosiers. Le n°19 se recentre et place son tir dans le haut du filet de Ferhi pour un doublé personnel (2-2, 35'35"). Un coup de coude de Trabichet sur Lemoine provoque une infériorité grenobloise à cheval sur l'interruption, sans effet.

Au début du troisième tiers, Carlsson accroche Valcak et rejoint Thinel sanctionné pour la même infraction peu avant. À cinq contre trois, l'installation grenobloise est stérile, et Wallin est même pénalisé pour une obstruction dès la récupération de palet rouennaise, qui envoie Desrosiers en contre face à Ferhi. Les deux équipes se neutralisent ensuite pendant un long moment, cherchant à minimiser les erreurs. Puis, à huit minutes de la fin, la première ligne rouennaise réussit une présence prolongée en zone offensive. Asphyxié, Kevin Hecquefeuille (qui remplace Lindström sur la ligne de Treille et Tartari dans cette troisième période) finit par retenir Bouchard. Un temps mort est alors demandé par Alain Vogin pour installer son jeu de puissance... pendant huit secondes, le temps pour Desrosiers d'être pénalisé pour une crosse haute sur Scott devant le but. Les consignes de powerplay données par Vogin ne resteront cependant pas totalement vaines, mais elles trouveront leur intérêt dans les trois dernières minutes. Marc-André Thinel colle en effet Manavian contre la bande puis le fait tourner en bourrique avec sa maîtrise du palet hors normes. À force de tournicoter, il fait pénaliser le jeune défenseur pour retenir. Mais les Grenoblois ne laissent pas les Rouennais s'approcher de leur enclave et le temps règlementaire se termine donc sur un score de parité.

La prolongation de dix minutes à quatre contre quatre ne fait que renforcer les tendances constatées à cinq contre cinq. La maîtrise individuelle du palet est pour Rouen, en revanche la maîtrise collective est pour Grenoble qui s'applique toujours autant à couper les passes adverses. Les défenseurs des Brûleurs de Loups sont parfaitement placés, leurrant les attaquants avec des espaces inexistants pour les isoler ou pour les amener contre la bande. La meilleure occasion est iséroise, une passe du coin de Tartari pour un revers de Treille à bout portant.

Le spécialiste échoue...

Ce sera donc les tirs au but, dont les deux équipes ont une expérience variable. Rouen, qui n'a pas l'habitude de tarder pour gagner, ne s'y est pas encore essayé cette saison. Tout au contraire, Grenoble, éliminé dans cet exercice en Coupe Continentale, a remis le couvert quatre fois en deux mois. Et toutes ces séances, trois en championnat et une en quart de finale de la coupe, ont été remportées par les Brûleurs de Loups. C'est donc avec une certaine confiance que Patrik Valcak s'élance. Il ralentit, reprend son mouvement et place le palet dans la lucarne gauche. Doucet sur son revers échoue ensuite sur Ferhi. Arrive le super-spécialiste Ludek Broz, 4 sur 4 cette saison. S'il marque encore, Grenoble mènera 2 tirs à 0 et contraindra Rouen à un sans-faute... mais il tire à côté du cadre !

Maître Thinel relance tout en glissant le palet du revers entre les jambières de Ferhi. Un partout. Sacha Treille y va en force, pour un tir touché mais pas arrêté. Sopko se plaint auprès des arbitres que le palet a heurté son masque. Une discussion qui ne fait que retarder la dernière tentative et augmenter la pression. C'est Carl Malette qui s'y colle. À trente-cinq secondes de la fin de la prolongation, il était pourtant resté étendu de dos sur la glace après avoir pris un coup d'épaule de Manavian et avait obligé l'arbitre à arrêter le jeu. Mais il va bien. Son beau mouvement sur son revers en est la preuve. Deux réussites partout, et on passe désormais aux duels directs individuels.

... pas l'anti-héros

On ne change pas une équipe qui gagne, et Valcak y retourne. Mais à force de faire le finaud, le Tchèque échoue sur la jambière de Sopko. Rouen a déjà aligné trois des quatre meilleurs marqueurs du championnat, il manque le quatrième. Voici donc Julien Desrosiers avec le palet vainqueur au bout de la crosse, mais Eddy Ferhi avait anticipé voire souhaité le tir entre les jambières.

Pour sa seconde chance, Broz trouve le cadre... et la mitaine de Sopko. Pour sa part, Mallette vise lui aussi sous les bottes de Ferhi, qui les baisse pour bloquer d'extrême justesse le palet. Le rythme des tentatives et des battements de cœur s'accélère. Masa vient s'empaler sur le poke-check de Sopko, puis Houde prend de l'élan pour un puissant lancer entre les cercles, paré du bras gauche.

On en est au septième tireur et le banc grenoblois ose lancer Jimmy Lindström, si décrié pour la manière dont il avait manqué deux penaltys lors de l'élimination en Coupe Continentale, et encore assez transparent dans le jeu ce soir. Le Suédois attend ce moment du rachat et transforme mi-hauteur côté mitaine. La victoire grenobloise arrive donc, lorsqu Doucet échoue de nouveau sur Eddy Ferhi, l'autre héros de la soirée, "chez lui" à Bercy, devant ses parents et amis, même s'il n'avait évidemment joué que dans la patinoire annexe Sonja-Henje en sous-sol.

La tribune de presse de Bercy se met à vibrer car le kop isérois voisin a entonné un "qui ne saute pas n'est pas grenoblois" plus fort que les précédents - lesquels faisaient déjà trémousser en cadence les pom-pom-girls - pour saluer la cérémonie des récompenses. Les Brûleurs de Loups commencent à s'habituer à gagner, et n'ont pas voulu laisser Rouen s'arroger les deux coupes.

Compte-rendu signé Marc Branchu (photos des actions de jeu : François Laurent)

 

 

Commentaires d'après-match :

Jimmy Lindström (attaquant de Grenoble) : "Incroyable. On savait que le dernier qui marquerait gagnerait, tout le monde était très nerveux. On m'a donné ma chance... et je l'ai prise. Je n'avais jamais joué dans une patinoire aussi grande. Je suis juste incroyablement heureux, je ne sais pas quoi dire de plus."

Patrick Rolland (entraîneur-adjoint de Grenoble) : "Depuis deux-trois shoots, il [Lindström] nous regardait, il voulait qu'on lui dise d'y aller..."

Baptiste Amar (capitaine de Grenoble) : "J'étais déjà pas mal impressionné [par Bercy] l'an dernier en tant que spectateur, là c'était différent. On en profite le matin à l'entraînement, on regarde autour, mais dans le match on doit rester concentrés. C'est une grosse victoire d'autant plus savourée que les derniers instants étaient stressants. On a tous fait passer le message que gagner les trois titres du hockey français en un peu plus d'un an était une grosse satisfaction pour le club. On nous a souvent traités de Poulidor, notamment en référence à 2003/04 où on avait perdu les deux finales. On a été un peu dominés par Rouen, mais on a su courber, être opportunistes, c'était un bon match défensif. Avec la chaleur et la glace un peu molle, on s'enfonce facilement. C'était un match de guerriers."

Tristan Lemoine (attaquant de Rouen) : "C'est toujours frustrant de perdre quelle que soit la manière, que ce soit aux tirs au but, en mort subite ou avant. Mais le plus important, c'est le championnat, et on sera là."

 

 

Rouen - Grenoble 2-2 (0-1, 2-1, 0-0, 0-0) / 2-3 aux tirs au but

Dimanche 17 février 2007 à 15h00 au Palais omnisports de Paris-Bercy. 12904 spectateurs.

Arbitrage de Bruno Colleoni assisté d'Éric Bouguin et Jérémy Rauline.

Pénalités : Rouen 12' (4', 2', 6', 0'), Grenoble 10' (4', 0', 6', 0').

Tirs cadrés : Rouen 28 (10, 8, 7, 3), Grenoble 25 (4, 10, 6, 5).

Évolution du score :

1-0 à 14'32" : Treille assisté de Wallin

1-1 à 27'12" : Mallette

2-1 à 27'59" : Perez assisté de Hecquefeuille

2-2 à 35'35" : Mallette assisté de Desrosiers

Tirs au but :
Grenoble : Valcak (réussi), Broz (à côté), Treille (réussi), Valcak (arrêté), Broz (arrêté), Masa (arrêté), Lindström (réussi).
Rouen : Doucet (arrêté), Thinel (réussi), Mallette (réussi), Desrosiers (arrêté), Mallette (arrêté), Houde (arrêté), Doucet (arrêté).

 

Rouen

Gardien : Ramón Sopko.

Défenseurs : Ladislav Benýsek - Jonas Liwing ; Petri Virolainen - Jarkko Glad ; Daniel Carlsson (A).

Attaquants : Olivier Bouchard - Éric Doucet - Marc-André Thinel (A) ; Julien Desrosiers - Carl Mallette (C) - Tristan Lemoine ; Lionel Tarantino - Éric Houde - Jérémie Romand.

Remplaçants : Ronan Quemener (G), Cédric Custosse, Lucas Bini, Loïc Lampérier, Thomas Baubriau, Peter Bourgaut. Absents : Édouard Dufournet (opéré mardi des ligaments croisés), Benoît Quessandier (déchirure musculaire au niveau de la cage thoracique).

Grenoble

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Baptiste Amar (C) - Teddy Trabichet ; Viktor Wallin - Brad Woods ; Tyler Scott - Antonin Manavian.

Attaquants : Mikael Pettersson (A) - Damien Fleury - Johan Forsander (A) ; Patrik Valcak - Ludek Broz - Martin Masa ; Sacha Treille - Christophe Tartari - Jimmy Lindström ; Mickaël Perez, Kevin Hhecquefuille.

Remplaçants : Frédéric Dorthe (G), Jean-François Bonnard, Joan Montesinos, Julien Baylacq.

 

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