Bâle - Ambrì-Piotta (3 mars 2007)

 

Play-out de LNA, premier tour, match 4.

Avec l'énergie du désespoir

Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a un an à peine, Bâle, alors néo-promu surprenant de solidité et d'efficacité, prenait la LNA à contre-pied en glanant sa place pour les séries éliminatoires. Tout a bien changé depuis, Olivier Keller est parti à Genève et Kent Ruhnke, si exigeant, n'a pas survécu aux mauvais résultats hivernaux. En somme, l'EHC Bâle, privé d'une assise défensive autrefois réputée et d'étrangers dignes de ce nom, a retrouvé sa place naturelle au fond du tableau. Et aux portes des barrages...

Car Ambrì-Piotta, classé neuvième en saison régulière, aura sûrement le dernier mot dans cette série. Pourtant, tout ne s'est pas passé sans accrocs jusqu'alors, notamment dans cette fameuse manche numéro deux où les Tessinois, excessivement nerveux en première période, s'étaient retrouvés menés de quatre buts. Avant qu'un sursaut d'orgueil (ou une énième faiblesse rhénane, c'est selon) ne leur permette de remonter ce débours. Et d'arracher la décision, ici même, en mort subite (5-4). Ajoutée aux deux gains empochés dans sa Valascia (3-2 puis 4-2 jeudi soir), cette invraisemblable victoire met Larry Huras et sa bande à soixante minutes des vacances.

Ambrì-Piotta, frustré de play-offs, n'a pas succombé à cette mode des jokers, très prisée cette année. Les Léventins n'ont pas pris soin d'aller prospecter chez les exclus des play-offs tchèques, autrichiens, voire de LNB. Derrière son fidèle duo de pointe Hnat Domenichelli - Jean-Guy Trudel, les autres "mercenaires" sont discrets mais efficaces. Le Finlandais Eero Somervuori est ainsi le meilleur pointeur tessinois du play-out alors que Fredrik Svensson et surtout le remarquable Nick Naumenko ont considérablement stabilisé la défense. Bâle ne peut pas en dire autant de ses étrangers, notamment le très décevant Niklas Anger qui n'est plus que l'ombre de lui-même depuis l'éviction d'Éric Landry à l'automne. Glissant à pas feutrés vers les barrages de promotion/relégation face au futur champion de LNB, Bâle a donc embrayé et ajouté l'imposant calibre tchèque Tomas Divisek (ex-Plzen) au routinier canadien Mike Maneluk. Steve Larouche, au chômage technique depuis l'élimination surprise de Langenthal face aux GCK Lions, est pour sa part venu prolonger sa saison sur les bords du Rhin. Le vétéran québécois a même signé sa première présence jeudi à Ambri en remplacement de Niklas Anger, poussé dans les estrades.

En parlant des gradins, les apparences sont trompeuses. Il ne s'agit évidemment pas d'un regain d'intérêt pour le hockey (nous sommes à Bâle tout de même !) mais plutôt d'une politique tarifaire débridée pour les besoins des soixante-quinze ans de l'EHC Basel. Le public a donc répondu favorablement à ces prix défiant toute concurrence (7,50 francs suisses, soit moins de 5 euros la place). On cache la misère comme on peut (1700 spectateurs enregistrés mardi soir)...

Ambrì, vamos a la playa ?

Bâle, avec son effectif peau de chagrin (absences prolongées de deux cadres essentiels de l'organisation, le centre défensif Alex Chatelain et l'ailier d'impact Thomas Nüssli), semble clairement décidé à exploiter ses maigres atouts restants. Le seul qui lui reste à vrai dire, le cœur. Celui de Stefan Schnyder ne s'est jamais démenti durant cette saison chaotique et une montée côté gauche du feu follet force Thomas Bäumle, le portier léventin, à repousser du bouclier... plein axe. Et comme sa défense est encore engourdie, Adrien Plavsic exploite aussitôt le rebond d'une reprise à ras de glace (1-0 à 00'35"). Visiblement pas dans le coup, les Tessinois bredouillent leur jeu et ne répondent pas devant l'énergie déployée par les Rhénans. Ceux-ci sont il est vrai bien inspirés par l'abattage fourni par Tomas Divisek. Le pigiste tchèque, toujours en mouvement dans son couloir gauche, semble constamment avoir une longueur d'avance et décale plein axe Chris Bright. Le top-scoreur bâlois reprend aussitôt et suit parfaitement son rebond pour doubler la mise (2-0 à 04'35").

Léthargiques jusqu'alors et peu reconnaissant envers Bäumle, certes auteur de deux rebonds bien douteux, les "biancoblù" semblent prendre le même chemin que mardi et doivent en outre faire face à un Tomas Divisek endiablé et à deux doigts de tripler la note sur un breakaway avorté (05'27"). Le Tchèque montre une entente remarquable avec Chris Bright (10e) et dynamise l'attaque alors que la défense, souvent décriée (mais enregistrant le retour de blessure de Ralf Bundi), semble retrouver ses vertus. Dominateurs en zone neutre et souverains dans leurs duels, les Bâlois coupent systématiquement chaque ligne de passes et ferment à double tour l'accès à Manzato.

Mentalement absents, les joueurs de Larry Huras ont passé dix mauvaises minutes mais retrouvent leur aplomb au bénéfice d'une pénalité de Tomas Divisek. D'entrée le premier bloc impose sa griffe et tour à tour Jean-Guy Trudel (10'09"), Hnat Domenichelli puis Luca Cereda vendangent trois cages ouvertes ! Excusez du peu... Le deuxième trio n'a guère plus de réussite et Daniel Manzato se dresse avantageusement devant l'international Alain Demuth (12e). Et comme tout siège infructueux, celui-ci se voit suivi d'une riposte cinglante de l'adversaire, une montée conjointe du duo Divisek-Bright stoppée en deux temps par un Bäumle tout de même bien fébrile (12'27").

Si Ambrì-Piotta est enfin sorti de sa torpeur après cette pression soutenue, Bâle n'en reste pas moins confiant et poursuit son travail de sape en rabattant inlassablement la zone neutre. Sur une de ces récupérations, Sandro Tschuor franchit la ligne bleue et arme son lancer, contraignant Thomas Bäumle à de nouveau lâcher un rebond dans l'enclave. Heureusement pour lui, ce fut Franco Collenberg au point de chute et l'attaquant d'origine grisonne ne put redresser sa course (13'13").

On l'a vu, la défense rhénane a souffert le martyr devant la batterie déployée par Ambrì lors du précédent powerplay. Et sans surprise, le penalty-killing maison cède rapidement sur une passe tendue de Benoît Pont vers Alain Demuth, posté au second poteau. Déviée dans le slot, sa passe termine dans le coin gauche de la cage et remet sa formation dans les bons rails (2-1 à 15'32")... avant qu'un certain Tomas Divisek ne fasse dérailler tout cela. Où plutôt une négligence défensive, une de plus, aboutissant à un puck mal relancé dans l'axe (aïe, les fondamentaux...) et une chaude bagarre glanée par le robuste Tchèque pour provoquer un nouveau rebond de Bäumle. Et jamais deux sans trois, Mike Maneluk suit en deuxième rideau pour crucifier le maladroit (3-1 à 16'58").

Une vaine course-poursuite

La fouge de Divisek, couplée à la fébrilité de Bäumle et de son arrière-garde, ont logiquement placé les locaux, plus travailleurs et incisifs, en tête au panneau central d'affichage. Ambrì, visiblement remonté à la pause, montre de toutes autres intentions au retour des vestiaires. Ballottés par un jeu tessinois plus fluide, les Rhénans tentent bien de maintenir le cap mais subissent malgré tout. Seul Tomas Divisek, encore lui, peut se targuer d'inquiéter une défense léventine plus resserrée. En débloquant le verrou de la zone neutre, les troupes de Larry Huras s'ouvrent plus facilement le chemin de but mais se heurtent à un Daniel Manzato des grands soirs. Le gardien international sauve la mise à ses partenaires en désavantage numérique et s'illustre tout particulièrement devant Hnat Domenichelli (25'37") et son fameux compère Jean-Guy Trudel (27e). À bout portant, cela va de soi...

Ambrì-Piotta ne relâche pas la bride sitôt la pénalité tuée et s'efforce d'y aller à l'usure pour s'imposer durablement en zone d'attaque. Une stratégie volontaire mais pas sans risques, surtout quand Tomas Divisek rôde dans les parages. Sur une énième récupération, cet ancien prospect de Philadelphie fait admirer sa dextérité, sa clairvoyance et temporise un maximum pour servir idéalement Andreas Camenzind plein axe. Le montant gauche sauve Bäumle sur ce coup (29'02") et Della Rossa en fait de même en dégageant sur sa ligne une reprise de Domenichelli (30e). Tout va très vite ce soir, signe d'une intensité et d'un rythme des plus soutenus...

Sonnant comme un répit, une infraction suisse-italienne tombe à pic pour des Rhénans à leur tour contrés aux portes de la zone offensive. Ils survivent toutefois grâce à un repli efficace devant les flèches Domenichelli et Trudel. Tout en devant une fière chandelle à Manzato, ce dernier s'emparant dans le trafic d'un lancer dévié de Svensson (32'38"). Les temps changent et Bâle, si solide en première période, subit désormais la loi de ses adversaires. Un nouvel éclair de Divisek (passe aveugle dans son dos pour Bright, dont l'essai atterrit dans la niche, 34'50") ne bouleverse pas cette "attaque/défense" et Ambrì finit par en trouver la clé. Sur une relance mal assurée, Hnat Domenichelli, excentré, s'empare du disque et bute une première fois sur Daniel Manzato avant que Jean-Guy Trudel ne tire les marrons du feu en marquant dans la mêlée (3-2 à 36'26").

Le travail est toujours récompensé et les "biancoblù" poursuivent dans cette voie. À l'image d'un Niklas Anger erratique, les Bâlois subissent encore et laissent entrevoir quelques signes de faiblesse, comme une nervosité accrue. Pris par la patrouille pour avoir bloqué trop longtemps le palet, Ralf Bundi conteste la décision arbitrale et écope d'une méconduite. Alors réduits à trois contre cinq, les locaux s'arc-boutent sur leurs positions et terminent cette période de pénitence en voyant Daniel Manzato chercher de la mitaine une reprise balayée du yankee Nick Naumenko (39'30").

Passé l'ultime entracte, Bâle résiste et sort grandi de cette épreuve de force en retrouvant son aplomb du début de partie. Après leur débauche d'énergie, les Léventins reprennent leur souffle et manquent de se faire surprendre sur une incursion de l'infatigable Stefan Schnyder mais Julian Walker, pourtant idéalement servi dans le slot par le lutin rhénan, échoue du revers (41'35"). Une péripétie pour un ensemble tessinois reprenant alors sa marche en avant, avec le soutien inconditionnel de ses tifosi, au profit d'une charge à la crosse reprochée à Franco Collenberg (44'19"). Là-dessus, le HCAP s'efforce de jouer simple mais Demuth, sur une longue ouverture de Svensson, s'empale sur Manzato (45'57"). Les tirs déviés n'ont pas plus de réussite et l'habituel "bouche-trou" de la Nati, Félicien Du Bois, se heurte à son tour à la muraille Daniel Manzato (49e).

Sous pression, le bloc rhénan tente de colmater les brèches et bénéficie d'un retenir du capitaine Nicola Celio (50'41") pour souffler à son tour. Mais pas le temps de poser ses batteries que la rondelle ressort dans la palette d'un Félicien Du Bois lancé à corps perdu dans l'échappée. Adrien Plavsic lui barre certes la route mais le grabuge occasionné par la collision frontale envoie finalement Gaétan Voisard au cachot. Le quatre contre quatre qui en découle favorise ainsi Ambrì, s'engouffrant plus aisément dans les espaces sous l'impulsion du duo romand Demuth-Pont, le seul à véritablement émerger hors du premier trio (52e). Car les gâchettes léventines, toutes réputées et actives qu'elles soient, se cassent les dents sur Manzato et Trudel a beau étaler sa classe en libérant Domenichelli dans l'enclave, le résultat reste le même; le dernier nommé ratant totalement la cible (55'01"). Hnat Domenichelli, stupéfiant de maladresse dans le dernier geste, ne fera pas la différence ce soir...

Soulagés par la forme de leur dernier rempart, les Rhénans font corps et tentent de repousser les inlassables vagues des "biancoblù". Tout en profitant des aisances de Tomas Divisek, à nouveau lancé dans un bon coup avec Mike Maneluk mais contré au moment de sa passe par l'impeccable Fredrik Svensson. Si un séjour de Luca Cereda dans les geôles de l'arène Saint-Jacques a le mérite de faire tourner l'aiguille dans le sens des bâlois, il a surtout pour effet de briser la dynamique tessinoise qui restera lettre morte malgré la sortie de Bäumle (59'33") et une ultime poussée. Stérile, comme les autres.

Divisek, le détonateur

Bâle n'a pas forcément brillé ce soir mais a su enfiler le bleu de chauffe et se retrousser les manches pour s'octroyer un maigre sursis. Et le droit d'espérer. Les Rhénans furent bien avisés de punir d'entrée des Tessinois absents sous l'égide d'un remarquable Tomas Divisek. Adjoint par le polyvalent Chris Bright (quelle complicité), top-scoreur de fortune en l'absence de Thomas Nüssli, le joker tchèque fut un danger constant et assurément le catalyseur de son trio, le meilleur côté rhénan ce soir. L'inspiration de Divisek, sa propension à se faufiler dans les espaces et à jouer juste fut donc prépondérante et presque aussi décisive que la prestation solide de Daniel Manzato. Le Fribourgeois a proprement écœuré les gros bras léventins et rattrapé les errances passagères d'une défense certes volontaire (et même efficace par séquences, comme au bon vieux temps), mais tout de même bien limitée. Si l'essentiel du travail offensif fut accompli par Divisek et sa ligne, les autres blocs furent plus tournés vers la défensive. Ce qui n'eut pas le don de faire ressortir l'autre joker, Steve Larouche (préféré ce soir à Liimatainen). Mais, au-delà des individualités, ce succès est le signe que l'EHC Bâle de Mike McParland, quoiqu'on en dise, a encore quelques ressources...

Ambrì-Piotta paya cher une entame de match bâclée. Montés crescendo dans ce match, les Léventins n'ont jamais pu refaire ce retard, né d'un certain relâchement et d'un mauvais départ de Thomas Bäumle, plus ou moins coupable sur les trois filets rhénans. L'attaque a manqué de réalisme et s'est trop reposée sur Jean-Guy Trudel et Hnat Domenichelli. Le scénario invraisemblable de mardi dernier ne s'est pas répété malgré l'acharnement des "biancoblù". Les ex-coéquipiers de l'infortuné Mattia Baldi, qui a mis cette semaine un terme à sa carrière sur blessure, compteront toutefois sur le soutien des nombreux tifosi de la Valascia pour classer définitivement cette affaire et expédier Bâle en barrages contre Langnau, déjà "sweepé" par Fribourg-Gottéron.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Bâle - Ambrì-Piotta 3-2 (3-1,0-1,0-0)

Samedi 3 mars à 19h45 à la St.Jakob-Arena. 3317 spectateurs.

Arbitrage de M. Prugger assisté de MM. Abegglen et Dumoulin.

Pénalités : Bâle 30', Ambrì-Piotta 20'.

Évolution du score :

1-0 à 00'35" : Plavsic assisté de Schnyder

2-0 à 04'35" : Bright assisté de Divisek

2-1 à 15'32" : Pont assisté de Svensson et Naumenko (double sup. num.)

3-1 à 16'58" : Maneluk assisté de Divisek (inf. num.)

3-2 à 36'26" : Trudel assisté de Somervuori et Domenichelli

 

Bâle

Gardien : Daniel Manzato.

Défenseurs : Mark Astley (C) - Ralf Bundi (A) ; Gaétan Voisard - Adrien Plavsic; Lukas Gerber - Ralph Stalder.

Attaquants : Niklas Anger - Andreas Camenzind - Patric Della Rossa ; Mike Maneluk - Tomas Divisek - Chris Bright ; Stefan Tschannen - Steve Larouche - Julian Walker ; Stefan Schnyder - Sandro Tschuor - Franco Collenberg.

Remplaçant : Flavio Streit (G). Absents : Alex Chatelain, Thomas Nüssli, Régis Fuchs, Stefan Voegele, Markus Wüthrich (tous blessés), Petri Liimatainen (étranger surnuméraire).

Ambrì-Piotta

Gardien : Thomas Bäumle [sorti de sa cage à 59'33"].

Défenseurs : Martin Höhener - Nick Naumenko ; Allan Tallarini - Fredrik Svensson ; Félicien Du Bois - Tiziano Gianini ; Nicola Celio (C) - Ralph Ott.

Attaquants : Jean-Guy Trudel (A) - Hnat Domenichelli - Eero Somervuori ; Alain Demuth - Benoît Pont - Dario Kostovic ; Paolo Imperatori - Luca Cereda (A) - Mattia Bianchi ; Grégory Christen - Oleg Siritsa - Thomas Schena.

Remplaçant : Flavio Lüdke (G). Absents : Mattia Baldi (blessé, fin de saison), Daniele Mattioli.

 

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