Épinal - Briançon (30 janvier 2007)

 

Demi-finale de la Coupe de France 2007.

À coeur vaillant, rien d'impossible

Les paris sont lancés. À une soixantaine de minutes du grand rendez-vous de Paris-Bercy, Épinal joue le match le plus important de son histoire. Si près des honneurs d'un prime-time et d'un sacré coup fumant, les Spinaliens paraissent toutefois émoussés à l'heure de gravir cette ultime marche. Et quelle marche !

Atout défense

Habituellement les plus prompts à mordre dans le match, les Spinaliens abordent cette échéance prudemment et subissent une première alerte de Briançonnais visiblement au fait des habitudes maison. Désireux de ne pas s'embarquer dans un cul de sac, ceux-ci appliquent d'entrée un semblant de pression mais Stanislav Petrik se montre déjà décisif devant l'homme en forme du moment, Pierre-Luc Sleigher (00'17"). Cette première banderille donne le ton d'un match indécis où l'enjeu, durant ces premières minutes, tendrait plutôt à prendre le pas sur le jeu. Ce qui n'empêche pas Milan Buda, d'un tir sec à ras de glace, de flirter avec le montant droit de Christian Bronsard lors du premier powerplay de la partie (03'25"). Bien en place, les Diables Rouges peinent toutefois à s'imposer durablement en zone adverse et ne trouve guère de failles dans le système défensif local, excepté les incursions d'un Martin Filip plus diabolique que jamais. Les Spinaliens sont autrement plus appliqués en défensive que le week-end dernier. Il vaut mieux pour eux d'ailleurs...

Concentrés, les locaux s'appliquent à écarter le danger pour apporter de temps en temps un peu d'action sous le nez de Bronsard. Bien aidés en cela par plusieurs opportunités en supériorité numérique, les Dauphins peinent toutefois à passer la seconde dans ce registre et manquent clairement de fluidité pour réellement inquiéter des lignes arrières pourtant allégées (à tous les sens du terme) par les absences de Petr Kratky et Rémi Royer.

Un break de Jean-François Dufour (09'05") puis deux infériorités numériques successives testent avec succès l'étanchéité de la cuirasse petrikéenne. Milan Tekel s'y casse les dents (13e) et les prouesses de Stanislav Petrik redonnent du peps à ses troupes. Car l'ICE, hormis ces quelques raids de l'infernal duo Filip-Terglav, s'enhardit et joue à l'instinct pour s'offrir de belles chances en fin de période. Deux percées en désavantage numérique de Mazerolle et Chassard (15'33") suivies d'une nouvelle infraction rouge (17'05") démontrent toutes les aptitudes vosgiennes en ce domaine. Épinal soutient donc la comparaison mais gaspille à nouveau cette supériorité numérique en accumulant les petites imprécisions. Briançon s'en accommode volontiers et regagne les vestiaires sur une dernière alerte de Michal Petrak au buzzer (20e). Un signe...

Ou plutôt la confirmation des bonnes dispositions des locaux, harcelant durant les trente premières secondes du tiers médian Christian Bronsard avant de voir Martin Filip rater l'immanquable sur un contre rondement mené. Le maître à jouer tchèque, servi dans un fauteuil par Mickaël Perez, est bien mal inspiré d'envoyer sa reprise dans les nuages (20'59"). Le match se débride alors lentement et ce processus s'accélère lors d'un quatre contre quatre ouvrant davantage les espaces. Les Diables Rouges frappent en premier avant qu'un énième contre n'amène Pierre-Luc Sleigher dans une situation hautement favorable. Enfin, jusqu'à ce que le montant droit ne repousse sa tentative (24'19")...

Pas souverains, mais pas déstabilisés non plus, les visiteurs ne cessent de se heurter à une formation locale sans complexes et fermement décidée à jouer crânement sa chance. Inspirés par un Stanislav Petrik des grands soirs, les Lorrains font de la résistance mais gaspillent une nouvelle supériorité numérique par la faute, justement, de leur emblématique cerbère slovaque. En laissant traîner son bâton, Petrik interfère avec un rouge (27'12") mais se rachète aussitôt devant Mickaël Perez (28'12"). Ou plutôt retarde une échéance inéluctable. Le Slovaque, livré à lui-même, doit ensuite s'incliner devant Sleigher. À bout portant, le Montréalais score dans le haut du filet et fait payer au prix fort le premier gros courant d'air du match (0-1 à 29'13")...

Petrik les rends patraques !

L'estocade est alors proche pour le club phare des Hautes-Alpes, pas inquiété outre mesure par un jeu de puissance adverse toujours aussi poussif. Un problème que n'a définitivement pas cette fameuse doublette Filip-Terglav, la seule à secouer le cocotier en première période et qui se retrouve à la base d'une nouvelle occasion franche de Jean-François Dufour. Lancé dans le dos de la défense, le routinier québécois tutoie cette fois-ci la base du montant gauche d'un Stanislav Petrik décidément verni (33'50").

C'est bien connu, la chance est souvent l'apanage des grands gardiens, et Petrik se charge de le démontrer en tenant ses coéquipiers à bout de bras sur quelques minutes diablement oppressantes. Libérés par l'ouverture du score, les Diables Rouges montent clairement en puissance et trouvent plus facilement les espaces en usant de leur rapidité d'exécution, bombardant le dernier rempart spinalien de caoutchouc. Mais que ce soit devant Terglav (35'24"), Vas (36'08"), ou encore cet essai cueilli du gant devant Arnaud (36'51"), Petrik colmate les brèches avec un certain brio. Dès lors, la voie s'ouvre pour que l'arroseur devienne l'arrosé. Milan Buda, sur une montée marginale, trouve la faille ligne de fond en visant adroitement dans les bottes d'un Christian Bronsard jusqu'alors irréprochable (1-1 à 38'20"). Cette première erreur de l'ancien portier fribourgeois a complètement ravivé une flamme spinalienne passablement éteinte depuis quelques instants...

Enfin, pas pour longtemps, car le défenseur saint-pierrais Gary Lévêque, bonifiant une nouvelle présence du deuxième bloc, se chargera de refroidir l'euphorie ambiante en nettoyant la lucarne gauche d'un slap précis (1-2 à 39'34"). Voilà ce qui arrive lorsque cette ligne Sleigher-Vas-Dufour, décisive durant ce deuxième acte, prend efficacement le relais du premier trio.

L'étau se resserre alors passablement pour les Dauphins, condamnés à l'exploit et à se découvrir davantage pour revenir au score. Luc Mazerolle y est presque mais son essai ricoche sur la base du montant gauche d'un Christian Bronsard resté de glace (40'58"). Le ciel s'obscurcit davantage lorsqu' Anthony Maurice fait des siennes et rejoint le banc d'infamie (42'07"). Remis aussitôt sous pression, Stanislav Petrik frise à son tour la correctionnelle sur une reprise de Pierre-Luc Sleigher mais voit Jan Plch venir à sa rescousse en dégageant le puck in extremis dans son dos (44e).

Vent de folie

Même au plus fort de l'adversité, Épinal a toujours eu le mérite d'y croire. Portée par ses rêves et un mental sans failles, la légion spinalienne n'abdique pas et remet, une nouvelle fois, les pendules à l'heure sur une montée incisive de sa ligne de parade. La défense briançonnaise se fait surprendre sur un tir rasant de Plch, repoussé par Bronsard sur un Jan Bohacek plein de sang-froid pour l'ajuster dans le côté fermé (2-2 à 45'31"). Visiblement secoués par cette égalisation inattendue, les Briançonnais perdent un peu de leur superbe et se voient encore trahis par leur gardien canadien, qui récidive dans la foulée en "zappant" la trajectoire du lancer plein axe de Jan Plch. Du pain béni pour l'opportuniste Michal Petrak (3-2 à 46'55"). En deux temps trois mouvements, Épinal a renversé la vapeur.

Transcendés, les locaux s'octroient dans la foulée une nouvelle supériorité numérique mais, cette fois-ci, Bronsard retrouve son aplomb pour enrayer l'échappée de Simko (50'43"). Luciano Basile et ses "mercenaires" sont mis devant le fait accompli et tentent de jeter toutes leurs forces dans la bataille. Mais, même en situation d'avantage numérique, les Diables perdent leurs moyens et souffrent devant des Spinaliens défendant bec et ongles leur maigre acquis. Pourtant et malgré cette situation critique, Briançon reste concentré sur son objectif et finit par avoir gain de cause. À force de provoquer la chance, celle-ci lui sourit enfin et Milan Tekel, sur un travail préparatoire de Mickaël Perez derrière la cage, parvient à transpercer la garde de Stanislav Petrik d'un tir décroisé. Et par la même redonner corps aux espoirs haut-alpins (3-3 à 56'46").

Si près du but, les Spinaliens n'entendent toutefois pas lâcher aussi facilement et redoublent d'efforts jusqu'au terme du temps réglementaires, tourmentant encore à quelques reprises une arrière-garde alpine de moins en moins fringante. Ainsi, Jan Plch a la balle de match au bout de la palette mais, gêné par le retour désespéré (et pas très clair) de Milovanovic, ne pourra cadrer (59'31"). Ainsi s'annonce une prolongation devenue inévitable pour départager deux formations très proches, au style opposé mais aux desseins similaires.

Petrak ? Patatrac !

Chacun eut sa chance ce soir mais seul Épinal aura su la saisir. Débutant en supériorité numérique, l'escouade spinalienne fera basculer Poissompré dans l'allégresse en exploitant une ultime faiblesse de Christian Bronsard, moyennement inspiré devant un Michal Petrak s'y reprenant à deux fois pour lui glisser le disque entre les bottes. (4-3 à 60'24"). Le sort s'acharne encore une fois sur Briançon...

Un an après Dijon, un autre outsider s'est donc invité au bal. Pour Épinal, la belle épopée se poursuit après une victoire de prestige devant l'un des favoris déclarés au titre suprême. Au creux de la vague depuis quelques semaines, les Dauphins ont su faire front et tirer les marrons du feu au terme d'une partie indécise et à haute intensité. Toute l'équipe a su tirer dans le même sens et appliquer à la lettre, hormis quelques rares exceptions, les consignes de Pierre-Yves Eisenring. Du stakhanoviste Michal Petrak (une source d'énergie inépuisable) au stratège Jan Plch en passant par un Milan Buda très solide, chacun apporta son écot dans la bataille. La partition défensive fut ainsi sans accrocs même si Borislav Ilic fut logiquement chassé du match par le technicien suisse après une énième boulette. Lionel Simon le remplaça avec plus de sobriété et compléta le travail incessant des tauliers habituels (Slovak, Bohacek et surtout Listiak), impressionnants dans leur maîtrise de la zone défensive. Le mérite en revient également à un Stanislav Petrik taille-patron dans les moments cruciaux. Sa vista fut décisive face aux gros calibres briançonnais, notamment en fin de deuxième tiers-temps où les occasions franches se succédèrent dangereusement.

Briançon ne peut pas en dire autant de son gardien, qui aura pour sa part joué les intermittents du spectacle. Coupable sur au moins trois buts spinaliens, Christian Bronsard a terni une prestation d'ensemble (et personnelle) plutôt solide et plombé les chances briançonnaises, notamment sur un but de Milan Buda contre le cours du jeu. À sa décharge, sa défensive aura livré une prestation assez inégale et n'a pas toujours su contenir la vivacité et l'envie de trois blocs vosgiens pour une fois simultanément percutants.

Milan Tekel et Viktor Szélig ont pourtant pris leurs responsabilités mais la défense haut-alpine, à l'image d'un Frédéric Borgnet pas toujours lucide, a donc fini par s'essouffler au fil des minutes. Longtemps portée par l'abattage de Martin Filip et Edo Terglav, l'avant-garde a manqué de constance. Et surtout de réalisme devant un dernier rempart "petrikéen" malgré l'acharnement des Dufour et autres Sleigher en seconde partie de rencontre. Et notamment lors du seul passage à vide des locaux après leur ouverture du score.

L'aventure s'arrête donc là pour Luciano Basile, qui n'aura pas l'occasion d'exorciser ses vieux démons. Une nouvelle opportunité s'envole pour ses Diables Rouges, désormais contraints de tout miser sur le championnat pour sauver leur saison. Ni plus ni moins car les objectifs sont clairs du côté de Briançon. Ce nouveau couac tombe au plus mal à l'entrée de l'ultime ligne droite... S'ils n'aspirent pas aux mêmes ambitions, les Spinaliens peuvent en revanche savourer une qualification historique pour la finale de la Coupe de France. Et comme l'appétit vient en mangeant, les Vosgiens peuvent toujours rêver. L'enceinte de Paris-Bercy leur ouvrira prochainement ses portes. En grande pompe mais ça, c'est une autre histoire...

Compte-rendu signé Jérémie Dubief.

 

Épinal - Briançon 4-3 après prolongation (0-0, 1-2, 2-1, 1-0)

Mardi 30 janvier 2007 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 1664 spectateurs.

Arbitrage de Marc Mendlowictz assisté d'Éric Bouguin et Nicolas Barbez.

Pénalités : Épinal 16' (6', 4', 6'), Briançon 18' (6', 6', 6').

Tirs : Épinal 22 (4, 7, 10, 1), Briançon 39 (9, 16, 14, 0).

Évolution du score :

0-1 à 29'14" : Sleigher assisté de Boldron

1-1 à 38'20" : Buda

1-2 à 39'34" : Sleigher assisté de Milovanovic

2-2 à 45'31" : Bohacek assisté de Simko et Plch

3-2 à 46'55" : Petrak assisté de Bohacek

3-3 à 56'46" : Tekel assisté de Terglav et Filip (sup. num.)

4-3 à 60'24" : Petrak assisté de Plch (sup. num.)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Jan Bohacek - Radoslav Regenda ; Peter Slovak - Peter Listiak ; Peter Strapaty - Borislav Ilic [puis Lionel Simon].

Attaquants : Jan Simko - Michal Petrak - Jan Plch (A) ; Milan Buda - Luc Mazerolle - Guillaume Chassard (C) ; Tomas Jelinek - Anthony Maurice (A) - Guillaume Papelier.

Remplaçants : Franck Constantin (G), Anthony Pernot, Kevin Benchabane, Sébastien Geoffroy.

Briançon

Gardien : Christian Bronsard.

Défenseurs : Jakob Milovanovic - Frédéric Borgnet ; Viktor Szélig - Milan Tekel ; Gary Lévêque - Sébastien Dermigny.

Attaquants : Pierre-Luc Sleigher - Marton Vas - Jean-François Dufour (A) ; Mickaël Perez - Martin Filip - Edo Terglav (C) ; Benjamin Arnaud - Cédric Boldron - Sébastien Rohat.

Remplaçants : Damien Angella (G), Éric Blais (A), Alexandre Rouillard. Absents : Rémi Royer (suspendu), Petr Kratky (côtes).

 

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