Bâle - Rapperswil-Jona (13 janvier 2007)

 

Match comptant pour la trente-quatrième journée de LNA suisse.

Le temps des vendanges

Le Bâle nouveau est-il arrivé ? La victoire-surprise acquise la semaine passée face à Berne (3-1) est peut-être un présage allant dans ce sens. L'ère Kent Ruhnke étant désormais révolue, les Rhénans semblent avoir retrouvé leur aplomb défensif depuis la mise à l'écart de l'Ontarien. Comme en témoigne leur résistance à Zurich (1-2), Ambrì (1-2) et dernièrement Kloten (2-4). Certes, les comptes restent largement déficitaires mais l'espoir semble être revenu dans la capitale du médicament. Pourtant, le chantier qui s'offre à Mike McParland est de taille. Dernièrement manager-sportif chez le rival Fribourg-Gottéron, McParland était clairement en sursis du côté de Saint-Léonard, où son influence était réduite à peau de chagrin. Le voilà désormais affublé d'une authentique mission sauvetage.

Quelques heures avant de scalper Berne, l'EHC se retrouvait avec seulement trois étrangers sous contrat, l'étoile filante Tyler Wright ayant eu le toupet de réclamer un contrat jusqu'à la fin de saison. Un comble au vu de ses prestations... L'arrivée du routinier canadien Mike Maneluk, surnuméraire à Zoug, ne saurait résoudre à elle seule la faiblesse de la pire attaque de LNA. En ce sens, l'absence d'un cinquième "mercenaire" étranger (peut-être en attente des prochains dégraissage d'autres ligues élites européennes) n'est pas du meilleur effet pour la venue de l'outsider Rapperswil pour l'amorce de la quatrième ronde de LNA.

Les Lakers viennent de mettre un terme à deux mois de disette hors de leur Diner's Club Arena en terrassant Davos dimanche dernier (3-2). Les Saint-Gallois restent toujours bien placés dans l'ombre des cadors et abordent cette quatrième confrontation avec Bâle avec confiance malgré la blessure de leur gardien titulaire Marco Streit. Fort de trois victoires sur son hôte cette saison, "Rappi" traque les points pour assurer sa place parmi les huit et refaire son retard sur l'actuel quatrième, un Lugano présentement engagé dans la Coupe des champions européens. Face à la quatrième attaque du championnat, Bâle doit impérativement confirmer pour s'éloigner davantage de la dernière place. Les hommes de McParland viennent en effet de refiler la patate chaude aux incorrigibles fribourgeois...

En attendant l'arrivée en courant de semaine prochaine du gardien canadien Scott Langkow, les Lakers doivent faire avec les moyens du bord. Et entre l'espoir Marc Klingler et le plus expérimenté Flavio Streit, récemment appelé de Thurgovie (LNB) pour remplacer son frère au pied levé, Bill Gilligan a choisi de laisser l'ancien Bâlois sur le banc. Le futur-ex-entraîneur saint-gallois (Kari Eloranta est annoncé avec insistance pour lui succéder à l'été) fait un pari mais ses troupes s'attèlent d'entrée à serrer leurs lignes pour contenir les premières velléités locales. Cette stratégie attentiste ne tarde donc pas à porter ses fruits et les Lakers se voient rapidement inverser la situation. Mieux en place, les visiteurs instaurent un début de pression et profitent d'une première erreur d'inattention locale, un palet furetant dans l'enclave, pour ouvrir sans tarder le score. En bon renard qu'il est, le top-scoreur canadien Stacy Roest saute sur l'occasion et décoche un plomb sous l'angle gauche d'un Daniel Manzato battu à plates coutures (0-1 à 03'44").

Confortés par cette entrée en matière, les joueurs de l'Obersee tentent d'enfoncer le clou mais Mariusz Czerkawski, lancé en break-away par Nordgren, rate déjà la mise à mort (5e). Malchanceux, ils redoublent d'attention et resserrent davantage leur garde pour mieux se prémunir d'un éventuel sursaut rhénan. Au pain sec, les hommes de Mike McParland souffrent à produire du jeu (ce qui n'est déjà pas l'un de leurs points forts) et se retrouvent régulièrement contrés en zone neutre, ce qui n'est pas sans occasionner quelques situations compromettantes. Car Bâle peine donc à rivaliser devant la vitesse d'exécution et la vista des hommes en vert, manœuvrant à leur guise ces dix premières minutes de jeu.

Malgré sa sûreté et sa supériorité intrinsèque, Rapperswil-Jona multiplie les ratés devant la cage, comme cette déviation de Markus Bütler (8e) ou cet essai à bout portant de Noël Guyaz (9e). Et, pire encore, les petites infractions dans sa zone défensive. Car les Rhénans, bien que malmenés, ont du cour et sentent bien ce verrou saint-gallois n'a rien d'un coffre-fort. Dans son rôle habituel de passe-muraille, le colosse Thomas Nüssli est donc le premier à entrouvrir une brèche (13'19") avant que l'offensif Gaétan Voisard, d'une reprise sèche à ras de glace, ne vienne compléter le bon travail de Chris Bright derrière la cage (1-1 à 13'43"). Rapperswil, doublement pénalisé sur ce coup, vient alors de se fourrer dans un sacré pétrin...

Car ce but nivelle davantage les valeurs. Ce qui profite aux frontaliers, trop heureux de briser le faux-rythme adverse. Apposant comme à leur habitude une touche de physique dans les duels, les hommes de McParland renversent doucement la tendance mais restent toujours à la merci d'une accélération ou d'un contre impulsé notamment par ce diable de Czerkawski. Ce chassé-croisé agréable à visualiser l'est en revanche beaucoup moins pour les joueurs, entraînés dans un rythme infernal où ils confondent volontiers vitesse et précipitation. Personne ne profite toutefois de ces erreurs. Et surtout pas Rapperswil, de moins en moins fringant au fil des minutes.

Pourtant, une étrange passivité rhénane à l'entame du tiers médian va faire retomber le soufflé. À contretemps, les coéquipiers de Niklas Anger restent bloqués dans les starting-blocks et subissent durement. Leur tâche se complique lorsque les gros bras sont en jeu mais s'allège quand les seconds couteaux prennent la relève. C'est ainsi que Rapperswil-Jona gaspille son second powerplay consécutif et brise sa dynamique avec un surnombre bien inopportun (25'17"). Peu inspirés, les Bâlois ne montrent pas grand chose excepté cette montée de Chris Bright, stoppée d'une mitaine ferme par Marc Klingler (26'23") et s'échangent les occasions franches avec leurs adversaires. Ce "hourra-hockey", favorisé par les espaces grandissants dans la surface de jeu, ne laisse pas une once de répit aux deux formations. Aux vagues plutôt désordonnées des Bâlois, les Lakers répondent par un jeu certes plus élaboré, plus créatif, mais tout aussi stérile dans le dernier geste.

Le vent tourne

Pourtant, ce sont les Bâlois qui tireront profit de ce mano a mano par l'intermédiaire du puncheur Chris Bright, dans tous les coups fumants lors de ce match. Sur une reprise de volée préalable de Mike Maneluk, le Nippon d'adoption, à l'affût derrière le filet, sera ainsi le plus prompt à récupérer le rebond contre la bande pour trouver la faille dans un trou de souris (2-1 à 36'21"). Les représailles saint-galloises ne se font pas attendre mais l'essai en pivot d'un Tom Koivisto décidément porté sur l'offensive trouvera le montant gauche d'un Daniel Manzato resté de glace (37'21"). Contraints de dégarnir ses arrières, "Rappi" laisse ainsi des trous béants dans sa couverture et Andreas Camenzind s'y infiltre, débordant sur le flanc droit pour servir un Patric Della Rossa ayant bien suivi le mouvement en parallèle. L'expérimenté ailier international s'y reprend à deux fois venir à bout de Klingler (3-1 à 38'12").

Le vent tourne dangereusement pour des Lakers désormais contraints à l'abordage. Dans ce déluge de feu, Daniel Manzato joue les pompiers à plusieurs reprises devant Nordgren et les siens, sauvant même sa patrie en se couchant adroitement devant un Mariusz Czerkawski impressionnant de facilité (38'56"). C'est d'ailleurs-là toute l'histoire de ce match tant Rapperswil, qui en a assurément sous le patin, n'en finit plus de rater ses finitions. Au contraire de leurs hôtes, tout aussi engagés mais pour leur part plus disciplinés et surtout plus malins et plus réalistes. Les partenaires du remuant Brady Murray continuent à se mettre une belle épine dans le pied...

Les Rapperswil-Jona Lakers ont beau reprendre en supériorité numérique, ils ne trouvent pas davantage la clé en zone offensive et retombent dans leurs travers disciplinaires. Ces petits accrochages, pas bien méchants mais diablement pénalisants, plombent tous les espoirs de "Rappi". Désormais empêtrés dans les mailles du filet rhénan, les Lakers laissent transpirer leur frustration. Et le top-scoreur Stacy Roest, à la langue un peu trop pendue, écope d'une méconduite de dix minutes pour compliquer encore un peu plus la tâche de ses troupes (43e). Un coup d'autant plus dur pour "Rappi" que le vétéran albertain sans cesse en mouvement, était bien l'un des seuls à faire du grabuge dans la défense appliquée des locaux. Son tout jeune partenaire Brady Murray, révélé la saison passée à sa sortie de NCAA, s'échine pourtant à reprendre son flambeau, forçant ainsi Niklas Anger à commettre la faute (45'21"). Las, une obstruction aussi stupide qu'inutile du Suédois Niklas Nordgren (45'33") remettra les compteurs à plat.

Dominant légèrement ce trois-contre-trois, le SCRJ cherche désespérément les solutions et frise à deux reprises la correctionnelles sur deux échappées des lutins maison, Régis Fuchs (47'05") et Stefan Schnyder (48'47"). Mais la frontière entre la réussite et l'échec tient parfois d'un tout petit rien. C'est ce qui arrive au défenseur Marco Bayer dont le tir flottant sur jeu placé surprend un Daniel Manzato complètement masqué par l'attroupement devant sa cage (3-2 à 50'58").

Mais voilà, les hommes en vert aiment se compliquer la vie, et même le technicien Stacy Roest, sorti de sa pénitence, ne parvient même pas à punir une relance dans l'axe mal ajustée de Gaétan Voisard (53'48")... Assorti d'une nouvelle pénalité mineure, ce break raté par Roest est ainsi le tournant du match. Bâle exploite aussitôt cette relative accalmie en installant son jeu de puissance et l'intenable Chris Bright, d'un tir croisé à ras de glace, déjoue l'habituelle doublure saint-galloise entre les jambières (4-2 à 55'21"). Désorienté, l'entraîneur américain Bill Gilligan demande alors le temps-mort (57'16"), sort son gardien et renvoie ses troupes tenter un ultime forcing. Autant dire un coup d'épée dans l'eau tant les Rhénans font front et défendent avec application. Mais qui ne tente rien n'a rien et une dernière infiltration de Stacy Roest pimentera les dernières secondes de jeu. Servi dans le slot par le Canadien, Thomas Walser glisse bien le disque entre les bottes de Daniel Manzato (4-3 à 59'12") mais Bâle a trop travaillé ce soir pour laisser filer aussi bêtement les trois points. Trois points bienvenus avec le succès de Fribourg-Gottéron devant Zurich (4-1).

Une question de réussite

Rapperswil-Jona s'est pris les pieds dans le tapis et peut maudire son inefficacité offensive. Pour n'avoir su faire la décision en début de match, là où les circonstances leurs étaient totalement favorables, les Saint-Gallois ont redonné espoir à leur hôte d'un soir. Trahi par une défense montrant par instants d'inquiétants signes de fébrilité, Rapperswil n'a pu maintenir son faux-rythme initial et, plus que tout, n'a pas su profiter de sa redoutable force de frappe. Intrinsèquement supérieurs et constamment pesants sur la défense adverse, les Stacy Roest, Mariusz Czerkawski et autres Mikko Eloranta ont régulièrement bousculé le système-maison. Mais ont pourtant failli dans le dernier geste. Ajoutez-y une certaine irrégularité dans les productions des blocs, une indiscipline chronique et un Manzato des grands soirs, vous obtenez-là du pain béni pour toute formation opportuniste qui se respecte...

Les Lakers ne sont pourtant pas les premiers, ni les derniers, à être tombés dans le panneau. Retrouvant ces vertus morales qui a jadis fait sa force, le collectif rhénan a su faire front en début de match. Sans cesse en mouvement à l'instar d'un quatrième trio kamikaze ou d'un Chris Bright omniprésent, les Bâlois ont progressivement retourné la situation à leur avantage en profitant des maladresses de leur adversaire. Dès lors munis d'un avantage substantiel, les hommes de Mike McParland ont alors su freiner leurs ardeurs en fermant relativement bien l'accès au but. Au final, les Rhénans sont certes chanceux d'avoir remporté la mise, mais ce deuxième succès de suite à la St.Jakob-Arena pour Mike McParland ne fait que confirmer leurs progrès. Selon le nouvel homme-fort du banc, il reste encore une certaine marge de progression. Cela ne se vérifiera toutefois pas à Davos où, dès le lendemain, ses troupes n'auront rien pu faire face à un Alexandre Daigle à six points (3-6).

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Bâle - Rapperswil-Jona 4-3 (1-1, 2-0, 1-2)

Samedi 13 janvier 2007 à 19h45 à la St.Jakob-Arena. 2765 spectateurs.

Arbitrage de M. Prugger assisté de MM. Arm et Küng.

Pénalités : Bâle 14', Rapperswil 30'.

Évolution du score :

0-1 à 03'44" : Roest assisté d'Eloranta et Murray

1-1 à 13'43" : Voisard assisté de Bright et Della Rossa (sup. num.)

2-1 à 36'21" : Bright assisté de Fuchs et Maneluk

3-1 à 38'12" : Della Rossa assisté de Camenzind

3-2 à 50'58" : Bayer assisté de Bütler et Micheli (sup. num.)

4-2 à 55'21" : Bright assisté de Voisard (sup. num.)

4-3 à 59'12" : Walser assisté de Roest et Fischer

 

Bâle

Gardien : Daniel Manzato.

Défenseurs : Gaétan Voisard - Adrien Plavsic ; Mark Astley (C) - Ralf Bundi (A) ; Lukas Gerber - Petri Liimatainen ; Stefan Tschannen - Ralph Stalder.

Attaquants : Régis Fuchs - Niklas Anger (A) - Mike Maneluk ; Thomas Nüssli - Chris Bright - Julian Walker ; Franco Collenberg - Andreas Camenzind - Patric Della Rossa ; Stefan Schnyder - Sandro Tschuor - Stefan Voegele.

Remplaçant : Daniel Rüfenacht (G). Absents : Markus Wüthrich, Alex Chatelain, Corey Ruhnke (tous blessés).

Rapperswil-Jona

Gardien : Marc Klingler [sorti de sa cage de 57'15" à 59'12", puis de 59'26" à 60'00"].

Défenseurs : Sandro Gmür - Noël Guyaz (A) ; Patrick Fischer (C) - Tom Koivisto ; Cyrill Geyer - Marco Bayer ; Marc Schefer - Samuel Friedli.

Attaquants : Brady Murray - Stacy Roest - Mikko Eloranta ; Niklas Nordgren - Oliver Kamber - Mariusz Czerkawski ; Claudio Micheli - Markus Bütler - Rolf Schrepfer (A) ; Patrizio Morger - Stefan Hürlimann - Thomas Walser.

Remplaçant : Flavio Streit (G). Absents : Marco Streit (blessé), Scott Langkow (pas encore arrivé), Deny Bärtschi.

 

Retour au championnat de Suisse