Ak Bars Kazan - Färjestad (11 janvier 2007)

 

Coupe d'Europe des champions, groupe Aleksandr Ragulin, premier match.

Ce match a tout pour être déjà une finale avant la lettre. La seule inconnue, mais la plus importante, c'est la motivation avec laquelle Färjestad arrive dans cette compétition. Normalement, le champion de Suède doit rompre avec les débâcles successives de ses prédécesseurs. Contrairement à eux, le FBK a conservé son effectif - dont le champion olympique et champion du monde en titre Jörgen Jönsson qui a prolongé jusqu'en 2009 - et est en passe de confirmer cette saison en occupant la deuxième place de l'Elitserien. La titularisation du second gardien Christopher Heino-Lindberg (même si ce jeune drafté par Montréal joue de plus en plus souvent en championnat, et avec de meilleures statistiques que le titulaire Henriksson) est tout de même un petit indice du peu de crédit que les Suédois accordent à cette Coupe des champions, presque ignorée de leurs médias alors que les journaux russes lui consacrent des articles réguliers depuis des semaines.

Les Russes sont vexés de la piètre sortie du Khimik à la Coupe Spengler, et plus encore d'avoir vu l'Avangard Omsk se tourner en ridicule en ne marquant pas face au Yunost Minsk, le voisin du Bélarus, en Coupe Continentale. Cela fait donc monter la pression autour du sacre annoncé d'Ak Bars Kazan et de sa super-ligne Zaripov-Zinoviev-Morozov.

Dès sa première présence, le trio est à la hauteur de l'évènement et virevolte dans la zone suédoise, inquiétant déjà le gardien Heino-Lindberg. Et à leur retour sur la glace, ils réalisent une superbe combinaison offensive à trois à l'issue de laquelle Sergei Zinoviev se retrouve en position idéale de tir (1-0, 03'24"). Voilà qu'Enver Lisin feinte Janne Niskala et le force à l'accrocher, avant que Thomas Rhodin ne soit sanctionné pour crosse haute. À cinq contre trois, Ilya Nikulin double la mise (2-0, 07'17"). On passe même près du 3-0 quand Zaripov manque la dernière passe à destination de Morozov. Kazan, ce n'est décidément pas l'adversaire rêvé pour le jour de la rédemption européenne des Suédois...

Et pourtant, ils ne perdent pas espoir. Le barbu Emil Kåberg rase tout sur son passage avec son système bilame, le palet comme le gardien adverse (2-1, 12'46"). Alexei Badyukov proteste et se prend une méconduite, mais l'arbitre valide ce but style tondeuse. Un but de raccroc de Jonas Höglund ramène même l'égalité (2-2, 17'32"). Le compteur des tirs indique 18 à 3, mais Färjestad rentre aux vestiaires avec un score nul. Le fait de rencontrer un adversaire aussi fort, face auquel le complexe de supériorité du championnat suédois est impossible, aide peut-être le FBK à se forcer à trouver son salut dans la volonté.

Ak Bars l'y aide au retour sur la glace avec une crosse haute de Proshkin suivie d'un surnombre. L'international finlandais Esa Pirnes finit par saisir l'opportunité en reprenant un service de Matthias Johansson (2-3, 23'31"). Färjestad est passé devant ! Stupeur dans les tribunes de Saint-Pétersbourg, qui sont loin d'être pleines. Le fait que le tournoi ait de nouveau été déplacé en dehors des périodes de fêtes orthodoxes n'a pas aidé en ce jour de semaine. Seules les places les moins chères ont été entièrement vendues, mais les centaines de supporters venus du Tatarstan assurent l'ambiance.

C'est alors que se produit le tournant du match. Sur une nouvelle attaque rageuse des Suédois, le pauvre gardien Aleksandr Eremenko finit encore dans ses filets avec le palet. Il faut sept longues minutes à M. Rantala pour regarder la vidéo, tandis que les joueurs reprennent leur échauffement. Au vu des ralentis diffusés sur les écrans de la patinoire, tout le monde semble persuadé que ce quatrième but suédois, moins controversé que le premier, sera validé : il n'y a pas faute sur le gardien, et la cage semble avoir clairement bougé après que le palet a franchi la ligne. Et pourtant, M. Rantala n'accorde pas ce but ! En effet, il a conclu des images que la cage s'était déjà soulevée juste avant l'instant fatidique, même si elle n'avait pas encore quitté définitivement ses gonds.

Avec deux buts de retard, Ak Bars n'en aurait peut-être pas mené large. Mais son jeu de puissance a une telle maîtrise du palet qu'il ne sort jamais de la zone offensive. C'est ainsi qu'Aleksei Morozov envoie un rebond en pleine lucarne alors que Kåberg est en prison pour cinglage (3-3, 34'06"). Et aussitôt, un tir faiblard de la bleue du défenseur Ilya Nikulin - élu joueur du match - trompe Heino-Lindberg masqué (4-3, 34'38"). En trente secondes, Färjestad a été déchiqueté par les griffes de la panthère blanche.

Mais les Suédois ne sont pas du genre à baisser les bras ce soir. Ak Bars prend à nouveau des pénalités au retour sur la glace, et à cinq contre trois, Pelle Prestberg reprend une passe transversale de Niskala (4-4, 43'53"). Quarante secondes plus tard, un retenir de Rhodin provoque un tir de pénalité, mais le jeune Heino-Lindberg a déjà du métier : il bluffe Aleksei Morozov en ouvrant l'espace entre ses jambières pour l'amener à viser à cet endroit. Puisqu'on ne le laisse pas s'en charger lui-même, le capitaine amènera finalement le but décisif à Danis Zaripov devant la cage ouverte, une action litigieuse car le défenseur suédois chargé du marquage sur Zaripov a été fait trébucher sous le nez de l'arbitre juste avant (5-4, 53'18").

Le gardien russe Aleksandr Eremenko doit sortir à six minutes de la fin, sonné par une collision avec un adversaire dans son élan. On lui applique une poche de glace derrière la tête. Il est remplacé par Mika Noronen, qui ne voit pas le moindre lancer. Kazan défend l'avantage chèrement acquis et Morozov envoie Zaripov conclure dans les filets déserts.

Le match a finalement tenu toutes ses promesses : intense, rythmé, à rebondissements. Färjestad a tout donné, mais la qualité du jeu collectif russe a fait la différence, surtout dans l'interprétation magistrale qu'en donne la ligne de Morozov.

 

Commentaires d'après-match

Roger Melin (entraîneur de Färjestad) : "Nous avons mal commencé le match et nous avons encaissé trop rapidement le premier but. Je suis content que nous nous en soyons remis et que nous ayons ressuscité le suspense. Le quatrième but injustement invalidé nous a gâché le match, et je pense qu'il y a faute sur l'action qui aboutit au 5-4. Ak Bars a très bien joué en supériorité, et les forces dépensées en infériorité nous ont manqué sur la fin. Il faut reconnaître que nous avons rencontré une équipe très rapide et très bien préparée. Nous savions qu'elle avait des joueurs très forts en un contre un, et nous avons essayé d'élaborer une tactique contre eux. Mais dans un match, tout ne passe pas comme prévu. J'espérais que nous aurions plus de supporters pour venir nous encourager, nous en avons beaucoup au pays. Nous nous préparons pour demain, car il nous reste une chance dans ce tournoi."

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur d'Ak Bars) : "Nous avons très bien commencé, mais nous avons encaissé un but incompréhensible, puis un deuxième. Notre adversaire a pris confiance et a commencé à attaquer. Heureusement nous avons retourné le match en notre faveur avec de beaux buts. Je ne veux rien rejeter sur Eremenko, mais il a encaissé des buts évitables. Je n'en sais pas plus sur sa blessure, mais il n'a pas quitté la glace par hasard."

Håkan Loob (manager général de Färjestad) : "Franchement, nous pensions que l'arbitre allait accorder le but. Et nous sommes toujours sûrs qu'il était valable. Non, je ne pense pas que l'arbitre ait été influencé par le public, ce facteur ne comptait pas à ce moment. Tant mieux qu'il y ait eu du monde et une bonne ambiance. Il n'y a plus rien à faire, la situation est ce qu'elle est et cela ne sert à rien de revenir dessus après la bataille. Je pense que ce but a réglé la question de la première place du groupe. Dans un tournoi aussi bref, se qualifier après une défaite contre un équipe aussi forte est très compliqué. Même si Färjestad voulait grandement gagner la Coupe d'Europe des champions, cela semble cuit. Une formule à deux groupes de quatre, où les deux premiers accèderaient aux play-offs, me paraîtrait plus correcte. Dans ce cas-là, il resterait une chance de prendre sa revanche en finale."

Aleksandr Stepanov (attaquant de Kazan) : "Färjestad ne ressemble à aucune équipe de Superliga. Les Suédois ont un jeu unique et intéressant. Les combinaisons en largeur, où le palet allait d'un côté à l'autre en un contact, nous ont piégés par trois fois. Ils étaient également physiques, à notre surprise. Robert Kantor en particulier, peut-être parce qu'il a joué un peu avec moi au Dynamo, et aussi, sans moi, à Kazan. À la fin du match, il m'a accroché et a commencé à discuter avec l'arbitre, qui lui a infligé une méconduite."

 

Ak Bars Kazan - Färjestad 6-4 (2-2, 2-1, 2-1)

Jeudi 11 janvier 2007 à 18h30 au Palais de Glace de Saint-Pétersbourg. 6400 spectateurs.

Arbitrage d'Aleksi Rantala (FIN) assisté de Piotr Aleshin et Aleksei Kalinin (RUS).

Pénalités : Ak Bars 20' (10', 6', 4'), Färjestad 22' (4', 6', 12').

Tirs : Ak Bars 41 (18, 12, 11), Färjestad 14 (3, 4, 7).

Évolution du score :

1-0 à 03'24" : Zinoviev assisté de Morozov et Zaripov

2-0 à 07'17" : Nikulin assisté de Pervyshin et Vorobiev (double sup. num.)

2-1 à 12'46" : Kåberg assisté de Ledin

2-2 à 17'32" : Höglund assisté de Mat. Johansson et Pirnes

2-3 à 23'31" : Pirnes assisté de Mat. Johansson et Niskala (sup. num.)

3-3 à 34'06" : Morozov assisté de Zinoviev (sup. num.)

4-3 à 34'38" : Nikulin assisté de Stepanov

4-4 à 43'53" : Prestberg assisté de Niskala et Rhodin (double sup. num.)

5-4 à 53'18" : Zaripov assisté de Morozov

6-4 à 59'54" : Zaripov assisté de Morozov (cage vide)

 

Ak Bars Kazan (2' pour surnombre)

Gardiens : Aleksandr Eremenko puis Mika Noronen à 54'12".

Défenseurs : Vitali Proshkin (6') - Raymond Giroux ; Andrei Pervyshin - Ilya Nikulin ; Igor Shchadilov (2') - Jan Novak ; Gennadi Razin - Evgeni Ryasensky.

Attaquants : Danis Zaripov - Sergei Zinoviev - Aleksei Morozov (C) ; Vladimir Vorobiev - Aleksei Tereshchenko - Aleksandr Stepanov ; Dmitri Kazionov - Aleksei Badyukov (10') - Dmitri Obukhov ; Enver Lisin - Mikhaïl Yunkov - Mikhaïl Zhukov.

Absent : Igor Musatov (blessé).

Färjestads BK

Gardien : Christopher Heino-Lindberg (sorti de 59'20" à 59'54").

Défenseurs : Thomas Rhodin (2') - Robert Kantor (4'+10') ; Janne Niskala (2') - Atte Pentikäinen ; Jonas Frögren - Stefan Erkgärds (2').

Attaquants : Pelle Prestberg - Jörgen Jönsson (C) - Peter Nordström ; Jonas Höglund - Mathias Johansson - Esa Pirnes ; Emil Kåberg (2') - Jesper Mattsson - Per Ledin ; Per Åslund - Mikael Johansson - Christian Söderström.

Remplaçants : Daniel Henriksson (G), Johan Motin, Emil Bejmo. Absents : Andreas Johansson (blessé), Fredrik Olausson (blessé), Robin Jonsson (blessé).

 

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