Avangard Omsk - Ak Bars Kazan (16 avril 2006)

 

Finale de Superliga russe, match 3.

Une histoire d'encouragement dans la dernière ligne droite. Les joueurs de l'Avangard Omsk, menés deux manches à rien par Ak bars Kazan dans cette finale 2006 de la Superliga, ont reçu le matin du match un télégramme de soutien transatlantique. C'est leur ancien coéquipier Jaromir Jagr qui depuis New York leur a envoyé un télégramme affirmant : "Je suis avec vous, je suis certain de la victoire d'Omsk !". Le Tchèque, auteur du but victorieux pour les Sibériens lors de la finale de la Coupe d'Europe 2005, serait le bienvenu dans l'effectif de son ancien club, en panne totale offensivement avec seulement un but inscrit lors des deux premières manches de la finale.

Du côté de Kazan, on n'a pas ces problèmes et personne n'a reçu de télégramme d'Ilia Kovaltchouk souhaitant bonne chance à ses anciens coéquipiers ! Mais les encouragements ne manquent pourtant pas, tout le Tatarstan attend ce titre pour célébrer avec faste les 1001 ans de la naissance de Kazan ! D'ailleurs, un supporter tatar interrogé avant le match dans la patinoire d'Omsk par la chaîne de télévision "Sport" est clair : "vous voyez la coupe là-bas, affirme-t-il, et bien, on est venu la chercher pour la ramener à Kazan !"

Et ils ont de quoi être optimistes, les fans des panthères des neiges, que ce soit offensivement (6-1 lors de la première manche, soit le plus gros écart enregistré lors d'une finale de la Superliga) ou défensivement (2-0 pour le deuxième match), les Verts et Rouges sont au-dessus du lot dans ces play-offs...

Alors, quel visage tatar va-t-on voir en Sibérie ? Offensif ou défensif ? C'est plutôt un visage de prisonnier en début de rencontre. Le défenseur de Kazan, Ilia Nikouline, occupe le banc des prisons de la première à la cinquième minute, même s'il est accompagné sur la deuxième faute par le capitaine local Riabykine. Pas simple pour débuter une rencontre ! Ce début de match est d'ailleurs placé sous le signe de la nervosité. Les joueurs d'Omsk se jettent à fond dans la bataille, c'est donc physique, et comme les visiteurs ne s'en laissent pas compter, le sifflet de Monsieur Poliakov ne risque pas d'être rouillé ! Cela dégénère d'ailleurs à la fin de la prison de Nikouline et Riabykine. Cela part en vrille et l'arbitre doit franchement sévir : Vitali Prochkine pour Kazan prend deux minutes, mais les "responsables" de l'altercations sont sibériens ; Maxime Rybine écope de deux plus deux et Alexei Smirnov de dix minutes de méconduite ! Cela va-t-il calmer tout ce beau monde ? Euh pas vraiment, car l'on ne joue toujours pas à cinq contre cinq dans ce tiers, puisqu'une minute plus tard, c'est au tour du capitaine de Kazan, Alexeï Morozov, d'être sanctionné. Puis, selon un rythme sans faille, encore deux minutes après, c'est le défenseur canadien d'Ak bars, Raymond Giroux qui est pris par la patrouille.

Fred Brathwaite a beau être le gardien phénomène de ces play-offs, il y a une limite à la résistance humaine ! Cette dernière pénalité est la bonne pour Omsk. Un premier tir du défenseur kazakhstanais Alexeï Trochtchinski est renvoyé par le gardien canadien sur Dimitri Riabykine, qui voit Alexeï Kalioujni parfaitement décalé sur le côté droit. L'attaquant international bélarussien peut alors ouvrir la marque sur un tir rapide le long du poteau de Fred Braithwaite. Les 5500 spectateurs (moins les fans de Kazan évidemment) de la trop petite patinoire d'Omsk peuvent alors exploser de joie, l'Avangard a écouté les conseils de Jaromir Premier, roi de Bohème, de New York et de Sibérie...

Cette ouverture du score permet au moins aux esprits de se calmer. La seconde partie de la période se déroule à cinq contre cinq (excepté une pénalité infligée à Alexeïev pour Omsk). Une fois cette ultime pénalité tuée, les Sibériens noirs et rouges peuvent reprendre leur domination. Mais une fois de plus, la défense tatare, bien regroupée autour de sa muraille canadienne, ne cède pas.

Comme les deux équipes ne veulent pas céder un pouce de terrain, ce sont encore les pénalités qui vont faire la différence. La finale 2006 se joue sur deux coups de cuillers à pot dans la dernière partie du deuxième tiers. À partir de la vingt-sixième minute, les pénalités recommencent à pleuvoir. Les fortes personnalités comme Giroux et Trochtchinski sont en "évidence". On en termine avec ce quatre contre quatre et tout se dénoue très vite. Le défenseur d'Omsk Andrei Sapojnikov est pris, Monsieur Poliakov sanctionne une minute plus tard un joueur de chaque côté (Stepanov et Koltsov), puis cinq secondes seulement après, c'est Konstantin Gorovikov qui est à son tour pénalisé. Déjà très en colère contre l'arbitrage lors du dernier match à Kazan (il faut bien passer sa déception sur quelqu'un...), le camp de l'Avangard s'énerve sur cette histoire. Le coach d'Omsk, le mythique Valeri Beloussov, se lance dans une grande discussion avec le corps arbitral, puis abrège la conversation d'un geste de dépit de la main signifiant "on peut pas discuter avec vous..." Le problème est que dans cette histoire, Omsk a certainement perdu de la concentration. Alors que de son côté, comme lors du précédent match sur l'ouverture du score en supériorité numérique par Prochkine, la panthère tatare se transforme en féroce prédateur attiré par le sang frais de sa victime ! Et c'est encore Vitali Prochkine qui déclenche l'hallali. L'ancien Dynamiste envoie un missile sur Norm Maracle et le capitaine miracle de Kazan, l'indispensable Alexeï Morozov, achève la bête : 1-1 à la mi-match, on sent comme un combat qui vient de changer d'âme. Cette équipe de Kazan est impressionnante dans de nombreux domaines, mais cette capacité de tuer un match au moment opportun est la marque des play-offs réussis et donc des champions. La panthère va encore le prouver par un deuxième coup de patte encore plus cruel. Apres la passe décisive du Dynamiste Prochkine, la banderille du Krilien Morozov, voila le coup de grâce du Spartakiste Zinoviev ! Moscou sur Volga ! Sergueï Zinoviev part en prison, il purge sa peine comme un bon déviationniste (replongez dans vos manuels d'histoire soviétique pour comprendre cette allusion ridicule...), et lors de sa réhabilitation, il récupère le palet, file tout seul vers la cage de Norm Maracle et le bat sans discussion. Ouille, ouille, ouille, 2-1 pour Kazan qui en deux histoires de pénalités a totalement abattu en plein vol le faucon sibérien. Dans le genre coup dur psychologique, cela se pose là. Déjà vacillant apràs les deux premiers matches à Kazan, Omsk est proche du K.O. à l'entame du dernier tiers...

Surtout que les visiteurs remettent le couvert après une pénalité infligée d'entrée de jeu à Andreï Pervychine. Kazan résiste en infériorité et plante un dernier coup, mortel celui-ci, dès le retour à l'égalité numérique. C'est cruel, mais efficace ! Et c'est justice pour Alexandre Stepanov, brillantissime dans ces play-offs, que cela soit lui qui marque le but de la victoire. Car, même si nous n'en sommes qu'à la quarante-quatrième minute, tout le monde a bien compris que c'est fini.

Kazan attend que cela se termine et Omsk n'y croit plus. Ak bars n'attend qu'une seule chose, la sirène pour le traditionnel jet de casques, de crosses et la pyramide sur l'extraordinaire gardien Fred Brathwaite qui n'a encaissé que deux buts en trois manches de finale. 3-1 en huitièmes contre Tver, 3-0 en quart face au rival historique et bachkire Oufa, 3-0 en demie contre Iaroslav et 3-0 en finale face à Omsk, Zinetoula Bilialetdinov, l'entraîneur de Kazan, peut bafouiller des "je suis heureux, heureux, heureux..." à la télé. Effectivement il y a de quoi !

Ridicule en 2005, finaliste en 2002 et en 2000, Ak bars Kazan retrouve son titre de champion de Russie conquis en 1998, et ce n'est que justice au vu de la saison et surtout des extraordinaires play-offs réalisés par l'équipe de Zinetoula Bilialetdinov.

Étoiles du match : *** Alexeï Morozov (Kazan), ** Sergueï Zinoviev (Kazan), * Fred Brathwaite (Kazan).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Commentaire d'après-match

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "C'est ce qui peut arriver de plus précieux à un entraîneur. Quand une équipe joue de cette manière et obtient ce résultat... Que dire ? Nous sommes champions, c'est suffisant ! Cette équipe parlait la langue de son entraîneur, et pour moi il n'y a rien de plus important dans cette profession. Il n'y a pas plus heureux que moi aujourd'hui. Mon premier championnat avec le Dynamo, je l'avais obtenu deux ans après mon retour d'Amérique. Mais ce titre-là, il vient de loin, à travers des échecs et des moments très difficiles. Plus on me critique, plus je deviens fort. Je n'en travaille que plus. On ne pouvait pas perdre aujourd'hui. Quand nous avons encaissé ce but, j'ai regardé mes joueurs et j'ai vu qu'ils allaient marquer, c'était inévitable. Nous ne sommes pas simplement devenus champions, nous avons joué un hockey de classe."

 

Avangard Omsk - Ak bars Kazan 1-3 (1-0, 0-0, 0-1)

Dimanche 16 avril 2006 au complexe sportif Viktor Blinov d'Omsk. 5500 spectateurs.

Arbitrage de M. Poliakov (Moscou) assisté de MM. Anisimov et Kamurkin.

Pénalités : Omsk 20'+10', Kazan 20'.

Tirs : Omsk 28 (12, 6, 10), Kazan 22 (7, 8, 7).

Évolution du score :

1-0 à 10'29" : Kalyuzhny assisté de Ryabykin et Troshchinski (sup. num.)

1-1 à 29'37" : Morozov assisté de Proshkin (sup. num.)

1-2 à 34'34" : Zinoviev assisté de Brathwaite et Morozov

1-3 à 43'06" : Stepanov assisté de Tereshchenko

 

Avangard Omsk

Gardien : Norm Maracle (CAN), sorti de sa cage de 58'55" à 60'00".

Défenseurs : Aleksei Troshchinski (KAZ) - Dmitri Ryabykin (c) ; Sergei Gusev - Kirill Koltsov ; Aleksandr Guskov - Nikita Nikitin ; Evgeni Dubrovin - Andrei Sapozhnikov.

Attaquants : Aleksei Kalyuzhny (BLR) - Andrei Nikolishin - Oleg Belkin ; Vaclav Novak (TCH) - Konstantin Gorovikov - Vitali Yachmenev ; Aleksandr Svitov - Anton Kuryanov - Aleksandr Popov ; Nikita Alekseïev - Aleksei Smirnov - Maksim Rybin.

Remplaçant : Boris Tortunov (G).

Ak Bars Kazan

Gardien : Fred Brathwaite (CAN).

Défenseurs : Raymond Giroux (CAN) - Vitali Proshkin ; Ilya Nikulin - Andrei Pervyshin ; Igor Shadilov - Serhyi Klimentiev (UKR) ; Guennadi Razine - Evgeni Ryasenski.

Attaquants : Danis Zaripov - Sergei Zinoviev - Alekseï Morozov (c) ; Aleksandr Stepanov - Aleksei Tereshchenko - Vladimir Vorobiev ; Dmitri Obukhov - Aleksei Badyukov - Dmitri Dudarev ; Enver Lisin - Mikhaïl Yunkov - Aleksei Kosurov.

Remplaçant : Aleksandr Eremenko (G).

 

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