Suède - Canada (20 février 2006)

 

Finale du tournoi féminin des Jeux Olympiques 2006.

Pour le Canada, c'est l'heure de la récompense après tous les sacrifices. Les joueuses ont été rassemblées en stage depuis le mois de mai, loin de leurs familles, pour disputer une cinquantaine de matches de préparation, dont vingt-deux contre des équipes de garçons (Midget AAA), dans un programme qui a coûté près de deux millions de dollars à la fédération. Tout cela pour un seul objectif, la médaille d'or.

Petite surprise pour les Canadiennes, c'est la Suède qui est désignée équipe "à domicile" pour cette finale. Un détail qui n'est pas sans ironie quand on sait que les hockeyeuses canadiennes avaient été critiquées, y compris dans leur propre pays avec l'inévitable Don Cherry en tête de ligne, pour avoir été "trop écrasantes" face à leurs adversaires du premier tour. Elles avaient alors expliqué qu'elles cherchaient à devancer les Américaines dans un duel à distance pour la différence de buts, car cela leur permettrait d'être "équipe recevante" dans la finale nord-américaine programmée. L'avantage aurait été pour le coach Melody Davidson d'avoir le dernier mot dans les changements de lignes. Or, les États-Unis, qui n'avaient jamais perdu de leur histoire face à une équipe européenne, ont été sortis en demi-finale par la Suède. Et le règlement de l'IIHF indique que, si deux équipes se retrouvent après s'être déjà rencontrées en première phase, l'ordre du match sera inversé.

Charline Labonté, plus consistante que Saint-Pierre sur l'ensemble de la saison selon Davidson, a été titularisée dans les cages canadiennes. Mais la clé du match sera bien sûr son homologue suédoise Kim Martin, nouvelle héroïne de tout un pays qui s'est pris de passion pour ses filles et suit le match en direct à la télévision.

Malheureusement, Kim Martin donne un signe d'hésitation quand elle touche avec sa mitaine sans le capter un lancer certes non cadré. Ce n'était pas qu'une impression. Une minute plus tard, elle se fait surprendre par un revers à ras la glace de Gillian Apps (0-1 à 03'15"). Les Suédoises ne rendent pas les armes pour autant et viennent faire du bon travail derrière la cage canadienne, où les Finlandaises n'étaient jamais restées aussi longtemps. Le problème est qu'il n'y a personne devant le but pour faire fructifier cette présence. La Suède a plus déchet de son jeu, et une passe mal ajustée de Lindberg est interceptée par Ouellette qui prend un lancer en angle fermé sur Martin. Le deuxième but canadien ne vient cependant pas d'une erreur adverse, mais au contraire d'une action construite : passe levée en zone neutre de Jennifer Botterill pour Jayna Hefford, qui part sur la gauche et centre au second poteau pour Caroline Ouellette (0-2 à 12'13"). Asserholt fait trébucher Pounder, mais Rooth et Holst effectuent un gros travail en infériorité pour contrer les palets dès la zone défensive canadienne. Quant à la Suède, même après un coup de crosse d'Apps dans les jambes d'Edstrand, elle ne s'installe que pendant les cinq dernières secondes de cette supériorité.

La quatrième ligne canadienne fait son entrée au deuxième tiers-temps, et après un hors-jeu sur leur première entrée de zone, Agosta et Vaillancourt viennent tester Kim Martin. Mais c'est le premier bloc qui creuse le score. Hayley Wickenheiser fait un large tour de cage et sert Cherie Piper qui arrive lancée dans l'enclave pour un tir du poignet imparable (0-3 à 28'58"). Le quatrième but est pour un duo très complice sur la glace : Jennifer Botterill maîtrise le palet derrière la cage et trouve Jayna Hefford dans le slot (0-4 à 30'27"). Le rythme descend ensuite nettement. Les Canadiennes suivent leur tableau de marche : deux buts par période, c'est le même tarif pour l'instant que pour la Finlande en demi-finale.

La Suède essaie toujours au retour sur la glace. Sa joueuse la plus douée, Maria Rooth, récupère dans le coin un palet que Keller n'a pas pu contrôler et tente de surprendre Labonté par un tour de cage. Alors que Ouellette est en prison pour une charge interdite sur Rundqvist, le public majoritairement canadien commence à s'agacer et à siffler après cinq ou six passes entre Rooth et Holst derrière la cage. Soudain, la capitaine ressort le palet vers l'expérimentée Gunilla Andersson. La meilleure arrière suédoise est la première dans ce tournoi à tromper Charline Labonté, qui ne restera donc pas invincible, un peu basse sur ce lancer flottant (1-4 à 45'24"). La Suède n'a plus de complexes et fait jeu égal sur ce dernier tiers-temps. La pénalité de Wickenheiser, qui charge Rooth avec la crosse en pleine pression suédoise à deux minutes de la fin, est symptomatique de la gêne inhabituelle ressentie par les Canadiennes.

Celles-ci sont évidemment championnes olympiques haut la main, mais par leur résistance valeureuse, les Suédoises ont prouvé qu'elles méritaient de participer à cette finale.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Peter Elander (entraîneur de la Suède) : "À 4-0, nous avons dit que nous devions gagner la dernière période, et nous l'avons fait pour que les joueuses soient heureuses de cette médaille d'argent. Mais elles étaient déçues de ne pas avoir joué aussi bien au début du match. Cependant, nous avons 22 ans de moyenne d'âge. C'est une équipe d'avenir, et nous espérons que nous jouerons beaucoup de matches serrés contre le Canada."

Cassie Campbell (capitaine du Canada) : "La passion que ces filles et notre staff ont pour le jeu, je pense qu'aucun autre pays ne la comprend encore. Nous sommes nées avec des crosses de hockey dans les mains. Il faut avoir notre goût de la victoire pour comprendre ce que l'on fait au quotidien. Je pense que ce que la Suède a fait est en train d'ouvrir les yeux de certains autres pays. [...] Il y a plein de choses que je veux faire, comme fonder une famille. Mais j'aime ce sport, et beaucoup de vétérans de NHL m'ont dit qu'il fallait jouer aussi longtemps que votre corps vous permettait. Jouer les JO dans mon pays serait grandiose, mais cela demande beaucoup de dévouement. C'est une décision que je prendrai au début de la saison prochaine."

Hayley Wickenheiser (attaquante du Canada) : "Nous avons été critiquées pour avoir fait grimper le score au cours de ce tournoi mais nous ne nous sommes jamais écartées de notre jeu et c'était très important pour que nous parvenions à ce résultat final. Nous avions beaucoup de pression. Nous avons dominé la Suède depuis des années et nous devions gagner. Je joue mon meilleur hockey depuis deux mois et notre ligne avec Apps et Piper a été dominante et dure à arrêter. Je suis fière de ces filles. Je pense qu'il y aura un grand turnover d'ici 2010, on voit l'énergie que ces jeunes apportent. Je suis juste soulagée, et je veux juste me reposer et ne plus jouer au hockey pour un moment. Je vais amener mon fils à Disneyworld."

 

Suède - Canada 1-4 (0-2, 0-2, 1-0)

Lundi 20 février 2006 à 20h35 au Palasport Olimpico de Turin. 6644 spectateurs.

Arbitrage d'Anu Hirvonen (FIN) assistée de Klara Quagliato (TCH) et Johanna Suban (FIN).

Pénalités : Suède 6' (4', 2', 0'), Canada 12' (2', 2', 8').

Tirs : Suède 8 (2, 3, 3), Canada 26 (11, 11, 4).

Évolution du score :

0-1 à 03'15" : Apps assistée de Wickenheiser

0-2 à 12'13" : Ouellette assistée de Hefford et Botterill

0-3 à 28'58" : Piper assistée de Wickenheiser et Pounder

0-4 à 30'27" : Hefford assistée de Botterill et Vaillancourt

1-4 à 45'24" : Andersson assistée de Holst et Rooth (sup. num.)

 

Suède

Gardienne : Kim Martin.

Arrières : Gunilla Andersson - Joa Elfsberg ; Kristina Lundberg - Emma Eliasson ; Jenni Asserholt - Ylva Lindberg.

Attaquantes : Emilie O'Konor [ou Edstrand] - Erika Holst (C) - Maria Rooth ; Pernilla Winberg - Nanna Jansson - Danijela Rundqvist ; Jenny Lindqvist [ou O'Konor ou Edstrand] - Therèse Sjölander - Frida Nevalainen ; Anna Vikman - Ann-Louise Edstrand.

Remplaçantes : Cecilia Andersson (G), Katarina Timglas.

Canada

Gardienne : Charline Labonté.

Arrières : Becky Kellar - Cheryl Pounder ; Gillian Ferrari - Colleen Sostorics ; Carla MacLeod ; [puis Ouellette].

Attaquantes : Gillian Apps - Hayley Wickenheiser - Cherie Piper ; Caroline Ouellette [puis Vaillancourt] - Jennifer Botterill - Jayna Hefford ; Danielle Goyette - Vicky Sunohara - Cassie Campbell (C) ; Sarah Vaillancourt - Gina Kingsbury - Meghan Agosta ; Katie Weatherston.

Remplaçante : Kim St-Pierre (G).

 

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