République Tchèque - Suisse (16 février 2006)

 

Jeux Olympiques de Turin 2006, groupe A.

Lors de l'entame du tournoi, la République tchèque a longtemps été accrochée par l'Allemagne, équipe qui lui pose traditionnellement des problèmes, et la Suisse n'a pas pesé lourd face à la Finlande, qui a plié l'affaire après deux tiers-temps. C'est dire que les deux formations qui s'affrontent ont encore quelques doutes sur leurs capacités et ont à déplorer leurs premiers bobos. La légende de Pardubice Dominik Hašek a dû sortir après moins de dix minutes contre la troupe de Krupp et c'est Tomas Vokoun qui est titularisé avec Hnilicka comme substitut. Elias, victime d'un coup de canne, doit déclarer lui aussi forfait. Du côté des Confédérés helvétiques, c'est Martin Plüss qui est incertain jusqu'à la dernière minute en raison d'une hanche douloureuse.

Les champions du monde partent évidemment favoris, mais après quinze secondes c'est Thomas Ziegler qui sert bien en retrait Ivo Rüthemann pour un premier tir sur le portier des Predators de Nashville ; ensuite c'est au tour de Martin Straka, mis en orbite par une longue passe, d'inquiéter Aebischer. Frantisek Kaberle lance peu après au filet, c'est dire qu'il n'y a pas de round d'observation et que le jeu est axé sur la vitesse des deux côtés, même si la Suisse concède déjà deux dégagements interdits. Les Tchèques paraissent désireux de se mettre à l'abri dès le début de la rencontre et Jaromir Jagr en personne déborde sur la gauche pour finalement ajuster le filet extérieur dans un angle trop fermé pour qu'il y ait vraiment danger. Néanmoins, les Suisses se montrent présents puisque peu après Romano Lemm s'approche du but, mais son tir est judicieusement contré par un défenseur. Toutefois, c'est à Robert Lang que va échoir la plus grande occasion du début de match à la cinquième minute lorsque le nouveau capitaine de la sélection tchèque se présente absolument seul devant David Aebischer, mais le gardien de Colorado ne se laisse pas surprendre par son rival de Detroit en allongeant sa jambière gauche. Idéal pour se mettre en confiance.

Tout se précipite quelques secondes après : Jaroslav Spacek manque sa relance par le centre et Ivo Rüthemann lui subtilise la rondelle pour servir Thomas Ziegler, bien posté devant Vokoun (0-1 à 05'11"). Les Helvètes n'ont pas le temps de savourer leur réussite qu'ils concèdent deux prisons consécutives d'Olivier Keller et Patric Della Rossa. De quoi susciter des craintes face à l'artillerie des protégés d'Alois Hadamczik, mais les Tchèques se montrent bien timides. Ce sont les Suisses qui sont menaçants en contre. Thierry Paterlini inquiète Vokoun, qui relâche, et Martin Plüss tente un tir soudain après avoir mis Spacek dans le vent. On a alors à peine disputé dix minutes, et première indication, la Suisse fait pour l'instant jeu égal avec les champions du monde et se montre agressive dans le bon sens du terme. Jagr et ses potes ne s'énervent pas outre mesure et restent patients et concentrés, pensant pouvoir retourner la situation par la suite.

Le tempo baisse quelque peu, puis Martin Erat écope d'une pénalité suite à une charge trop rude à l'encontre de Plüss, mais le jeu de puissance helvète ne donne rien, ce sont au contraire Straka, suite à un travail de Vyborny, puis Prospal qui inquiètent Aebischer. Les Tchèques semblent s'installer davantage dans le camp suisse en cette fin de période, mais les apparences sont trompeuses et le Neuchâtelois Sandy Jeannin manque de peu de doubler la mise à la dix-huitième minute, alors qu'il avait été oublié par les défenseurs adverses. Vokoun allonge avec à-propos sa jambière pour fermer son angle. Les Tchèques semblent empruntés et ratent parfois des contrôles faciles, visiblement gênés par le jeu direct effectué par le centre des Suisses qui les exposent dangereusement aux contres. D'ailleurs, Frantisek Kaberle doit arrêter Thomas Ziegler de manière irrégulière pour finir la période en infériorité numérique.

Au début du tiers médian, on se dit que la République tchèque va réagir, mais les Suisses ont surpris jusque là et évoluent encore avec l'avantage d'un homme pendant plus d'une minute. Les protégés de Krueger s'installent dans le camp tchèque mais ne se montrent dangereux qu'en une occasion lors d'une tentative de Blindenbacher. Peu après, Erat se dirige seul au but suite à un service précis de Zidlicky, mais Cajanek se trouvait en position de hors-jeu. Les Helvètes semblent prendre confiance, mais Jaromir Jagr, idéalement placé, remet les pendules à l'heure d'un maître lancer du poignet, suite à un service de son compère de ligne des Rangers Martin Straka (1-1 à 22'55"). Moins d'une minute plus tard, Hejduk, lancé par Prospal après que l'équipe helvétique a effectué un changement de ligne et que Bezina s'est fait contrer le palet à la bleue adverse, se présente absolument seul devant Aebischer, son coéquipier de club qui oppose son veto.

On pourrait croire alors que la Suisse est en voie de s'écrouler mais Di Pietro, sur un service du rapide Plüss, puis Hirschi sollicitent Vokoun. Quant à l'impressionnant Jaromir Jagr, il se signale en débordant sur la droite et se heurte à Aebischer, puis Frantisek Kaberle adresse un lancer bas de la bleue mais trouve la mitaine du Fribourgeois sur son chemin. C'est alors qu'une pénalité est sifflée à l'encontre de Jeannin. Jagr puis Kubina testent Aebischer sans succès et un tir sur réception de Zidlicky est contré. Puis l'incroyable se produit alors qu'on arrive à mi-match : Thierry Paterlini (qui n'avait repris la compétition que le 17 janvier) porte la rondelle dans le camp adverse alors que sa formation évolue toujours en infériorité numérique, se fait plaquer par Jaroslav Spacek, se relève et ajuste un tir du revers qui fait mouche (1-2 à 29'44"). Où était donc l'autre défenseur (Zidlicky) ?

Les Tchèques ne se présentent pas dans leurs meilleures dispositions, à témoin cette passe du défenseur Kuba qui aboutit en dégagement interdit. Étonnamment, les Suisses se créent encore une opportunité par l'entremise de Thomas Ziegler, suite encore à une action de Thierry Paterlini qui avait mis Marek Malik dans le vent. Les supporters helvètes donnent de la voix et commencent à y croire. La Suisses cafouille cependant son jeu de puissance pendant la prison de Malik : Tomas Kaberle se crée une occasion suite à un service de Kubina, puis Mark Streit perd le contrôle de la rondelle récupérée par Vyborny dans sa zone, ce qui envoie Frantisek Kaberle provoquer la faute de Rüthemann. Cajanek se met également en évidence suite à un service transversal de Jan Bulis, mais Aebischer ferme la porte. Les choses se gâtent encore pour la troupe à Krueger, étant donné que Seger s'en va en prison suite à une charge peut-être un peu basse sur Jagr. Et les protégés d'Hadamczik de se retrouver avec un double avantage numérique pendant plus d'une minute. La rondelle circule bien, et Tomas Kaberle adresse un tir qui heurte l'extérieur du montant droit. La Suisse n'est de loin pas sortie d'affaire, puisqu'elle reste à trois hommes après une pénalité infligée à Ziegler. Ralph Krueger demande un temps mort, car il reste encore cinquante secondes à écouler à court de deux hommes. Aebischer s'en sort brillamment et avec un peu de chance sur un tir sur réception du numéro 68, omniprésent. Il s'illustre encore sur un essai de Spacek, puis sur les reprises de Prospal et Cajanek, et prend définitivement l'ascendant psychologique sur les attaquants tchèques. Tandis que son équipe est à peine revenue à cinq, Keller se trouve pénalisé suite à une faute peu évidente sur Hemsky qui se laisse bien tomber. Le jeu de puissance tchèque est décidément stérile et n'apporte que peu de danger. C'est au contraire Kubina qui doit stopper Paterlini de manière irrégulière alors qu'il s'échappe vers le but. L'arbitre américain Dennis Larue sévit ensuite sur Wichser en fin de période, mais les Helvètes mènent toujours 2-1.

L'ultime période démarre sans temps mort à quatre contre quatre, et après vingt secondes, l'inévitable Jaromir Jagr se trouve placé pour un tir dans l'axe face à Aebischer, mais c'est Marek Zidlicky qui égalise enfin avec un tir sur réception d'une passe en retrait d'Ales Hemsky placé derrière le but, après une percée de Rucinsky (2-2 à 41'00"). Mais les Tchèques sont toujours tendus, à l'image de cette légère mésentente entre Tomas Kaberle et Vokoun alors qu'aucun danger ne se profilait.

La Suisse tente crânement sa chance avec un lancer de Wichser qui passe de peu à côté ou des alertes de Lemm et Jenni, à tel point que Prospal est pénalisé pour un cinglage alors que son équipe était en difficulté dans sa zone. Le jeu de puissance suisse se révèle cette fois de meilleure facture et Seger peut inquiéter le cerbère tchèque de la bleue. Les Tchèques semblent pouvoir finalement tuer la pénalité, mais Martin Plüss rentre dans la zone du côté droit et remet derrière à Seger. Celui-ci transmet latéralement à Mark Streit qui allume un tir sous la mitaine d'un Vokoun pas forcément irréprochable en la circonstance (2-3 à 46'42"). Voilà la République tchèque à nouveau contrainte à courir après le score pour une troisième fois alors qu'il reste environ treize minutes de jeu et qu'elle espérait creuser l'écart rapidement dans ce match.

Les deux formations deviennent plus prudentes et les occasions moins nombreuses, hormis un essai de Rucinsky, jusqu'à ce que Straka se procure une énorme occasion à la cinquante-deuxième minute et que Prospal échoue de peu sur la reprise alors que tout le monde se "bourrait" devant les filets d'un Aebischer étendu sur la glace. C'est alors au tour de Patrick Fischer d'être envoyé sur le banc d'infamie, mais les Slaves ne s'impliquent pas assez physiquement et perdent les duels. La pénalité se déroule sans encombre pour l'équipe qui mène au score. Encore six minutes de jeu et les Tchèques de procéder à un dégagement interdit ! Le monde à l'envers... Le temps s'écoule sans que les supposés favoris ne parviennent à presser suffisamment. C'est Jagr en personne qui prend les choses en main et parvient à se présenter face au portier suisse grâce à un beau service de Prospal, mais il ne peut le tromper du revers. Moins de deux minutes de jeu et les Helvètes se montrent toujours aussi disciplinés et volontaires, tout en procédant à de bons dégagements. Vokoun finit par abandonner ses filets avec moins de quarante secondes à faire, Martin Plüss manque de peu la cage vide depuis son camp et Robert Lang se voit contraint de faire faute sur le joueur de Frölunda, obligeant sa formation à finir la partie en infériorité numérique et sonnant pour ainsi dire le glas des chances de ses couleurs.

La Suisse doit bien évidemment une fière chandelle à son gardien David Aebischer, qui s'est montré irréprochable. Les Tchèques ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes de ne pas avoir été capable de mettre à profit plus de treize minutes de supériorité, même s'ils ont dominé leur adversaire quarante tirs à dix-neuf. Toutefois, les Helvètes savent que cette inattendue et quelque peu chanceuse victoire de prestige ne signifiera plus grand-chose en cas d'échec contre l'Italie et l'Allemagne ensuite, et que c'est alors à eux qu'incombera le difficile rôle de favori. Quant à la République tchèque, elle ne s'est certes pas rassurée, spécialement sur le jeu de puissance, mais elle est tombée sur un roc posté devant les filets helvétiques et sa qualification pour les quarts n'est pas autrement remise en cause, et à voir la composition de l'autre groupe, tout adversaire s'avérera difficile à ce stade. Peut-être que les rumeurs sur la gravité de la blessure du gardien Hasek a pu aussi les déranger.

Compte-rendu signé Stéphane Matthey

 

Commentaires d'après-match

Martin Straka (attaquant de la République Tchèque) : "Malheureusement, tout est très simple. Les Suisses voulaient plus la victoire et ont mieux joué, surtout en première période. Nous avons sous-estimé l'adversaire et nous l'avons payé. En supériorité, au lieu de jouer simple, nous nous sommes sans cesse compliqué la situation en cherchant des positions de tir idéales. Mais nous ne les avons pas trouvées. J'espère que cette défaite sera bénéfique. C'est un signal d'alarme : nous devrons prendre chaque adversaire plus sérieusement."

Martin Rucinsky (attaquant de la République Tchèque) : "Nous sommes coupables en tout, ne cherchons pas de justifications annexes. L'équipe a mal travaillé, cela concerne aussi bien l'attaque que la défense. En même temps, la Suisse a fait un match magnifique, aussi bien techniquement que physiquement. Je suis déçu, mais cela ne doit pas nous tuer. Mieux vaut perdre maintenant, quand il est possible de nous corriger, que dans les matches à élimination directe."

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "Nous avons sélectionné ces joueurs pour leur caractère. Il était clair qu'ils allaient réagir à leur défaite contre la Finlande. Nous n'avons changé ni les lignes ni les unités spéciales, parce que nous voulions montrer à l'équipe que nous avions confiance en elle. Il nous arrive souvent de jouer à ce niveau pendant 20 ou 30 minutes. Mais aujourd'hui nous avons maintenu cette performance pendant 60 minutes. Avoir pu prendre trois fois l'avantage nous a donné une force énorme. Le but de Paterlini rentrera dans l'histoire du hockey suisse. Je n'ai encore jamais vu ça !"

David Aebischer (gardien de la Suisse) : "C'était probablement mon meilleur match avec la Suisse. Je mets cet exploit à égalité avec le match contre la Russie en 2000 à Saint-Pétersbourg. J'aime recevoir beaucoup de tirs. Et tout l'équipe a été solidaire de bout en bout. On peut être fier de nous. C'est drôle, à l'entraînement, juste avant d'embarquer pour l'Italie, Hejduk m'a défié sur des tirs de pénalité. Mais, cette fois, sur ce breakaway au début de deuxième tiers, c'est moi qui ai eu le dernier mot. Même si nous n'avions pas scellé de pari, je crois bien qu'il devra me payer un repas ! Nous avons le droit de nous réjouir de cette victoire, mais juste quelques heures. Elle ne servira à rien si on ne domine pas l'Italie et l'Allemagne pour aller en quarts de finale."

 

République Tchèque - Suisse 2-3 (0-1, 1-1, 1-1)

Jeudi 16 février 2006 à 13h05 à Torino Esposizioni. 5129 spectateurs.

Arbitrage de Dennis Larue (USA) assisté de Anthony Sericolo (USA) et Sergei Shelyanin (RUS).

Pénalités : République Tchèque 14' (4', 6', 4'), Suisse 20' (4', 14', 2').

Tirs : République Tchèque 42 (8, 21, 13), Suisse 19 (7, 7, 5).

Évolution du score :

0-1 à 05'11" : Ziegler assisté de Rüthemann

1-1 à 22'55" : Jagr assisté de Straka et Prospal

1-2 à 29'44" : Paterlini (inf. num.)

2-2 à 41'00" : Zidlicky assisté de Hemsky et Rucinsky

2-3 à 46'42" : Streit assisté de Seger et Plüss (sup. num.)

 

République Tchèque

Gardien : Tomas Vokoun (sorti de sa cage de 59'25" à 59'31" et de 59'41" à 60'00").

Défenseurs : Tomas Kaberle - Pavel Kubina ; Marek Zidlicky - Jaroslav Spacek ; Filip Kuba - Frantisek Kaberle ; Marek Malik.

Attaquants : Martin Straka - Robert Lang (C) - Jaromir Jagr ; Martin Rucinsky - Vaclav Prospal - Milan Hejduk ; Rastislav Olesz - David Vyborny - Ales Hemsky ; Jan Bulis - Petr Cajanek - Martin Erat.

Remplaçant : Milan Hnilicka (G). Absents : Dominik Hasek (adducteurs), Patrik Elias (coup de crosse dans les côtes).

Suisse

Gardien : David Aebischer.

Défenseurs : Beat Forster - Mathias Seger ; Mark Streit (C) - Olivier Keller ; Goran Bezina - Severin Blindenbacher ; Julien Vauclair - Steve Hirschi.

Attaquants : Ivo Rüthemann - Thomas Ziegler - Thierry Paterlini ; Patric Della Rossa - Martin Plüss - Paul Di Pietro ; Romano Lemm - Sandy Jeannin - Adrian Wichser ; Patrick Fischer - Flavien Conne - Marcel Jenni.

Remplaçant : Martin Gerber (G).

 

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