Suède - Russie (26 décembre 2005)

 

Championnats du monde des moins de 20 ans 2006, premier tour, groupe B.

Avec ou sans Malkin ? Telle fut la grande interrogation des observateurs sur la sélection russe pour ce championnat du monde junior. C'est que la présence de l'attaquant du Metallurg Magnitogorsk change la physionomie de l'équipe du tout au tout... Actuel deuxième meilleur marqueur de l'élite russe (36 pts en 33 matchs), le grand centre de 19 ans suscite décidément bien des convoitises. Après avoir reçu un appel du pied des Penguins de Pittsburgh cet été, Malkin a déchiré les dirigeants du hockey russe. Sélectionné pour les Jeux Olympiques, Malkin ne devait pas arriver trop fatigué à Turin, encore moins se blesser comme Ovechkin aux derniers Mondiaux juniors... C'est en tout cas l'argument de l'entraîneur de l'équipe nationale pour les Jeux, Vladimir Krikunov, qui soutient la demande de son club de ne pas le laisser partir. Oui mais voilà, en son absence l'équipe junior aurait bien du mal à défendre ses chances à Vancouver. La médaille d'argent de l'an dernier doit permettre de bondir d'une marche puisque la moitié de l'équipe est à nouveau présente... Le pauvre sélectionneur des juniors Mikhalev plaide tant bien que mal pour qu'on lui laisse son joueur en affirmant que sa présence change tout.

Le joueur, lui, n'a jamais caché qu'il souhaitait enchaîner Mondiaux juniors et JO, et finalement la fédération accède à sa volonté et rejette la demande de Magnitogorsk, même si le club promet même de n'aligner Malkin que pour deux matchs lors de la coupe Spengler pour l'économiser. Pour ne pas avoir l'air désavoué, Krikunov déclare qu'il ne savait pas que Magnitogorsk devait jouer la coupe Spengler en plus du championnat, ce qui impliquerait qu'il jouerait autant de matchs que s'il partait en sélection... Deux semaines plus tôt, il avait pourtant l'air au courant, puisqu'il arguait que les risques de blessures étaient moindre lors de ce tournoi amical que face à la rude défense canadienne au mondial junior ! La bataille d'arrière-garde est perdue pour le Metallurg Magnitogorsk, isolé dans son argumentaire, qui voit son attaquant vedette des moins de vingt ans partir pour le Canada. Mais s'il tient réellement à la santé de Malkin et veut l'économiser, il pourra le faire souffler avant les playoffs puisqu'il compte la bagatelle de quinze points d'avance en saison régulière.

Après cette anecdote, présentons un peu les deux équipes. La Russie tout d'abord, car Malkin ne joue bien sûr pas tout seul... quoique parfois, on se demande. L'entraîneur Sergei Mikhalev n'a jamais entraîné de jeunes. L'équipe est très proche de la formation deuxième l'an dernier, Malkin étant bien secondé par Roman Voloshenko, meilleur buteur rookie de l'AHL avec l'équipe-ferme de Minnesota, et Alexandre Radulov, qui tourne à presque trois points par match avec les Remparts de Québec. Fait nouveau, les "Nord-Américains" sont légion dans la sélection. Le gardien Anton Khudobin, bombardé à Saskatoon et l'attaquant Gennady Churilov complètent en effet cette liste. Les buteurs purs ne manquent pas non plus avec trois vétérans de la dernière campagne : Sergei Shirokov, brillant avec le CSKA Moscou et auteur de huit points en six matchs l'an dernier, Mikhail Yunkov et Enver Lisin. Le quatrième larron, Denis Parshin, a été retranché à trois jours du début du tournoi. C'est la défense qui inquiète en revanche. Kirill Lyamin apporte certes un élément physique appréciable mais se remet tout juste d'une blessure au poignet. Emelin ou Buravchikov auront aussi un rôle clé. Tous les éléments semblent réunis pour une 24e médaille dans ce tournoi : la Russie reste l'une des favorites.

La Suède pour sa part est victime d'une traversée du désert assez étonnante. Les Scandinaves n'ont pas gagné de médaille depuis 10 ans (l'argent à Boston), soit le pire bilan des nations du top-7. Écrasés 8-1 en poule par le Canada l'an dernier, les Suédois montent peu à peu les étages : 8e en 2003, 7e en 2004 et 6e en 2005. Vainqueurs à la surprise générale du bronze en moins de 18 ans, les Suédois espèrent que cette bonne génération confirmera en moins de 20 ans. L'attaquant vedette de l'équipe, Nicklas Bergfors, est disponible. Une bonne nouvelle, tant il fut décisif chez les 18 ans. En fait, Bergfors est si talentueux qu'il a évité la case junior, les Devils du New Jersey préférant l'envoyer directement en AHL dans la pire équipe qui soit, Albany, où il se débrouille fort bien en tant que benjamin du championnat... À ses côtés, le super-talent Nicklas Bäckström est comparé à Henrik Zetterberg, rien que ça. Passeur de génie, il est rentré dans l'histoire comme l'un des plus jeunes joueurs à apparaître en élite suédoise, avec Brynäs. Passés ces deux joueurs, on s'interroge. Plusieurs sélectionnés évoluent au Canada en junior majeur (Edler, Pettersson, Sundh), une expérience qui pourrait se révéler utile. La défense reste peu connue, l'attaque a meilleure mine. Mais tout risque de se jouer dans les cages, avec par conséquent une grosse pression sur Magnus Åkerlund.

Pour leur entrée dans le tournoi, les deux équipes demeurent prudentes. Une pénalité d'entrée contre Edler n'a pas de conséquence et les Suédois repartent vers l'avant. Churilov puni, c'est la star de l'équipe Nicklas Bergfors qui ouvre la marque, servi par une belle passe lobée de Nicklas Bäckström : les deux meilleurs joueurs ont fait leur travail. Derrière pourtant cela se gâte assez vite. Tout d'abord, Edler se montre à nouveau indiscipliné : Malkin ne met que vingt secondes pour égaliser en avantage numérique sur un slap de loin, une volée à la Kovalchuk. Puis, la Suède annule une supériorité lorsque Salmonsson est sanctionné. Moins d'une minute plus tard Stralman l'imite, et Malkin, évitant une mise en échec, se fait passeur pour Nikolai Kulemin et un lancer du poignet qui touche le poteau et rentre. Les défenseurs font le travail pour tenir le score en infériorité aidés par un bon Khudobin, et les deux pénalités de fin de période ne profitent pas à la Tre Kronor.

La deuxième période est elle aussi un bon entraînement aux équipes spéciales, le trio arbitral suivant les recommandations de la NHL et de l'IIHF sur la lutte contre l'obstruction. La Suède ne parvient toujours pas à surprendre Khudobin en avantage numérique, et à ce petit jeu, se fait piéger en contre par l'opportuniste Voloshenko en fin de période, profitant d'un rebond laissé par Åkerlund... Pourtant, les occasions n'ont pas manqué, Khudobin devant réaliser trois parades de suite à mi-match : 10 tirs à 0 sur les dix premières minutes de la période et 14-7 au final, la Suède a tout tenté mais sans réussite...

Assommés, les Suédois tentent ce qu'ils peuvent mais Wargh prend deux minutes. La pénalité est tuée mais à peine le pied sur la glace Tommy Wargh assiste impuissant à la conclusion de Shirokov, servi par Gennady Churilov. Pire, l'avantage numérique suédois qui suit ne sert à rien puisque Kulemin s'offre un doublé, en infériorité numérique...

Khudobin s'offre ainsi une belle victoire et fait taire les critiques. Le match s'est révélé très équilibré (32 tirs à 29 en faveur de la Suède) et comme attendu c'est bien dans les cages que la différence s'est faite. L'attaque suédoise n'a pas convaincu après son ouverture du score et la défense a pris l'eau. La Russie n'a pas spécialement impressionné mais a fait le travail : première victoire et une bonne entrée. Malkin ? Seulement un but et une passe, sept tirs... Tout ce bruit pour rien...

Meilleurs joueurs du match : Tobias Viklund pour la Suède, Evgeni Malkin pour la Russie.

Compte-rendu signé Nicolas Leborgne

 

Commentaires d'après-match :

Torgny Bendelin (entraîneur de la Suède) : "Le troisième but nous a fait mal. Nous avons ouvert le score et cela aurait été bien de tenir cette avance. Si on regarde de plus près ils n'ont marqué qu'un but à cinq contre cinq [NDLR : Wargh venait de revenir sur la glace sur le 4e but]. Je pense que par séquences nous avons très, très bien joué, mais ils ont transformé leurs avantages numériques et c'était la clé du match. Nous allons devoir passer à la vitesse supérieure pour nous qualifier dans les trois premiers du groupe."

Sergueï Mikhalev (entraîneur de la Russie) : "Ce match nous satisfait, bien sûr, mais seulement par son résultat. Si l'on parle de la qualité de notre jeu, il y a encore beaucoup de problèmes. La Suède s'appuie sur une défense disciplinée et des contre- attaques, et ce fut difficile notamment en deuxième période où, pour être franc, elle nous a dominés. Mais globalement, même si les Suédois nous ont bougés nous avons eu plus d'occasions. Le bon match de Khudobin a donné confiance à l'équipe. Le premier trio a marqué trois buts, mais il est encore possible que nous changions nos lignes. Je suis l'autre groupe. Le jeu des Canadiens me plaît, je pense qu'ils autant de chances de gagner que les Américains. Ils ont une bonne condition physique et jouent très bien devant la cage, où nous leur sommes inférieurs. Mais pour l'instant, mes pensées sont tournées vers le prochain match contre la Slovaquie."

Nikolaï Kulemin (attaquant de la Russie) : "Je pense avoir bien joué. J'ai participé à trois buts, dont deux que j'ai marqué moi-même. Quand on a commencé à ce niveau, il n'est plus possible de descendre par la suite. J'avais déjà joué sur la ligne de Malkin lors des quatre derniers matches au Metallurg Magnitogorsk. Evgueni voit le jeu excellemment, il fait des passes précises à temps et se démarque au bon moment. C'est agréable d'interagir avec lui."

Evgeni Malkin (attaquant de la Russie) : "Je me suis bien senti. Les entraîneurs ne m'ont pas trop mis de pression quand je suis arrivé et m'ont laissé me reposer. J'étais détendu et je suis content de mon match. J'essaie d'éviter de lire la presse, en particulier ce qui est dit à mon sujet. Je comprends la pression mais je joue mon jeu car c'est ça l'important. Je suis ici pour gagner le championnat du monde junior avec l'équipe de Russie."

 

Suède - Russie 1-5 (1-2, 0-1, 0-2)

Lundi 26 décembre 2005 à 19h00 à la Prospera Place de Kelowna. 5982 spectateurs.

Arbitrage de Jyri-Petteri Rönn (FIN) assisté de Steve Glines (USA) et Juha Kautto (FIN).

Pénalités : Suède 16' (8', 4', 4'), Russie 18' (8', 6', 4').

Tirs : Suède 32 (9, 13, 10), Russie 29 (7, 10, 12).

Évolution du score :

1-0 à 07'37" : Bergfors assisté de Bäckström et Karlsson (sup. num.)

1-1 à 08'45" : Malkin assisté de Emelin (sup. num.)

1-2 à 13'51" : Kulemin assisté de Malkin et Emelin (sup. num.)

1-3 à 38'03" : Voloshenko assisté de Ogorodnikov et Radulov

1-4 à 47'49" : Shirokov assisté de Churilov

1-5 à 52'00" : Kulemin (inf. num.)

 

Suède

Gardien : Magnus Åkerlund.

Défenseurs : Alexander Edler - Petter Ullman ; Nicklas Andersson - Tobias Viklund ; Anton Strålman - Oscar Hedman ; Tommy Wargh.

Attaquants : Erik Andersson - Mattias Ritola - Fredrik Petterson ; Mattias Hellström - Oscar Sundh - Johannes Salmonsson ; Sebastian Karlsson - Nicklas Bergfors - Nicklas Bäckström ; Anton Axelsson - Jonathan Granström - Robin Lindqvist ; Johan Ryno.

Remplaçant : Daniel Larsson (G).

Russie

Gardien : Anton Khudobin.

Défenseurs : Aleksei Emelin - Denis Bodrov ; Evgeni Biryukov - Vyacheslav Buravchikov ; Kirill Lyamin - Andrei Zubarev ; Nikita Nikitin - Aleksandr Aksenenko.

Attaquants : Nikolai Kulemin - Evgeni Malkin - Ilya Zubov ; Gennady Churilov - Nikolai Lemtyugov - Sergei Shirokov ; Roman Voloshenko - Sergei Ogorodnikov - Aleksandr Radulov ; Evgeni Ketov - Mikhail Yunkov - Enver Lisin.

Remplaçant : Semen Varlamov (G).

 

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