Grenoble - Rouen (10 décembre 2005)

 

Match comptant pour la dix-septième journée de Ligue Magnus.

Pôle sud avait fait le plein depuis une dizaine de jours pour l'un des rendez-vous incontournables d'une saison de hockey à Grenoble. Grenoble-Rouen, c'est l'un des plus beaux classiques du championnat et la rencontre de ce soir n'a pas échappé à la règle. D'un côté, une équipe de Rouen, leader incontesté de la Ligue Magnus, toujours invaincue en quinze sorties mais qui vient de connaître une semaine difficile avec un match accroché contre Morzine et une élimination en coupe de France aux tirs au but à Anglet. De l'autre, une équipe de Grenoble au fond du trou mi-novembre après ses éliminations successives en coupes d'Europe et de France mais qui se refait une belle santé en championnat avec quatre succès d'affilée (Briançon, Amiens, Villard et Anglet). Les Brûleurs de Loups espéraient donc bien continuer leur remontée au classement face à des Dragons sans doute plus émoussés physiquement après leur déplacement à Anglet dans la semaine. À noter que les deux équipes se présentaient au complet ce soir, exception faite des internationaux juniors retenus en sélection.

Place au jeu donc et il ne vaut mieux pas être en retard ce soir à Pôle Sud car il n'y a pas de round d'observation. Les Grenoblois se mettent les premiers en action et un tir de Sadoun passe tout près des cages de Sopko. Mais les Brûleurs de Loups oublient de se repositionner en défense et laissent le trio canadien de Rouen développer une contre-attaque fulgurante. Sur un 2 contre 1 d'école, Carl Mallette sert sur un plateau Marc-André Thinel qui fusille Dietrich à bout portant (0-1, 01'02"). La ligne magique de Rouen n'a eu besoin que de 62 secondes de jeu pour faire une petite démonstration de sa suprématie face à une défense iséroise emportée par l'euphorie du début de match et bien naïve sur le coup. On se demande comment va réagir la troupe grenobloise et en particulier Dietrich cueilli à froid. La réponse ne tarde pas à venir. Une minute exactement. Loin de se désunir après ce coup de froid initial, les hommes de Gérald Guennelon repartent à l'assaut des cages normandes. Roger Jönsson entre en zone d'attaque, laisse pour Bonnard, s'ensuit un slap de Russell repoussé par Sopko, mais Jönsson a bien suivi et se trouvait idéalement placé au rebond pour égaliser (1-1, 02'13"). Les compteurs remis à zéro, les Grenoblois se font une petite frayeur quelques secondes plus tard lorsque Jönsson regagne la prison. Le jeu de puissance tant redouté des Rouennais se met en place, mais les Dauphinois bien en place défensivement parviennent à contenir l'escouade rouennaise. Mieux, Benoît Bachelet se permet même un contre en fin de pénalité. Un signe précurseur indiquant que les Brûleurs de Loups vont tenter d'exploiter la moindre faille dans la défense rouennaise.

Dietrich se rassure d'abord face à Coqueux, puis ce sont les locaux qui se créent les meilleures occasions dans ce premier tiers. Non pas grâce aux deux avantages numériques accordés par M. Durand au cours desquels les Isérois montrent leur incapacité chronique à installer un quelconque jeu de puissance. Mais plutôt sur une tentative de reprise de volée de Mills qui trouve un grand Sopko sur sa trajectoire. Ou encore sur ce deux contre un où Papa est bousculé in extremis par Ponto sans que M. Durand n'y voit rien à redire. Entre-temps Rouen procède surtout par contre. Et lorsque Thinel et sa bande se mettent en action, ça va vite, très vite. Le casque de Dietrich en résonne encore... La parité semble se profiler en cette fin de tiers mais sur une pénalité différée, les Brûleurs de Loups s'installent à six contre cinq dans la zone rouennaise. Le palet circule jusqu'à ce qu'un slap de Russell soit dévié dans les filets de Sopko par un Jönsson encore une fois idéalement placé (2-1, 18'54"). Et voilà que Grenoble vire en tête à la pause...

Les Isérois reviennent de loin et ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Ils font le forcing en début de deuxième tiers pour faire le break. Ils pressent et bousculent une équipe de Rouen qui a du mal à sortir de sa zone. Heureusement pour les Dragons, Ramon Sopko veille et stoppe une tentative de Russell qui a préféré le tir alors que Podlaha était démarqué. Mais cette furia offensive de début de tiers se transforme en péché de gourmandise pour une équipe grenobloise qui une fois de plus oublie de couvrir ses arrières et laisse à nouveau un 2 contre 1 au trio magique rouennais. Cette fois, c'est Thinel à la passe et Mallette à la réalisation pour un résultat identique (2-2, 24'45"). Le réalisme des Dragons a une nouvelle fois frappé mais ce but marqué contre le cours du jeu ne décourage pas une troupe grenobloise bien dans son match. Podlaha sème le trouble autour de la cage de Sopko mais c'est une nouvelle fois Thinel sur un contre qui aurait pu faire passer les siens devant alors que Grenoble évoluait en supériorité numérique. Les dix dernières minutes se transforment en siège des buts normands. Wallin récupère un palet qui traîne devant la cage et envoie un monstrueux slap en lucarne sur Sopko qui sort une mitaine non moins magnifique. Puis c'est Sadoun qui déborde sur la gauche avant d'adresser un tir malicieux... Sopko est battu, le palet semble avoir franchi la ligne, il est dégagé par la défense rouennaise... M. Durand ne dit rien. Le public crie au but... Alors rentré, pas rentré ? On ne saura jamais... Les Grenoblois ne s'arrêtent pas là et c'est ensuite Russell qui du revers trouve le poteau de Sopko. S'ensuit une grosse panique devant la cage de Sopko, Podlaha parvient à rabattre le palet mais celui-ci file derrière les buts rouennais. Les hommes de Gérald Guennelon regagnent les vestiaires avec un avantage moral mais le score reste de parité.

La décision doit donc se faire dans la dernière période entre ces deux équipes qui produisent un très bon spectacle, avec un style de jeu assez différent. Podlaha allume la première mèche en début de troisième période avec un slap qui se dirige droit en lucarne, mais Sopko sort une nouvelle fois un mitaine dont il a le secret. Le jeu a tendance à s'équilibrer mais Sopko se fait sanctionner. Cette fois le jeu de puissance de Grenoble parvient à s'installer, mais sans grande efficacité, et c'est même Salminen qui parvient à s'échapper sur le côté droit pour se présenter seul face à Dietrich. Le jeune portier grenoblois réalise son plus bel arrêt du match et maintient son équipe dans la rencontre. Au fur et à mesure du tiers, les Grenoblois se font moins pressants, les Dragons sortent de leur antre de plus en plus souvent. Dietrich est sollicité et répond présent face à Fortier et Besch notamment. Il ne faut pas grand-chose pour faire basculer la rencontre d'un côté ou de l'autre et la pénalité de Thinel assortie d'une méconduite pour avoir protesté semble donner un coup de pouce aux locaux. La supériorité numérique est enfin convaincante mais le score n'évolue pas. Sans son maître à jouer, Rouen semble pourtant plus prenable, mais les hommes de Gérald Guennelon en ont-ils encore sous le patin ? Même si Meunier rate le but du KO en tirant au-dessus, ils semblent bien plus préoccupés en cette fin de match à protéger ce précieux point du match nul qu'à vraiment enfoncer le clou. Le duo Fournier-Pajon le sent bien et demande un temps mort dans la dernière minute pour tenter de forcer la décision. En vain. Après soixante minutes de spectacle de haut niveau, Grenoblois et Rouennais s'en retournent dos à dos, pas mécontents de repartir avec au moins un point de cet affrontement.

La prolongation peut en apporter un deuxième au vainqueur, et Gérald Guennelon tente le tout pour le tout en alignant trois attaquants et un défenseur. Un pari risqué qui est bien près de payer lorsque Russell et Podlaha portent le danger devant la cage de Sopko dans les premières secondes. Mais sur un changement de ligne particulièrement inopportun, Bobby Russell laisse Julien Desrosiers s'emparer du palet et crucifier Dietrich sur un deux contre un finement joué avec Salomaa (2-3, 60'40").

Pôle sud n'a pas échappé à la règle, Rouen revient une nouvelle fois d'un déplacement avec les deux points de la victoire. Une bonne réaction après le semi-échec au pays basque et une preuve de l'efficacité de cette équipe rouennaise qui a su faire le dos rond lorsque Grenoble poussait fort et achever son adversaire en prolongations. Mais les Dragons ont été bousculés ce soir et ont dû une nouvelle fois leur salut à cette ligne magique qui possède un art consommé de la contre-attaque. Fortier, Mallette et Thinel sont perpétuellement à l'affût de la moindre erreur adverse et la font payer cash. C'est bien la meilleure ligne de la Ligue Magnus, pas de doute là-dessus.

Les Grenoblois l'ont peut-être d'ailleurs un peu trop négligé, et une meilleure gestion tactique du match (notamment sur le plan défensif) aurait peut-être permis de s'exposer un peu moins aux contres adverses, surtout lorsque les trois Canadiens étaient sur la glace. Les deux buts rouennais marqués dans le temps réglementaire sont en effet des copies conformes : un défenseur qui monte soutenir ses attaquants, personne ne vient le couvrir derrière, et lorsque le palet ressort, c'est un 2 contre 1 qui fait mouche. Mais peut-on vraiment reprocher aux Brûleurs de Loups d'avoir été trop enthousiastes ce soir ? Les progrès sont réels dans la construction d'un jeu offensif convaincant et les hommes de Gérald Guennelon ont offert durant les deux premiers tiers un jeu à des années-lumière de celui entrevu il y a quelques semaines face à Mont-Blanc. Sur le plan individuel, les satisfactions sont nombreuses à commencer par le duo Russell-Jönsson qui retrouve son efficacité du début de saison. Martin Millerioux a également agréablement surpris par son implication offensive et défensive. Kévin Hecquefeuille et Christophe Tartari ont apporté beaucoup de vitesse lors de leur entrée. Au vu du match, une victoire grenobloise aurait été presque logique et méritée mais les Brûleurs de Loups devront pour l'instant se contenter de ce point acquis très important dans la perspective d'une remontée au classement initiée depuis cinq matches. En attendant mieux, qui sait, lors des play-offs...

Désignés meilleurs joueurs du match : Roger Jönsson (Grenoble) et Carl Mallette (Rouen)

Compte-rendu signé Christophe Laparra

 

Réactions d'après-match (d'après le Dauphine Libéré) :

Gérald Guennelon (entraîneur de Grenoble) : "Je ne suis pas déçu par le comportement de mes hommes, mais par le résultat, forcément, vu l'investissement qu'ont mis mes joueurs sur le glace. J'ai pris un risque tactique en mort subite qui n'a pas payé, au contraire de Briançon où nous nous étions imposés. Rouen n'a pas eu besoin de beaucoup d'opportunités et ils ont su faire la différence. Mais on se construit petit à petit et à ce que je sache, la saison est encore longue... Leur réalisme leur permet de passer au travers de situations difficiles pour eux, certes. Mais on en reparlera plus tard."

Laurent Meunier (attaquant de Grenoble) : "La prolongation est anecdotique, pas la frustration d'avoir perdu un match qu'on aurait pu remporter. Ils nous ont fait mal en contre et même si on s'y attendait, ils nous ont montré que chaque erreur se payait cash avec eux, car ils ont quand même de sacrées qualités offensives. Mais pour notre part, il est clair que ça va mieux depuis un mois. On ressemble enfin à une équipe, on défend ensemble, on attaque ensemble et il faut continuer en ce sens. On saura se souvenir en play-offs des choses qui les ont gênés ce soir. On n'a pas de clé magique pour les battre, mais pour les faire douter, on a quelques idées..."

Franck Pajonkowski (entraîneur de Rouen) : "Nous étions un peu fébriles et Grenoble était au-dessus ce soir, physiquement notamment, dans les coins, dans la bataille pour la conquête du palet. À dire vrai, on était même content de prendre un point à la fin du temps réglementaire. Et puis grâce à notre opportunisme, on en prend deux ! Sopko nous a fait un gros match et nos attaquants ont fait ficelle dès qu'ils en ont eu l'occasion. C'est aussi ça les grandes équipes."

Julien Desrosiers (attaquant de Rouen) : "Ils font un mauvais changement de ligne en prolongation et le palet passe entre les jambes d'un joueur qui regagnait son banc. Je le récupère, on joue un deux contre un classique et je réussis à marquer. C'est vraiment une bonne chose car ils nous avaient bousculés auparavant."

 

Grenoble - Rouen 2-3 après prolongation (2-1, 0-1, 0-0, 0-1).

Samedi 10 décembre à 20h15 à la patinoire Pôle Sud de Grenoble. 3500 spectateurs.

Arbitrage de M. Durand assisté de MM. Margry et Barbez

Pénalités : Grenoble 4' (2', 2', 0', 0'), Rouen 22' (4', 4', 4'+10', 0').

Tirs cadrés : Grenoble 36, Rouen 22.

Évolution du score :

0-1 à 01'03" : Thinel assisté de Mallette et Fortier

1-1 à 02'13" : Jönsson assisté de Russell et Bonnard

2-1 à 18'54" : Jönsson assisté de Russell et Wallin

2-2 à 24'45" : Mallette assisté de Thinel et Sedlak

2-3 à 60'40" : Desrosiers assisté de Salomaa

 

Grenoble

Gardien : Cédric Dietrich.

Défenseurs : Viktor Wallin - Jean-François Bonnard (A) ; Baptiste Amar (A) - Simon Bachelet ; Martin Millerioux - Nicolas Favarin.

Attaquants : Bobby Russell - Roger Jönsson - Josef Podlaha ; Cyril Papa [puis Kévin Hecquefeuille] - Laurent Meunier - Yven Sadoun [puis Christophe Tartari] ; Craig Mills - Brett Draney - Benoît Bachelet (C).

Remplaçants : Christophe Burnet (G), Romain Bachelet. Absents : Ludek Broz (genou, saison terminée), Yohann Morant, Teddy Trabichet et Sacha Treille (équipe de France moins de 20 ans).

Rouen

Gardien : Ramon Sopko.

Défenseurs : Jan Mikel - Daniel Sedlak ; Vesa Ponto - Sami-Ville Salomaa ; Daniel Carlsson - Nicolas Besch.

Attaquants : Eric Fortier - Carl Mallette - Marc-André Thinel ; Kimmo Salminen - Julien Desrosiers - Olivier Coqueux ; Alexandre Lefebvre - Pierre-Edouard Bellemare - Tristan Lemoine.

Remplaçant : Pierre Pochon (G). Absents : Yvan Fontana, Édouard Dufournet (équipe de France moins de 20 ans).

 

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