Dynamo Moscou - Ak Bars Kazan (26 novembre 2005)

 

Match comptant pour la vingt-huitième journée de la Superliga russe.

Le retour de la vengeance masquée à plumes Dynamo - Ak Bars, c'est l'une des plus grosses affiches de la saison en Superliga. L'un de ces matches auquel l'on pense pendant toute la semaine précédente, presque autant que pour un Grenoble-Amiens...

Tout d'abord, car il s'agit de deux des éternels favoris pour le titre. Ensuite, parce que le champion en titre justement, c'est le Dynamo. Une équipe moscovite qui, après un excellent début de saison, coince actuellement et pointe en septième place seulement et que les Bleus et Blancs doivent prendre leur revanche du match aller perdu 5-4 seulement au Tatarstan, suite à un but dans les cinq dernières minutes d'Alexeï "reviens aux KSM" Morozov. Une équipe de Kazan, qui après sa très décevante dernière saison, où malgré des moyens colossaux, elle avait subi une humiliante élimination en quart de finale contre le Lokomotiv Iaroslavl, l'année des célébrations des mille ans de Kazan.

Pour les supporters du Dynamo, ce match a un goût particulier, car leur équipe championne a été dépecée à l'intersaison et que cinq anciens champions 2005 sont cet après-midi dans les rangs des visiteurs : le défenseur Ilia Nikouline, la ligne d'attaque Tchoupine-Vorobiev-Terechtchenko et le gardien remplaçant Alexandre Eremenko. Le tout entraîné par Zinetoula Bilialetdinov, ancien coach des Dynamistes et surtout ancien immense joueur du club moscovite dont le maillot numéro 17 est suspendu dans les hauteurs de Loujniki... Autant dire que la foule attend avec impatience une victoire des locaux, pour remonter au classement et rabattre le caquet aux anciens de la maison partis au Tatarstan et à la centaine de supporters en vert et rouge présents dans Loujniki.

Et d'entrée, on est dans le tempo. Le rythme est très élevé et il va le rester durant tout ce premier tiers. Cela va d'une cage à l'autre, mais sans réel danger pour les deux gardiens. C'est le dernier rempart local, Sergueï Zviaguine (un Moscovite, formé aux Krylia Sovietov et passé par le Tatarstan, mais à Nijnekamsk) qui est le premier en réelle difficulté à la sixième minute et doit s'y prendre à trois fois pour détourner les boulets du siège tatar. La défense moscovite est cependant soulagée quelques secondes plus tard, par la première pénalité du match, infligée à l'ancien du Dynamo (où il a fait toute sa carrière depuis l'école de hockey) Alexeï Terechtchenko. Ses anciens partenaires font le siège de la cage du gardien canadien de Kazan, Fred Brathwaite, en vain. L'ancien gardien de NHL (Edmonton, Calgary, Saint-Louis et Colombus) finit cependant par rompre, puisque quarante-cinq secondes après Terechtchenko, c'est au tour du défenseur international ukrainien Serhyi Klimentiev d'aller en prison. À trois contre cinq, Kazan résiste, pour céder à quatre contre cinq sur un tir lointain, puissant et à mi-hauteur de Denis Kouliach, le défenseur du CSKA passé à l'intersaison à l'ennemi dynamiste (1-0 à 07'43").

Ce but déchaîne le Dynamo qui pousse très fort dans les minutes suivantes. Et comme Sergueï Zviaguine sort une mitaine d'enfer, l'optimisme règne sur Loujniki. Une salle dynamiste "envahie" par une horde (une grosse centaine, faut pas non plus exagérer) de supporters du Dynamo-football, en chômage technique depuis la fin de la saison des coureurs en short sur gazon (on ne joue pas au pousse-ballon l'hiver en Russie, sauf en Coupe d'Europe, pour des raisons évidentes à comprendre). Des gens se prétendant "ultras" qui braillent des slogans poussifs les bras en l'air, sans jamais émettre un son, non pas mélodieux, mais au moins vaguement musical, car en Russie, les supporters ne chantent jamais !

Peut-être que cela rend cependant les joueurs un peu plus belliqueux, car Ilia Nikouline, le défenseur de Kazan formé au Dynamo, s'explique avec son ancien coéquipier, l'attaquant international ukrainien Vadim Chakhraitchouk. À quatre contre quatre, on patine encore plus vite, mais le Dynamo ne profite pas de sa domination. Au contraire, à peine rejoue-t-on à cinq contre cinq que c'est au tour du défenseur dynamiste Sergueï Vychedkevitch d'être sanctionné. Et les panthères des neiges (Ak bars), que l'on n'avait quand même pas trop entendu rugir depuis le début de la rencontre, s'installent à pas de velours dans la défense moscovite et trouvent la faille par Danis Zaripov (1-1 à 14'58"). Un but lointain, réplique de celui de Denis Kouliach. Danis imitant Denis... Kazan s'en trouve tout ragaillardi. Les gros félins verts et rouges résistent à une grosse pression moscovite suite à une prison infligée à leur défenseur Andreï Zoubarev et ressortent les griffes juste après. Sur un contre éclair des cavaliers tatars, le capitaine Alexeï Morozov (© KSM) trompe Serguei Zviaguine (made in KSM) trois minutes pile-poil après l'égalisation de Kazan (1-2 à 17'58"). Le Dynamo a bien joué, a dominé ce tiers, mais en deux coups de cuiller à pot, les visiteurs ont raflé la mise. Les supporters d'Ak bars peuvent alors déployer dans Loujniki un immense drapeau du Tatarstan qui recouvre toute leur tribune !

Et cela part mal pour les Dynamistes en début de nouvelle période. Trente secondes de jeu et l'excellent Kharitonov se retrouve en prison. Les Bleus et Blancs sont dominés et doivent même perdre, momentanément, Denis Kouliach, après un choc contre la balustrade. Une fois l'orage passé, les Moscovites ressortent le nez dehors. Et tout Loujniki se lève même à la 24e, persuadé d'avoir vu un but de ses favoris. Mais non, le tir que toute la patinoire avait cru voir pénétrer la cage de Fred Brathwaite n'a visiblement pas dû prendre le chemin du filet tatar, car l'arbitre ne bronche pas et le jeu se poursuit. Difficile, depuis la tribune A1 où je suis assis, de prétendre s'il y avait but ou pas, car ladite tribune est de l'autre côté... La minute suivante voit le gardien canadien de Kazan bloquer, sans discussion possible cette fois-ci, un beau shoot moscovite. Sentant peut-être le danger, les Verts et Rouges remettent le siège de Moscou jusqu'à la 29e. Ils subissent alors à leur tour une rude pression locale, suite à deux pénalités consécutives infligées au Québécois Raymond Giroux, un ancien des New York Islanders et des New Jersey Devils (30e), et à l'ancien attaquant local, Vladimir Vorobiev, également ancien New-Yorkais, mais des Rangers (34e). Le Dynamo joue très bien ces deux supériorités. Le palet tourne à une vitesse impressionnante dans la zone tatare. Mais sur la première prison, les Moscovites ont du mal à tirer, et sur la seconde, ils tirent, mais pas assez précisément pour tromper Brathwaite. Il aurait peut-être fallu une troisième chance ? Dommage, car la domination dynamiste était impressionnante à ce moment de la partie, la ligne emmenée par la merveille bélarussienne Mikhaïl Grabovski étant particulièrement vivace. Cela ne marche pas non plus, à quatre contre quatre, après une nouvelle tentative en supériorité, lorsque le défenseur moscovite Evgueni Korolev (ex-New-York Islanders, ils vont pouvoir faire une amicale des anciens de la Grosse Pomme...) a rejoint en prison l'ancien Dynamiste (décidément, ils ont tous souhaité aller dire bonjour à leur pote préposé aux portes de prison qu'ils n'avaient pas vu depuis le printemps dernier ?) Alexei Tchoupine. Une belle tentative d'Alexandre Kharitonov aurait mérité un meilleur sort, mais rien ne rentre et Kazan compte toujours un but d'avance lors du retour aux vestiaires.

Le Dynamo ne se désespère cependant pas. Mais il manque toujours un petit truc. Une belle déviation devant la cage de Fred Brathwaite ne trouve pas preneur, tout comme une passe latérale que Mikhaïl Grabovski ne parvient pas à reprendre. Un tour de cage du même Grabovski n'a pas plus de succès. Et évidemment, une minute plus tard, sur leur première réelle incursion du tiers, les joueurs de Kazan trouvent, eux, la cible, par... un ancien du Dynamo, le défenseur Ilia Nikouline, qui place un tir surpuissant qui entre dans la lucarne de Zviaguine à une vitesse folle (1-3 à 49'03"). C'en est trop pour les supporters du Dynamo qui déploient une banderole s'en prenant à Vladimir Krikounov, l'entraîneur du Dynamo et de l'équipe nationale, à qui ils reprochent justement de ne pas se consacrer entièrement au Dynamo : "Vassilievitch (le patronyme de Vladimir Krikounov), la sélection ou le club ?"

Les joueurs, qui n'ont pas le temps de lire, poursuivent cependant leur domination. Un beau contre de Grabovski (encore !) et Kharitonov aurait mérité un meilleur sort. Idem pour un tir de Chakhraïtchouk ou pour une belle passe en retrait de Grabovski... reprise par personne. Évidemment (bis), sur le contre, un tir du revers de Mikhaïl Joukov trompe Zviaguine (1-4 à 52'54"). Sur ce coup, Joukov a son bâton de maréchal (ouaf !) et les supporters ressortent leur banderole. Sauf que je vois le milicien posté devant ladite banderole en grande discussion au talkie-walkie... Et bien sûr, l'ordre venu d'en haut le pousse à se diriger vers l'objet du délit... Les fans, à l'esprit vif, ont senti le coup et ont vite replié le bout de tissu ! De nombreux autres spectateurs ont, eux, un autre réflexe... Celui de quitter immédiatement Loujniki qui se vide d'un seul coup ! Il reste quand même sept minutes à jouer, mais vu l'inefficacité offensive des locaux (le buteur tchèque Pavel Rosa a été laissé en tribune par Krikunov), on a des doutes sur un retour au score, surtout que Korolev est encore sanctionné de deux minutes. Kazan en profite pour faire tourner le palet et gagner ainsi de précieuses minutes. Une fois à égalité numérique, le Dynamo reprend son impossible remontée. Les Moscovites sont quand même récompensés d'une partie de leurs efforts, à un peu plus de deux minutes de la sirène. Un tir puissant du défenseur Denis Kouliach est détourné devant la cage par Alexandre Kharitonov. 4-2 et un soupçon d'espoir. Un soupçon seulement, car c'est trop tard. Même une ultime pénalité à seize secondes de la fin du match à l'encontre du défenseur de Kazan, Vitali Prochkine, ne change rien.

Le Dynamo s'incline sur sa glace face à son rival Kazan et plonge en milieu de tableau. Un endroit où les nombreux supporters bleus et blancs n'avaient pas l'habitude de trouver leurs favoris. Vladimir Krikounov, déclare dans Sport Express qu'il connaît le moyen de surmonter la crise. Il a intérêt à le prouver rapidement, car croyez-moi, cela commence à tanguer dans les travées de Loujniki...

Quant à Kazan, tout va bien merci. Les panthères des neiges n'ont pas fait miaou à Moscou. Elles ont donné quatre coups de griffes qui ont suffi face à un Dynamo trop emprunté en attaque. Ak bars a joué comme en play-offs. Une machine, parfaitement huilée, diablement efficace... Un peu comme le Dynamo l'an passé. Un hasard ?

Étoiles du match : Alexeï Morozov (Kazan), Danis Zaripov (Kazan), Denis Kulyash (Dynamo).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Conférence de presse

Vladimir Krikunov (entraîneur du Dynamo) : "Maintenant, on peut tout à fait parler de la crise. À quoi elle est due, c'est difficile à dire. Pendant la trêve de novembre, l'équipe s'est préparée intensément en République Tchèque [NDLR : sans lui, puisqu'il était avec la sélection russe], mais depuis la défaite contre le CSKA, les joueurs n'arrivent pas à reprendre confiance. Apparemment, le problème est plus mental que physique. Les tests ont montré qu'ils sont en bonne condition. [Question sur Rosa et Ryazantsev non titularisés] Le problème n'est pas individuel, il est collectif. Il n'y a que la ligne des jeunes Grabovsky et Shitikov qui joue avec passion. Le reste ne montre rien. Pour Sushinsky, je comprends que ce soit difficile, puisqu'il revient à peine de blessure et n'est pas dans sa forme optimale. Mais je suis confiant que nous allons nous sortir de cette situation. [...] Oui, j'ai vu la banderole. C'est une bonne question, les supporters ont le droit de la poser. Combiner les deux charges est difficile, mais être sélectionneur sans travailler quotidiennement en club l'est aussi, je m'en étais rendu compte quand j'étais l'adjoint de Mikhaïlov en 2002."

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "Nous voulions grandement la victoire, et je remercie les joueurs d'avoir abordé ce match avec autant de zèle. Aligner trois défenseurs sur la glace quand nous sommes en double infériorité, c'est une tactique que j'emploie constamment. En ce qui concerne la combinaison des postes en sélection et en club [NDLR : la saison dernière Bilyaletdinov avait laissé tomber son poste de sélectionneur pour se consacrer à Ak Bars], laissez Krikunov décider de lui-même, il n'a pas besoin de mes conseils."

 

Dynamo Moscou - Ak Bars Kazan 2-4 (1-2, 0-0, 1-2)

Samedi 26 novembre 2005 à 17h00 à la Malaïa Arena Loujniki de Moscou. 4000 spectateurs.

Arbitrage de M. Antropov (Ekaterinbourg) assisté de MM. Belov et Osskirko.

Pénalités : Dynamo 22' (4', 4', 4'+10'), Ak Bars 18' (8', 6', 4').

Tirs : Dynamo 21 (9, 5, 7), Ak Bars 21 (8, 3, 10).

Évolution du score :

1-0 à 07'43" : Kulyash assisté de Korolev (sup. num.)

1-1 à 14'58" : Zaripov assisté de Morozov (sup. num.)

1-2 à 17'58" : Morozov assisté de Zinoviev et Zaripov

1-3 à 49'03" : Nikulin assisté de Stepanov et Tereshchenko

1-4 à 52'54" : Zhukov assisté d'Obukhov et Rybakov

2-4 à 57'56" : Kharitonov assisté de Kulyash

 

Dynamo Moscou

Gardien : Sergei Zvyagin.

Défenseurs : Andrei Skopintsev - Sergei Vyshedkevich ; Evgeni Korolev - Denis Kulyash ; Dmitri Bykov - Leonid Kanareykin ; Sergei Gimaev - Aleksandr Budkin.

Attaquants : Egor Mikhaïlov - Konstantin Baranov - Aleksei Shirokov ; Mikhaïl Grabovski - Aleksandr Kharitonov - Evgeni Fedorov ; Igor Mirnov - Albert Vishnyakov - Dmitri Shitikov ; Dmitri Kazionov - Maksim Sushinski - Vadim Shakhraïchuk (UKR/RUS).

Remplaçant : Vitali Eremeïev (G, KAZ/RUS). Absents : Pavel Rosa (choix du coach), Aleksandr Ryazantsev (choix du coach).

Ak Bars Kazan

Gardien : Fred Brathwaite (CAN).

Défenseurs : Denis Denisov - Sergei Klimentiev (UKR) ; Andrei Pervyshin - Vitali Proshkin ; Ilya Nikulin - Igor Shadilov ; Andrei Zubarev - Raymond Giroux (CAN).

Attaquants : Aleksandr Rybakov - Mikhaïl Zhukov - Danis Zaripov ; Sergei Zinoviev - Enver Lisin - Aleksei Morozov ; Aleksandr Stepanov - Dmitri Obukhov - Aleksei Badyukov ; Aleksei Chupin - Vladimir Vorobiev - Aleksei Tereshchenko.

Remplaçant : Aleksandr Eremenko (G).

 

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