Ukraine - France (10 février 2005)

 

Tour final de qualification pour les Jeux Olympiques 2006.

Le hockey ukrainien est désargenté, sans poids et sans pouvoir, au point de ne même pas parvenir à rassembler ses meilleurs joueurs pour une qualification olympique (voir le CR de Suisse-Ukraine pour les détails). Il n'empêche que l'Ukraine fait quand même figure de favorite pour ce premier match du week-end de qualification olympique à Klagenfurt. Et comment pourrait-il en être autrement puisqu'elle est toujours invaincue contre la France dans sa jeune histoire ? C'est dire si les Bleus partent de loin, il ne faut pas l'oublier.

La première période est hachée par une succession de pénalités, quoi de plus logique entre deux équipes ayant un fort background d'indiscipline, surtout avec un arbitrage pointilleux. Les Français commencent par deux infériorités numériques, et sur la première, malgré un breakaway mal conclu par Besse, ils se font quelques frayeurs après un dégagement difficile de Huet, qui se remet toutefois dans le bain par quelques bons arrêts. La différence se fait en revanche dès la première supériorité tricolore. Un lancer de la bleue de Bordeleau est dévié par Laurent Meunier, qui s'était infiltré dans le slot derrière les deux défenseurs ukrainiens Gunko et Ostroushko (1-0 à 05'53").

À quatre contre quatre, un palet est rendu à l'adversaire dans l'axe en zone défensive par Nicolas Favarin, une boulette qui rappelle celles commises par les arrières français au Mondial de Prague, mais qui restera sans conséquence. Après cet avertissement, Cristo ne sera plus inquiété du tiers-temps, la France retrouve la maîtrise et a même de vraies occasions de creuser l'écart. Sur un bon centre de François Rozenthal au second poteau pour son frère Maurice tout près de la cage, Oleksandr Fedorov doit réaliser un poke-check décisif. Puis, sur un tir lointain à ras la glace de Pousset, un rebond laissé par Fedorov est pris par Olivier Coqueux du revers en déséquilibre, mais le palet est encore écarté par le gardien ukrainien.

La France mène au score, ce qui est toujours important face à un adversaire comme l'Ukraine, et semble en confiance. Mais au retour sur la glace, ce n'est plus du tout la même musique avec des problèmes de placement en défense. Le quarantenaire Valeri Shiriaev peut tirer tout seul dans l'enclave, et Vitali Semenchenko prend le rebond nettement au-dessus du niveau des épaules pour un but logiquement refusé. Avec la ligne Hecquefeuille-Gras-Bellemare, puis avec une situation de deux contre un en infériorité numérique, sur laquelle Laurent Meunier feinte la passe à Besse et choisit le tir mais ne lève pas suffisamment son palet, les Bleus travaillent bien. L'égalisation ukrainienne juste avant la mi-match les prend donc complètement au dépourvu, à l'instar de Cristobal Huet surpris par le tir de Tsyrul (1-1 à 29'46"). On ne voit pas le meilleur Cristo ce soir, mais on pouvait s'en douter. Il n'a plus joué depuis trois semaines, entre sa blessure au genou et la naissance de son enfant avant-hier (à une demi-heure d'intervalle avec celui de Sébastien Bordeleau, signe qu'il y a du timing dans le collectif bleu). Dave Henderson avait d'ailleurs hésité à titulariser Lhenry aujourd'hui.

La France se met alors à trembler, car Pousset est envoyé en prison peu après, et il faut un sauvetage in extremis de Simon Bachelet sur la ligne de but pour éviter que l'Ukraine ne passe devant sur un tir dévié juste devant la cage par Salnikov. Rien ne va plus chez les Bleus, qui balbutient leur hockey, ne savent plus sortir proprement de leur zone, et sont du coup dominés. Un palet anodin derrière la cage est récupéré avec un temps d'avance sur Pousset et Besch par Kasyanchuk, qui le remet directement du revers à Pastukh seul face au but pour la sanction imparable (2-1 à 33'29"). Indisciplinés dans leur positionnement, les tricolores le sont aussi en oubliant que les arbitres sont sévères et influençables ce soir. Par de petits excès de rudesse, François Rozenthal et Guillaume Besse laissent leurs partenaires à trois. Mais le travail en infériorité de Bordeleau et la maladresse ukrainienne annulent ce double avantage. La crosse haute de Polonitsky au visage de Besse (2'+2') est compensée par une faute inexistante sifflée contre Bordeleau, et la fin du jeu de puissance est donc écourtée et retardée au début du troisième tiers...

Ces trente secondes de supériorité en attente se révèlent capitales, puisqu'elles permettent à Sébastien Bordeleau d'égaliser en se jouant magistralement de toute la défense (2-2 à 41'45"). Mais aussitôt c'est au tour de la France de jouer en infériorité et de souffrir face à Shiriaev et les siens. Dès le retour à cinq, l'Ukraine récupère un palet en zone offensive, et en deux passes, Polonitsky se retrouve seul face à Huet qui est obligé de s'avancer et se fait contourner par l'arrière ukrainien. Pour la seconde fois du match, le palet est sauvé juste avant la ligne par un défenseur français, en l'occurrence Nicolas Favarin, celui-là même dont le dégagement contre la bande avait été intercepté au départ de l'action.

Mais aujourd'hui, le vrai sauveur des Bleus se nomme Sébastien Bordeleau. Si son entrée en équipe nationale s'était faite dans des circonstances très difficiles à Prague, il montre aujourd'hui tout ce qu'il peut apporter à l'équipe de France, alors qu'il ne l'a rejointe qu'à midi, trois heures avant le match, puisqu'il était resté auprès de sa fille Jade. Tel le roi Midas, il transforme en or tout ce qu'il touche, et quand il contre en plein vol un dégagement de Valeri Shiriaev, le palet retombe idéalement vers Coqueux dont le frappé court plombe la lucarne de Fedorov (2-3 à 45'28").

De nouveau dans ce match, par un effet de balancier, l'équipe menée au score accuse le coup. Les Ukrainiens se lancent en effet dans des actions purement individuelles qui ne sont pas forcément un bon présage. Pourtant, on pourrait craindre que cela suffise. Car après une charge de Laurent Meunier envoyé en prison par un arbitre toujours intransigeant, une incompréhension en zone neutre entre François Rozenthal et Nicolas Favarin permet à Roman Salnikov de percer en solitaire dans l'axe et d'égaliser (3-3 à 49'07"). Mais ces Bleus ont du cœur, à l'instar d'un Laurent Gras transfiguré depuis dix jours et qui se bat comme un lion. Sur un rebond laissé par Fedorov, trois Ukrainiens vont vers le palet récupéré par François Rozenthal, alors celui-ci se décale avec vitesse et à-propos pour s'ouvrir la cage en grand (3-4 à 52'34"). Les Ukrainiens enchaînent deux mauvais gestes sur une même action : une charge du bassin de Zavanyuk qui fait trébucher Coqueux et une crosse haute de Shafarenko qui fait saigner le nez de Bonnard. La période de double supériorité numérique devrait permettre de tuer le match, mais Simon Bachelet rate par deux fois la conclusion seul devant la cage, et une faute inventée contre Amar annule l'occasion. Il n'y aura décidément rien de facile pour les Bleus, même pas le tir en cage vide de Laurent Gras contré par la jambière de Shiriaev, mais cela ne fait que souligner le mérite de cette victoire pleine de tempérament.

Elle en veut, cette équipe de France, qui tient un parfait symbole en son capitaine Laurent Meunier. Il n'a pas l'aisance technique d'un Bordeleau, mais il a toujours le souci du geste utile, il va au bout de ses intentions, et il ne s'avoue jamais vaincu même quand l'action est mal engagée. C'est cette détermination qui permet aux Bleus de croire encore à leur rêve olympique, malgré leurs limites notamment défensives. Ne dit-on pas que la foi soulève des montagnes ? On vérifiera la véracité du proverbe contre l'Autriche, en attendant elle a au moins surpassé une colline ukrainienne érodée. Et s'il faudra un authentique exploit demain, d'avoir battu pour l'Ukraine pour la première fois de son histoire en est déjà un, très méritoire, pour une équipe de France conquérante avec ses moyens.

Élus meilleurs joueurs du match : Oleksandr Fedorov pour l'Ukraine et Sébastien Bordeleau pour la France.

Compte-rendu signé Marc Branchu

>Commentaires d'après-match

Sébastien Bordeleau (attaquant de la France) : "Ce n'était pas un beau match, mais la victoire était au bout. Nous étions très déçus l'an dernier après le Mondial tchèque, maintenant nous avons l'opportunité de faire quelque chose ici. On ne voit pas aussi loin que les JO, on ne prend même pas match après match, mais seulement présence après présence. Si on perd demain contre l'Autriche, ce match n'aura servi à rien, mais c'est elle qui a la pression à domicile, à nous de croire en nos chances de créer une nouvelle surprise. Ma femme et le bébé vont bien, et nous avons gagné... Que demander de plus ?"

 

Ukraine - France 3-4 (0-1, 2-0, 2-3)
Jeudi 10 février 2005 à 15h30 à l'Eissportzentrum de Klagenfurt. 200 spectateurs.
Arbitrage de Rudolf Lauff (SVK) assisté de Jaromir Blaha (TCH) et Milan Novak (SVK).
Pénalités : Ukraine 20' (8', 10', 8'), France 26' (8', 10', 8').
Tirs : Ukraine 26 (8, 11, 7), France 34 (14, 8, 12).

Évolution du score :
0-1 à 05'53" : Meunier assisté de Bordeleau et Favarin (sup. num.)
1-1 à 29'46" : Tsyrul assisté de Shiriaev
1-2 à 33'29" : Hnidenko assisté de Pastukh et Kasyanchuk
2-2 à 41'45" : Bordeleau assisté de Besse et Meunier (sup. num.)
2-3 à 45'28" : Coqueux assisté de Bordeleau
3-3 à 49'07" : Salnikov assisté de Tsyrul et Zavalnyuk (sup. num.)
3-4 à 52'34" : F. Rozenthal assisté de Favarin
 

Ukraine

Attaquants :
Roman Salnikov - Vasyl Bobrovnikov (C) - Aleksandr Matvychuk (2')
Vitali Semenchenko (2') - Dmitro Tsyrul - Vitali Litvinenko
Konstantin Kasyanchuk (2') - Artem Hnidenko - Evgueni Pastukh
Oleksandr Pobyedonostsev - Oleg Shafarenko (4') - Sergiy Kharchenko

Défenseurs :
Yuri Gunko - Artem Ostroushko
Valeri Shiriaev (2') - Vyacheslav Zavalnyuk (2')
Oleksandr Savitsky - Denis Isaïenko
Vasyl Polonitsky (6')

Gardien :
Oleksandr Fedorov (sorti de sa cage à 59'28")

Remplaçants : Yevgen Brul (G), Vyacheslav Timchenko.

France (2' pour surnombre)

Attaquants : Laurent Meunier (C, 2') - Sébastien Bordeleau (4') - Guillaume Besse (2'
Kévin Hecquefeuille (2') - Laurent Gras - Pierre-Édouard Bellemare (2')
Maurice Rozenthal (2') - Jonathan Zwikel (2') - François Rozenthal (2')
Xavier Daramy - Olivier Coqueux - David Dostal

Défenseurs :
Baptiste Amar (2') - Simon Bachelet
Jean-François Bonnard - Guillaume Karrer (2')
Vincent Bachet - Nicolas Favarin
Nicolas Pousset (2') - Nicolas Besch

Gardien :
Cristobal Huet

Remplaçant : Fabrice Lhenry (G).

 

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