Mulhouse - Rouen (23 octobre 2004)

 

Match comptant pour la neuvième journée de Ligue Magnus.

À ce moment de la saison, c'est l'affiche du championnat. D'un côté, les hôtes mulhousiens, présentés comme l'armada à vaincre et avouons-le un peu décevants au regard de l'effectif affiché. De l'autre, les Dragons rouennais, avec autant de victoires que de matchs joués depuis le début du championnat. La meilleure attaque contre la meilleure défense, on peut encore ajouter des comparaisons, mais ce soir, l'Illberg est plein à craquer comme il l'a rarement été, et on attend le grand spectacle annoncé depuis début août. Et il sera bien au rendez-vous...

Duel d'observation

Le match, bien que rapide, offre un long round d'observation avant qu'Hermanni Vidman n'ouvre les hostilités et ne bute sur un "jeté" d'Éric Raymond (4'18"). Mulhouse veut bien faire devant son public et harcèle énergiquement son adversaire, comme sur ce break de Bilbao (6'41") ou ces duels Jokinen-Raymond (8'10") ou Day contre le même Raymond (8'57") mais à chaque fois, ce diable de portier gagne magistralement ses duels. Rouen de son côté semble patient, trop d'ailleurs pour être honnête, et manque une première grosse occasion quand Daniel Carlsson lance Guillaume Besse, mais "Yaume" bute sur le poteau de Fabrice Lhenry (11'50"). Un Rouen d'ailleurs bien incisif dès qu'il s'agit de jouer en surnombre, mais durant cette période, peu de pénalités seront sifflées, Mulhouse a donc l'opportunité de n'être pas trop gêné dans sa progression, et ouvre le score sur une excellente remontée d'Olivier Coqueux qui entre en zone et donne à Vidman. Le Finlandais détourne aussitôt en profondeur pour Jani Kiviharju qui prend de vitesse son défenseur et loge son palet en lucarne (1-0 à 15'35"). Avantage mérité, mais on sent que Rouen attend l'occasion pour lancer l'escouade, emmené par de nombreuses relances de l'arrière-garde, Carlsson, Briand ou Robitaille notamment.

On se lâche

Et on ne va pas attendre longtemps l'égalisation : Steve Montador vient de rentrer en prison, et lors de l'engagement en zone mulhousienne, Kiviharju signale à Allan Carriou de se déplacer vers Éric Doucet esseulé sur la droite de Lhenry. Le défenseur ne bouge pas, l'éventualité semble tellement improbable, et pourtant... Engagement gagné par Ludek Broz qui envoie directement à... Doucet qui reprend de volée pour l'égalisation (1-1 à 25'09"). Pourtant, bien que nettement revigorés depuis le retour des vestiaires, les Normands semblent redonner tout doucement le match à leurs hôtes (break de Day à 26'10"), usant aussi de tactiques de déstabilisation physique devant les buts de Lhenry. C'est d'ailleurs lors de l'une d'elles que Broz et Bilbao s'expliquent légèrement avant de séjourner en prison. Dans la foulée, Mulhouse reprend l'avantage sur une remontée fantastique du duo Reinprecht-Day, pour une conclusion d'un passe-passe magique du premier nommé (2-1 à 27'38"). Vraiment du bel ouvrage que ce but qu'on aimerait voir à tous les matches, pour ou contre Mulhouse d'ailleurs, mais au moins pour la beauté du geste. Dès lors, Rouen se voit obligé de remettre la pression sur les Scorpions et les oblige à quelques indisciplines afin de pouvoir faire évoluer un jeu de puissance bougrement efficace dans la circulation du palet, mais les essais de Robitaille, Carlsson ou Salminen butent sur un Lhenry imperméable. Ce ne sera qu'au cours d'un rare instant de flou en défense mulhousienne, et toujours suite à un engagement gagné du stratège Broz que "Doudou", encore et toujours lui, est laissé à l'abandon deux secondes de trop et allume de près le gardien mulhousien (2-2 à 35'33"). Cette partie est plutôt bien équilibrée jusque là, et les deux protagonistes ont les moyens de faire chavirer le match, même si l'on ne voit pas un Rouen des plus hardis offensivement.

Haletant

Depuis le début de la partie, on a l'impression que le premier qui va marquer prendra un avantage sur l'autre. Chaque fois, cette tâche est assumée par les Scorpions, mais avant la troisième réalisation, il a fallu patienter dix bonnes minutes pendant lesquelles les deux adversaires ne lâchent rien. Mulhouse propose bien des attaques plus franches mais elles butent encore sur un Raymond des grands soirs, notamment sur ce bout portant de Segla (47'25") ou ce break "immanquable" de Vidman qui se précipite un peu trop (49'30"). Peu de tirs donc, avant ces tourbillons amorcés par Palovcik, puis par un Jokinen plus affûté que jamais, et enfin par Segla. Certes Raymond repousse, mais Miikka Ruokonen en retrait capte le palet et envoie un tir qui bluffe tout le monde par son aspect anodin, et d'abord le gardien rouennais qui en jettera ensuite de rage son bidon, car l'envoi nettoie le haut de la cage visiteuse pour un avantage qui rassure et les Scorpions et l'Illberg qui enfin se met à soutenir son équipe (3-2 à 52'33"). Dès lors, Rouen se recroqueville et subit le harcèlement alsacien symbolisé par ce palet capté par Greg Day qui efface Carlsson. Le maître incontesté de la défense rouennaise ne peut que lancer sa crosse pour espérer contrer l'avancée, aussitôt sanctionné d'un tir de pénalité exécuté et réussi après un "interminable duel d'observation" par le centre canadien (4-2 à 57'04"). La messe semble être dite mais c'est oublier le talent des Rouennais pour déstabiliser leur adversaire, et ils peuvent œuvrer en supériorité quand Ruokonen puis Coqueux se font épingler par un M. Bourreau plutôt concluant dans son exercice. Ajoutons que Raymond est rapidement prié de quitter ses cages pour laisser Salminen rejoindre le quinté majeur normand et œuvrer pendant deux longues minutes en zone mulhousienne. Hélas, le palet circule mal, et à plusieurs reprises, Mulhouse a eu l'occasion d'envoyer le puck au fond des filets désertés, mais cette rondelle, qu'elle soit envoyée par Reinprecht ou Vidman ou Hakkarainen ou même Rozenthal, n'avait pas envie de flirter une dernière fois avec des filets.

Le voilà ce match tant attendu, et le voilà le spectacle tant promis. Symbolique, cette victoire l'est. En effet, Rouen est la seule équipe que Mulhouse n'avait jamais battue depuis son accession chez les grands. De plus, vaincre l'ogre invaincu et avec la manière s'il vous plaît, il y avait de quoi être fier de ces rouge et noir.

Il ne faudra pas voir autre chose qu'une défaite pour les Rouennais, qui n'ont perdu qu'un match, pas la guerre. Plus surprenante est leur façon d'avoir abordé le match, de manière très passive et attentiste, laissant dangereusement les clés du match à Mulhouse, avant de les reprendre uniquement dès qu'ils étaient menés au score. L'effectif aura pourtant créé du danger, notamment avec des systèmes de passes des plus rôdés, surtout en supériorité, une vitesse d'exécution plutôt concluante, et un Raymond des grands soirs.

Pour Mulhouse, cette victoire fait donc sûrement beaucoup de bien. Déjà pour se rassurer psychologiquement du faux-pas en Touraine, ensuite pour enfin faire taire les éventuels détracteurs de cette armada jalousée, et enfin pour mieux se replacer au classement. Ce match a été enlevé avec la manière. On ne niera pas l'apport important des quatre Canadiens (Montador, Day et Reinprecht surtout) sur le gain du match, mais c'est oublier que le premier but a été concrétisé par une ligne canado-finlandaise toujours constante, que le troisième est la concrétisation d'une séance de tournis fournie par la ligne finno-slovaque et que la quatrième ligne n'était pas en reste au niveau grattage.

Bref, assurément un grand moment de hockey alsacien, mais surtout de hockey tout court, et votre serviteur vous avouera qu'il n'avait pas été retenu en haleine d'aussi agréable façon depuis bien longtemps (et une demi-finale 100% normande d'avril 2000).

Récompensés à la fin du match : Steven Reinprecht pour Mulhouse et Éric Raymond pour Rouen.

Compte-rendu signé Stéphane Rault

 

Commentaire d'après-match (dans L'Alsace)

Christer Eriksson (entraîneur de Mulhouse) : "C'était vraiment du très beau hockey. Gagner 4-2 devant une telle équipe, c'est très encourageant. D'autant que le score aurait pu gonfler d'une ou deux unités supplémentaires en fin de match sur des actions de Reinprecht et Hakkarainen. Mais on ne va pas faire la fine bouche. On a vu du hockey magnifique et une très bonne équipe de Mulhouse. Comme quoi, notre nouveau système à quatre rotations a fini par porter ses fruits. Lors des premiers matches, certains joueurs ont éprouvé des difficultés à trouver leurs repères. Ces difficultés étaient légitimes puisqu'ils n'avaient quasiment jamais joué dans une telle configuration de toute leur carrière. Mais là, tout le monde a semblé marcher dans le bon sens. Et il est clair que nous avons gagné ce match grâce au boulot des quatre lignes. Hormis un léger passage à vide durant la deuxième période, elles ont fait preuve d'une remarquable agressivité. Rouen n'avait plus d'essence pour réagir en fin de match. Le troisième tiers a fait la différence."

 

Mulhouse - Rouen 4-2 (1-0, 1-2, 2-0)

Samedi 23 octobre 2004 à 17h40 à la patinoire de l'Illberg. 2000 spectateurs.

Arbitrage d'Alexandre Bourreau assisté de Laurent Rouèche et Grégory Véricel.

Pénalités : Mulhouse 18' (4', 10', 4'), Rouen 12' (2', 6', 4').

Tirs : Mulhouse 32 (11, 10, 11), Rouen 25 (9, 11, 5).

Évolution du score :

1-0 à 15'35" : Kiviharju assisté de Vidman et Coqueux

1-1 à 25'09" : Doucet assisté de Broz (sup. num.)

2-1 à 27'38" : Reinprecht assisté de Day (sup. num.)

2-2 à 35'33" : Doucet assisté de Broz

3-2 à 52'33" : Ruokonen

4-2 à 57'04" : Day (tir de pénalité)

 

Mulhouse

Gardien : Fabrice Lhenry.

Défenseurs : Lilian Prunet (A) - Allan Carriou ; Jukka Hakkarainen - Miikka Ruokonen (A) ; Steve Montador - Francis Ballet.

Attaquants : Steven Reinprecht - Greg Day - Ryan Christie ; Jani Kiviharju - Olivier Coqueux - Hermanni Vidman ; Juho Jokinen - Milos Palovcik - Pavol Segla ; Maurice Rozenthal - Lionel Bilbao (C) - Steve Michou.

Remplaçants : Tom Charton (G), Jérôme Catil.

Rouen

Gardien : Éric Raymond (sorti de sa cage à 57'45").

Défenseurs : Daniel Carlsson - Arnaud Briand (A) ; Benoît Quessandier - Stéphane Robitaille ; Jonas Elofsson - Nicolas Besch.

Attaquants : Éric Doucet (C) - Ludek Broz - Guillaume Besse (A) ; Kimmo Salminen - Sami Karjalainen - Pierre-Édouard Bellemare ; Alexandre Lefèbvre - Jean-Philippe Paré - Tristan Lemoine.

Remplaçants : Stéphane Burnet (G), Simon Doreille, Benoît Pourtanel, Adrien Dufournet.

 

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