Allemagne - Suisse (4 mai 2004)

 

Championnats du monde 2004, premier tour, groupe E.

Sur leur valeur globale, leur tradition, la qualité de leurs championnats et leur nombre de pratiquants, l'Allemagne et la Suisse peuvent toutes deux prétendre être la huitième nation mondiale du hockey sur glace, derrière le sept majeur bien connu. La concurrence est donc naturelle entre ces deux voisins, mais celle qui tient le haut du pavé dernièrement, c'est l'équipe de Hans Zach. Celui-ci adore d'ailleurs expliquer en quoi les joueurs allemands sont meilleurs que les joueurs suisses, parce qu'ils sont plus combatifs, plus persévérants, plus disciplinés, plus forts mentalement, etc. Le plus étonnant, c'est que les observateurs helvétiques ne disent pas autre chose, mais ces multiples défaites contre l'Allemagne ne les en frustrent pas moins pour autant. C'est le moment ou jamais pour y mettre fin, avec ce match à quitte ou double pour l'accession en quart de finale, car les hommes de Zach ont paru manquer franchement d'envie dans leur dernier match. Voir le banc allemand aussi terne et sans vie que contre le Canada, où il a manifesté bien peu d'émotions, c'est le contraire même de tous les principes du Bavarois.

L'Allemagne, qu'un nul suffit à qualifier, se complaît évidemment dans sa tactique lénifiante. Elle fait bloc et se jette sur le moindre palet exploitable, se créant les meilleurs occasions. Elle pèche par contre dans la finition, avec une reprise au second poteau de Kathan qui ne trouve pas le cadre ou Ustorf qui manque le palet dans l'enclave. Quelques rebonds très intéressants sont laissés par Gerber devant la cage, mais les Suisses y font le ménage dans ce premier tiers-temps physique et engagé. Leur problème, c'est plutôt que le verrou allemand ne présente pas la moindre faille, pas même en infériorité où son bilan est pourtant faible.

Les unités spéciales sont en effet le point noir de l'Allemagne dans ce tournoi, où ses statistiques sont les plus mauvaises des équipes qualifiées pour le deuxième tour. Deux jeux de puissance en deuxième période ne font ainsi qu'interrompre les efforts des blancs, qui restent trop lointains. On craint un découragement suisse face à cette muraille allemande, quand Martin Reichel, après avoir pris le rebond d'un tir de Wichser, perd le palet dans son enclave face à Valentin Wirz, dont le tir peu puissant va pourtant mourir au fond des filets de Kölzig (0-1 à 33'29"). La cuirasse de la sélection de Zach s'est fendue soudainement alors que les Suisses n'avaient jamais été en mesure de la percer. Le mécanisme du cadenas allemand s'est débloqué, et les actions suisses se multiplient autour d'un Adrian Wichser très en verve, lui qui n'a reçu le feu vert médical définitif que ce matin pour jouer alors qu'il était touché au genou (Luca Cereda, décevant, a alors été mis à l'écart comme attaquant surnuméraire). Pas facile pour l'Allemagne de faire la transition vers un jeu de possession, surtout quand elle est sevrée de palets à cause de son manque de réussite dans les mises au jeu. Zach va encore regretter la retraite quasi-simultanée de ses trois vieux centres germano-canadiens (Soccio, Hynes et MacKay).

On pensait qu'un but dériderait la rencontre, mais ça n'aura pas duré bien longtemps. La Suisse est extrêmement prudente, elle applique avec précaution son système défensif, en attendant que l'Allemagne tente quelque chose pour perturber un Martin Gerber de plus en plus serein. Elle peut toujours attendre. Un seul trio offensif helvétique est créatif et dangereux, Wichser-Jeannin-Wirz, mais ça suffit, car un, ça fait toujours plus que zéro ! Daniel Kunce fait trébucher Patrick Fischer qui l'a débordé en un contre un, et cela fait deux minutes de plus tranquilles, sauf pour Kölzig qui fait un bon arrêt devant Seger. Plus que huit à tenir. La seule chose qui bouge dans la Sazka Arena, c'est le chronomètre... Fischer a la mauvaise idée de se venger de Kunce par un cross-check malvenu en zone offensive. Heureusement que ce sont les Allemands en face, et que leur jeu de puissance est toujours aussi empesé et inefficace. C'est déjà clair, il n'y a que dans les deux dernières minutes que les Allemands vont donner le tout pour le tout et que la tension va monter. Zach sort Kölzig de ses cages à une minute de la sirène sur une mise au jeu en zone offensive qui est gagnée, mais le tir de la bleue de Benda est bien bloqué par Gerber. Sur un dégagement interdit à quinze secondes de la fin, on réengage en zone suisse. Un face-à-face qui vaut de l'or. Mais le meilleur centre allemand, Tobias Abstreiter, est renvoyé par l'arbitre. Le petit gabarit Andres Ambühl, bien malmené dans ce match, peut alors remporter ce duel de la victoire.

Le système de Hans Zach montre ses limites. Cela a déjà été le cas en DEL, où Francfort avait pris son équipe de Cologne à son propre piège défensif. Et là, même la Suisse, le contrepoint censé mettre en exergue les valeurs du hockey allemand, se met à jouer de façon globalement disciplinée. Le 1-4, c'est bien joli, mais offensivement, l'Allemagne a été beaucoup trop médiocre dans ce championnat du monde. Ses joueurs rentrent dans le moule comme de bons petits soldats, mais ne développent pas leurs qualités techniques. Quand on pratique un jeu aussi peu ambitieux qui exploite les erreurs adverses, il est en effet essentiel de disposer de bonnes unités spéciales, car ce sont elles qui font basculer les matches cadenassés.

Or, le jeu de puissance (un seul but dans ce tournoi, par Hecht à cinq contre trois contre les Lettons) est le problème du hockey allemand depuis des décennies, à en croire les déclarations de Hans Zach avant le match. Il avait que Jochen Hecht (Buffalo, NHL) et Daniel Kreutzer (Düsseldorf) sont les seuls joueurs à avoir des responsabilités suffisantes dans leurs clubs, alors que les autres n'ont pas de temps de glace en supériorité. Pressentant peut-être ce qui allait advenir, il avait demandé que la DEL soit réduite à six étrangers d'ici 2010, en continuant d'en diminuer le nombre d'un par an. Y a-t-il une chance qu'il soit écouté ?

La dernière victoire suisse contre l'Allemagne en match officiel remontait aux quarts de finale du championnat du monde 1992 à... Prague. C'était à la suite de ce match que la "Nati" s'était crue trop belle, avec comme résultat un retour dans le groupe B dès l'année suivante. Pour son retour sur les lieux du crime, elle a réussi à tenir en échec les prétentions germaniques. Les Allemands pensaient que leur agressivité leur assurait une supériorité automatique sur les Suisses, ce n'est plus le cas. Ceux-ci n'ont pas fui le combat, et ils ont été aussi rigoureux en défense que leurs adversaires, à la différence que Gerber a été impeccable, bien secondé par ses arrières, alors que Kölzig a eu un moment d'absence après l'erreur de Reichel. La Suisse a-t-elle vraiment matière à envier cette triste équipe d'Allemagne ? Plus maintenant. Et elle peut même encore lui chiper la qualification directe olympique. Mais pour cela, il faudra battre en quart de finale la Slovaquie, une équipe qui a un système défensif au point ET de grands attaquants. Une autre paire de manches.

Élus meilleurs joueurs du match : Mirko Lüdemann pour l'Allemagne et Martin Gerber pour la Suisse.

Trois meilleurs joueurs allemands du tournoi : Olaf Kölzig, Jan Benda et Eduard Lewandowski.

Compte-rendu signé Marc Branchu

  

Allemagne - Suisse 0-1 (0-0, 0-1, 0-0)

Mardi 4 mai à 16h15 à la Sazka Arena de Prague. 8556 spectateurs.

Arbitrage de Rick Looker (USA) assisté de Juha Kautto (FIN) et Leo Takula (SUE).

Pénalités : Allemagne 10' (8', 0', 2'), Suisse 14' (6', 4', 4').

Tirs : Allemagne 27 (10, 5, 12), Suisse 23 (7, 10, 6).

Évolution du score :

0-1 à 33'29" : Wirz

 

Allemagne

Gardien : Olaf Kölzig.

Défenseurs : Mirko Lüdemann - Jochen Molling ; Rob Leask - Jan Benda ; Daniel Kunce - Andreas Renz ; Stephan Retzer.

Attaquants : Klaus Kathan - Jochen Hecht - Stefan Ustorf ; Tomas Martinec - Martin Reichel - Thomas Greilinger ; Daniel Kreutzer - Tobias Abstreiter - Andreas Morczinietz ; Boris Blank - Tino Boos - Eduard Lewandowski ; Christoph Ullmann.

Remplaçant : Robert Müller (G).

Suisse

Gardien : Martin Gerber.

Défenseurs : Martin Steinegger - Steve Hirschi ; Julien Vauclair - Goran Bezina ; Mathias Seger - Beat Forster ; Olivier Keller - Mark Streit.

Attaquants : Patrick Fischer - Martin Plüss - Patric Della Rossa ; Adrian Wichser - Sandy Jeannin - Valentin Wirz ; Thierry Paterlini - Thomas Ziegler - Ivo Rüthemann ; Marc Reichert - Anders Ambühl - Marcel Jenni.

Remplaçant : Marco Bührer (G).

 

Retour aux championnats du monde