Ukraine - France (2 mai 2004)

 

Championnats du monde 2004, poule de maintien.

Cette fois, c'est vraiment le match de la dernière chance. Heikki Leime a changé ses lignes pour l'occasion, en remplaçant Zwikel entre les Rozenthal à la place de Bordeleau, maintenant au centre d'une ligne de "Francos" avec Coqueux et Dostal. Il avait décidé de ne désigner son gardien titulaire que ce matin afin que l'heureux élu ne fasse pas le match dans sa tête avant de l'avoir joué, et il a pris une décision audacieuse en préférant Fabrice Lhenry au gardien de NHL Cristobal Huet, qui est passé à côté de son championnat du monde et a encaissé des buts peu recommandables face au Kazakhstan avant-hier.

L'IIHF a confirmé officiellement que la France avait battu un record des championnats du monde en restant quatre matches sans marquer, une nouvelle qui a fait le tour des agences de presse du monde entier. Malheureusement, elle est fausse, et elle traduit la négligence avec laquelle la fédération internationale tient ses archives. Le record est en fait détenu par les Pays-Bas de 1935, qui pour leur première participation à une compétition internationale n'avait pas mis le moindre but, et ce dans le même contexte, en six rencontres de soixante minutes. Il reste donc deux matches aux Bleus pour ne pas égaler la contre-performance batave

Dès la première minute de jeu, Vadim Shakhraïchuk plonge à la Inzaghi et est pénalisé pour simulation. Mais le jeu de puissance français est mou comme c'est pas possible, les passes sont complètement ratées, et il n'y a aucune action incisive à part une percée de Dostal. Bref, ça part mal. Lorsque Xavier Daramy part en prison pour avoir fait trébucher Tsyrul, les passes sont beaucoup plus précises et assurées, et même si elle ne met pas beaucoup de vitesse dans son jeu, l'Ukraine est récompensée de sa patience par une belle déviation d'Oleksandr Matviichuk sur un lancer de la bleue de Tolkunov (1-0 à 06'50"). On comprend que la moindre pénalité peut coûter cher, car après une obstruction de Gras, une passe de derrière la cage de Lytvynenko faillit être déviée contre son camp par une crosse française, mais Lhenry rattrape le palet contre son poteau.

Première vraie occasion, Coqueux décale Bordeleau seul face à Simchuk, qui repousse le palet du bout de la crosse avec réussite au moment de la feinte du Franco-Canadien. On ne sent malheureusement pas une volonté irrépressible chez les Bleus. L'Ukraine est dangereuse à chaque contre-attaque, comme sur ce tir très haut de Matviichuk à bout portant qui est bien paré par Lhenry. Mais elle paraît extrêmement peu agressive, très tranquille, trop sans doute. Car Benoît Bachelet égalise d'un beau slap après un engagement en zone offensive (1-1 à 17'01"). Il est juste que ce soit le capitaine de Grenoble qui inscrive ce but attendu si longtemps, 257 minutes exactement, car c'est lui qui a été le Français le plus incisif dans ce début de match.

L'obstruction de Varlamov passe inaperçue tant les Français sont inexistants en supériorité, mais ce n'est pas le cas de la rentrée prématurée aux vestiaires de Sébastien Bordeleau, qui souffre de l'aine depuis le dernier match. On croit quand même être sorti de l'auberge... avant un nouveau coup de massue dans les dix dernières secondes. Christian Pouget n'a plus qu'à dégager hors de sa zone, mais il perd encore une fois le palet. Les Ukrainiens, eux-mêmes surpris du cadeau, n'en demandaient pas tant, et ils reprennent l'avantage en décalant rapidement Tolkunov (2-1 à 19'58").

Ce but ne risque-t-il pas de noyer les Bleus qui avaient eu tant de mal à sortir la tête de l'eau ? L'impulsion donnée en début de deuxième tiers-temps par la ligne de Zwikel et des frères Rozenthal, valeur sûre ne serait-ce que par sa connaissance mutuelle, rassure un peu. L'Ukraine tend le bâton pour se faire battre. Tour à tour, Matviichuk cingle Coqueux, Isaïenko fait trébucher Rozenthal, et Varlamov fait trébucher Coqueux. Les Français ne trouvent pas de solutions, et en sont maintenant à 0 sur 29 en supériorité numérique... L'IIHF a-t-elle des stats là-dessus, car on pourrait bien dénicher là un nouveau record ? De retour à cinq contre cinq, Maurice Rozenthal arrache un palet et se présente devant Simchuk. Christian Pouget a alors la cage ouverte sur le rebond... mais son tir heurte la transversale. L'Ukraine n'a rien fait pendant vingt minutes, mais elle mène toujours au score.

C'est à en devenir déprimant, mais au retour sur la glace, Benoît Bachelet s'échappe sur l'aile droite. Son slap en angle fermé est repoussé par la botte de Simchuk, mais Laurent Gras a suivi et tire du revers entre les jambières du gardien ukrainien (2-2 à 41'18"). Malheureusement, dès le retour à cinq contre cinq après une obstruction de Briand, Salnikov temporise dans le coin et voit bien la montée dans l'enclave de Shakhraïchuk dont le revers passe sous Lhenry (3-2 à 45'30"). La France paraît encore en mesure de revenir, mais sur une pénalité différée, Dmitro Tolkunov ajoute un quatrième but en reprenant au second poteau de Gunko (4-2 à 52'24"). Une obstruction de Semenchenko sur François Rozenthal, et voilà la trentième supériorité numérique bleue de la compétition. C'est maintenant ou jamais. Mais, malgré un léger mieux et quelques slaps de Pouget, aucun rebond n'est pris. Fin de la pénalité et bientôt des dernières espérances. Karl Dewolf avait pourtant plutôt fait un bon match sur le plan défensif cette fois-ci avec quelques bonnes interventions sobres et un bon placement, il faut dire que la partie manquait tellement de rythme qu'il risquait peu de sentir le poids des ans. Mais la lenteur de l'entraîneur-joueur dunkerquois est finalement fatale, et il se fait déborder par Vitali Lytvynenko qui revient devant la cage. Tsyrul est plus vif que Mortas pour prendre le rebond (5-2 à 55'35"). C'est fini, les Français n'y croient plus depuis longtemps. Pénalisés pour un surnombre à l'avant-dernière minute, les Ukrainiens partent à deux contre un en infériorité, et Shakhraïchuk enfonce le clou dans le cœur bleu malade (6-2 à 59'07").

On n'avait jamais vu une équipe d'Ukraine aussi poussive, aussi peu physique, mettant aussi peu d'intensité dans son jeu. Elle était éminemment prenable aujourd'hui, elle que les Bleus n'avaient jamais battue. Mais un ressort est cassé dans cette équipe de France, dont on a l'impression qu'elle pourrait jouer toute sa vie en avantage numérique sans jamais marquer. Elle a dominé son adversaire au nombre de tirs, comme contre le Kazakhstan, mais a pris une nouvelle leçon de réalisme. Le niveau requis pour rester dans l'élite n'était pas si haut que ça dans cette poule de maintien. Pourtant, il était déjà trop haut pour des Français qui ont gravement manqué de conviction.

Meilleurs joueurs du match : Dmitro Tolkunov pour l'Ukraine et Laurent Gras pour la France.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Aleksandr Seukand (entraîneur de l'Ukraine) : "Cette victoire est un grand soulagement pour moi, pour l'équipe, et pour le hockey ukrainien tout entier, car une relégation aurait signifié la mort de ce sport dans notre pays."

Heikki Leime (entraîneur de la France) : "Nous voulions travailler fort pour bien débuter, mais une fois de plus cela ne s'est passé comme nous l'espérions. Mes joueurs n'avaient pas les ressources mentales pour remonter, même s'ils sont revenus deux fois au score. Nous avons concédé de façon chronique des buts sur des erreurs individuelles qui sont la marque d'une génération qui n'a découvert le hockey international qu'en division I. Or, l'Élite est très différente. Les joueurs croyaient vraiment possible de battre l'Autriche, voire la Suisse... L'erreur que j'ai faite est peut-être de ne pas avoir brisé leur rêve et même de l'avoir nourri. Mais c'est difficile de ne pas y croire, c'est ce qui fait jouer. Car cette place dans l'Élite, on l'avait quand même méritée !"

 

Ukraine - France 6-2 (2-1, 0-0, 4-1)

Dimanche 2 mai 2004 à 12h15 à la Sazka Arena de Prague. 4203 spectateurs.

Arbitrage de Richard Schütz (ALL) assisté de Juha Kautto (FIN) et Leo Takula (SUE).

Pénalités : Ukraine 14' (4', 6', 4'), France 8' (4', 2', 2').

Tirs : Ukraine 22 (8, 4, 10), France 28 (10, 8, 10).

Évolution du score :

1-0 à 06'50" : Matviichuk assisté de Tolkunov et Gunko (sup. num.)

1-1 à 17'01" : Bachelet assisté de Gras

2-1 à 19'58" : Tolkunov assisté de Matviichuk et Bobrovnikov

2-2 à 41'18" : Gras assisté de Bachelet

3-2 à 45'30" : Shakhraïchuk assisté de Salnikov

4-2 à 52'24" : Tolkunov assisté de Gunko et Matviichuk

5-2 à 55'35" : Tsyrul assisté de Lytvynenko

6-2 à 59'07" : Shakhraïchuk assisté de Lytvynenko (inf. num.)

 

Ukraine

Gardien : Konstantin Simchuk.

Défenseurs : Valeri Shyryaev - Oleksandr Savytsky ; Denys Isaïenko - Vyacheslav Zavalnyuk ; Yuri Gunko - Dmitro Tolkunov ; Artem Ostroushko - Andreï Sryubko.

Attaquants : Roman Salnikov - Vitali Lytvynenko - Vadim Shakhraychuk ; Konstantin Kasyanchuk - Vitali Semenchenko - Dmitro Tsyrul ; Sergueï Karchenko - Oleksandr Matviichuk - Vasyl Bobrovnikov ; Sergueï Varlamov - Artem Gnidenko - Oleg Timchenko.

Remplaçant : Yevgen Brul (G).

France

Gardien : Fabrice Lhenry.

Défenseurs : Vincent Bachet - Christian Pouget ; Allan Carriou - Karl Dewolf ; Baptiste Amar - Nicolas Favarin ; Lilian Prunet - Nicolas Pousset.

Attaquants : Maurice Rozenthal - Jonathan Zwikel - François Rozenthal ; Olivier Coqueux - Sébastien Bordeleau - David Dostal ; Arnaud Briand - Laurent Gras - Benoît Bachelet ; Xavier Daramy - Anthony Mortas - Pierre-Édouard Bellemare.

Remplaçant : Cristobal Huet (G).

 

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