Canada - Suède (11 mai 2003)

 

Finale des championnats du monde 2003.

Le Canada est en finale pour la première fois depuis 1997. C'était déjà en Finlande et déjà contre la Suède, et à l'époque, les Canadiens l'avaient emporté dans une finale à rallonge en trois manches après avoir perdu la première. Mais cette fois, pas de seconde chance, le match d'aujourd'hui désignera le champion du monde. Invaincu, le Canada est la seule équipe à avoir battu la Suède dans ce tournoi, mais une donnée a changé en une dizaine de jours : les deux gardiens expérimentés, déjà présents lors de la finale d'il y a six ans, Sean Burke et Tommy Salo, sont absents, l'un sur blessure, l'autre à cause de sa contre-performance en quart de finale. Les jeunes Roberto Luongo et Mikael Tellqvist ont donc une lourde charge sur les épaules.

Par ailleurs, le travail de la ligne de Kris Draper, qui avait neutralisé Peter Forsberg, avait été la clé de la victoire canadienne en poule. Mais Mats Sundin était alors à tout juste arrivé et pas encore au meilleur de sa forme. Maintenant qu'il a lui aussi atteint son plein rendement, cela fait deux joueurs à surveiller comme le lait sur le feu. Qui plus est, Hardy Nilsson modifie ses lignes de temps à autre pour perturber le coaching réactif et destructif d'Andy Murray.

Il n'est donc pas facile de contenir cette équipe de Suède qui monopolise le palet et prend le contrôle de la glace. Il s'en faut de quelques millimètres pour que Peter Nordström ouvre le score, mais son tir de l'enclave heurte le poteau. Ce n'est que partie remise, et sur une percée de Zetterberg, Mathias Tjärnqvist devance Staios au rebond pour tirer du revers dans la cage ouverte (0-1 à 10'17"). Une mauvaise passe de Höglund en zone neutre donne tout de même un palet de contre à Dany Heatley, mais Thomas Rhodin est présent en couverture.

Quand on ne lui offre pas d'occasion sur un plateau, le Canada a quand même beaucoup de mal à construire des attaques, et même en supériorité numérique il doit s'en remettre à un exploit individuel de Dany Heatley. C'est donc en toute logique que Per-Johan Axelsson s'échappe sur la droite et glisse le palet entre les jambières de Luongo, qui montre les mêmes faiblesses qu'en demi-finale (0-2 à 18'39"). Le Canada pourrait être assommé, mais il réussit à préserver ses chances en marquant en cette fin de tiers. Les rebonds qui s'étaient fait attendre arrivent enfin, et Horcoff dévore cette chance comme un mort de faim (1-2 à 19'17").

L'illusion d'une réaction canadienne ne tient que quelques minutes en deuxième période, puis la Suède est à nouveau incisive sur tous les palets et conquérante sur tous les palets. Mais elle n'arrive pas à se mettre à l'abri, malgré un breakaway pour Mats Sundin, qui tire au-dessus de la cible. Cela permet aux Canadiens de croire en leurs chances et de mettre le turbo dans cette fin de deuxième tiers-temps, créant plusieurs situations chaudes autour du but de Tellqvist.

Dominé mais pas coulé, c'est dans le même état d'esprit battant que le Canada aborde la troisième période. Les Suédois n'ont pas su creuser l'écart, et il n'y a donc qu'un but à remonter, ce qui est fait quand, sur une passe de derrière le but de Shawn Horcoff, Shane Doan tire au ras du poteau dans le petit espace laissé par Tellqvist (2-2 à 49'03"). Le match devient extrêmement haletant et tendu, et on passe près du KO de part et d'autre. La fin de rencontre est complètement folle : Mats Sundin a le palet gagnant en s'échappant à deux minutes de la fin, mais son tir passe à côté du poteau. Trente secondes plus tard, c'est Mike Comrie qui se retrouve tout seul dans l'autre sens, mais il échoue sur Tellqvist. Malgré un dernier numéro de conservation forcenée du palet de Peter Forsberg, qui insiste et garde la possession malgré un ou deux joueurs en permanence sur le dos, ce sera une prolongation.

La mort subite à quatre contre quatre contribue évidemment à renforcer ce rythme effréné. L'émotion est extrême sur chaque action et les battements cardiaques s'accélèrent notamment sur un tir de l'enclave de Carter dévié hors cadre par Jönsson ou sur un contournement de cage de Mats Sundin. Mais c'est finalement bien Anson Carter qui marque le but de la victoire. Son tir en angle fermé est repoussé vers le fond par Tellqvist, mais il récupère le palet, vient faire le tour de la cage, et tire sur le gardien suédois en train de se replacer.

Carter lève les bras, le banc canadien monte sur la glace et commence les festivités... mais le but n'est pas encore accordé. L'arbitre tchèque Vladimír Sindler, qui avait avalé son sifflet depuis l'égalisation canadienne et s'était fait volontairement discret pour ne pas influer sur le match, est obligé de prendre une décision. Anson Carter jure sur ses dreadlocks qu'il a vu le palet rentrer, mais il faut s'en remettre à l'appréciation du juge vidéo.

Et que disent les images ? Plan général : impossible d'affirmer quoi que ce soit. Plan de derrière le but : ne permet pas de se prononcer. Plan de l'intérieur de la cage : on ne voit rien de plus. Plan haut, depuis le plafond : on n'est pas plus avancé. Les angles de prises de vue se succèdent, toute la patinoire les observe avec attention, et aucun ne permet d'accorder le but canadien... Aucun, jusqu'à la septième et dernière caméra, celle à l'angle opposé, situé dans l'axe du tir de Carter - qui était donc bien le seul à avoir vu le palet rentrer et ne feignait pas sa conviction. Ces images-là sont formelles : le palet a franchi la ligne, juste avant que les jambières de Tellqvist se referment sur le poteau.

Il en faut, du temps, pour rendre la décision, et la réalisation gratifie même le juge d'une loupe pour confirmer que ce petit point noir rabattu par la jambière de Tellqvist est bien le palet vainqueur. Après six bonnes minutes d'une attente interminable, M. Sindler valide le but (3-2 à 73'49"). Le Canada est champion du monde, au bout du suspense.

La Suède peut regretter ne pas s'être adjugé ce match quand elle en avait le contrôle, pendant plus d'une demi-heure. Elle a vu ressurgir au pire moment ses vieux démons, à savoir son inefficacité dans les moments décisifs. Cette inefficacité a été la caractéristique de l'ère Hardy Nilsson, malgré le séduisant jeu offensif pratiqué. La "justice" invoquée par l'entraîneur suédois en demi-finale lui a finalement encore tourné le dos. Il n'y a rien à expliquer sur ce petit rien qui a manqué devant la cage, car ce n'est pas le talent qui manque : les deux échappées solitaires non conclues par Mats Sundin, élu meilleur joueur du tournoi, ont pesé lourd dans la balance aujourd'hui.

Quant au Canada, il s'est trouvé un porte-bonheur avec Anson Carter, un des quatre rescapés de le médaille d'or de 1997, avec Cory Cross, Sean Burke... et bien sûr l'entraîneur Andy Murray. Buteur décisif aujourd'hui, Carter présente un bilan impressionnant dans les compétitions internationales : deux médailles d'or en deux championnats du monde disputés, plus un championnat du monde junior lui aussi gagné.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Andy Murray (entraîneur du Canada) : "Le match d'aujourd'hui est un parfait exemple des raisons pour lesquels le hockey est le plus beau sport du monde. C'était un match exceptionnel, avec de l'émotion, du jeu physique et technique, et de grands gardiens. Il va me falloir un mois pour me remettre des émotions de ce soir. L'arbitre a mis très longtemps à prendre sa décision, ça a dû se jouer à peu de choses. J'avais dit aux joueurs de se reconcentrer pour ne pas laisser d'influx nerveux dans l'affaire si le match devait reprendre, mais on m'a dit que le but d'Anson Carter était bien rentré, et il lui restera en mémoire toute sa vie."

Anson Carter (buteur décisif du Canada) : "J'ai vu le palet rentrer, mais vous savez, mon opinion ne compte pas vraiment. Ce sont l'arbitre et le gars là-haut qui prennent la décision. J'étais content que le but soit validé parce que je m'étais tordu le genou en le célébrant et que je n'étais pas sûr de pouvoir continuer. C'est incroyable de voir la joie sur les visages des joueurs qui gagnent les championnats du monde pour la première fois. Quand on met ce maillot, on donne tout. Les salaires, les caprices de stars, tout cela n'a plus d'importance, tout le monde est égal. Cet esprit de camaraderie, on ne le retrouve qu'en sélection. Nous avons été formidablement traités en Finlande et je n'exclus pas de revenir dans ce pays à l'avenir. Maintenant, je vais d'abord aller à Paris, j'en rêve depuis longtemps. La Tour Eiffel, le Louvre... Et puis j'irai au Canada prendre des amis, et nous irons à la Barbade, l'île de mes ancêtres."

 

Canada - Suède 3-2 a.p. (1-2, 0-0, 1-0, 1-0)

Dimanche 11 mai 2003 à 17h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13387 spectateurs.

Arbitrage de Vladimír Sindler (TCH) assisté de Antti Hämäläinen (FIN) et Petr Blumel (TCH).

Pénalités : Canada 10' (2', 8', 0', 0'), Suède 14' (4', 8', 2', 0').

Tirs : Canada 33 (9, 11, 8, 5), Suède 39 (11, 10, 6, 12).

Évolution du score :

0-1 à 10'17" : M. Tjärnqvist assisté de Zetterberg

0-2 à 18'39" : Axelsson assisté de Renberg

1-2 à 19'17" : Horcoff assisté de Calder

2-2 à 49'03" : Doan assisté de Horcoff

3-2 à 73'49" : Carter

 

Canada

Gardien : Roberto Luongo.

Défenseurs : Eric Brewer - Steve Staios ; Jay Bouwmeester - Craig Rivet ; Jamie Heward - Mathieu Dandenault ; Cory Cross.

Attaquants : Shane Doan - Kris Draper - Kirk Maltby ; Dany Heatley - Daniel Brière - Steven Reinprecht ; Anson Carter - Mike Comrie - Ryan Smyth ; Kyle Calder - Patrick Marleau - Shawn Horcoff ; Krys Kolanos.

Remplaçant : Martin Biron (G). Absent : Sean Burke (blessé à l'aine).

Suède

Gardien : Mikael Tellqvist.

Défenseurs : Daniel Tjärnqvist - Dick Tärnström ; Mattias Norström - Thomas Rhodin ; Ronnie Sundin - Magnus Johansson ; Niklas Kronwall.

Attaquants : Henrik Zetterberg - Peter Forsberg - Mathias Tjärnqvist ; Peter Nordström - Jörgen Jönsson - Jonas Höglund ; Per-Johan Axelsson - Mats Sundin - Mikael Renberg ; Niklas Andersson - Johan Davidsson - Mika Hannula ; Mathias Johansson.

Remplaçant : Tommy Salo (G). Surnuméraires : Marcus Nilson (blessé), Per Gustafsson, Henrik Lundqvist (G).

 

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