Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl (5 avril 2002)

 

Troisième manche de la finale du championnat de Russie 2001/2002.

Avant le match, le président de la fédération russe, Aleksandr Steblin, révèle que deux joueurs de Kazan, Alekseï Tchupin et Eduard Kudermetov, ont subi un contrôle anti-dopage positif lors des play-offs. Voilà donc la cause de l'absence de ces deux joueurs, qui s'étaient déclarés inaptes à jouer avant le premier match de la finale sans que soit avancée d'explication, hormis une intoxication alimentaire. Les supporters du club n'y croyaient pas eux-mêmes, et oscillaient entre plusieurs hypothèses, dont une brouille avec l'entraîneur Moïseïev, toujours possible connaissant son caractère bouillant, ou un contrôle positif. Cette dernière supposition s'est révélée la bonne, et explique peut-être aussi les performances de Tchupin en demi-finale, où il était devenu d'un coup un leader infatigable.

La construction en zone neutre laisse à désirer dans les deux premières minutes, les deux équipes se précipitant par nervosité. C'est Yaroslavl qui se crée la première occasion par Vorobiev et qui entreprend un siège systématique des buts adverses à partir du milieu de la période. Les efforts de l'omniprésent Vladimir Antipov lui permettent de prendre le palet à Mikhaïl Sarmatin et de l'envoyer vers Dmitri Vlasenkov idéalement placé devant la cage. Celui-ci ne parvient pas à le capter, mais Sergueï Zhukov se trouve derrière et ne laisse pour sa part pas passer l'occasion. Si Kazan rejoint les vestiaires avec ce seul but de retard, il le doit uniquement à la performance de son gardien Andreï Tsarev, notamment sur des tentatives successives de près de Butsaïev et Peterek, alors qu'Igor Podomatsky passe de son côté vingt minutes relativement tranquilles. Les Bars ne trouvent pas solution pour contrer le beau jeu de Yaroslavl, qui déroule avec facilité.

Les duels pour le palet sont acharnés mais corrects, et ne donnent jamais lieu à des interventions arbitrales. L'unique pénalité du match, sifflée en début de deuxième tiers-temps contre Vassiliev, l'est parce qu'il a joué après avoir perdu son casque. Auparavant, Tsarev a déjà été mis à contribution par Kovalenko dès l'entame puis par Vlasenkov après une passe en déséquilibre d'Antipov. Kazan essaie encore de placer des contre-attaques, mais elles sont toujours avortées par la puissance de Yaroslavl. Ce n'est qu'à la mi-match que les Bars réussissent enfin à s'installer dans la zone adverse. Prochkin lance de la bleue, mais Kovalenko se couche sur le palet (et s'en relèvera avec difficulté), qui parvient alors dans la crosse de Sarmatin. Celui-ci ne trouve pas la cage ouverte alors que Podomatsky était battu. Avec une occasion de Zaïnullin écartée par un prompt réflexe de Podomatsky, ce sont les deux seules alertes sérieuses pour les visiteurs, qui continuent de déployer leur jeu en zone offensive.

En troisième période, le visage du match change radicalement. Podomatsky est mis sous pression plus souvent qu'à son tour, notamment quand la ligne de l'Allemand Jan Benda entre sur la glace. C'est d'ailleurs ce premier bloc des Bars qui égalise sur un boulet de canon de Dmitri Yerofeïev dévié par l'attaquant biélorusse Vladimir Tsyplakov. Porté par son public, Kazan se rue alors à l'attaque. Il n'y a désormais plus d'autre tactique à Yaroslavl que de dégager le palet sans se poser de question et de se reposer sur le gardien Igor Podomatsky, qui enchaîne miracle sur miracle et permet à son équipe d'atteindre la prolongation. Dans les dernières minutes, il s'interpose sur un tir de Dmitri Kvartalnov élégamment servi par Tsyplakov, et réalise aussi un arrêt difficile devant ce tenace Biélorusse, bien décalé par Benda.

Le tournant du match a lieu à après deux minutes dans la prolongation. Youri Dobrychkin récupère le palet pour Kazan contre la bande et le transmet à Aleksandr Trofimov, dont le tir est repoussé par la jambière de Podomatsky. La rondelle est alors dangereusement libre devant les filets offerts, et le plus prompt à régir est Vladimir Samylin, qui déplace intentionnellement la cage avant qu'advienne une catastrophe. L'arbitre n'a alors d'autre choix que d'accorder un tir de pénalité à l'équipe locale. C'est à l'ex-international Sergueï Zolotov qu'échoit la charge de transformer cette occasion inespérée de prolonger la série. Il s'élance, feinte parfaitement Podomatsky, a le but grand ouvert devant lui... et tire sur le poteau ! S'il est vrai que la chance sourit aux champions, alors le Lokomotiv fait un beau champion. Le public de Kazan, qui a encore en mémoire les séances de tirs au but favorables en demi-finale, croit qu'il aura quand même droit à un nouveau final de ce genre. Tsarev s'en est assuré en repoussant le palet lors d'une (dernière ?) tentative dangereuse de Sergueï Korolev. Mais, alors, qu'il ne reste qu'une minute et demie avant la sirène définitive, Martin Štrbak entre en zone offensive sur la droite, fait un une-deux avec Korolev qui fixe deux adversaires, et marque le but vainqueur avant que le défenseur Aleksandr Zavyalov et le gardien Andreï Tsarev aient eu le temps d'intervenir.

C'est donc un défenseur slovaque qui offre le titre au Lokomotiv Yaroslavl. Tout un symbole pour ce championnat qui marquera l'histoire du hockey russe. Pour la première fois, un technicien étranger s'est imposé. En arrivant l'été dernier, Vladimir Vujtek faisait figure de pionnier et suscitait la méfiance et l'indifférence du monde du hockey russe. Aujourd'hui, il est incontournable, que ce soit parce qu'il est devenu une idole à Yaroslavl ou parce qu'il a frustré et agacé bon nombre d'adversaires, d'observateurs et de simples amateurs. Cette réussite éclatante d'un entraîneur tchèque a en effet porté un rude coup au patriotisme russe. Mais elle a aussi attiré les regards européens sur le championnat russe, et suscité des convoitises. Pendant la finale, tout Yaroslavl ne parlait que de ça : alors que son compatriote Jan Peterek venait de prolonger son contrat avec le Lokomotiv, Vujtek avait reçu une offre mirobolante de la fédération slovaque. Désireuse d'oublier l'échec des JO de Salt Lake City, celle-ci veut en effet préparer dès maintenant la prochaine olympiade en confiant une mission de quatre ans à l'entraîneur tchèque.

Avant que ne reviennent sur la table ces questions d'avenir, place pour l'heure aux festivités. Après avoir été fêté par ses joueurs, Vujtek a du mal à retenir ses larmes. Les officiels de la fédération remettent le trophée au capitaine Krasotkin. Un temps remplie de la version locale du champagne, la coupe accueille ensuite la bière Arena, la propre production de la patinoire de Yaroslavl - deuxième ville de Russie derrière Saint-Pétersbourg pour ce qui est des volumes de bière produits. Après quelques photos dans des maillots à l'envers (avec leurs noms sur le devant), les joueurs de Yaroslavl regagnent finalement leur avion privé en chantant... Ils ont un entraînement prévu le lendemain ! Mais à leur arrivée, c'est surtout une ville en liesse, où toutes les activités se sont arrêtées pendant la finale, qui les accueille après une nuit de fête et de feux d'artifice.

 

Commentaires d'après-match :

Youri Moïseïev (entraîneur de Kazan) : "Pour les raisons que connaissez désormais, et sur lesquelles je ne m'exprimerai pas, nous avons été privés de Tchupin et Kudermetov avant même le premier match à Yaroslavl, ce à quoi l'équipe ne s'attendait pas. Elle a paru groggy, et il est dur de rivaliser avec Yaroslavl dans une telle ambiance. Mais nous n'avons jamais rendu les armes, et la ville de Kazan a de quoi être fière de ce club. C'est une finale logique, qui a opposé le premier et le deuxième de la saison régulière, et ceux qui pensent qu'Omsk ou Magnitogorsk y avaient plus leur place que nous ne font que parler au conditionnel, ce sont des discussions purement abstraites."

Vladimír Vujtek (entraîneur de Yaroslavl) : "Ce fut une finale de valeur. A Yaroslavl, nous avons mieux joué qu'ici. Aujourd'hui, après avoir regroupé leurs forces dans le vestiaire, ils ont largement dominé pendant douze et treize minutes et ont fini par égaliser. Cependant, ils ont manqué ce penalty en prolongation et nous avons marqué. Je n'avais jamais réussi à être champion en République Tchèque, j'avais atteint trois fois la finale avec Vsetín et le Sparta, mais à chaque fois l'adversaire était supérieur, et je commençais à désespérer et à croire que je n'obtiendrais jamais un titre. Je ne sais pas s'il y en aura d'autres, peut-être qu'il est temps pour moi de tirer le rideau sur ma carrière, je ne sais pas encore."

 

Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl 1-2 après prolongation (0-1, 0-0, 1-0, 0-1)

Vendredi 5 avril 2002 aux Palais des Sports de Kazan. 3845 spectateurs (guichets fermés).

Arbitre : M. Kadyrov.

Tirs : Kazan 26 (4, 8, 10, 4), Yaroslavl 21 (5, 9, 5, 2).

Occasions de but : Kazan 16, Yaroslavl 11.

Pénalités : Kazan 0' (0', 0', 0', 0'), Yaroslavl 2' (0', 2', 0', 0').

Évolution du score :

0-1 à 10'40" : Zhukov assisté d'Antipov.

1-1 à 47'30" : Tsyplakov assisté de Yerofeïev et Benda.

1-2 à 68'26" : Štrbak.

 

Ak Bars Kazan :

Gardien : Tsarev (6,5).

Défenseurs : Yerofeïev (6,5) - Prochkin (6,5) ; Bykov (6) - Zdan (6) ; Balmin (6) - Zavyalov (6) ; Knyazev (6) - Varlamov (6).

Attaquants : Kvartalnov (6,5) - Benda (6,5) - Tsyplakov (6,5) ; Trofimov (6,5) - Nikitenko (4,5) - Sarmatin (6,5) ; Tertychny (5,5) - Fedorov (6) - Zolotov (6) ; Zaïnullin (6) - Garifullin (6) - Dobrychkin (6).

Lokomotiv Yaroslavl :

Gardien : Podomatsky (7).

Défenseurs : Štrbak (7) - Krasotkin (6,5) ; Zhukov (6,5) - Amelin (6,5) ; Guskov (6) - Vassiliev (6) ; Kuznetsov (5,5) - Soboliev (5,5).

Attaquants : Kovalenko (6,5) - Chakhraïtchuk (6,5) - Butsaïev (6,5) ; Antipov (6) - Samylin (6,5) - Vlasenkov (6,5) ; Tkatchenko (6,5) - Korolev (6) - Peterek (6,5) ; Suglobov (6) - Skugarev (5,5) - Vorobiev (6).

Les notes (sur 10) sont celles attribuées par le quotidien russe Sport-Express.

 

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