Suède - Canada (7 septembre 1996)

 

Demi-finale de la Coupe du monde 1996.

Loin de ses bases, cette demi-finale a tout d'un piège pour le Canada. Il doit jouer ce match à Philadelphie, où le public lui est hostile et où les nouvelles de la Coupe du monde ne font que de minuscules articles qu'il faut aller chercher à la loupe au fond des pages sportives. En plus, le risque est grand de sous-estimer ces Suédois. Leur défense est privée pour ce tournoi de Marcus Ragnarsson et des très rugueux Samuelsson, les terreurs de NHL Kjell et Ulf, qui ont tous deux décliné la sélection pour des raisons personnelles (Ulf est auprès de sa femme enceinte) bien qu'ils n'aient aucun lien de parenté. Annoncés surclassés d'avance physiquement, les Scandinaves sont également bien trop lents dans leurs sorties de zone selon les experts canadiens. Ils attendent un peu trop longtemps derrière leurs cages et peuvent s'attendre à voir les fore-checkers adverses se ruer sur eux.

Alors, les Canadiens auraient-ils déjà l'esprit à la finale ? Pas encore, car ils ont une raison d'être très motivés par ce match. Ce sont les déclarations de l'entraîneur suédois Kent Forsberg au sujet de la victoire canadienne "volée" contre la Russie et de l'arbitrage partial dans les rencontres jouées en Amérique du nord. Le coach et manager canadien Glen Sather était particulièrement énervé d'entendre ça et n'a pas ménagé son collègue en retour, répliquant que ce serait mieux si Forsberg était capable de faire une observation intelligente et de comprendre les règles du hockey.

La Suède prouve sa valeur dès la première période en dominant les Canadiens par quatorze tirs à cinq (et un lancer de la bleue de Scott Niedermayer sur le poteau). Mais elle découvre face à elle un Curtis Joseph de plus en plus en confiance qui enchaîne les arrêts de grande qualité, dont huit pendant une seule pénalité de Graves pour coup de coude. Et c'est Eric Lindros, dont tout un pays attend le premier but, qui répond présent au rendez-vous. Il se débarrasse de Mattias Norström d'un coup d'épaule dans le coin pour libérer le palet pour Joe Sakic qui centre vers Brendan Shanahan. Tout le monde s'attend à une reprise de celui-ci, mais il décale Lindros, au départ et à l'arrivée de l'action, pour un but d'école. Tommy Salo, titulaire un peu inattendu puisque Söderström a joué les deux dernières rencontres, ne peut rien.

C'est encore une mise en échec de Lindros sur Norström qui est à l'origine du deuxième but canadien en permettant à Scott Niedermayer de se lancer dans un rush spectaculaire comme il a malheureusement trop peu l'occasion d'en faire dans le système défensif de New Jersey. Il bat en un contre un son alter ego Nicklas Lidström et lève le palet au-dessus de Salo.

Avec deux buts d'avance et un CuJo chaud comme la braise, la qualification canadienne paraît acquise. Mais c'est quand on s'y attend le moins que le gardien d'Edmonton laisse passer un tir pourtant assez négociable de Tommy Albelin. Les Suédois sont dans le rythme, et ce match, vraiment, peut basculer à tout moment d'une cage à l'autre. C'est le cas une première fois à sept minutes de la fin quand, après avoir repoussé un premier tir de Gretzky, Tommy Salo met sa crosse en opposition sur sa ligne pour arrêter le rebond de Vincent Damphousse. Dans les secondes qui suivent, ce sont les Suédois qui partent à trois contre deux. Curtis Joseph laisse le rebond sur un revers de Sundin, et Mikael Nylander, en deux temps, finit par égaliser.

Les Suédois, plus jeunes, semblent avoir les jambes plus fraîches en prolongation, emmenés par un Mats Sundin qui ne lâche rien dans les duels. Joseph est à nouveau décisif après seize minutes sur une parade exceptionnelle devant Niklas Sundström. Plus le temps avance et plus le Canada semble prendre le contrôle de cette partie qui s'éternise. Cependant, les occasions scandinaves sont les plus franches, mais il s'en faut de quelques centimètres, comme sur ce tir de Daniel Alfredsson de peu à côté, et surtout celui de Johan Gärpenlöv qui heurte la barre transversale, le second poteau suédcois après celui de Sundin - le meilleur joueur du tournoi jusqu'ici - en deuxième période. C'est le tournant du match. Dans cette dernière minute de la prolongation, les vétérans canadiens avaient paru avoir de plus en plus de mal à sortir de leur zone face aux jeunes jambes scandinaves, mais le vieux Paul Coffey, 35 ans, se lance dans une de ces montées de palet qui ont fait sa renommée. Il laisse le palet à Theoren Fleury, qui inscrit le but vainqueur dans le trafic alors que Salo est perturbé par Brind'Amour et Shanahan qui viennent s'écraser sur sa cage.

Étoiles du match : *** Theoren Fleury (CAN), ** Curtis Joseph (CAN), * Tommy Salo (SUE).

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Kent Forsberg (entraîneur de la Suède) : "Curtis Joseph a été incroyable dans le but canadien, mais très franchement, je n'ai jamais vu une meilleure performance de gardien que celle de Tommy Salo aujourd'hui. La meilleure équipe est toujours censée gagner, mais c'était vraiment serré aujourd'hui. Je suis fier d'être membre de cette équipe."

Peter Popovic (défenseur de la Suède) : "Nous étions aussi menés 2-0 contre la Finlande. Notre équipe a du caractère, et elle l'a prouvé. Nous n'avons simplement pas eu de chance. J'entends encore le 'ping' quand le tir de Garpenlöv a heurté la transversale. Et le pire, c'est que maintenant c'est fini, et que nous devons aller au camp d'entraînement NHL et commencer à jouer des matches exhibition. On dirait que la saison est finie et en fait elle n'a même pas commencé."

Johan Garpenlöv (attaquant de la Suède) : "C'est une défaite amère. Je pense que nous étions la meilleure équipe pendant les prolongations. Nous avons eu beaucoup d'occasions de gagner. J'entends encore le son de mon lancer sur la barre. C'est le hockey. C'est un jeu de centimètres et je n'ai pas eu de chance sur ce tir. Si j'avais marqué, nous serions en finale. Cela hante mon esprit."

Wayne Gretzky (attaquant du Canada) : "Non seulement ce palet a heurté la transversale, mais il a atterri sur la bonne crosse. S'il y a jamais eu un meilleur patineur que Coff dans le hockey, je ne l'ai jamais vu. Nous avons été un peu chanceux là-dessus, mais c'est le jeu. J'aimerais que les gens puissent voir comment c'est dans les vestiaires après le temps réglementaire ou après la première période de prolongation. C'est très calme, très relax et très efficace. Personne ne parle vraiment, mais quand il est l'heure d'y aller, tout le monde dit que nous allons sortir et gagner. Nous avons été beaucoup critiqués, parfois de manière méritée, parfois pas. Mais nous sommes la première équipe en finale."

Curtis Joseph (gardien du Canada) : "Quelle est la date d'aujourd'hui ? [Rire] C'est bien tôt dans la saison pour jouer des rencontres de cette dimension. C'était comme une partie d'échecs. Mais nous étions de plus en plus forts au fur et à mesure que le match avançait. [...] Si Mike Keenan avait été le sélectionneur canadien comme lors des deux dernières éditions de la Coupe Canada, je n'aurais pas été invité. Il m'a assassiné moralement. Même quand j'étais à Las Vegas en IHL avant de signer avec les Oilers, il y avait des gens qui venaient vers moi et me disaient qu'ils venaient de voir Keenan dire du mal de moi à la télé. Il le faisait à chaque fois qu'il en avait l'occasion. J'ai passé de grandes années à St. Louis avant qu'il y arrive. Il pensait que j'étais un incapable. Il a même dit que je n'avais pas de condition physique. Avant Keenan, la presse se demandait comment je faisais pour m'améliorer en play-offs et ne pas me cramer à jouer soixante rencontres à quarante tirs par match. [À propos de son masque aux couleurs canadiennes, alors que les autres gardiens Brodeur et Ranford portent leur masque habituel de NHL] Je devais me faire un nouveau masque cette année puisque les couleurs d'Edmonton passent de l'orange au cuivré. À Itech, ils m'ont dit qu'ils m'en feraient un pour le Canada aussi. À dire vrai, j'ai vraiment aimé cette idée car je me disais que ça ferait un beau souvenir pour mon bar ou ma salle des trophées. Je pense qu'à la fin du tournoi je le ferai signer par tous les gars."

 

Suède - Canada 2-3 après prolongation (0-1, 0-1, 2-0, 0-0, 0-1)
Samedi 7 septembre 1996 à 20h00 au CoreStates Center de Philadelphie (USA). 17227 spectateurs.
Arbitrage de Mark Faucette (USA) assisté de Ray Scapinello (CAN) et Dan Schachte (USA).
Pénalités : Suède 10' (4', 0', 4', 0', 2'), Canada 10' (2', 2', 4', 0', 2').
Tirs cadrés : Suède 43 (14, 12, 7, 7, 3), Canada 43 (5, 9, 9, 8, 12).

Évolution du score :
0-1 à 17'59" : Lindros assisté de Shanahan et Sakic
0-2 à 34'38" : Niedermayer
1-2 à 45'47" : Albelin assisté de C. Johansson et Sundström
2-2 à 53'33" : Nylander assisté de Sundin et C. Johansson
2-3 à 99'47" : Fleury assisté de Coffey

 

Suède

Attaquants :
11 Daniel Alfredsson (+1) - 21 Peter Forsberg (A, +1, 2') - 29 Johan Garpenlöv
13 Mats Sundin - 24 Niklas Sundström (-2) - 34 Mikael Andersson (-1)
5 Patrik Juhlin (-1, 2') - 92 Mikael Nylander - 22 Ulf Dahlén (-1)
38 Andreas Johansson - 10 Fredrik Nilsson - 18 Jonas Bergqvist

Défenseurs :
14 Mattias Norström (-2) - 4 Nicklas Lidström (A, -2)
6 Calle Johansson (C, +2, 4') - 36 Peter Popovic (-1)
27 Leif Rohlin (2') - 3 Tommy Albelin (+1)

Gardien :
35 Tommy Salo

Remplaçant : 30 Tommy Söderström (G). En réserve : 1 Johan Hedberg (G), 31 Roger Johansson, 29 Kenny Jönsson (D), 32 Niklas Andersson, 25 Markus Näslund, 17 Tomas Holmström (A).

Canada

Attaquants :
25 Vincent Damphousse (-2) - 99 Wayne Gretzky (C, -2) - 16 Trevor Linden (-2)
94 Brendan Shanahan (+2) - 20 Joe Sakic (+1) - 88 Eric Lindros (+2)
17 Rod Brind'Amour (+2) - 19 Steve Yzerman (A, +1) - 14 Theoren Fleury (+1, 2')
9 Adam Graves (2') - 11 Mark Messier (A) - 22 Claude Lemieux (2')

Défenseurs :
27 Scott Niedermayer (+1) - 44 Rob Blake (+2)
4 Scott Stevens (-1) - 37 Éric Desjardins (-2, 2')
77 Paul Coffey (+1) - 52 Adam Foote (+1, 2')

Gardien :
31 Curtis Joseph

Remplaçant : 1 Martin Brodeur (G). En réserve : 1 Johan Hedberg (G), 3 Sylvain Coté, 5 Ed Jovanovski, 24 Lyle Odelein (D), 16 Pat Verbeek, 55 Keith Primeau (A).

 

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