Autriche - France (2 mai 1996)

 

Championnats du monde 1996, barrage de relégation, match 2.

En enfer sans fanfare

Critiqué pour avoir tenu son équipe trop recroquevillée en défense au premier match, le sélectionneur autrichien Ken Tyler a promis un jeu plus agressif ce soir. Si l'Autriche doit descendre, ce ne sera pas sans avoir tout tenté. Par exemple les débordements sur l'aile droite, pour profiter de la lenteur du grand défenseur Jean-Philippe Lemoine. Après sept minutes de jeu, il fauche ainsi la jambe de Lanzinger en entrée de zone. Les Autrichiens n'ont pas marqué une seule fois en supériorité dans ce championnat, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire : petite passe en retrait de Puschnik parfaitement reprise dans la lucarne opposée par Mario Schaden (1-0, 08'18"). Le capitaine autrichien, l'exemplaire guerrier Manfred Mühr, dribble ensuite Lemoine et marque sous l'aisselle de Michel Vallière (2-0, 09'53"). On ne joue même pas depuis dix minutes, et Tamminen est déjà obligé de demander son temps mort. L'effet n'est pas immédiat : une interception manquée de Poudrier à la bleue, et Nienhuis à deux contre un peut prendre un tir bien capté par Vallière.

La France repart de l'avant à la chasse au rebond et Konrad Dorn charge Bozon avec la crosse. En jeu de puissance, on attend surtout la puissance de lancer de Roger Dubé. C'est paradoxalement en ratant complètement son tir, écrasé, que "Boom-Boom" marque son cinquième but du tournoi. Le palet rasant trompe en effet le gardien Michael Puschacher masqué par Dunn (2-1, 15'53"). Le but met un temps interminable à valider ce but qui n'a pourtant été entaché d'aucune irrégularité. Ce n'est pas forcément le cas du suivant, car il semble qu'il y ait "deux lignes" sur la longue passe de Jean-Philippe Lemoine pour Philippe Bozon (2-2, 15'53"). Le jeu reste très ouvert, et après une explication Breistroff/Nienhuis, il y a encore plus d'espaces. Steven Woodburn accroche alors Gerhard Puschnik à la bleue et la France finit le tiers à trois contre quatre. Mais maintenant, Lemoine fait savoir qu'on ne passe plus.

Si le placement français est parfois perfectible, le gardien Michel Vallière est présent avec un poke-check face à Thomas Cijan et en s'avançant pour un arrêt décisif devant Engelbert Linder. Cette action vaut tout de même une prison à Poudrier, mais elle est sans conséquence. C'est au contraire la France qui marque sur une pénalité différée, grâce à deux joueurs formés à la même époque à Megève : passe de derrière la cage de Philippe Bozon et tir rasant au poteau opposé de Serge Djelloul (2-3, 30'49"). Antoine Richer profite d'un changement de lignes pour servir François Rozenthal en sortie de zone. La révélation française du tournoi part du centre de la glace et se présente seul devant Puschacher, qu'il bat côté plaque sur son revers (2-4, 32'52"). Il se confirme que les Autrichiens sont friables mentalement quand ils sont menés. Ils ont du mal à garder leur contenance, tandis que la France travaille avec beaucoup d'abnégation défensivement. Elle est récompensée par un cinquième but, un tir en entrée de zone de Pat Dunn (2-5, 38'06"). Ce but n'est vraiment pas à la gloire de Puschacher, qui termine mal son tournoi et qui cède sa place à Reinhard Divis pour le dernier tiers.

Le match semble endormi, mais Arthur Marczell, oublié seul près du but, reprend la passe de Gerald Ressmann et réveille tout le monde (3-5, 46'55"). Les supporters autrichiens, comme sortis d'une longue hibernation, entonne des chants repris en chœur. Tout paraît relancé, surtout que François Rozenthal accroche Rob Doyle. L'Autriche est en supériorité, mais Mühr perd le palet à sa ligne bleue face à deux Français. Les défenseurs Ulrich et Doyle s'emmêlent les pinceaux en voulant intercepter tous les deux la même passe de Bozon, et Christian Pouget reçoit le palet seul face à la cage (3-6, 50'33"). Le silence est retombé sur Vienne, et seule la sono peut encore l'interrompre... en diffusant Highway to Hell !

Est-ce vraiment l'enfer qui attend le hockey autrichien ? Le public viennois, qui applaudit et chante malgré tout dans les dernières minutes, ne semble pas prendre au drame cette relégation à domicile. La Suisse a pourtant appris à ses dépens que le groupe B mondial est à éviter aujourd'hui avec l'arrivée des nations indépendantes issues de l'ex-URSS, mais on évoque la mise en place d'un système de qualification qui pourrait redonner sa chance à l'Autriche. Elle n'est pas condamnée, et les 21 ans de Dieter Kalt rappellent qu'elle a de l'avenir.

Peut-être lui a-t-il manqué un peu plus de soutien public pour ressentir la nécessité impérieuse du maintien. Ce match ne s'est pas joué dans une patinoire pleine, et les tarifs exorbitants pratiqués pour ces barrages de relégation se sont retournés contre les organisateurs. On a l'impression que les Autrichiens ne se sont pas emplis d'un sentiment d'urgence suffisant pour défendre leur place en groupe A, ce que la France a fait une fois de plus dans un match-couperet. Les Bleus ont dominé dans l'impact physique et dans l'envie une équipe locale un peu réservée. Ils ont gagné sur le même score d'hier, mais sans buts en cage vide et sans être vraiment contestés.

Désignés joueurs du match : Manfred Mühr pour l'Autriche et Philippe Bozon pour la France.

Trois meilleurs Autrichiens du tournoi selon leur entraîneur : Dieter Kalt, Manfred Mühr et Michael Puschacher.

Trois meilleurs Français du tournoi selon leur entraîneur : Michel Vallière, Jean-Philippe Lemoine et Philippe Bozon.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match (dans L'Équipe et L'Équipe Magazine)

Juhani Tamminen (entraîneur de la France) : "J'ai pris quatre ans lors des quatre dernières semaines. C'était une grosse performance, on ne fait qu'un seul mauvais match contre les Tchèques. C'est humain... Les joueurs viennent d'un championnat de France de niveau B mondial. Je n'ai eu mon effectif au complet que pendant les quatorze derniers jours, alors que Lefley, le coach italien, l'a eu pendant quarante. C'est une énorme différence et on ne perd que 6-5 contre eux. L'an prochain, il me faut absolument trois semaines et demie : une demie pour le repos, une pour le physique, une pour la tactique et une pour la finition. L'armature de mon équipe reposait sur celle de Rouen. Après avoir perdu leur leadership national contre Brest, les joueurs n'étaient mentalement et physiquement pas aussi bien que l'an passé. En plus, ils n'étaient pas tranquilles sur leur futur et beaucoup plus éparpillés."

Philippe Bozon (attaquant de la France) : "L'an passé, le système de Tamminen avait débridé tout le monde, les mecs prenaient vraiment du plaisir, c'était l'euphorie. Alors que cette année, c'est simple, dès la préparation, je savais qu'on allait faire un résultat catastrophique. C'était évident... Tout le monde est arrivé en traînant les pieds, chacun avec ses petits problèmes personnels, pas concerné. Ce qui m'a le plus déçu, c'est qu'on ne prenait pas conscience qu'on se dirigeait droit vers le groupe B. Après le premier tiers, j'ai pété les plombs. Il fallait que ça sorte. Je suis quelqu'un qui ne parle pas énormément mais quand c'est accumulé... On savait qu'on leur était supérieur si on jouait. Je leur ai dit : 'Vous voulez qu'on fasse un troisième match en Autriche ? Mais, les gars, on descendra. Si vous voulez aller en Pologne l'an prochain, c'est bien...' Certains n'en avaient rien à foutre. La grande erreur de Tamminen a été d'accepter les caprices de tout le monde. Mais je pense que lui-même en a eu conscience et a été déçu."

 

Autriche - France 3-6 (2-2, 0-3, 1-1)
Jeudi 2 mai 1996 à 19h00 à la Wiener Stadthalle. 4400 spectateurs.
Arbitrage d'Anton Danko (SVK) assisté de Grzegorz Dzieciolowski (POL) et Aleksandr Poliakov (RUS).
Pénalités : Autriche 6' (6', 0', 0'), France 10' (6', 2', 2').
Tirs cadrés : Autriche 31 (13, 7, 11), France 28 (14, 8, 6).
Tirs bloqués : Autriche 7 (1, 3, 3), France 1 (0, 1, 0).
Tirs non cadrés : Autriche 6 (1, 2, 3), France 14 (7, 3, 4).
Engagements : Autriche 41 (14, 11, 16), France 28 (10, 10, 8).

Évolution du score :
1-0 à 08'18" : Schaden assisté de Puschnik (sup. num.)
2-0 à 09'53" : Muhr assisté de Hohenberger
2-1 à 15'53" : Dubé assisté de Briand (sup. num.)
2-2 à 16'31" : Bozon
2-3 à 30'49" : Djelloul assisté de Bozon
2-4 à 32'52" : Rozenthal assisté de Richer
2-5 à 38'06" : Dunn
3-5 à 46'55" : Marczell assisté de Ressmann et Linder
3-6 à 50'33" : Pouget (inf. num.)
 

Autriche

Attaquants :
17 Günther Lanzinger (-2) - 13 Manfred Mühr (C, -2) - 74 Dieter Kalt (-3)
11 Gerald Ressmann - 21 Mario Schaden - 12 Gerhard Puschnik (-1, 2')
26 Werner Kerth (-1) - 29 Kraig Nienhuis (-1) - 42 Thomas Cijan (-1)
[poste tournant] - 18 Arthur Marczell (+1) - 5 Karl Heinzle (+1)

Défenseurs :
24 Mike Shea (2') - 30 Herbert Hohenberger (A, -1)
47 Martin Ulrich (A, -2) - 6 Robin Doyle (-2)
4 Martin Krainz (-2) - 14 Engelbert Linder (+1)
8 Konrad Dorn (2')

Gardien :
23 Michael Puschacher puis 25 Reinhard Divis à 40'00"

Remplaçant : Peter Kasper (D). Absent : Rick Nasheim (blessé).

France

Attaquants :
26 Christian Pouget (A, +2) - 10 Pierre Pousse (+2) - 12 Philippe Bozon (+3)
32 Patrick Dunn (+1) - 19 Robert Ouellet - 28 Roger Dubé
9 Maurice Rozenthal - 7 Stéphane Barin - 8 Arnaud Briand
14 François Rozenthal (2') - 25 Antoine Richer (C) - [poste tournant]

Défenseurs :
16 Jean-Philippe Lemoine (+1, 2') - 27 Serge Poudrier (+4, 2')
5 Steven Woodburn (2') - 24 Denis Perez (A, -1)
17 Michel Breistroff (+1, 2') - 4 Serge Djelloul (+1)
11 Taras Zytynsky - [Poudrier]

Gardien :
31 Michel Vallière

Remplaçant : 30 Antoine Mindjimba (G). Absents : 29 Petri Ylönen (G), 21 Christophe Ville (entorse acromio-claviculaire), 20 Franck Pajonkowski (muscle abdominal déchiré).

 

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