Dukla Jihlava - Rouen (9 novembre 1991)

 

Demi-finale de Coupe d'Europe, poule F, deuxième journée.

Ce groupe est curieusement organisé dans la petite ville slovaque de Pieštany parce que... c'est le lieu de naissance du président de la fédération tchécoslovaque Pavol Ucen. Le fait de ne pouvoir jouer vraiment à domicile n'a vraiment pas réussi au Dukla Jihlava club militaire qui a maintenant le drapeau en berne.

Après leur défaite face aux Norvégiens le premier jour, les champions de Tchécoslovaquie sont en effet au pied du mur et n'ont plus guère de certitudes. Les déclarations de leur entraîneur Jaroslav Holik ("Contre Rouen, on va jouer comme on peut, je pense qu'ils seront fatigués") laissent quand même percevoir les doutes qui se sont emparés d'eux après une journée de vendredi qui a renversé la hiérarchie européenne, une hiérarchie pourtant remise au point par le 9-0 infligé aujourd'hui par Djurgården à Vålerenga.

On pourrait craindre le même genre de réponse des Tchèques compte tenu de leurs qualités techniques. Sur l'engagement, Benoît Laporte se prend déjà un petit pont, et Petri Ylönen doit faire son premier arrêt après quinze secondes de jeu. Et pourtant, cette première minute va sourire à Rouen. Après être parti de derrière son but, Steven Woodburn bénéficie d'un contre heureux en zone neutre et s'appuie sur le relais de Pajonkowski pour marquer seul face à Oldrich Svoboda (0-1, 00'54"). Les Dragons sont parfaitement dans le match à l'image de cette magistrale mise en échec de Pierrick Maïa. Et quarante secondes plus tard, Denis Perez gagne un palet dans le coin et sert Maïa dans l'enclave pour le 0-2 (04'35"). Deux buts en deux occasions, mais la troisième n'est pas conclue par Laiho une minute plus tard après un bon travail de Laporte et Vittenberg.

C'est après dix minutes de jeu que les affaires se corsent. Sauvés par Stéphane Ducable sur une belle occasion tchèque, les Rouennais concèdent leur première pénalité sur une crosse haute de Perez. À quatre contre cinq, Steven Woodburn recule trop, et Tomás Krásný profite de ce mauvais positionnement pour aller tromper Ylönen du revers (1-2, 12'20"). Mais Rouen n'en reste pas là. Après un bon dribble en zone neutre, Thierry Chaix décale à sa hauteur Paj', lancé, qui double le défenseur et marque à mi-hauteur (1-3, 16'33"). Un revers de Laiho et une occasion de Saunier en solitaire s'ajoutent encore à ce premier tiers-temps exceptionnel des Dragons.

Pourront-ils continuer à ce niveau ? On sent un petit flottement au début du deuxième tiers-temps. Pourtant, Andreï Vittenberg aggrave encore la marque au rebond d'un lancer de Jean-Philippe Lemoine (1-4, 23'06"). Tout va pour le mieux pour les Rouennais : leurs sorties de zone sont propres, le coup de patin du capitaine Chaix lui offre quelques bons contres, et Laporte est présent défensivement quand les Tchèques se montrent menaçants. La petite alerte vient de Lemoine victime d'un grand pont de Tomás Krásný, qui échoue sur Ylönen. Et c'est effectivement le grand défenseur qui commet une erreur fatale, une passe latérale en zone défensive interceptée par Patrik Augusta qui la fructifie sur-le-champ (2-4, 34'40"). Krásný prend alors la première pénalité tchèque du match pour une charge dans le dos de Vittenberg. Malgré la supériorité, Steven Woodburn perd le palet dans sa zone et permet à Jirí Cihlár de réduire le score (3-4, 36'08"). On a très peur pour Rouen quand un lancer de Petr Kuchyna est dévié par Krásný sur le poteau gauche d'Ylönen (37'30"). Autant dire que le but de Franck Saunier, qui bénéficie d'un bon travail de fore-checking de Chaix et Pajonkowski pour placer le palet du revers à ras la glace, est un immense soulagement (3-5, 39'08"). Ce but concédé dans un angle assez fermé sera sans doute fatal au gardien Svoboda, remplacé pour le troisième tiers-temps par Marek Novotný.

Rouen n'est pas encore au bout de ses peines. Woodburn a été pénalisé juste avant la pause, et à peine est-il sorti de prison que Lemoine lui succède pour un retenir. Jihlava met une forte pression sur la cage et Augusta finit par marquer dans la confusion (4-5, 44'28"). Petri Ylönen proteste car il estime que le joueur était dans sa zone, et il est du coup sanctionné pour attitude anti-sportive. Cela fait deux minutes de plus en infériorité pour les Dragons, mais Ylönen se rattrape de sa faute avec un bon arrêt sur un lancer d'Augusta.

Les Normands se sont sortis au courage de ces moments difficiles. Il faut voir Denis Perez revenir pour empêcher un breakaway de Viktor Újcík, puis s'arracher une minute plus tard jusqu'à provoquer le retenir de Roman Cech. L'avantage numérique ne dure car "Pépé" est à son tour sévèrement pénalisé pour accrocher. C'est donc à quatre contre cinq que Petri Ylönen, sorti derrière son but, voit son dégagement contré par Cihlár qui marque en cage vide (5-5, 51'52"). Ylönen est furieux, et il écope cette fois d'une méconduite de dix minutes.

À sept minutes de la fin, après un bon travail de Maïa, Wittenberg se fait accrocher par Mejzlik. Cette pénalité n'empêche pas les Tchèques de répliquer à deux contre un, et peu après le retour à cinq, c'est Maïa qui est à son tour sanctionné pour faire trébucher. Sur l'infériorité, Benoît Laporte contre un palet à la ligne bleue défensive et prend un lancer depuis la zone neutre. Le tir est dévié par la crosse d'un défenseur, prend une trajectoire en cloche et retombe à la surprise générale derrière l'épaule de Novotny (5-6, 56'12"). C'était la touche de folie finale d'un match débridé et endiablé, où les erreurs auront été partagées au terme d'un suspense haletant.

 

Commentaires d'après-match

Larry Huras (entraîneur de Rouen) : "Les matches de ce niveau ne se gagnent pas sur ce que l'on fait mais sur ce qu'on ne laisse pas. On se bat et on leur laisse trois buts."

Jaroslav Holik (entraîneur de Jihlava) : "Le niveau de jeu des Norvégiens et des Français est en hausse, c'est frappant. Ils sont meilleurs que nous homme à homme. Le hockey tchèque est en crise, tous les meilleurs sont partis. Tout le monde pense au Canada où certains ont déjà été draftés. L'esprit d'équipe manque."

 

Dukla Jihlava - Rouen HC 5-6 (1-3, 2-2, 2-1)

Samedi 9 novembre 1991 à Piestany, Tchécoslovaquie. 407 spectateurs.

Arbitrage de Tor Olav Johnsen (NOR) assisté de B. Stadler et Wolfgang Pfahler (ALL).

Pénalités : Jihlava 6' (0', 2', 4'), Rouen 22' (2', 2', 8'+10').

Évolution du score :

0-1 à 00'54" : Woodburn assisté de Pajonkowski

0-2 à 04'35" : Maïa assisté de Perez

1-2 à 12'20" : Krásný (sup. num.)

1-3 à 16'33" : Pajonkowski assisté de Chaix

1-4 à 23'06" : Vittenberg assisté de Lemoine

2-4 à 34'40" : Pat. Augusta

3-4 à 36'08" : Cihlar assisté de Kucharcík (inf. num.)

3-5 à 39'08" : Saunier assisté de Pajonkowski

4-5 à 44'28" : Pat. Augusta (sup. num.)

5-5 à 51'52" : Cihlar (sup. num.)

5-6 à 56'12" : Laporte

 

Jihlava

Gardiens : Oldrich Svoboda puis Marek Novotný à 40'00".

Défenseurs : Pavel Augusta - Petr Kuchyna (C) ; Jirí Kuntes - Roman Cech ; Michael Vyhlidal - Roman Kankovský.

Attaquants : Jirí Poukar - Petr Kankovský - Martin Procházka ; Tomas Chlubna - Viktor Ujcík - Toman Mejzlík ; Tomás Krásný - Patrik Augusta (A) - Marek Zadina ; Jirí Cihlár - Tomás Kucharcík - Radek Haut.

Remplaçants : Richard Adam, Martin Prokupek.

Rouen

Gardien : Petri Ylönen.

Défenseurs : Jean-Philippe Lemoine - Denis Perez (A) ; Stéphane Botteri - Steven Woodburn (A) ; Larry Huras.

Attaquants : Andrei Vittenberg - Benoît Laporte - Jarkko Laiho ; Franck Pajonkowski - Franck Saunier - Thierry Chaix (C) ; Patrice Fleutot - Pierrick Maïa - Stéphane Ducable.

Remplaçants : Philippe Ranger (G), Stéphane Lesiourd, Laurent Barray. Absents : Claude Verret (genou), Serge Poudrier (claquage aux adducteurs), Guy Fournier (fracture d'une côte).

 

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