Interview de Christopher Teixeira Leite

 

L'ancien joueur d'Amiens et d'Anglet est actuellement au milieu d'une suspension de deux ans pour avoir envoyé un palet sur un arbitre en demi-finale de la Coupe d'Espagne.

- Comment cette saison de championnat d'Espagne s'était-elle passée ?

Suite à la rétrogradation d'Anglet en division 3, la possibilité de participer au championnat espagnol a été une très bonne chose pour le club, tant au niveau sportif pour nous, car le championnat espagnol dispose de quelques équipes capables de disputer le haut de tableau en D1 française, qu'au niveau du développement de ce sport en Espagne et des échanges entre nos deux pays.

Il existe un engouement très intéressant autour du hockey, malheureusement, il souffre des mêmes difficultés qu'en France, un manque de médiatisation. Par contre, il y a une volonté forte de formation des jeunes.

Au niveau sportif, nous avons réalisé une très bonne saison dans le contexte que vivait le club à l'époque. Nous avons été battus par Puigcerdà en finale, une équipe qui nous était supérieure et qui nous a battus également en demi-finale de Coupe du Roi.

- La finale de championnat perdue de peu avait-elle laissé des regrets ?

Évidemment, on garde des regrets de cette défaite en finale puisque l'on était la seule équipe française et certainement l'équipe à battre du fait de notre statut. Puigcerdà a une équipe très compétitive avec quelques étrangers et de nombreux internationaux espagnols. Maintenant, l'aventure humaine a été très importante, avec un effectif très restreint, le retour de plusieurs anciens, on a vécu quelque chose de très fort cette saison-là, qui a permis au groupe d'être encore plus soudé.

- Ensuite il y a eu cette fatidique demi-finale de la Coupe du Roi. Comment le match s'était-il déroulé ? Qu'est-ce qui avait provoqué une telle tension ?

Il existait un esprit de revanche avant ce match puisqu'on venait de perdre la finale du championnat. On savait aussi que la finale de la Coupe du Roi était télévisée et c'était une motivation supplémentaire.

C'était un très bon match, très engagé mais restant dans un bon esprit, et avec un public espagnol qui a mis une ambiance exceptionnelle derrière son équipe. Malheureusement, on perd à nouveau, mais je pense qu'au final, avec la présence d'Anglet dans ce championnat, ce sont le hockey et son développement qui en sortent vainqueurs !

- Quelle est votre version des faits quant au geste qui a entraîné votre suspension ? Quels ont été les autres témoignages (joueurs, adversaires, arbitres) ?

C'est encore quelque chose de difficile à accepter, même un an après. Sur une phase de jeu en fin de match, je récupère un palet en zone neutre et je dégage dans la bande sans regarder. L'arbitre allemand invité pour cette finale reçoit le palet sur le genou. C'était assez impressionnant. Durant l'ensemble du match, la présence de quatre arbitres a rendu leur positionnement parfois difficile, ce que l'on peut comprendre pour un dispositif nouveau, et je ne m'aperçois absolument pas que Monsieur Oswald est sur la trajectoire. Suite à cette action, les autres officiels m'infligent une pénalité de match pendant que je prenais connaissance de l'état de l'arbitre.

C'est quelque chose de très difficile à accepter, surtout lorsqu'on doit l'expliquer à des jeunes de 6-8 ans qu'on entraîne chaque semaine.

J'ai reçu le soutien de mon club, de mon président Grégoire Delage et de l'ensemble des joueurs qui ont tous envoyé leurs témoignages à la FFHG. De nombreux coéquipiers d'Amiens en ont fait de même, plusieurs internationaux évoluant à l'étranger m'ont contacté. Le plus important reste l'état de santé de Monsieur Oswald avec qui je suis resté en contact par la suite et qui n'a pas été blessé par ce lancer.

- Connaissiez-vous cet arbitre allemand auparavant ? Comment le jugiez-vous ?

Sachant que j'effectuais une école d'ingénieur en génie civil en double cursus franco-espagnol, j'avais été contacté par la presse espagnole avant la rencontre pour donner mon avis sur l'arbitrage à 4 et la présence d'un arbitre étranger. J'avais pu expliquer que la présence de Monsieur Oswald pouvait être une motivation supplémentaire pour les arbitres espagnols.

- À quelle sanction vous attendiez-vous de la part de la Commission de Discipline ? Comment avez-vous réagi au verdict ?

Lorsqu'on a toujours défendu l'esprit sport, les valeurs du sport, le respect de l'adversaire et des officiels, c'est quelque chose difficile à accepter. J'ai toujours allié le sport et les études et pris mon sport comme un loisir. Je suis en capacité d'accepter une sanction légitime, mais le plus complexe c'est d'expliquer aux autres, aux plus jeunes de l'école de glace ou à sa famille, cette suspension. Je ne m'attendais absolument pas à une suspension aussi lourde. Lorsqu'on voit d'autres sportifs dans des domaines bien plus médiatisés être suspendus 4 matchs ou 6 mois, on a l'impression d'être un criminel, et pourtant, je suis le premier partisan de la loi réformant le rôle des arbitres dans le sport, c'est une excellente chose.

J'ai évidemment fait appel de cette suspension, avec l'aide de mon club et d'un avocat. Je me suis présenté à la commission alors que j'étais en stage d'études à l'étranger. C'est une situation très complexe. J'ai été clair avec la commission en expliquant que mon geste était totalement involontaire avec vidéo à l'appui, avec les témoignages de mes partenaires, de certains adversaires, mais en vain...

J'ai proposé aux membres de la commission de m'infliger une suspension pédagogique exemplaire de 10 ans avec sursis, mais il semblerait qu'ils n'aient pas adhéré au regard du résultat.

- Dans quelle mesure cette sanction a-t-elle bouleversé vos plans ? Comment occupez-vous ces deux années sans glace ?

J'arrive à la fin de mon cursus d'ingénieur, ce qui m'aurait laissé le temps de me consacrer davantage au hockey. Malheureusement, il faudra attendre encore une saison et retrouver un niveau acceptable.

En attendant, j'ai joué la saison dernière au roller hockey avec les Écureuils d'Amiens où j'ai pris beaucoup de plaisir dans un club qui a une volonté de se développer grâce à son président et de nombreux bénévoles. J'ai aussi chaussé des crampons dans un club de district en Picardie, sans rencontrer de problèmes disciplinaires, incroyable pour un joueur dit dangereux !

Sans dévaloriser le roller-hockey, où je continuerai à évoluer, ne serait-ce que par loyauté envers les personnes qui m'ont sollicité à Amiens et même à l'Artzak d'Anglet, Il est évident que j'espère retrouver la glace rapidement. Cependant, je doute pouvoir le faire dés cette saison malgré mes démarches auprès de la FFHG, du syndicat des joueurs et du Secrétaire d'Etat aux sports.

- Avez-vous reçu des témoignages de sympathie depuis votre suspension ?

Oui, énormément ! D'Anglet évidemment, que ce soit le club qui a réellement été présent pour moi et qui s'est engagé financièrement aussi pour prendre un avocat, les supporters, mes coéquipiers, les jeunes que j'encadre et leurs parents qui n'ont laissé de me donner leur confiance. Plusieurs entraîneurs et ex-entraîneurs m'ont contacté et d'anciens coéquipiers. J'en profite évidemment pour les remercier !

- Quelle aide votre frère juriste vous fournit-il pour vous défendre ?

Spécialiste en droit du sport, Anthony a su m'orienter vers Maître Domat, avocat du sport. Malheureusement, suite au maintien de la suspension en appel, il ne reste qu'à saisir le tribunal administratif, mais ce sont des procédures très longues et très chères, voire trop pour un étudiant. Alors, avec la motivation et le soutien de sa famille, on utilise d'autres moyens pour tenter de faire bouger les choses et montrer que face à une commission fédérale on ne peut rien faire, même avec la loi de son côté et même avec le principe de droit selon lequel "celui qui accuse doit amener la preuve" !

- Avez-vous l'intention de rechausser les patins à la rentrée 2010 quand votre suspension sera échue ?

J'ai toujours privilégié mes études aux sports et ça m'a toujours plutôt bien réussi, mais si ma vie professionnelle me permet de rechausser les patins au plus vite, je ne vais pas hésiter si une occasion se présente. Par ailleurs, le roller me permet d'évoluer à un niveau de compétition intéressant et dans une salle comble à chaque match au Coliséum. Même si je ne serai pas sur la glace la saison prochaine, je garde des objectifs avec mon club au roller : mettre fin à la suprématie de Rethel en remportant le championnat - et nous en avons les moyens - et être sélectionné en équipe de France.

- Avez-vous déjà idée d'où vous jouerez, et gardez-vous des contacts dans le hockey ?

Oui, je garde des contacts réguliers avec plusieurs clubs. L'accueil que m'a réservé l'Hormadi à mon arrivée là-bas a été exceptionnel et le club se restructure petit à petit avec l'accession en Division 2. Je reste aussi proche du club d'Amiens où j'ai toujours évolué et j'ai été récemment contacté par d'autres clubs, mais j'ai dû leur rappeler que j'étais suspendu...

Propos recueillis le 29 juillet 2009 par Marc Branchu / Photos de Francis Larrède

 

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