Interview de Håkan Grönlund

 

Le sympathique entraîneur suédois s'occupe de l'équipe nationale du Luxembourg ainsi que du Tornado, le club local qui évolue en division 3 française.

- Quel bilan tirez-vous de ce championnat du monde de division III ?

J'en retiens surtout la formidable ambiance. Un grand merci aux spectateurs, ils nous ont beaucoup aidé. Nous nous étions fixé deux objectifs. Le premier, la montée, n'a pas été atteint. Mais le second, rendre le hockey populaire au Luxembourg, a été atteint, avec une très grosse marge. 800 spectateurs dans un tel pays... Il faut souligner tout l'engagement mis par le comité d'organisation.

- Le coach sud-africain avait l'air surpris de voir Philippe Lepage titulaire dans le match capital contre son équipe...

Je n'avais tout simplement pas le choix. Michel Welter était blessé, comme il l'avait été l'an passé pour le dernier match décisif, joué par Lepage. La différence, c'est que cette année, nous savions qu'il avait cette élongation à la jambe avant la compétition. Nous n'aurions sans doute pas dû lui laisser jouer le premier match contre la Turquie (4-3 aux tirs au but). C'est une inflammation, et il avait besoin de repos, c'était la seule chose à faire. Nous avons ensuite ménagé Michel Welter pour le deuxième match contre la Corée du nord (1-2 avec Lepage dans les buts), et il a essayé de jouer le troisième, mais à l'échauffement on s'est rendu compte que ce serait impossible.

Nous n'avions jamais eu trois bons gardiens, c'est du luxe pour un petit pays comme celui-ci. Mais c'est utile, car c'est facile d'avoir un gardien blessé. Ils connaissent leurs positions, la hiérarchie est claire. Gilles Mangen, qui a 18 ans, comprend qu'il est n°3.

- Appréciez-vous l'ambiance d'un Mondial de division III et la découverte de pays si différents ?

Oui. Vous savez, c'est un sport familial, le meilleur au monde. Le hockey dirige le globe ! L'IIHF, c'est comme une grande famille. Nous nous rencontrons deux fois tous les deux ans pour des séminaires d'entraîneurs. Du groupe A à la division III, on participe à des groupes de travail. Et les niveaux sont panachés, on retrouve la Finlande ou la Suède avec le Luxembourg.

L'IIHF prend en charge beaucoup de coûts et soutient ces conférences. C'est grâce à cela qu'on peut rencontrer tant de pays. Regardez les Mongols qui n'ont presque pas de crosses. Ici, on est content de se retrouver, on parle et on échange avec tout le monde.

- Même la Corée du nord ?

C'est différent. Ils sont très droits, ils ont des règles strictes. Vous aurez remarqué les personnes en manteau noir, les "responsables de la sécurité", qui surveillent la délégation... À leur hôtel, les télévisions, les radios et les téléphones ont été enlevés des chambres avant que les joueurs nord-coréens puissent s'y installer. C'est malheureux mais c'est ainsi.

- Comment êtes-vous arrivé dans le hockey luxembourgeois ?

J'ai joué au hockey en Suède à un niveau amateur, sans être un très bon joueur. Je suis allé jusqu'en division 2. J'avais arrêté en 1989. Je suis arrivé au Luxembourg en 1992 pour mon travail, sans penser du tout au hockey, et j'ai commencé à jouer en 1994 au Tornado, avant d'en devenir progressivement l'entraîneur.

- Quel est le style du jeu du Luxembourg ?

Le Luxembourg a toujours été offensif, cela a toujours été notre problème. Or, en hockey, tout se joue à l'arrière. Une bonne défense fait une bonne équipe. Nous avons deux défenseurs, mais nous aurions besoin de nouveaux.

- Est-ce à dire que Rafael Springer ne sera plus dans l'équipe l'an prochain à 50 ans ?

Je pense que c'est son dernier championnat du monde. L'an prochain, il y aura plus de compétition dans l'équipe. Approximativement, il y a 40 joueurs au Luxembourg qui peuvent jouer les Mondiaux dans ce groupe. Chaque année, il y en a quelques-uns de blessés, quelques-uns qui arrêtent pendant la saison. Cela me laisse un choix limité.

- Y a-t-il une relève ? Est-il possible d'avoir une équipe nationale junior avec si peu de joueurs ?

L'IIHF nous l'a demandé, mais il est encore trop tôt. Il y a cinq ou six doubles-nationaux que nous allons intégrer. Ils auront leur passeport en juin ou en octobre, suivant le moment où ils auront un emploi. Ce sont des joueurs généralement nés ici, souvent originaires de pays nordiques, des Danois, Suédois ou Norvégiens. Mon propre fils en fait d'ailleurs partie. Il y aurait peut-être plus de problème à avoir des Canadiens et Américains car ils sont hors Union Européenne.

Nous avons de bons joueurs nés en 1990 et 1991. Une ligne entière d'entre eux nous rejoindra l'an prochain. Steven Minden, qui était déjà dans l'effectif pour ce Mondial, est le seul Luxembourgeois de cette ligne. Les autres sont des doubles nationaux.

Nous avons 300 licenciés environ, tous situés dans cet environnement autour de la patinoire de Kockelscheuer. Nous avons un bon contrôle sur ce que nous avons et ce que nous n'avons pas.

- Ce championnat du monde permettra-t-il de recruter plus de jeunes à la rentrée ?

Il y a eu une bonne publicité avec ce tournoi, la couverture dans les journaux et à la télévision. On verra en septembre, peut-être faudra-t-il un autre évènement. Parfois, Marian Gallo, mon excellent assistant-coach, fait du dépistage dans les séances publiques. Mais le meilleur moyen, ce serait d'avoir un autre club. Il est question que la patinoire de Beaufort, actuellement ouverte du 1er novembre à mi-mars, puisse avoir un toit.

- Y a-t-il d'autres projets de patinoires ?

Pas que je sache. Il y avait eu des discussions pour la reconstruction de la patinoire de Remich, mais elle a été annulée. C'est une patinoire qui avait fermé parce qu'elle était trop vieille et que les coûts de rénovation étaient trop grands.

Pourquoi avoir choisi l'intégration du Tornado Luxembourg dans le championnat de France ?

À une époque, nous jouions dans le championnat belge, jusqu'au jour où n'avons plus été autorisés à y participer. Nous avons alors joué en Allemagne, dans la Regionalliga, mais celle-ci a changé de forme plusieurs fois. Elle n'avait pas le niveau que nous attendions, elle devenait trop faible.

Cela fait deux ans maintenant que nous jouons dans le championnat de France, en division 3, et cela se passe bien. Nous gagnons certains matches, nous en perdons d'autres, c'est bien. Cela nous aide à nous développer. Il y a six équipes dans chaque groupe, puis des play-offs. Il y a de longs voyages, mais c'est bon pour nous. Notre perspective pour l'instant est de jouer les play-offs. On verra si un jour on pourra viser plus haut.

- Tous les joueurs sont-ils présents quand il faut faire un long voyage dans les Alpes, comme cette année dans la phase finale de D3 est ?

Non, naturellement, il y a parfois des défections. Dans ces cas-là, quand il n'y a rien d'autre à faire, je dois jouer. C'est comme ça que j'ai rejoué deux fois cette saison.

- Certains joueurs sont en Allemagne, pensez-vous qu'il soit préférable qu'ils s'expatrient ?

Nous n'avons plus que deux joueurs en Allemagne, en fait, Joel Holtzem et Benny Welter. Cela ne nous pose pas de problème. Michel Welter, qui a passé plusieurs années en Finlande, cherche actuellement un nouveau club. Yves Dessouroux joue au Canada dans une équipe loisir, mais c'est un autre niveau là-bas, donc il entre dans l'équipe sans problème.

- Quel est le meilleur moyen de se développer pour les jeunes Luxembourgeois ?

Notre problème est que nous n'avons pas assez de joueurs. Donc, les cadets, ceux de 1990, doivent joindre immédiatement le Tornado. C'est bon pour nous, mais cela fait une grosse marche.

Les cadets aussi font le championnat de France dans leur catégorie, dans la Ligue de l'Est. Et cette année, avec les doubles nationaux dont je vous parlais, ils ont fait les play-offs pour la première fois de leur histoire. Ils y ont perdu contre Épinal.

Il faut souligner que nous avons de bons coaches. Marian Gallo, qui joue pour le Tornado pendant la saison, m'aide beauoup pour ce championnat du monde. Comme les gars sont foutrement fatigués de ma voix, il me remplace un peu en étant très actif au coaching.

Ensuite, il y a Joakim Eriksson, un Suédois, l'homme qui monte au Luxembourg. C'est le responsable des cadets.

Enfin, il y a Alain Scheier, qui a fait un grand travail avec le "learn-to-play program" de l'IIHF, qui s'adresse aux plus jeunes dès quatre ans.

Propos recueillis le 5 avril 2008 par Marc Branchu

 

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