Interview de Julien Figved

 

Après une saison décevante avec Anglet, finalement relégué, le gardien Julien Figved tire un trait sur la Ligue Magnus pour mieux préparer sa reconversion.

- Au début de saison, à quelle place pensiez-vous qu'Anglet finirait ?

L'objectif du club était de terminer entre la 9e et 11e place avant que les évènements que l'on connaît viennent perturber le cœur de l'équipe. Ensuite, l'objectif était le maintien.

- Comment le groupe a-t-il vécu la mise à l'écart de Karrer et Maltais ?

Très mal pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Olivier et Guillaume étaient des personnes très appréciées dans le vestiaire, aussi bien humainement que sportivement. Ce sont deux joueurs de gros calibre. Leur licenciement s'est fait la veille de notre fin de période d'essai, juste avant un déplacement à Grenoble, et ça nous a coupé les jambes.

Ce serait se chercher de faux-fuyants que d'affirmer qu'avec eux on se serait maintenu, mais il est clair qu'ils auraient permis à l'équipe de bien mieux figurer dans le championnat. Si l'on rajoute à cela la "mi-non-reconduction mi-arrêt" de Stan Solaux, ainsi que l'écartement de Seguin [NDLR : potentielle recrue canadienne ayant participé au camp] juste avant la reprise des entraînements, cela fait beaucoup de joueurs importants qui ont manqué à l'équipe.

- L'espoir était-il encore présent en barrage de maintien malgré la saison difficile ?

Bien sûr ! Chacun de nous y croyait fortement. L'ambiance dans l'équipe tout au long de l'année a été remarquable, l'une des meilleures parmi lesquelles j'ai pu évoluer, et heureusement, car si l'on tient compte de toutes les anicroches qui ont perturbé le groupe cette saison, tout aurait pu exploser, or cela ne s'est jamais produit. C'est peut être difficile d'un point de vue extérieur de comprendre, mais tous les joueurs sont unanimes sur ce sujet.

Et de toute façon, en tant que compétiteur il était impensable de partir battu ou d'abandonner en cours de route. Nous y avons cru jusqu'au moment où il n'était plus possible d'y croire. C'est à dire après la dernière défaite à Dijon.

- Quel bilan personnel tirez-vous de vos performances cette saison à Anglet ?

Sur le plan sportif, ça a été une saison difficile. Vivre une relégation est une expérience que je ne souhaite à personne, et je suis tout autant désolé pour le club et les supporters que l'on n'ait pas réussi à se maintenir. Bien entendu, j'accepte entièrement ma part de responsabilité au même titre que chacun des autres joueurs. J'ai fini l'année à environ 88% de réussite, ce qui est le plus mauvais pourcentage de ma carrière, mais compte tenu des circonstances il aurait également pu être bien pire. Pour faire une comparaison rapide, j'ai reçu environ 420 tirs de plus que la saison dernière. En 26 matchs cela augmente considérablement le nombre de tirs par match (16 tirs en plus en moyenne).

Cependant, malgré tous les reproches et autres remarques négatives à mon encontre tout au long de la saison et peut-être encore maintenant, je me suis toujours donné à fond pour ce maillot. J'ai fait mon maximum du début à la fin avec plus ou moins de réussite sur l'ensemble de l'année, mais du point de vue investissement, j'ai ma conscience pour moi. J'ai tout donné, je n'ai jamais rien lâché, jamais fait dans la demi-mesure. Alors, tout ce qui peut être dit après, et souvent par des personnes peu connaisseuses du hockey sur glace, qui aiment se baser sur des préjugés, c'est de la littérature. Les autres diront ce qu'ils voudront, c'est leur opinion, leur point de vue leur appartient, tout comme le mien m'est propre. Je n'ai jamais triché en portant un maillot et encore moins celui d'Anglet et c'est le plus important à mes yeux.

De plus, je pense avoir largement dépassé mon rôle de joueur cette saison, pour le bien de l'équipe et du club.

Le rôle d'un joueur par définition est de jouer, tout simplement. J'aurais très bien pu m'en tenir à cette attribution, mais lorsque, sous la pression des cadres de l'équipe dont je faisais partie et toujours pour le bien de l'Hormadi, la direction du club a enfin décidé de remplacer les deux joueurs licenciés, j'ai quand même pris plusieurs fois mon téléphone à titre personnel et contacté des agents parfois jusqu'en République Tchèque, car les présidents nous ont clairement fait comprendre, à ce moment-là, qu'ils n'avaient pas les qualifications nécessaires à l'accomplissement de cette tâche. Or ce n'est pas le boulot des joueurs de recruter d'autres joueurs, encore moins dans un délai de dix jours parce que la date limite des transferts approche.

De même qu'après une autre lourde défaite 5-0 à Villard de Lans, j'ai pris l'initiative d'appeler Jean-Christophe Filippin en lui demandant personnellement de revenir dans les vestiaires, non pas en tant que joueur bien sûr, mais rien que pour avoir une discussion avec le groupe. Par sa carrière exemplaire et surtout le charisme qu'il dégage, cela aurait provoqué quelque chose au sein du groupe. Pinpin a très bien réagi à mon appel, et je profite de l'occasion qui m'est donnée pour l'en remercier à nouveau.

- Avez-vous un regret par rapport à vos choix de carrière jusqu'à présent ?

Aucun. Je n'ai pas pour habitude de me lamenter sur mon sort ni même de chercher des excuses non valables.

Quant aux regrets, encore moins... Cela équivaudrait à dire que je regrette un choix qui aurait pu donner une autre tournure à ma carrière et faire par conséquence quelqu'un d'autre que je suis maintenant. Or, je ne regrette ni qui je suis, ni ce que j'ai été. J'essaie simplement de tirer le positif de chaque situation aussi délicate soit elle. Ce n'est que de cette façon que l'on avance de toute façon.

Malgré cela, j'ai trouvé fortement dommage que M. Bounoure, pour des raisons qui lui sont propres et que je respecte totalement, décide de repartir en D3 après ma saison à Brest. J'ai vraiment vécu là-bas une super expérience, j'ai adoré la région, et continuer sous la bannière bretonne aurait été une grande fierté pour moi. Bien entendu, cela ne veut pas dire pour autant que je n'ai pas apprécié mon passage à Angers.

Mais je comprends très bien le sous entendu de cette question. Ai-je un regret d'être parti d'Angers pour Anglet ? Ma réponse est non. Même si sportivement cette saison a été très difficile à vivre, d'un point de vue humain elle m'a apporté beaucoup. J'ai rencontré des gens avec lesquels j'ai eu beaucoup d'atomes crochus, d'autres que je ne connaissais qu'à travers l'adversité des matchs qui nous opposaient et dont j'avais une fausse opinion mais qui au bout du compte se sont révélés être complètement différents de mon premier avis, et d'autres encore que j'ai appris à connaître plus intimement et qui font parti des mes amis maintenant, avec en tête la personne de Géraud Maréchal.

C'est dans la difficulté que l'on apprend le plus et que l'on tire le plus de bénéfices pour sa vie personnelle. À condition de ne pas regarder vers le passé et de se lamenter. Je crois fortement au vieil adage "tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort". Tout ce que j'ai vécu sportivement cette saison, avec toutes les conséquences engendrées forcément sur ma vie extrasportive et donc sur le plan humain, je saurai l'assimiler et m'en servir pour le futur afin de faire de moi quelqu'un de meilleur.

Il n'y a pas d'échec, seulement de l'expérience.

- Avez-vous déjà envisagé un retour à Briançon ?

J'ai eu plusieurs contacts depuis mon départ de Briançon, il est vrai. Le dernier pas plus tard qu'il y a un mois par l'intermédiaire de Luciano Basile. Je pense avoir laissé de bons souvenirs de mon passage, d'autant plus que c'est mon club formateur. Je suis content pour la ville et les supporters là-bas de voir l'équipe caracoler parmi les grosses pointures du championnat. J'espère juste que toutes les rumeurs qui circulent au sujet des difficultés financières du club n'écrivent pas une autre page noire dans le livre des mésaventures du hockey français.

Quelques bruits me sont parvenus par rapport à un problème lié au Casino [NDLR : un recours judiciaire menace le casino de la ville de la fermeture, et la municipalité, dans une position financière délicate, a gelé sa subvention dans l'expectative]. Depuis, le club à stoppé son recrutement. J'espère que tout cela sera réglé rapidement. Briançon est véritablement une ville de hockey et le championnat a besoin d'équipes de cette dimension.

Maintenant, concernant un éventuel retour, j'y ai souvent réfléchi. Il est clair que sur le plan sportif cela aurait pu se révéler intéressant, mais je ne voulais pas qu'il se fasse au détriment de ma vie personnelle. Il aurait été impossible à mon amie de se déplacer jusqu'à Briançon, simplement pour des raisons d'emploi.

- Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?

Je l'envisage sereinement. Je m'installe en région parisienne chez mon amie et je vais reprendre mes études tout en continuant de jouer en D1 pour le club de Neuilly. Je me suis rapidement entendu avec l'entraîneur ainsi que le président, et je suis très heureux d'évoluer la saison prochaine pour un club ambitieux tout en prenant le temps de préparer ma reconversion, car malheureusement, joueur de hockey n'est pas éternel. Je préfère m'y préparer dès maintenant en conciliant ma passion avec mon futur métier plutôt que d'attendre une retraite vers les 35 ans et me demander ce que je vais faire le lendemain.

- Depuis quand avez-vous mûri votre réflexion quant à votre reconversion ?

Depuis longtemps. Ce n'est vraiment pas une décision prise sur un coup de tête ou une conséquence liée à la déception de cette saison.

J'ai obtenu mon Bac en 1999 à Briançon et j'ai décidé à ce moment-là de privilégier ma carrière de joueur de hockey en mettant les études de côté, d'une part par facilité en continuant de pratiquer mon sport et d'autre part parce qu'il n'y a pas de possibilité d'engager des études supérieures à Briançon.

Ce n'est qu'en discutant avec M. Bounoure que j'ai pris conscience qu'il fallait que je réajuste mon tir. Lorsqu'il m'a contacté, il était d'accord pour me recruter à condition que je prépare d'autres diplômes en parallèle du hockey, afin de ne pas me retrouver le bec dans l'eau sans rien en poche à la fin de ma carrière.

Durant ces dernières années, j'ai donc obtenu mes diplômes de Brevet d'État premier et deuxième degré, en alternance, tout en continuant d'évoluer en élite. J'aménageais mes horaires en fonction de mes disponibilités et j'allais passer les évaluations transversales pendant l'intersaison.

Je souhaite devenir maintenant ostéopathe, et malheureusement, il n'y a aucune formation à distance ou par alternance dans ce profil en raison du nombre important de séances pratiques.

Malgré cette saison difficile, c'est celle où j'ai reçu paradoxalement le plus de propositions de la part des clubs de Magnus, mais ostéopathe est un métier qui me passionne depuis longtemps, et lorsque j'ai appris le 27 mars dernier qu'un décret reconnaissant enfin la profession était appliqué, cela n'a fait que renforcer mon choix de m'orienter dans cette branche.

J'aurais pu continuer encore un an ou deux en élite, mais cela n'aurait fait que repousser le problème d'un ou deux ans.

- Êtes-vous inquiet sur la relève des gardiens français, qui sont peu nombreux comme n°1 en Ligue Magnus ?

Effectivement, je le suis. Non qu'il n'y ait pas de gardiens au niveau pour jouer en élite, loin de là, mais quasi aucun entraîneur de Magnus ne leur fait confiance.

Cela me fait penser à l'histoire de cet homme qui, au beau milieu de la nuit, cherche ses clefs sous un lampadaire. Arrive une autre personne qui lui propose de l'aide. Lorsque cette dernière demande à l'homme l'endroit approximatif où il a perdu ses clefs, il répond "Là bas, dans le noir, mais je cherche ici, c'est le seul endroit où il y a de la lumière."

Cela reflète bien la philosophie des entraîneurs des clubs de Magnus qui préfèrent recruter un étranger par le biais d'un CV plutôt que de faire confiance à un gardien français. Or, entre un nom sur un CV et un gardien qu'il est possible, avec un peu de motivation et d'investissement, de superviser tout au long de l'année, donc de se forger une opinion et de créer un projet sportif, lequel de ces deux choix paraît plus lumineux ?

Je veux bien ouvrir le débat. Pourquoi ne fait-on pas confiance aux gardiens français, parce qu'ils n'ont pas le niveau ? Bien sûr que non. C'est parce qu'il y en a peu dans les cages qu'on ne leur fait pas confiance. "Je prendrai bien un Français mais y en a pas..." Certes il y en a peu, mais pourquoi ? Ils ne sont pas recrutés donc il n'y en a pas, ou alors comme il n'y en a pas, ils ne sont pas recrutés ? Mon opinion est toute faite.

Prenons l'exemple de Landry Macrez. Pensez-vous honnêtement qu'il soit devenu ce qu'il est du jour au lendemain ? Passer de Dunkerque en D1 à Rouen puis premier gardien à Amiens en claquant des doigts. Ou bien avait-il déjà le niveau suffisant pour aspirer à cette place bien avant, mais personne ne voulait prendre le risque ? De même que Bubu (Christophe Burnet) passe de Chamonix en D1 à l'époque à Grenoble. Il a été critiqué une bonne partie de la saison, mais pensez-vous honnêtement qu'un entraîneur du calibre de Gérald Guennelon, assisté par Patrick Rolland qui est quand même - je tiens à le signaler - le seul entraîneur à se pencher sur le cas des gardiens en France, auraient recruté Bubu par hasard, sur un coup de dés ? Ou bien ont-ils reconnu en lui les compétences nécessaires pour tenir le rôle qu'il a tenu ?

Bref, le choix des entraîneurs se penche sur des étrangers, à croire qu'avoir un étranger dans son équipe est gage de confiance... Je peux également me prendre en exemple. Lorsque je suis parti de Briançon pour Brest, mon successeur a été étranger [NDLR : Philippe de Rouville], et ce n'est pas pour autant que les résultats de l'équipe sont devenus mirobolants. Cette année-là avec Brest, nous avons été éliminé en demi-finale par Grenoble qui comptait un gardien français en la personne de Patrick Rolland, et c'est Amiens qui a remporté le titre avec un autre Français dans la cage, Antoine Mindjimba. Trois gardiens français sur quatre équipes en demi-finales, et deux sur deux en finale. Alors, je vois déjà les mauvaises langues affirmer que Rolland ou Mindjimba étaient d'un niveau bien plus élevé que la plupart des gardiens français actuels. D'accord, mais ils ont acquis leurs compétences par du travail acharné et parce qu'un entraîneur à un moment donné leur a fait confiance.

Et puis, si ma mémoire ne me joue pas des tours, le poste de meilleur gardien de quatre de ces cinq dernières années a été obtenu par des Français.

Ceci dit, je tiens à signaler que je n'ai rien contre les équipes de D1, bien au contraire. Je tente juste de répondre à la question, qu'on ne se méprenne pas. De même que je ne suis pas anti-étranger. Il en faut dans notre championnat, mais des bons ! De véritables renforts qui tirent le niveau de la Magnus vers le haut. Il faut privilégier la qualité plutôt que la quantité. Avoir un Broz ou un Bellemare dans son équipe est une vraie valeur ajoutée. Au même titre que Sopko l'année du dernier sacre de Rouen ou encore de Groeneveld à l'époque, pour recentrer le sujet sur les gardiens. Ceux-là ont apporté quelque chose au championnat, contrairement à la majorité des gardiens étrangers qui sont passés par la France, dont on ne se souvient même pas du nom, et qui malheureusement ont peut-être pris la place d'un Français qui aurait au moins aussi bien figuré.

- Si vous deviez citer les deux gardiens de l'équipe de France derrière Ferhi dans cinq ans, sur quels noms miseriez-vous et pourquoi ?

Je ne répondrai pas à cette question, tout simplement parce que je ne connais pas assez l'ensemble des gardiens susceptibles de prendre la relève. Cependant, j'ai fait partie de l'organisation de différents stages spécifiques gardiens pendant trois ans, j'ai entraîné en club pendant cinq ans, et je peux affirmer qu'il y a du potentiel chez certains jeunes. À condition qu'on leur fasse confiance un peu plus quand leur moment sera venu.

Propos recueillis le 1er mai 2007 par Marc Branchu

 

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