Interview d'Eddy Ferhi

 

- Vous avez débuté le hockey à neuf ans, aux Français Volants. Pourquoi avoir choisi d'être gardien ?

À l'époque on m'avait proposé un équipement de joueur et un de gardien, j'avais le choix. Cela me paraissait plus original d'être gardien. Des joueurs il y en a vingt par équipe, des gardiens il n'y en a qu'un ou deux a priori.

- Vous avez gagné plusieurs titres chez les jeunes et intégré l'équipe de France, avant de partir au Québec. Comment s'est présentée cette opportunité ?

Cela faisait déjà quelques années que je participais à un stage en Suisse, à Verbier, avec François Allaire et un gros staff québécois. Il y avait là-bas mon futur entraîneur, qui m'a vu et m'a proposé une place dans son équipe.

- Votre intégration au Québec a été rapide (deux titres de champion et de meilleur gardien avec les Faucons de Lévis-Lauzon entre 1997 et 1999)...

Cela s'est très bien passé. En intégrant le système américain, il était plus facile d'arriver dans une région francophone, cela a beaucoup aidé. Les gars étaient géniaux, on avait une bonne équipe et tout est parti de là.

- Ensuite vous êtes parti à l'Université aux États-Unis pour quatre ans (pour les Pioneers de Fairfield, dans le Connecticut). La transition n'a-t-elle pas été trop difficile ?

Cela n'a pas été évident, surtout que j'arrivais en tant que deuxième gardien, moi qui avais joué pas mal de matches et qui avais un rôle important au Québec. Mais on essaie de prendre son mal en patience et d'apprendre comme on peut. Cela s'est somme toute bien passé.

- Parallèlement, après un bac scientifique, vous avez étudié le commerce international. N'était-il pas difficile de combiner les deux ?

Le système universitaire est fait pour. Jusqu'à mon bac en France cela allait. Il y avait quand même un peu de boulot pour avoir un niveau décent en sciences et jouer en hockey en étant surclassé. Aux États-Unis, tout est aménagé pour que cela se passe bien. Donc pas de problème réel.

- Les quatre années universitaires se sont bien passées. Vous avez établi des records d'équipe (pour la moyenne de buts encaissés en une saison en 2002-2003). Et le 6 avril 2003, premier match en AHL (28 arrêts sur 30 tirs). Comment se sont passés ces débuts ?

C'était un peu bizarre, j'ai reçu le coup de fil deux jours avant, donc tout s'est passé très vite et je n'ai pas eu le temps de réaliser. Je me suis retrouvé avec les Cincinnati Mighty Ducks à faire un voyage avec l'équipe, à jouer à Cleveland et à gagner qui plus est. Jusqu'à ce que dans le retour en bus, on me dise : "on va t'offrir un contrat, sois patient, dans l'été tu auras des nouvelles".

Les gars savaient que c'était mon premier match. Ils ont resserré la défense et ont fait tout pour permettre d'avoir un petit match sympa.

- À la rentrée 2003, un camp chez les Mighty Ducks d'Anaheim. Vous avez côtoyé les joueurs qui ont fait la finale de Coupe Stanley ?

Oui, toute l'équipe était là, y compris Sergueï Fedorov qui n'avait pas fait la finale mais venait de signer. Du très beau monde, une grande expérience.

- Jean-Sébastien Giguère vous a-t-il donné des conseils ?

Giguère a été très sympa, mais il était en signature de contrat. Donc il avait pas mal de choses à gérer et on ne le voyait pas tant que cela. Mais le peu que je l'ai côtoyé, cela s'est bien passé.

- Après un match de débutants en septembre 2003 (avec un blanchissage à la clé), vous avez été envoyé en AHL, où vous avez joué dix-neuf matches avec douze défaites...

Ce n'était pas évident. J'étais deuxième gardien derrière Ilya Bryzgalov, qui est maintenant en NHL, un excellent gardien. Et moi qui avais tout mon apprentissage à faire, je jouais souvent le troisième match en trois soirs, des matches où le voyage fait que toutes les conditions ne sont pas réunies. Et puis souvent, dans ces matches, les joueurs ne sont pas aussi présents qu'ils auraient pu l'être. Cela n'a pas aidé ma confiance. En plus, jouer une fois toutes les semaines ne permet pas d'avoir un rythme soutenu et de se servir de sa dernière expérience pour construire quelque chose dessus. C'était mentalement difficile.

- En 2004, une blessure à un mauvais moment vous a en quelque sorte relégué en ECHL alors que Mathieu Chouinard arrivait des Kings de Los Angeles. Malgré tout, vous avez eu des bons moments à San Diego l'an dernier ?

D'excellents moments. Sportivement je me suis très bien senti, surtout après ma blessure au genou, je me posais pas mal de questions mais cela s'est bien passé. On n'avait pas une équipe extrêmement défensive et j'ai réussi à jouer de très bons matches. Je suis très content de ce retour au jeu, en plus dans une ville magnifique.

- Avez-vous des regrets ?

Quelques-uns quand on se dit qu'il aurait fallu ne pas se blesser et avoir une chance plus solide en Ligue Américaine. Mais les choses se passent comme cela. Je suis content d'être rentré en Europe, j'ai très bien vécu mon expérience américaine. On essaie de regarder vers l'avant plutôt que derrière.

- Est-il difficile d'être français en Amérique du Nord ?

Non, pas vraiment. Le hockey est un monde où il y a beaucoup d'étrangers, et quand on fait son boulot il n'y a pas vraiment de questions à se poser. Tant que l'on contribue au bien-être de l'équipe et que l'on fait les choses bien, il n'y a pas vraiment de problème.

- Vous étiez en Amérique du Nord en même temps que Cristobal Huet, Yorick Treille ou encore Baptiste Amar. Vous aviez des contacts avec eux ?

Oui, surtout par Internet, on communiquait sur MSN. J'ai eu l'occasion d'aller voir jouer Yorick Treille, Baptiste Amar et Laurent Meunier quand j'étais à l'Université, en finale régionale avec Lowell. J'ai vu Cristo à mon premier camp parce que le camp des recrues était à Los Angeles. À part ça, nous n'avions pas plus de contacts que cela. Nous étions trop occupés à nos affaires. On fait souvent le bilan l'été, mais pas pendant la saison.

- L'influence de François Allaire dans votre carrière ?

Énorme, depuis que j'allais à son stage. Techniquement, c'est lui qui m'a fait. Mon arrivée aux Ducks est passée par lui aussi, c'est lui qui a donné mon nom pour que l'on vienne me voir, et là-bas il a eu un rôle de soutien. Il a été très présent. Maintenant c'est un ami. Même si je n'ai plus l'occasion de travailler avec lui, on reste en contact.

- Vous débarquez à Anglet. Y avait-il une raison à ce choix ?

Je suis très content d'y être, mais un peu forcé étant donné que j'ai eu la réponse des Ducks juste avant les camps d'entraînement, donc assez tard. Le recrutement était bouclé un peu partout. J'ai eu la chance de trouver une place à Anglet par contacts interposés et je me suis embarqué.

- La France vous manquait ?

Oui, beaucoup. De toute façon, même quand j'étais là-bas, c'était une condition essentielle pour moi de rentrer en France tous les étés, autant que possible. Car c'est ma culture et je m'y sens bien. Un peu triste de ne pas être en Amérique du Nord, mais très content de retrouver l'Europe, la France et ma famille.

- À Anglet justement, deux joueurs français ont connu un parcours en Amérique du Nord, Guillaume Karrer à Chicoutimi et Xavier Daramy à Saint-Jérôme. Vous discutez un peu de cette expérience entre vous ?

Oui, c'est sûr que quelque part cela fait un lien entre nous. Nous avons d'autres affinités, mais nous en parlons car nous sommes conscients que cette expérience change un homme, et cela nous fait un point commun.

- Les objectifs d'Anglet cette saison ?

Les playoffs, et surtout ne pas avoir de regrets. On a un groupe jeune, français en grande partie, qui a envie, qui a faim. Nous ne sommes peut-être pas une grosse machine, comme d'autres clubs français peuvent l'être, mais nous avons beaucoup de qualités. L'une de nos qualités principales, c'est un gros cœur, il faut qu'on aborde tous les matches avec cela, et si on se donne à fond à chaque match, on ne pourra pas regretter grand-chose.

- En même temps, vous avez retrouvé l'équipe de France à la rentrée. C'est une saison très importante avec les championnats du monde à Amiens. Êtes-vous confiant sur le potentiel de cette équipe ?

Je ne connaissais pas beaucoup l'équipe de France avant mon arrivée, j'ai pu la découvrir pendant le stage. Ce que j'ai vu m'a beaucoup plu. Mais je ne connais pas non plus vraiment le niveau international, donc ce n'est pas facile pour moi de faire une comparaison. On a un groupe sympa, avec un bon esprit. J'espère que les choses vont bien se passer.

- Le hockey français a beaucoup évolué. Avez-vous suivi cela de loin ?

Bien sûr, on essaie de rester informé. J'étais surtout triste de voir un tel gaspillage de talent comme cela a pu être le cas en France, et des "malversations", tout ce qui a pu se dérouler de néfaste pour le hockey. Je pense que c'est un sport magnifique. Il y a un engouement ; malgré tous ces problèmes on a quand même des fans, une certaine popularité qui ne demande qu'à croître. On espère que tous ces changements, comme l'Association des joueurs et le travail de gens qui tentent de faire des choses bien, porteront leurs fruits.

- L'étranger reste une possibilité à moyen ou long terme ?

Oui bien sûr. L'Europe certainement, parce que je n'ai pas vraiment envie de retourner outre-Atlantique. Maintenant que j'ai créé des liens, j'ai envie d'y rester. Je garde un œil dessus, donc pourquoi pas ?

Propos recueillis le 29 octobre 2005 par Mathieu Hernaz

 

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