Interview de Xavier Daramy (17 mai 2002)

 

Après une saison 2000/01 riche en émotions et en titres, tant au niveau international avec l'équipe de France des moins de 20 ans (avec au passage le meilleur compteur de l'équipe) qu'avec son équipe québécoise des Panthères de Saint Jérôme (champion des séries Junior AAA, champion de l'Est Canada, coupe Fred Pagé), le jeune Angloy a décidé de revenir en France pour disputer le championnat Elite version 2001/02. Malgré la saison décevante de l'Hormadi, il a su s'adapter rapidement au jeu du club basque pour finalement évoluer en première ou deuxième ligne régulièrement. L'apothéose tant pour lui que pour le club fut sans nul doute le prix de meilleur espoir remis par Luc Tardif en fin de saison à la patinoire de la Barre, une première pour l'Hormadi et surtout une récompense pour un jeune joueur du cru.

- Au terme d'une saison difficile avec des résultats en dent de scie, l'Hormadi termine au cinquième rang, est ce que ce résultat te satisfait ?

Personnellement, c'est sûr que je suis satisfait, d'autant plus que j'ai eu le prix du meilleur espoir, et je ne m'y attendais vraiment pas. C'est à l'avant-dernier match face à Mulhouse qu'un journaliste de Hockey Magazine est venu me voir en me parlant de ce prix, j'ai été étonné de savoir qu'il y avait ça également en France.

Donc au niveau personnel, je n'ai aucun regret, par contre pour ce qui est de l'équipe, vu le niveau de l'effectif sur le papier, je pense que l'on aurait pu mieux faire. On a péché au niveau défensif, on a tout le temps couru après les scores, au début de saison on perdait des matchs 4-3, des petits scores, mais tout le temps des défaites. On ne tenait jamais, ce qui m'a surpris car au Québec on ne lâchait jamais, il y avait un esprit combatif, guerrier, que je n'ai pas retrouvé ici.

Pour le reste, certes la défense était légère, mais cinquième, c'est bien pour nous, bien pour le club. Mais nous avons quand même eu de la chance, car on ne mérite pas cette place. Et puis il y a eu la coupe d'Europe qui a été une grande satisfaction pour tout le monde.

- Selon toi, qu'a-t-il manqué à l'Hormadi cette saison ?

La défense a été le gros point faible, quand tu vois des joueurs comme Bergqvist d'Amiens ou Riihijärvi de Rouen, ce sont des défenseurs de ce calibre-là qui nous ont manqué. Deux gros défenseurs étrangers nous auraient énormément aidés, en attaque même si nous avons été satisfaits de notre travail, l'apport d'un joueur d'expérience aurait amélioré notre efficacité, car c'est vrai que devant l'équipe est jeune.

- As-tu eu du mal à t'adapter au style de jeu européen ?

Quand je jouais au Québec, tout ce que j'ai appris n'a servi qu'à améliorer mon jeu, car je jouais dans un championnat nord-américain avec mon style européen, ce qui faisait le plus là-bas. Ici, ce qui fait mon plus, c'est ma combativité, ma volonté de ne rien lâcher et d'aller dans les coins, bref un style "nord-américain".

J'ai joué au hockey en France jusqu'à quatorze ans, ce qui m'a permis de travailler un bon coup de patin sur les grandes glaces. Ça va paraître bizarre, ce que je vais dire, mais quand j'étais au Québec, je préférais jouer sur de grandes glaces car sur les petites ça frappait fort, ici je préfère les petites glaces comme celle de la Barre car le jeu y est moins dur et je peux y jouer plus vite et plus technique. Ce sont deux styles de jeu qui ont chacun leurs particularités.

- Tu as commencé la saison sur la troisième ligne, puis progressivement tu as évolué sur la deuxième, à la troisième phase tu as fais quelques bonnes présences sur la première, comment expliques-tu cette montée en puissance ?

Tu vois, l'an passé, je ne savais pas comment me situer dans l'équipe quand j'ai eu des contacts avec le club, dans les quatre dernières années je n'avais pu voir qu'un seul match d'élite en France, c'était face à Grenoble juste avant de partir aux championnats du monde. Je me suis senti capable de faire quelque chose. Donc cette saison, Karlos m'a fait savoir qu'il comptait me faire jouer en deuxième ou troisième ligne, la dernière ayant un rôle défensif pour ne pas encaisser de but alors que les deux autres sont là pour en marquer. Ce n'est pas vraiment mon style de jeu d'être défensif, donc en début d'année j'étais un peu déçu, mais ça m'a donné l'envie de montrer à l'entraîneur et aux dirigeants ce que j'étais capable de faire. Après Noël, bien qu'ayant évolué sur la troisième ligne, j'étais le quatrième compteur de l'équipe, Karlos s'est alors posé des questions. Donc jusqu'à la fin de la saison, j'ai joué soit sur la deuxième soit sur la première ligne, j'ai donc marqué plus de points.

Quand Bob s'est blessé j'ai également joué l'attaque en jeu de puissance, dès son retour j'ai eu un rôle plus défensif en supériorité. Je souhaite pouvoir évoluer sur la première ligne la saison prochaine, sinon je retravaillerai pour y retourner.

- Est-ce que cette récompense ne va pas te mettre une pression supplémentaire la saison prochaine ?

Certainement. Déjà, cette saison, pas mal d'anciens qui m'ont vu jouer m'ont dit que je risquais de ne pas continuer comme ça longtemps et que j'allais me faire descendre, mais bon je pense avoir bien géré ça, et je ne fais pas de complexes, que ce soit face à un joueur d'expérience ou un junior. Quand même, à la fin de saison ça a été dur, c'est certain que la saison prochaine j'éprouverai plus de difficultés à m'exprimer.

Pour en revenir au prix du meilleur espoir, les dirigeants m'ont fait remarquer que j'étais le premier joueur angloy et qui plus est formé à Anglet à recevoir cette distinction.

- Quels sont tes points forts et tes points faibles sur la glace ?

Alors on va commencer par mes points forts (rires), c'est selon moi le jeu de puissance, j'adore jouer cette situation de jeu pour marquer des buts et procurer des occasions à l'équipe, après c'est le patinage, la technique, l'offensive, mais je ne rechigne pas à aller dans les coins.

Là où je pèche un peu, c'est au niveau défensif, c'est ce qui m'a handicapé au Canada et au niveau international (junior 20 ans), mais en France je peux m'acquitter de ce rôle, d'ailleurs en infériorité numérique j'ai beaucoup joué avec Bob et Géraud en fin de saison, j'apprends beaucoup avec Bob. Mais ce n'est pas dramatique, l'offensive c'est du talent plus que du travail, c'est le contraire pour la défensive, donc j'y travaille.

- Quel joueur toutes équipes confondues t'a le plus impressionné ?

Sans aucune hésitation ce sont les défenseurs Bergqvist et Riihijärvi. En attaque, un gars comme Lechtaler d'Amiens est assez discret sur la glace mais il fait un travail énorme pour l'équipe.

- Peux-tu nous décrire rapidement les différentes étapes de ton hockey mineur en Amérique du Nord ?

J'ai quitté l'Hormadi alors que j'étais minime et que je jouais comme cadet surclassé. Je suis arrivé au Québec pour intégrer une équipe Bantam AA, il faut signaler que là-bas ça marche par double lettre AA BB CC correspondant à des différences de niveau, le AA étant le plus fort. L'Hormadi au niveau mineur doit se situer au niveau CCA. J'ai donc joué au sein du AA, c'est en fait une équipe composée de vingt joueurs sélectionnés parmi cent vingt, c'est une des grandes différences avec la France puisqu' ici on est seize pour former une équipe de vingt...

La deuxième année, j'ai fait Midget AA dans le même club, c'est comme la sélection régionale ici. La première année, j'avais fini troisième compteur de l'équipe, la deuxième premier de l'équipe et de la ligue, les trois autres années je les ai disputées en tant que junior AAA. Lors de la première saison junior, j'ai eu le même prix que cette saison (meilleure recrue de l'année), la deuxième année j'ai fait troisième marqueur.

La troisième année (2000/01) j'ai commencé la saison aux États-Unis en junior jusqu'en décembre, puis après les championnats du monde, je suis retourné au Québec. Mon retour s'est justifié par un problème relationnel avec l'entraîneur qui m'avait promis de me payer le billet pour aller aux championnats du monde, et qui a fait marche arrière au retour. Puis, sans doute vexé par le résultat de l'équipe de France, il m'a fait jouer en troisième ou quatrième ligne, alors qu'avant je jouais sur la première.

Finalement, je n'ai pas regretté car l'équipe américaine n'a pas disputé les séries, alors qu'avec les Panthères de Saint-Jérôme on est devenu champion, chose que le Québec n'avait pas connu depuis 1992.

- Quel est la différence entre le junior AAA (LHJAAAQ) et la fameuse ligue junior majeur du Québec (LHJMQ) ?

Le junior majeur est considéré comme professionnel, ceux qui participent à ce championnat ne pourront pas participer au championnat universitaire américain, alors que la ligue AAA est axée sur les études, pour permettre par la suite aux joueurs d'avoir une bourse et d'intégrer les universités américaines.

Donc c'est un choix que fait le joueur, à savoir soit privilégier les études (ce fut le mien), soit intégrer un circuit professionnel pour espérer jouer en NHL. Le jeu en junior majeur est au-dessus de celui des AAA, mais pas tant que ça car la dernière saison nous avons joué contre une équipe de ce circuit que nous avons battue. Certes, cette équipe ne faisait pas partie des meilleures, mais l'écart n'est pas si important que cela, c'est surtout une question de gabarits et de vitesse de jeu.

- Quelles ont été les raisons principales qui t'ont fait franchir l'Atlantique ?

Au mois de mai, quand j'ai terminé, j'ai réalisé pas mal de choses car j'ai perdu en avril 2001 mon grand-père et il y a cinq ans mon père. J'ai manqué certaines choses au niveau familial et j'ai des regrets, même si au niveau du hockey je ne pouvais espérer rien de mieux que ce que j'ai connu là-bas.

J'aurais pu faire une année supplémentaire là-bas, mais après la bourse que je pouvais obtenir pour aller en université américaine ne prenait que 40% des frais en charge. Le fait de pouvoir revenir en France dans le club qui m'a formé et de pouvoir jouer dans un circuit professionnel, c'était aussi bien pour moi tant sur le plan personnel que familial.

- Quelles sont selon toi les principales différences entre le hockey mineur tel qu'il se pratique au Canada et celui qui se pratique en France ?

C'est très simple, ici on est 16 pour faire une équipe de jeunes, alors que là-bas on est 120, les 80 suivants forment une autre équipe, et ainsi de suite jusqu'au plus bas niveau. Ce qui fait qu'on ne voit jamais des scores comme Anglet - Brive 17-1. C'est le sport numéro un au Canada, il y a plus de moyens, c'est énorme !

Quand je suis arrivé là-bas à 15 ans, on était en costard-cravate aux matchs. Il y avait mille personnes qui venaient nous voir jouer, en junior la moyenne c'était 1500-2000 spectateurs, en phase finale les rencontres étaient diffusées en direct à la télé. La différence se fait également sur le nombre de pratiquants. En France, il faudrait que les choses changent, que ça bouge à la fédération, bien qu'à Anglet cette saison on ait eu deux équipes en benjamins, c'est un début.

- Est-ce qu'un jeune qui voudrait faire du hockey un métier a tout intérêt à faire une étape en Amérique du Nord ?

S'il le peut, oui, ce n'est que mieux, mais il n'y a pas que l'Amérique du Nord ! En Europe, des pays comme la République Tchèque, la Suède, la Finlande ou la Suisse apportent une excellente formation. Cependant, je pense qu'un jeune avec les structures actuelles peut faire tout son mineur en France et espérer jouer en élite, prendre du temps de glace et s'affirmer.

- Après le championnat du monde des juniors 20 ans, tu as fait cette année quelques match en équipe de France B, est ce que faire partie de l'effectif de l'équipe A est pour toi une priorité ?

L'été dernier j'ai eu l'occasion de disputer avec Mathieu un tournoi en Finlande ou il n'y avait que des jeunes joueurs, Heikki Leime nous accompagnait. Il ne m'avait jamais vu jouer, il avait juste entendu parler de moi, il a été content de me voir évoluer. Mais cette saison, je n'ai eu aucun objectif international, que ce soient les Jeux Olympiques ou les championnats du monde, il y a du monde encore. Même l'an prochain... J'ai plutôt l'équipe de France comme objectif dans quatre ou cinq ans.

- Tu viens de re-signer un an de plus pour l'Hormadi, quel est ton ambition à plus long terme ?

Cette saison, c'est sûr; c'est l'Hormadi, l'année d'après ce sera encore ici car je dois boucler mon IUT. De toute manière, si je joue en France, ce sera à Anglet. J'espère progresser si Karlos et Bob me laissent jouer sur les deux premières lignes.

Dans cinq ans, peut-être que j'irais jouer en Allemagne ou en Suisse si j'ai le niveau. De toute façon, si on veut faire du hockey un métier, il faut aller à l'étranger, en France très peu de joueurs peuvent en vivre.

Propos recueillis le 17 mai 2002 par Hormadiar

 

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