Interview de Jean-Luc Audubert

 

Jean-Luc Audubert est le président du HC Yerres depuis 1999.

- Les problèmes de patinoire de Yerres sont survenus alors que le club connaissait de beaux succès jusqu'en minimes. Quels étaient les perspectives et les projets du HC Yerres à l'époque ?

Le HCY, comme beaucoup d’autres clubs, avait vu son hockey se remplir en 1993 après les JO d’Albertville. Deux équipes moustiques avaient vu le jour. L’investissement de nos entraîneurs et de parents a rapidement porté ses fruits et c’est un groupe très motivé qui a drainé de nouveaux adhérents. A ce moment, l’ambition du HCY a été de proposer aussi bien le loisir que la compétition en essayant de constituer dans toutes les sections des équipes 2. Les résultats sportifs n’ont pas tardé, bien que le système des poules Ile-de-France en ait retardé la progression. En effet, les résultats de trois années étant additionnés, pour passer de quinzième à premier, il a fallu de la constance et de l’opiniâtreté. Les perspectives étaient raisonnablement de jouer un podium de championnat de France cette année en minimes. Pour autant, notre objectif prioritaire qui était de sortir des poules de fin de tableau et de se maintenir parmi les meilleurs clubs formateurs est atteint puisque sans patinoire, nos poussins ont fini vice-champions d’IDF en 2001.

- Alors qu'il comptait à une époque quatre équipes seniors, le hockey essonnien n'est plus représenté que par la seule association Yerres/Paray/Viry. Comment voyez-vous son avenir ?

La difficulté pour des structures comme les nôtres est de maintenir des sections jusqu’en junior. Les disparités de niveau faisaient fuir nos meilleurs joueurs, les étudiants les plus studieux raccrochent à cause des horaires que les disponibilités de glace nous laissent. L’ambiance de certains matchs de D3 est si déplorable qu’elle en écœure plus d’un. Les coûts de glace et d’arbitrage parachèvent le tout. Les effectifs dans nos sections sont pyramidaux. L’hypothèse de maintien d’une équipe cadet repose sur une école de glace forte de plus de 40 jeunes. Pour une junior, je ne me risquerais même pas à donner un chiffre ! L’avenir de nos équipes senior en Essonne dépendra de l’image médiatique de notre sport, des coûts de glace et de la capacité pour nos terrains à s’ouvrir au public, aux sponsors (A Yerres, un afficheur rapportait 70% au gestionnaire et 30% au club !).

- Pouvez-vous résumer les actions entreprises depuis que la patinoire a dû fermer ?

Quand la nouvelle est tombée, le 28 août 2000, et alors que nous pensions qu’il ne s’agissait que d’une panne qui serait réparée en cinq ou six semaines, nous avons sollicité les clubs voisins pour nous accueillir et commencer la saison. Lorsque la commune, deux mois plus tard, nous a annoncé que les différents devis s’échelonnaient de 900 000F à 1,2 MF et que les procédures prévues par la loi pour de telles sommes (appel d’offre > 300 000 F) mèneraient à plus de trois mois de délais sans compter la durée des travaux, nous avons compris que la saison serait fichue.

En décembre, une estimation de réhabilitation complète de 12 à 13 MF est apparue sur la base d’un audit qui aurait été réalisé un an plus tôt ! Mise en conformité CFC, toiture, charpente, dalle, accès handicapés, justifiaient ainsi une facture décuplée !

A cette date, la municipalité a commencé à dire qu’"elle n’assumerait pas seule le montant de la facture et qu’elle ferait appel aux communes voisines." Le chacun pour soi étant, hélas, de mise dans notre secteur, le scepticisme nous a envahis. La conjoncture liée aux élections municipales nous a rassurés dans un premier temps. Six mois plus tard, les urnes ayant décidé des nouvelles équipes, le constat a été qu’aucune commune ne souhaitait participer aux frais de réhabilitation.

Refusant de croire qu’une solution plus économique ne pouvait être trouvée pour remettre en glace notre patinoire qui fonctionnait encore fin mai, nous avons entrepris par nous-mêmes un pistage systématique des entreprises susceptibles d’avoir été contactées. Celles-ci se sont souvent retranchées derrière le secret d’une procédure d’appel d’offres. Nous avons enfin pu réunir les informations permettant d’établir un diagnostic fiable : depuis dix ans, la patinoire de Yerres tournait avec deux compresseurs sur les trois nécessaires. L’un d’eux était encore efficient et l’autre ne semblait pas avoir le rendement nécessaire. Le condenseur était à changer et la tour de refroidissement fortement corrodée. Lors de la remise en glace, une manipulation hasardeuse (?) aurait entraîné la rupture d’une bielle sur l’unique compresseur en état.

Nous avons sollicité nous-mêmes par courrier les instances nationales, régionales et départementales, pour accélérer de possibles subventions.

Le Conseil Régional de l’Essonne nous a répondu qu’elle ne pouvait rien pour une patinoire municipale. La région n’a, à ce jour, toujours pas daigné répondre à nos courriers administratifs.

C’est Mme la Ministre des sports qui a été la plus prompte a nous répondre qu’"elle soutiendrait favorablement une demande présentée par la ville de Yerres au titre du FNDS, dans le plus strict respect des délais et des procédures." Toutes copies de ces courriers ont été adressées aux présidents de la FFSG, de la ligue IDF des sports de glace, du CSNHG. Enfin, un courrier a été adressé au Premier Ministre, les médias télévisés contactés. Pas d’écho...

Considérant qu’il était insoutenable de prolonger la situation une saison de plus, nous avons proposé une solution technique de location de groupes de production d’eau glacée qui auraient été placés sous la patinoire. La visite des techniciens a permis de confirmer le parfait état de la dalle et des tubes la parcourant. Cette solution permettait de s’affranchir des compresseurs de la tour de refroidissement et de l’échangeur. Ayant négocié une location sur deux ans et obtenus un rabais substantiel (50%), nous pensions avoir gain de cause. C’est la consommation électrique (550 000F) qui a été fatale à notre projet ! Malgré la promesse des clubs d’apporter 400 000 F, la commune n’a pas jugé opportun de mettre les 700 000 F manquants !

A ce jour, le député-maire de Yerres nous dit que "personne d’autre ne veut plus que lui la réouverture de la patinoire de Yerres". La région serait consciente de l’état des patinoires mais il n’existe aucune ligne budgétaire... Le Hockey Club compte maintenant 60 licenciés sur ses 205 initiaux, le Patinage Artistique et Danse de Yerres est en état végétatif. Encéphalogramme plat sur les sports de glace !

- Ressentez-vous une entraide quand vous recherchez des heures de glace auprès des autres clubs dans un tel cas d'urgence ?

Les clubs semblant conscients que leur tour pourrait être proche ont dans l’ensemble accueilli nos demandes d’accueil sur leur glace positivement. Les uns en profitant pour nous demander une participation aux frais leur permettant de réduire leurs déficits, les autres limitant l’accueil à une ligne... la meilleure ! Mais le plus difficile a été l’accueil par les parents et les enfants de certains clubs, voyant leurs concurrents directs venir leur piquer leur glace !

Nous avions prévu un budget pour pouvoir jouer et défrayer les clubs qui nous accueilleraient pour les matchs à domicile. Je dois dire que tous les clubs d’IDF ont accepté sans sourciller de jouer les matchs aller et retour sur leur glace l’an passé, et je tiens à remercier au nom du club tous leurs présidents.

- Quand on voit ce qui s'est passé hier à Conflans, aujourd'hui à Viry et à Yerres, et demain peut-être ailleurs, n'avez-vous pas le sentiment que le hockey francilien se meurt en silence ?

A noter que le Comité Départemental des Sports de Glace de l’Essonne a vu ses subventions se réduire de 100000 F environ à 28000 F les années passées alors que la volonté du département était de favoriser les comités départementaux.

Ce qui meurt en silence, ce sont les sports de glace, réduits à peau de chagrin au niveau médiatique, au niveau effectifs. Faute de terrains de glace, les gamins attirés par les images diffusées pendant les JO ne trouveront pas de clubs...

- La situation actuelle ne signifie-t-elle pas la fin des patinoires municipales en Ile-de-France ? Les municipalités ne voulant plus entretenir un équipement qui profite à d'autres, ne faudrait-il pas que des partenariats communaux prennent le relais ?

Un consensus existerait aujourd’hui au sein du Conseil Régional d’Ile de France entre la gauche et la droite afin de débloquer une somme pour les six patinoires (?) en difficulté.

En Ville Nouvelle, les SAN gèrent déjà la répartition des fonds publics et c’est assez naturellement que la gestion des patinoires est soutenue. Mais toutes les patinoires municipales âgées de 30 ans sont vouées à disparaître si un rééquilibrage des charges n’a pas lieu. Je citerai par exemple la patinoire de Dammarie-les-Lys que je fréquente actuellement six jours sur sept : la ville de Melun refuse de participer aux frais de cet équipement qui est situé à sa périphérie !

Si j’ai bien compris, les intercommunalités vont devoir se faire de gré ou de force. Mais le problème est que rien n’oblige au contenu. L’intercommunalité du Val d’Yerres semble se réaliser sans que la patinoire n’en fasse partie...

- L'intérêt d'une fédération des sports de glace unifiée devrait être qu'elle puisse prendre à bras-le-corps le problème des patinoires. A-t-elle conscience de cet enjeu ?

A ce jour, je n’ai aucune communication de notre Fédération ni de la ligue sur nos problèmes. Je ne sais même pas si mes courriers ont été reçus. Je n’ose imaginer que rien n’ait été fait...

Mon avis est que le seul attrait d’une Fédération des sports de glace unifiée est de parler d’une voix et d’une seule aux interlocuteurs que sont l’état, les régions et les départements, gestionnaires des fonds collectés au titre de nos impôts.

Aujourd’hui, le fonctionnement des écoles primaires est à la charge des municipalités et dans nos banlieues, il y a plusieurs écoles par communes. Les collèges sont, eux, à la charge des Conseils Généraux et il n’est pas rare qu’une commune en compte plusieurs. Enfin, les lycées sont à la charge des régions. Il me semble qu’un terrain de glace tel qu’une patinoire devrait être soutenu par la région. En effet, dans notre cas, nos adhérents proviennent de trois départements alentours, 91, 94, et 77. Il serait normal, à mon sens, qu’environ 50% des charges revienne à la commune qui héberge l’équipement et profite des retombées. Le reste se répartissant entre la région, le département et les villes avoisinantes. Une patinoire n’est-elle pas un moyen de réduire l’oisiveté dans nos banlieues ?

Autre suggestion : je pense qu’il faudrait diversifier nos patinoires.

Pour les entraînements, les gradins, bars, etc, sont inutiles mais nous avons besoin de vestiaires spacieux, d’horaires raisonnables et de proximité. Pourquoi pas des patinoires d’entraînement qui pourraient accueillir aussi des scolaires ?

Pour les séances publiques, une piste telle que nous la connaissons est rapidement ennuyeuse voire dangereuse. Pourquoi ne pas créer des pistes plus ludiques munies de bosses, de virages, libérant les pistes conventionnelles pour les sports de glace. Enfin, la "grande patinoire" salle de spectacle, éclairée et accueillante munie d’un bar chauffé et de gradins confortables nous ouvrirait ses portes pour les matchs et manifestations d’envergure. Le concept "un club = une patinoire" n’est-il pas dépassé ?

Propos recueillis par Marc Branchu

 

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