Interview de Hervé Antoine (4 octobre 2002)

 

Alors qu'on pensait avoir traversé le plus difficile à bord du bateau Hormadi, le manager Hervé Antoine, à la grande surprise des supporters, a été remercié la semaine dernière.

Très amer sur le dénouement malheureux de son expérience en tant que dirigeant du club basque, il n'a pas refusé de répondre à quelques unes de nos questions, et il ne mâche pas ses mots. C'est donc en parcourant cette interview-fleuve que vous allez découvrir sa version des faits, et c'est pour le moins inquiétant.

1) Quels sont les motifs officiels de votre remerciement ?

Lors de la réunion qui a eu lieu jeudi de la semaine dernière, on m'a signifié mon remerciement, et non licenciement car je n'étais pas encore sous contrat. J'étais toujours en négociation avec mon employeur pour fixer les conditions de mon départ. Le motif officiel de ce remerciement est "un désaccord sur mon positionnement dans la structure", ce qui globalement ne veut rien dire. Si ce n'est, et je le traduit à ma manière, "vous êtes trop proche des joueurs".

Dans un structure d'environ vingt-cinq personnes que ce soit à l'Hormadi ou ailleurs, une P.M.E., une P.M.I., je ne connais pas de directeur qui ne soit pas proche de ses collaborateurs ! Quand on dirige un grand groupe de 4000 salariés, je comprends que le directeur ne salue pas tous les jours ses employés, il y passerait le plus clair de son temps. Mais à l'Hormadi on ne peut pas avoir le même comportement.

Dans un club sportif, même si il est géré comme une SA, il y a le staff et les joueurs, si le staff n'est pas proche des joueurs, il n'y a pas de complicité et le club ne peut pas fonctionner correctement. Honnêtement je pense que l'on me reproche surtout de ne pas avoir été le grouillot de service. Que je fasse redescendre la politique initiée par la direction et que je fasse remonter les attentes et les réclamations des joueurs vers le haut, c'est normal, cependant cela s'appelle "avoir le cul entre deux chaises".

Mais je n'ai jamais été, comme on a pu me le reprocher lors de cette dernière entrevue, un délégué du personnel. Malgré le conflit sur la renégociation du salaire (baisse de 20% en cas de cinquième place dans la première phase), les joueurs ont quand même TOUS signé leur contrat de travail.

En fait, les raisons sont plus simples, mais la malhonnêteté verbale des dirigeants fait qu'ils préfèrent se cacher derrière des prétextes fallacieux plutôt que de dire clairement la vérité.

En gros, Bob Ouellet demande une réunion pour parler de son avenir à l'Hormadi... Avenir contrarié par son arrêt de travail depuis avril et surtout par le simple fait que le CA l'a tout bonnement écarté définitivement du "tableau de service". Et pour cause, cet arrêt de travail est une aubaine pour les "gestionnaires" de l'AHE. Pas de bras, pas de chocolat. Pas de genou, pas de budget... Bye bye, baby bye bye... On présente ainsi à la commission de contrôle de la fédé un budget "masse salariale" sérieusement dégrossi, on enveloppe le tout avec trois ou quatre promesses de dons comme au Téléthon, et roule ma poule !

Seulement, il y a un "mais". Bob Ouellet a un pré-contrat signé de la main de M. Martinon, le président. Même si le représentant du subventionneur municipal lui déclare, à mon avis à tort, que ce contrat n'a aucune valeur. Ouellet pose une sorte d'ultimatum. Qu'est-ce qu'on fait ? Entraîneur ou Prud'hommes... La réponse, vous la connaissez. Je rends les clefs vers 17h, Bob est à l'entraînement le soir et Karlos à la réunion de la Fédé le lundi suivant... Et puis, pour ce qui est d'être proche des joueurs... Moi, je ne suis là que depuis quatre mois. Que dire de la proximité de gens qui sont présents auprès d'eux depuis des années.

2) Pensez-vous avoir failli à la mission qui vous était confiée ?

En fait, je me pose la question depuis jeudi dernier, qu'est ce qu'ils attendaient d'un manager ? Attendaient-ils un super-secrétaire, un exécutant à la botte de quelques actionnaires plus importants que d'autres ou de quelque superviseur subventionneur. Non, franchement, je ne comprends pas. Pour ce qui est des différentes missions qui m'ont été confiées, on peut récapituler certaines rapidement.

- Faire rentrer l'argent oublié.

Quand je suis arrivé on avait 76 000 € dehors (environ 500 000 francs). A commencer par Orange pour 32 000 €, puis Aquitaine Euskadi pour 20 000 €, et quelques autres partenaires dont un centre commercial, pour qui la signature de la convention était en attente depuis octobre... Il l'avait sous le coude tout comme le chèque que l'on a finalement touché en septembre 2002 pour 6 800 €.

- Rechercher de nouveaux partenaires.

C'est clair, pour ce qui est des nouveaux partenaires, ça n'a pas aussi bien marché, mais quand il n'existe aucun outil de communication, c'est "mission impossible". Même si certains actionnaires ont eu la gentillesse de me dire que cela fonctionnait ainsi précédemment, on a vu ce que cela a donné : un premier dépôt de bilan, puis un déficit actuel de près de 91 000 € (environ 600 000 francs). Tous les clubs possèdent au moins un plaquette, un guide tarifaire, que ce soit le club de foot en championnat honneur ou un club de rugby du Top 16. A l'Hormadi cette année, il n'y avait rien.

3) Comment un club de hockey devrait-il être structuré ?

La structure existante à l'Hormadi est bonne, ce qui ne l'est pas, ce sont les gens qui font partie de cette structure. Dans un club sportif, à Anglet comme ailleurs, il y a en général un groupe d'actionnaires qui sont aussi partenaires, mais ce n'est pas une obligation. Ils définissent les grandes lignes de la politique du club, et donnent si nécessaire leur avis sur les décisions et actions prises par le Président ou le Directeur Général.

A Anglet, on préfère certainement un président de paille à un président de fer (ça a déjà été le cas). A partir du moment où les actionnaires se substituent aux administratifs, voire au président, ça ne peut plus fonctionner, c'est la mainmise des partenaires et des subventionneurs. A Anglet, la mainmise est communale... je devrais dire "urbanistique".

Ce n'est pas parce que la mairie est le plus gros sponsor du club que ça lui donne le droit de gérer et décider de l'avenir du club. Pourquoi pas aussi, un représentant du Conseil général, un salarié de chez Alday, de chez Gifi, du Casino de Cap-Breton... d'autant que la plupart des dernières réunions qui ont décidé des grandes orientations du club se sont tenues à une, voire deux personnes, un actionnaire, deux actionnaires, et toujours le même scrutateur. Ainsi, la décision d'une réduction de 20 % du salaire des joueurs en cas de cinquième place a été prise à dix heures du soir dans les bureaux d'une agence immobilière à trois personnes et j'étais le troisième. On ne gère pas le quotidien d'un club ainsi que le sort de ses salariés dans l'urgence et le catimini.

De la même manière, le 28 septembre, trois actionnaires seulement étaient présents, plus qui vous savez... Pas de quorum, pas de compte-rendu... Bye bye baby bye bye... (ça fait rengaine). Ce qui est rigolo dans cette affaire, c'est que les initiales du triumvirat font Z.E.N. Drôle, non ? Même Monsieur Martinon, président démissionnaire, mais président légal tant qu'aucun candidat n'a été élu, n'était pas au courant de cette manigance.

4) Vous connaissiez déjà le contexte avant d'arriver aux commandes de l'Hormadi ?

Oui et non, certains m'avaient enveloppé le bébé dans du papier d'argent, d'autres m'avaient prévenu que la tpache ne serait pas facile. Mais je pensais simplement qu'ils continueraient leurs affaires de leurs côtés, comme dans beaucoup de clubs d'ailleurs, en me faisant suffisamment confiance et en me laissant suffisamment les mains libres pour la gestion journalière. Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.

5) On pensait que le plus dur était passé pour l'Hormadi, comment voyez-vous l'avenir sportif du club ?

Au niveau sportif, je pense que les joueurs vont arriver à être dans les quatre premières places de cette première phase. Pour les avoir côtoyés au jour le jour, je sais qu'ils fournissent un gros boulot. De plus, le niveau des équipes est assez équilibré et l'on a une équipe jeune.

On a vu contre Clermont-Ferrand qu'ils avaient un peu de mal à rentrer dans le match. Ils ont été sans doute un peu frileux, le résultat de Clermont face à Grenoble les avait impressionnés. Le résultat final (6-2) parle de lui-même.

La rencontre de samedi a été un gros match, j'ai eu pas mal d'échos positifs de ce qui s'était passé, ils n'ont pas eu peur de la grosse artillerie grenobloise. Faire 3-2 et perdre 4-2 alors que l'on a sorti le gardien pour créer le surnombre en fin de rencontre, c'est beau. On était plus habitué à des scores plus importants. Il était nécessaire de prouver à Grenoble que l'on pouvait leur tenir tête chez eux, on a remonté un 2-0 à 2-1, puis 3-1 à 3-2 on était pas loin du 3-3. Ça ne s'est pas passé ainsi, on verra comment se déroulera le match retour à la Barre.

Samedi, il y a Briançon, toutes les équipes doivent être attaquées avec la même envie et la même rigueur. Selon toute vraisemblance, Stanislas Solaux (blessé au coccyx) et Géraud Maréchal devraient aux dernières nouvelles jouer, Xabi Lasalle est parti au Québec rejoindre la sélection de l'équipe de France des moins de 20 ans, il ne sera pas là.

Ils n'arriveront à cette troisième place, voire quatrième place, qu'en travaillant. C'est clair que l'arrivée de Bob derrière le banc est une bonne chose qui vient me réjouir dans mon départ. Non pas que je préfère Bob comme entraîneur à Karlos, mais je pense que le travail des deux aux commandes de l'équipe sera complémentaire et sera le ciment de la cohésion entre les joueurs.

Une chose est certaine. Durant ces quatre mois, j'ai appris à les connaître, à vivre à leur côté, même à patiner avec eux... et j'ai beaucoup appris. Ils m'ont donné beaucoup de joie, mais aussi de peines et de tensions. Je retiendrai une valeur essentielle : ils sont vrais, il n'y a pas de machiavélisme chez eux. Certains, au comité directeur comme ailleurs, feraient bien d'être comme eux.

6) Est-ce que l'avenir financier du club est aussi rose que son avenir sportif ?

Clairement non.

Autant jusqu'à jeudi, j'avais, eu égard à ma fonction, un devoir de restriction sur ce chapitre, autant depuis mon remerciement où l'on m'a considéré comme un Kleenex pour être poli, je n'ai aucun scrupule.

Entre le passage de M. Bourandy et la clôture des comptes (ces jours-ci), le déficit de l'Hormadi a vacillé entre 61 000 € et 228 000 €. Il se stabiliserait (infos en date du 26/27 septembre) aux alentours de 77 000 €. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que la commission de contrôle à mis en demeure l' Hormadi de reconstituer 50% de son capital social (38 112 €) avant la fin de la saison sportive (l'ensemble dudit capital ayant fondu en deux ans), que les 40 000 € de la Fédé (saison 2001-2002) n'ont toujours pas été réglés, que les caisses de retraites nous ont rappelés à l'ordre et que Orange (32 000 €) a souhaiter ne pas renouveler son partenariat.

Un point intéressant dans les reproches que l'on peut me faire, c'est que dès samedi, la jambe gauche des joueurs aura un nouveau logo. Ce n'est pas un cadeau, ce sera payé si quelqu'un se décide à suivre le dossier. Les discussions avec ce sponsor ont été claires, il modifie notre partenariat, et nous, nous fournissons la jambe gauche. Ça fait un peu garçon boucher comme conversation, mais les joueurs ne sont que du bétail... Humour....

Si M. Latour a eu le temps, la surfaceuse devrait être aux couleurs du casino de Capbreton. Mais là aussi, j'ai mal fait mon travail car ce n'est pas un nouveau partenaire mais un ancien qui a augmenté son partenariat.

7) Maintenant, quel sera votre avenir ?

Au boulot, ils m'appellent déjà "Kangourou", non, sérieusement, je vais rebondir. Pour arranger le club, j'étais soit en congés soit en R.T.T. Je n'ai donc rien signé au niveau de mon départ. Je vais donc regagner Paris, refaire les incessants aller-retour, avec le TGV du dimanche soir à la gare de Bayonne.

Même si j'étais mal positionné dans la structure, cela leur a quand même permis d' économiser environ 1 500 € mensuels (6000 francs net + 3% des anciens partenaires) depuis le mois de juin. Ils me remboursaient uniquement mes frais de carburant, et de timbres (environ 100 € par mois). Je ne leur jamais fait payer l'explosion de mon forfait Orange qui est passé de deux heures mensuelles à plus de quinze heures.

Mon seul souci, c'est de laisser mon épouse qui travaille au Pays Basque et mes enfants qui sont scolarisés ici, pour retourner à Paris et me retrouver dans un studio de la région parisienne... Paris j'avais déjà du mal avant, mais après quatre mois ici à travailler avec la vue sur l'océan, se retrouver en banlieue... Le choc sera rude. C'est clair que, financièrement, être payé par mon ancien employeur plutôt que par l'Hormadi, c'est sans commune mesure, je vais toucher trois fois plus qu'à Anglet avec la certitude d'être payé... ce qui n'est pas le cas ici. En dehors de tout ça, il y a un paramètre inquantifiable ici, c'est la qualité de vie au Pays Basque ! Et de pouvoir vivre de sa passion, c'est à dire le hockey sur glace.

8) Pensez vous un jour vous investir à nouveau dans un club de hockey ?

Au niveau de l'investissement dans un club en tant que salarié, oui, même à l'Hormadi à la condition que trois où quatre personnes qui sont là s'en aillent voir ailleurs si l'on a besoin d'eux.

Sinon, en tant que pratiquant, j'ai repris l'arbitrage récemment, j'ai arbitré un match de cadets élite (c'était suffisamment rapide pour me remettre en jambes), puis, le lendemain, un match de cadets excellence. Pour ce qui est de Paris, je vais y remonter avec mon sac pour reprendre le hockey en loisir.

Mais, quitte à me répéter, il est clair que plus jamais je ne retravaillerai pour l'Anglet Hormadi Elite si les gens qui y sont actuellement ne changent pas.

C'est clair que pour ce qui est de l'Anglet Hormadi Amateur, Monsieur Prigent (président de l'A.H.A.) peut compter sur mon bénévolat. D'autant que le bénévolat à l'Hormadi... ça me connaît.

Propos recueillis le 4 octobre 2002 par Hormadiar

 

 

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