Zurich SC Lions

Chapitre II - Hallenstadion, l'entrée dans la modernité

 

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Zurich se veut toujours un club pionnier en matière d'équipement : après avoir construit la première glace artificielle en 1930, le nouvel objectif est de se doter d'une patinoire couverte. Quand on constate que, certains dimanches particulièrement ensoleillés, le coup d'envoi des matches doit être repoussé de près de deux heures en attendant que l'astre solaire, qui empêche la bonne tenue de la glace, veuille bien décliner, cela apparaît effectivement comme une solution d'avenir et une nécessité. Les Zurichois pensent que leur patinoire pourrait devenir le point névralgique du hockey suisse, destiné à accueillir les rencontres de l'équipe nationale. Mais quand ils vont demander l'appui de la fédération, celle-ci les reçoit froidement. Leur proposition est refusée en juin 1950 lors d'un congrès à Neuchâtel, au cours duquel le président Raymond Gafner explique aux délégués zurichois que le hockey sur glace est un sport de plein air et qu'il n'a aucun avenir dans une salle.

Pourtant, lorsque le Hallenstadion est inauguré le 18 novembre par une rencontre entre le ZSC et Arosa (5-5) disputée devant 8000 personnes, la fédération ne tarde pas à s'y intéresser, et quelques semaines plus tard, la sélection suisse y dispute son premier match contre le Canada.

Autonome et intact

Le ZSC connaît également une grave crise en interne à cause de ce déménagement. Il ne concerne en effet que les hockeyeurs, alors que les patineurs artistiques et de vitesse restent sur la Dolder Eisbahn. La scission du club apparaît inéluctable, et la section hockey est menacée de ne plus pouvoir porter le nom de l'entité originelle. Finalement, après une assemblée générale extraordinaire, le club de hockey désormais indépendant se voit autorisé à continuer ses activités sous l'appellation historique de ZSC.

Zurich a beau posséder un outil de travail ultra-moderne avec le Hallenstadion, les résultats ne suivent pas pour autant. Les vainqueurs de 1949 ont en effet mis fin à leur carrière et il faut rebâtir l'équipe avec des joueurs issus de la réserve. Le podium de 1952 est ainsi le dernier avant six ans. La saison suivante (1952/53) Zurich est en grande difficulté malgré la qualité de ses joueurs, dont la star suédoise Gösta Johansson et le Canadien Stan Obodiac. Son dirigeant Fredy Bieler doit rechausser lui-même les patins pour assurer que son équipe s'éloigne de la zone de relégation. Les quatre victoires d'affilée en fin de championnat font remonter le ZSC à une quatrième place finale un peu trompeuse.

Date marquante de cette fin de cycle, la retraite brutale du gardien Hans Bänninger, qui avait été formé à l'EHC Zurich-Enge avant de rejoindre le ZSC. Lors d'un match à Arosa en 1953, il reçoit un palet dans le visage. En un temps où les portiers jouent encore tête nue, quelques années avant que Jean Ayer ne soit le premier Suisse à en porter un, ce n'est évidemment pas la première fois que ça lui arrive. Sa figure est couverte de cicatrices, de même que ses mains, faiblement protégées par les gants. Il a eu plusieurs fois le nez cassé et des doigts fracturés, il avait même failli s'étouffer deux fois après avoir pris un tir au niveau de la gorge. Bänninger avait pris l'habitude de se jeter sur tous les palets avec son style brut de décoffrage. Mais ce jour-là, le palet pris de plein fouet lui vaut une sérieuse commotion cérébrale, la quatrième de sa carrière. Les médecins lui recommandent alors d'arrêter cette activité décidément trop dangereuse, ce qu'il fait à l'âge de trente ans.

Peter Wespi

L'absence de Bänninger se fait ressentir puisque la défense zurichoise devient une des plus friables du championnat. Pendant cinq ans, le club oscille entre la quatrième et la cinquième place. Ce n'est qu'en 1958 qu'il retrouve le podium. C'est alors que le président de ZSC, Max Thierstein, propose d'interdire totalement l'usage des étrangers en championnat. Cette mesure obtient rapidement l'approbation des clubs qui voient là un moyen de limiter leurs dépenses, et elle entre en vigueur un an plus tard, en 1959. Le mieux placé pour en profiter, c'est bien sûr... le ZSC.

Il dispose en effet de l'effectif le plus complet. Il est le seul à pouvoir compter sur trois lignes d'attaque, avec un jeune international de dix-huit ans, Peter Wespi, sur le troisième trio. Entouré d'Ehrenberger et Berthold, c'est Otto Schläpfer qui trône au centre du premier bloc. Ce joueur passé par Davos et Lausanne, avant d'arriver à Zurich en 1954, a tout de son illustre prédécesseur Heini Lohrer : la technique, la vision du jeu... La différence, c'est qu'il possède en plus un exceptionnel talent de buteur.

La deuxième ligne formée de Meier, Schubiger et Härry n'a pas le talent de la première, mais Otto Schubiger compense en lui imposant une hygiène de vie supérieure, alors que le reste de l'équipe a tendance à ne pas lésiner sur l'alcool. Formé au club, le vétéran Schubiger a connu le titre de 1949, mais il en remontre encore aux jeunes. Normal, il est sans doute le premier vrai athlète du hockey suisse, et s'entraîne toute l'année avec un sérieux toujours égal. Il pratique également le sport à haut niveau l'été puisqu'il est international en "Feldhandball", l'ancêtre du handball qui se jouait par équipes de onze sur un terrain de football.

Un doublé sans suite

En 1960/61, le ZSC monte en puissance et termine champion avec quatre points d'avance sur Viège. Quatre jours après le titre, le succès est total : Zurich bat de nouveau son dauphin en finale de la Coupe et devient le premier club suisse à remporter le doublé.

Mais cette saison exceptionnelle reste sans lendemain. L'effectif est mal géré, et le dernier Zurichois encore international, Hans Keller, passe ses meilleures saisons dans l'autre club zurichois, le Grasshopper Club, et non au ZSC. Le chouchou du public pendant ces années est Pio Parolini, un joueur qui a été transféré de Saint-Moritz en 1960, et qui a donc vécu l'année du doublé depuis les tribunes, en vertu d'un règlement imposant un an d'attente aux joueurs qui changeaient de club sans accord.

Il faut de nouveau rajeunir l'équipe dont les membres partent à la retraite les uns après les autres. Mais à la différence de la décennie précédente, la réserve interne n'offre plus les mêmes possibilités de remplacement : l'écart s'est en effet creusé, et la deuxième équipe du club perd finalement sa place en Ligue B en 1964/65 face à une concurrence accrue. Cette année-là, la première équipe a fini avant-dernière en Ligue A. Est-ce la fin ?

C'est sans compter sur le caractère imprévisible du ZSC. En 1965/66, les joueurs de Dave MacGuire, que plus personne n'attend, occupent longtemps la tête du classement. Le Hallenstadion, où règne l'odeur de la saucisse et de la bière, reste un atout de taille, car il n'y a que deux patinoires couvertes dans le pays (l'autre est celle des Vernets, à Genève). Les visiteurs habitués à jouer en plein air sont moins habitués à cet environnement. Pour autant, ce sont les Grasshoppers qui finissent champions, eux qui évoluent sous la pluie ou la neige au Dolder.

Sans l'international Muhlebach victime d'une double fracture du péroné et d'une déchirure musculaire au jarret en match de pré-saison en octobre, le ZSC redevient pourtant la meilleure équipe zurichoise en 1966/67. Le joueur-clé est le centre Peter Wespi, meneur offensif capable de donner de belles mises en échec en milieu de glace. Malheureusement, il se blesse en janvier et son absence limite les ambitions. C'est lors de cette saison 1966/67 que la ligue autorise la publicité sur les maillots. À ce jeu-là, les Zurichois sont les premiers à signer un contrat, avec la fabrique de nylon Nylsuisse, devançant le GC qui est sponsorisé par les téléviseurs Blaupunkt.

Les temps changent et l'amateurisme n'est plus une valeur aussi sacrée. Le club licencie Dave McGuire, entraîneur depuis trois ans, après seulement un match dans le championnat 1967/68. S'ensuit un capharnaüm. Les négociations échouent avec l'Allemand Markus Egen, qui n'aurait pu être que partiellement à disposition, et le Canadien finalement embauché, Frank Trottier, constate sur le banc l'étendue du chantier pendant la défaite 0-5 contre la Chaux-de-Fonds... avant de rendre son tablier ! Il faut beaucoup de persuasion pour convaincre l'ancien joueur Otto Schläpfer d'aider le club, et les rumeurs de son renoncement continuent de courir pendant des semaines. Il faut dire que la situation est difficile. Zurich finit l'année 1967 à la dernière place avec trois points de retard, après une défaite devant 5000 spectateurs dans un Hallenstadion... acquis à la cause du concurrent direct Davos, le club grison qui a toujours plus de partisans dans la région zurichoise que les clubs locaux.

Il faut se rendre à l'évidence. Le hockey sur glace est en train d'être dépassé dans la ville par le football et ses deux clubs (le FC Zurich et les Grasshoppers). Il ne peut plus soutenir lui aussi deux clubs de Ligue A, plus un en proche banlieue avec Kloten. Et comme Davos remonte au classement, il est clair qu'il n'en restera qu'un. Le ZSC et le Grasshopper Club font un chassé-croisé pour la lanterne rouge. L'attaquant Kurt Loher amène des points importants, avec un doublé en troisième période pour une victoire à Viège, et avec un triplé à Davos. Tout se joue à la dernière journée, sur la glace en plein air du Dolder, chez les Grasshoppers, devant 3500 spectateurs. Le gardien Furrer, qui paraissait hors de forme, sort son meilleur match au bon moment, et Loher, inscrit le but décisif (1-2) qui envoie les sauterelles griller en Ligue B.

Le ZSC, débarrassé de la concurrence de son rival, pense ainsi pouvoir suivre alors que l'argent commence à devenir le nerf de la guerre. Le club perd le contrôle sur l'équipe première en 1969. Elle est désormais gérée par un comité de trois hommes, un représentant du club et deux membres de la Hallenstadion AG, la société privée qui dirige la patinoire et qui est désormais en charge des finances de l'équipe-fanion. Mais Zurich devient un abonné du bas de tableau et, deux ans après son vieux rival de Davos, le club connaît à son tour en 1971 les affres de la relégation pour la première fois de son histoire.

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