Mannheimer ERC

Chapitre III - Pêche fructueuse au Canada

 

Chapitre précédent (premiers podiums avant le purgatoire)

Une toute nouvelle deuxième Bundesliga est mise en place par la fédération lors de la saison 1973/74, sous la forme d'une poule unique à dix clubs. Mannheim se plaint toujours de finances serrées, mais parvient encore à se renforcer avec Bernd Schoff (Francfort), avec un autre Tchèque, Jaroslav Tuma, et avec Bill Rossini et Jack Roussell, qui remplacent leur compatriote Münch. Par ailleurs, un certain Marcus Kuhl fait ses débuts en équipe première. Pas pour longtemps : il part dès l'année suivante à Cologne où il marquera 25 buts pour sa première saison dans l'élite.

Le MERC part sur les chapeaux de roues et ne concède son premier point qu'au sixième match contre Duisburg. Et encore parvient-il quand même à arracher l'égalisation sur un penalty transformé par Tuma à la dernière seconde. Mais les joueurs ont beaucoup de mal à conserver leur discipline de jeu et leur sang-froid, et l'accumulation des pénalités leur coûtera plus d'une victoire. Si la remontée n'est toujours pas au rendez-vous, en revanche, le public reprend confiance en son équipe, et des matches disputés devant six ou sept mille personnes rappellent à chacun les soirées les plus chaudes de Bundesliga.

Cette Bundesliga, le MERC aimerait bien y retourner, mais il est clair qu'il n'en a pas encore les moyens. Les deux Canadiens, les deux Tchèques et les deux Kuhl (Marcus et Detlev) quittent l'équipe, et ces départs ne peuvent pas être complètement compensés par le retour de James Münch et les arrivées du Canadien Tom Love comme second gardien et du jeune Hendrik Jaworowski. Cet attaquant polonais, buteur efficace et précieux, apporte un peu de finesse à une équipe qui s'appuie surtout sur des combattants au gros moral. Certes, le grand favori Rosenheim, entraîné par l'ancien sélectionneur national Gerhard Kießling et qui compte dans ses rangs son fils Udo et l'ancien Mannheimois Jirí Tuma, est battu par deux fois grâce à un gros travail défensif et de bons matches de Hägele dans les buts, mais le MERC ne parvient pas à rééditer ce genre de performances en déplacement, et il doit se satisfaire d'une troisième place, loin derrière Rosenheim et Ausgbourg.

En 1975/76, Wilbert Duszenko et Jürgen Steckmeier partent à Fribourg-en-Brisgau tandis que Karl Scheytt doit faire ses valises pour Nuremberg pour des raisons professionnelles. Mais Hans Clouth revient de Düsseldorf, un deuxième gardien, Röhrl, est prêté par Riessersee, et deux étrangers arrivent, le Finlandais Suoniemi et le Tchèque Bolehovsky. Malheureusement, il y a encore une fois un gouffre entre l'effectif théorique et l'effectif réel, la faute à une avalanche de blessures (le genou de Jaworowski, la main de Maier, tandis que Jirí Bolehovsky les accumule). Face à un adversaire comme Kaufbeuren, tout juste reléguée de Bundesliga et qui pouvait compter sur une formation stable et solide.

Weisenbach, l'homme providentiel

C'est durant le torride été 1976 qu'arrive l'homme qui allait changer le cours de l'histoire du hockey à Mannheim, et au-delà en Allemagne : Heinz Weisenbach. Cet homme venu de Füssen est nommé à la mi-août comme entraîneur, sans même qu'Eugen Seidl, après seize ans de bons et loyaux services, en ait été prévenu. Lorsqu'il apprend la nouvelle, il se dit un peu dépité qu'il s'y attendait un peu vu que personne ne l'avait appelé alors que son contrat arrivait à son terme.

Le métier est parfois sans scrupule. En novembre 1976, l'ancien sélectionneur national Ed Reigle propose ses services à Mannheim pour un montant élevé (100 000 marks), avant d'exiger bientôt la mêle somme en dollars quand il apprend que des places sont libres à Düsseldorf et Rosenheim. Mais le MERC résiste à la tentation du changement. Conforté à son poste, Weisenbach se révèle être friand de l'adaptation tactique en fonction de l'adversaire, mais aussi des innovations dans les lignes. Il n'hésite pas à faire passer à l'attaque Suoniemi, jusque là défenseur, et montre sa propension aux expérimentations en prenant trois joueurs à l'essai, Vorlicek, Huber et Hassan, qui seront tous trois conservés dans l'effectif. Vorlicek en particulier, aussi bien pour son apport offensif que défensif, s'affirme comme un des meilleurs joueurs, avec l'efficace Meister et le petit et teigneux Clouth. Le centre vétéran Jörg Etz, blessé dans un match de pré-saison contre Bad Nauheim comptant pour la coupe de Hesse, confirmera ses qualités de leader dès son retour. La lutte en tête est époustouflante, et une demi-douzaine de clubs peuvent raisonnablement prétendre à la montée. Ce championnat 1976/77passionnant enflamme Mannheim comme jamais, et pour la première fois depuis des lustres, il arrive que la patinoire du Friedrichspark affiche à nouveau complet.

Il est alors clair que c'est l'équipe la plus constante qui l'emportera, et aucune ne paraît à l'abri d'une contre-performance. Mais courant janvier, Mannheim s'incline deux fois de suite contre des adversaires directs, Kaufbeuren puis Deilinghofen. Weisenbach décide de sévir en mettant à l'écart le fidèle défenseur Hans Maier ainsi que l'attaquant Reinhold Meister, dont les performances ont nettement décliné depuis plusieurs semaines. L'entraîneur, qui vient de signer un contrat de trois ans, envoie un clair message d'exigence à ses joueurs. Malgré tout, Mannheim abandonne des points contre sa bête noire Peiting et contre une équipe de Bad Tölz contre laquelle il collectionne les résultats nuls, et c'est donc la jeune et rapide équipe de Kaufbeuren qui décroche le gros lot... et qui refuse (pour l'instant) la montée.

"Bubu", le réfugié

À l'été 1977, Boguslav Malinowski, défenseur polonais de Katowice âgé de vingt-huit ans, profite de son statut privilégié de hockeyeur de l'équipe nationale qui lui donne droit à des vacances à l'étranger. Il part ainsi avec sa femme Halina en Bavière, et fait pendant son séjour un détour par Mannheim pour rendre visite à un ami. Il prend alors la décision de ne pas rentrer au pays. Avec pour tout bagage leurs deux valises, les époux Malinowski sont pris en charge par le président du MERC, Helmut Müller, qui offre à Halina un poste d'entraîneur de patinage artistique au club, tandis que Boguslav reprend à mi-temps son poste d'électricien dans l'automobile, en attendant de pouvoir rechausser les patins.

L'exilé doit en effet purger une suspension internationale de dix-huit mois avant d'être autorisé à reprendre le hockey. Passé ce délai, il peut continuer son activité. La fédération allemande offrira même alors un statut spécial destiné aux réfugiés de l'est, qui prévoient qu'un joueur résidant en Allemagne un an et demi sans jouer devient alors automatiquement allemand au sens du hockey sur glace, c'est-à-dire qu'il ne sera plus considéré comme étranger. Ce statut destiné à venir en aide à ceux qui ont fui l'Europe de l'Est sera d'ailleurs plusieurs fois détournés de son sens initial dans les années 80 au profit de pseudo-inactifs canadiens, mais c'est une autre histoire. Quand le petit Polonais, dix-huit mois plus tard, commencera à jouer avec Mannheim, revenu entre-temps en Bundesliga, il deviendra vite un des chouchous du public, surnommé "Bubu".

La remontée, enfin

En 1977/78, Mannheim perd ses deux gardiens Gerhard Hägele et Peter Röhrl, et engage le très prometteur Matthias Hoppe comme nouveau titulaire. À dix-neuf ans, il a déjà été sélectionné en équipe d'Allemagne B, tout comme Werner Jahn. Tous deux débarquent de Füssen, où Weisenbach a gardé suffisamment de contacts pour dépouiller le club. Même si le MERC n'arrive pas à attirer l'international Frank Neupert, sa priorité, les départs de Brill, Huber, Rösner et Suoniemi sont compensés par les arrivées de deux Canadiens, Bruce Abbey (25 ans, Björklöven, Suède) et Bill Mikkelson (29 ans, Baltimore, NHL). De plus, un joueur formé au club fait son apparition en équipe première : Peter Obresa.

Mannheim part en tête, mais concède le nul contre Kaufbeuren (3-3) et perd à Bad Tölz (2-5). On ne donne alors pas cher de sa peau face au leader invaincu, le relégué Augsbourg, d'autant qu'Obresa est malade (pleurésie), mais Mannheim, mené 1-4, puise dans ses réserves pour s'imposer 8-6 avec un doublé de Vorlicek, pourtant diminué par une grippe qui lui avait fait perdre cinq kilos. Le scénario semble se répéter au match retour, quand Mannheim remonte de 2-6 à 5-6, mais les Souabes s'assurent un succès à la dernière minute. Contrairement à l'an passé, la course en tête se résume à un duel, mais celui-ci est encore long puisqu'on doit disputer un double aller-retour. Mannheim boucle la première phase avec deux points de retard.

Et bientôt quatre après une défaite à Duisburg. Après avoir concédé sa deuxième défaite seulement de la saison, à Kaufbeuren, sur la marque sans appel de 8-2, Augsbourg se venge sur Mannheim lui-même, battu sur le même score. Le MERC perd pied peu à peu, l'écart se monte à sept points, mais on apprend alors que le deuxième du classement sera lui aussi promu du fait du passage de la Bundesliga à douze équipes. Comme le trou a été fait depuis longtemps derrière, Mannheim ne se préoccupe plus d'Augsbourg et atteint sans problèmes son nouvel objectif, la deuxième place. Le club revient donc en Bundesliga. Pourtant, ce retour s'annonce difficile, d'autant que la dette du club n'a pas été épongée. Mais voilà que Heinz Weisenbach s'envole pour le Canada...

Prospection au Canada

Pour son retour en Bundesliga, Mannheim cherche clairement à construire une grosse équipe, et les renforts de deux internationaux comme Klaus Mangold (Berliner SC) et Helmut Guggemos (Krefeld) vont tout à fait dans ce sens. Mais l'argent manque pour recruter plus, et l'entraîneur Heinz Weisenbach cherche alors à exploiter une faille encore inexplorée, un réservoir de joueurs "allemands" resté vierge.

Il se souvient en effet de la vague d'émigration allemande vers le Canada au milieu des années 50 et part pour Toronto où commence une pérégrination de six semaines. Il fait le tour des différentes ligues mineures, épluchant statistiques et feuilles de match. Son but ? Retrouver des joueurs d'ascendance germanique, dont les parents auraient émigré après la guerre. Ils auraient ainsi été formés au Canada mais possèderaient encore un passeport allemand dont ils ne soupçonnent pas la valeur. Tout ce qui sonne plus ou moins teuton attire l'œil sagace de Weisenbach. Ici, un Wolf, là un Bosecke... Il se renseigne sur ces joueurs et découvre que certains n'ont pas d'allemand que le nom.

Weisenbach passe également des petites annonces dans les journaux : "recherche hockeyeurs allemands". Harold Kreis, joueur de junior majeur aux Calgary Wranglers en WHL, ouvre le journal à la bonne page, Weisenbach vient expliquer sa proposition au jeune joueur de dix-neuf ans et à sa famille. Kreis deviendra un des piliers du MERC des années 80.

Weisenbach emmène avec lui dans l'avion du retour une dizaine de Germano-Canadiens qui sont conviés à suivre la préparation physique à Füssen en juillet. Parmi eux, certains ne seront pas conservés, comme Dieter Wolf, les gardiens Gregor Bosecke et Klaus Verleih ou l'attaquant Gerd Peckart. Il y a aussi ceux que Weisenbach a repérés mais qui sont encore trop jeunes ou pas prêts à franchir le pas, comme Karl Friesen ou Ralph Krueger. Pour eux, ce n'est qu'une question d'années avant que d'autres clubs allemands fassent appel à eux...

Mais Daryll Maggs, Brent Meeke, Harold Kreis, Dan Djakalovic, Manfred Wolf, Roy Roedger et Peter Ascherl intègrent l'équipe de Mannheim qui prend alors évidemment un autre accent et une autre stature. Ascherl devient le premier joueur "de couleur" de la Bundesliga avec une histoire étonnante : tombée enceinte - hors mariage - d'un soldat noir américain installée en Allemagne, elle s'est exilée par crainte du scandale et a élevé seule son fils au Canada mais est morte quand il avait 18 ans. C'est la famille de son coéquipier en hockey junior Mike Zettel qui s'est occupée de lui pour qu'il puisse entreprendre ses études de droit, poursuivies en Allemagne. Ces joueurs canadiens sont ravis de l'aubaine d'être engagés comme professionnels dans un championnat officiellement amateur. Arrivant du hockey junior, ils sont jeunes et en bonne condition physique, à la notable exception du défenseur Brent Meeke qui traîne dix kilos de trop mais compense par son génie du jeu. Canadiens et Allemands sont aussi tous célibataires et l'esprit de groupe se forge dans les longues soirées communes. Cette tournée canadienne de Heinz Weisenbach s'apprête ainsi à changer la face de la Bundesliga. D'une part parce qu'elle amènera Mannheim à son premier titre, d'autre part parce qu'elle plongera à terme le hockey allemand dans une série de scandales.

L'affaire Weishaupt

Mais le prochain scandale, auquel Mannheim sera directement confronté, n'aura rien à voir avec les Canadiens, et il ne sera pas du fait du MERC : il aura pour objet Erich Weishaupt, le meilleur gardien allemand, qui jouait au Berliner SC et qui est recruté à la mi-août. Tout le monde paraît s'est mis d'accord sur le transfert, Mannheim s'est acquitté de ses droits et ne semble rencontrer aucun problème quand Weishaupt évolue pour la première fois avec sa nouvelle équipe, devant quatre mille personnes, dans une patinoire rénovée par la ville en guise de soutien à l'accession du club à la Bundesliga. Weishaupt est impérial dans ce match amical, Mannheim écrase le champion en titre Riessersee 8-1, on n'en demandait pas tant, et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes... À un détail près. Le nouveau président berlinois Wilfried Schacht ne veut pas céder la licence du gardien international et engage le bras de fer.

Avec une autorisation donnée par la fédération régionale du Bade-Wurtemberg, qui soutient son club, Weishaupt est quand même présent sur la glace lors du premier match de championnat contre Bad Nauheim, mais il ne se trouve évidemment pas dans une situation psychologique idéale, et il craque, remplacé par Matthias Hoppe après avoir encaissé six buts, dans un match finalement perdu 2-10, un revers dont Mannheim se remettra très vite. Le Berliner SC envoie finalement la licence, expliquant pour justifier son retard que son ancien gardien n'avait pas rendu son équipement au club.

Mais ce n'est qu'un sursis. Le feuilleton n'est pas fini, et Berlin dépose un recours. Comme les licences ont été obtenues après la date légale de clôture des transferts (le 31 août), Rosenheim et Mannheim sont menacés de perdre sur tapis vert tous les matches dans lesquels Scharf et Weishaupt ont joué, soit la plupart pour ce qui est de ce dernier, même si Matthias Hoppe a aussi été titularisé et a notamment réalisé un blanchissage contre Füssen (1-0). L'épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête semble paradoxalement avoir un effet bénéfique sur les Mannheimois, puisqu'ils terminent la première phase du championnat 1978/79 à la troisième place, et se qualifient donc pour la poule finale.

Mais la commission d'arbitrage puis la commission d'appel de la fédération rendent le même verdict, retirant tous ses points à Mannheim puisque la licence d'Erich Weishaupt n'avait pas été confirmée. "Nous avons fait tout ce que nous avons pu", commente le président de la fédération Otto Wanner. Apparent le MERC peut encore plus : il fait appel à l'avocat munichois Rolf Bossi qui se porte devant une chambre civile de Munich, laquelle rend un arrêt qui ordonne à la fédération d'annuler sa décision jusqu'à un verdict final soit rendu, compte tenu des circonstances particulières qui ont entouré l'obtention de ces licences, et ce sous peine d'une amende de 500 000 marks. La fédération, qui aurait sans doute eu raison sur le fond si elle était allée au bout de la procédure, prend peur. En quelques jours, elle se dédit et enterre promptement toute l'affaire. Le recours à l'avocat-vedette a fonctionné !

Lorsque Mannheim reçoit Berlin pour la deuxième phase, on doit refuser du monde car le duel passionne les foules. En raison du contentieux qui s'est créé, certains journaux à scandale prédisent même un bain de sang sur la glace. Mais les joueurs ne rentrent pas dans ce petit jeu, le match se déroule tout à fait normalement, et les deux équipes se séparent sur le score de 2-2, frustrant pour Mannheim. Mais la vengeance est un plat qui se mange froid, et le MERC aura l'occasion de battre Berlin à deux reprises. Avec quatre victoires et deux nuls, le bilan contre le club de la capitale est tout à fait satisfaisant.

Malheureusement, le bilan général l'est moins, car Mannheim termine la poule finale à la sixième et dernière place, n'arrivant pas à retrouver l'allant de son début de saison, où les menaces sur la licence de Weishaupt avaient bizarrement plus amélioré les résultats que semé le doute ou la zizanie.

La revanche de Matthias Hoppe (et de Berlin)

Le MERC décide néanmoins qu'il n'a pas fait tout ça pour rien, et prolonge donc le contrat d'Erich Weishaupt de trois ans. Qui plus est, il se consacrera entièrement à son club, puisqu'aux championnats du monde, il perd sa place de titulaire en équipe d'Allemagne et décide de mettre un terme à sa carrière internationale. Il en est un qui n'est évidemment pas content de la nouvelle du maintien de Weishaupt, c'est Matthias Hoppe, dont toutes les perspectives de carrière sont bouchées. Il décide pour avoir un peu de temps de glace de partir au... Berliner SC (hé oui !), qui recherche forcément un bon gardien pour pallier la défection de qui vous savez.

Hoppe n'est pas le seul ancien à devoir faire ses bagages : on n'a plus de place non plus pour Münch, Meister, Hassan et Guggemos. Par contre, un joueur formé au club, et pas le moindre, puisqu'il s'agit de l'international de 23 ans Marcus Kühl, fait son grand retour cinq ans après avoir quitté Mannheim (il a empoché deux titres de champion au passage avec Cologne). Il vient ouvrir un magasin de vêtements dans la ville et bien entendu revenir jouer avec le MERC. Mais son cas fait un temps l'objet d'une controverse entre Cologne et Mannheim pour savoir s'il s'agit d'un prêt ou d'un transfert définitif. Comme le joueur, content d'être rentré chez lui, fait savoir qu'il n'a pas l'intention de retourner au KEC, les choses sont claires et les deux clubs parviennent à s'entendre. On n'aura donc pas de nouveau litige... Ouf ! D'autant que Kühl est le produit d'une époque où un joueur pouvait mettre pleinement à l'œuvre l'éventail de sa technique. Bien appuyé par des joueurs plus physiques dans cette équipe à l'accent canadien, il sera un des grands bonhommes de la saison. Il forme un premier trio redoutable avec les deux autres grands renforts, le centre canadien Ron Andruff et l'ailier international allemand Holger Meitinger.

Ce sont des doubles retrouvailles que "fête" le MERC pour son dernier match de préparation de la saison, puisqu'il rencontre... le Berliner SC (si, si, en amical !), et que les buts de ce dernier sont gardés par Matthias Hoppe, qui souhaite donner des regrets à ses anciens dirigeants et y parvient avec l'art et la manière. Il blanchit l'attaque de Mannheim.

Champion mal-aimé

Le MERC, qui perd ce match 0-3, n'aborde donc pas le championnat 1979/80 en position de favori, statut que se partagent Düsseldorf et Riessersee. Mais, au cours des premières journées, Mannheim domine superbement le club de Garmisch-Partenkirchen (7-3) et réussit à s'imposer à Düsseldorf (6-3) en jouant magnifiquement le contre, de quoi faire douter des valeurs établies. Mais Riessersee sait les faire respecter et cavale en tête, surtout après sa grandiose revanche à domicile contre Mannheim, sur un 6-0 sans appel. Mannheim reste à bonne distance, et termine la première phase avec six points de retard.

Pas un si gros handicap quand on sait que la fédération a inventé une nouvelle nouvelle formule de championnat, pour le moins alambiquée, en trois groupes de quatre. Avec cette répartition pas du tout équitable, Riessersee doit se coltiner des rivaux plus forts que les deux clubs qui ont terminé derrière lui, Mannheim et Düsseldorf. Cela ne signifie pas juste que la qualification sera un peu plus difficile, c'est beaucoup plus important que ça puisque les points acquis dans ces groupes déséquilibrés seront également conservés pour la phase finale.

Le MERC a un petit peu de chance lors de cette phase : son premier déplacement à Berlin, l'adversaire le plus difficile, a lieu alors que trois attaquants de la capitale (Jaworowski, Slanina et le buteur Martin Hinterstocker) sont blessés. Il passe même à un cheveu de la catastophe à domicile contre la lanterne rouge Fribourg-en-Brisgau, car la défaite n'est évitée que dans les trois dernières minutes. Mais le résultat est là : Mannheim n'est plus qu'à un point du leader.

Pour Riessersee, le pire est à venir. Il ne s'agit plus de deux ou trois faux-pas, mais d'une crise profonde. Le favori a perdu son hockey et commence la phase finale entre les huit premiers par deux défaites. Le MERC, de son côté, sauve un point contre Landshut après être passé de 3-2 à 3-4 dans les deux dernières minutes : l'égalisation providentielle est signé Holger Meitinger, enfin débarrassé de ses problèmes de rélisme. Le MERC se retrouve tout étonné en tête, et il comprend vite la chance qui s'offre à lui. Après un mois d'arrêt pendant la trêve olympique, il faut aller gagner un match capital à Garmisch-Partenkirchen. Meitinger et Andruff donnent la victoire à Mannheim dans les dernières minutes et pavent la voie du titre.

Le MERC est en position de force. Sans le défenseur canadien Brent Meeke qui s'est coincé un nerf, les derniers points sont les plus difficiles à prendre : après un 8-8 miraculeux à Füssen qui menait 7-2, Mannheim doit effectuer à l'avant-dernière journée un périlleux voyage à Berlin, là même où Düsseldorf a été laminé 7-1. Mais le MERC prend très largement le dessus par sept buts à deux et empoche le titre avant même le dernier match. Celui-ci est perdu contre Cologne sans le moindre sérieux au cours d'une soirée de pure fête (qui agace les joueurs visiteurs). Les joueurs se présentent costumés à l'échauffement, dirigés par leur entraîneur Heinz Weisenbach déguisé en policier, et avec du mousseux dans leurs gourdes ! Mais les journaux titrent sur le "champion mal-aimé" et parlent de "retour en arrière pour le hockey allemand" en raison des doubles passeports.

Weisenbach, objectif atteint

Weisenbach a réussi son pari : faire de Mannheim le champion d'Allemagne ! Il peut donc se fixer de nouveaux défis à Cologne. Il y trimbale avec lui le statut de favori et la pression de celui qui est attendu comme l'homme à battre.

L'identité de son successeur surprend. L'ancien international tchèque Ladislav Olejnik a remporté deux Coupes d'Europe comme joueur avec son club formateur, le ZKL Brno, mais dans sa carrière d'entraîneur, à Bad Tölz et Bad Nauheim, il s'est surtout fait un nom dans son travail auprès des jeunes, y compris au sein de la fédération allemande. On ne sait donc pas trop comment il s'adaptera à une équipe de culture canadienne, qui a été conservée telle quelle hormis le départ du capitaine Klaus Mangold et l'intégration de l'international junior de Rosenheim, Rainer Blum.

En prélude au championnat 1980/81, Mannheim dispute un tournoi à Arosa et mène 6-1 en finale face à l'équipe locale, mais le match doit être interrompu après une bagarre générale provoquée par une agression sur Jorns. Décidément, la saison commence bien mal pour le MERC, non pas à cause des résultats, mais parce qu'à la fin du deuxième match de Bundesliga contre Bad Nauheim, Harold Kreis se prend le plexiglas de face et se casse le nez et la mâchoire supérieure, ce qui nécessitera une opération. Le public crie au scandale et se répand en invectives envers l'arbitre, mais il s'avère en fait qu'aucun adversaire n'ait été fautif dans l'accident.

Avec seulement quatre défenseurs restants, le champion en titre parvient quand même à s'accrocher au groupe de tête, mené par le Cologne de Weisenbach. Il est néanmoins trop juste pour son grand baptême du feu en Coupe d'Europe, où il est logiquement éliminé (3-6 et 4-5) par les Suédois de Brynäs Gävle. Lorsque Kreis revient au jeu en décembre, on croit que les malheurs sont terminés. C'est loin d'être le cas, puisque le gardien Erich Weishaupt se blesse à son tour. Pour Joachim Casper, joueur formé au club et resté dans l'ombre depuis trois ans et demi, la tâche de remplacer un tel titulaire est difficile. Malgré l'introduction des play-offs, on ne veut pas se permettre de perdre le moindre point. C'est pourquoi Weishaupt précipite sa rentrée contre Füssen... et sa blessure se réouvre. Il reviendra finalement au bout d'un mois d'indisponibilité au total.

Vrais et faux passeports

A posteriori, cet empressement à faire revenir un joueur blessé paraîtra d'autant plus vain que la place obtenue au classement ne voudra plus dire grand-chose. En effet, suite à la success story de Mannheim, la chasse au Canadien d'origine allemande est devenue la grande mode, mais le filon s'était quelque peu épuisé après le passage de Weisenbach. On continue la prospection, mais il est rare que les joueurs trouvés possèdent un passeport allemand. Qu'importe, après tout, du moment que leurs noms ont une consonance germanique. Alors que d'autres équipes s'arment à leur tour de Germano-Canadiens, des doutes sur l'authenticité de leurs passeports commencent à se faire jour. Dès le printemps précédent, la fédération a été alertée par le consulat d'Allemagne à Edmonton qui a le premier eu vent du trafic. Elle a donc exigé des documents prouvant la nationalité de tous les joueurs débarqués d'outre-Atlantique. Mannheim effectue alors des démarches au Canada et rapatrie les documents demandés, mais tout le monde ne parvient pas - et pour cause - à prouver sa bonne foi.

Duisburg, qui a quelque peu abusé des faux passeports, se voit retirer dix-sept points, et l'ordre du classement s'en trouve tout chamboulé. Mannheim, qui aurait dû jouer contre Rosenheim, se retrouve ainsi à affronter Berlin. Il proteste, mais se qualifie pour les demi-finales (6-3 et 8-3). Du moins le croit-il... Car un coup de théâtre intervient : après les "petits" Duisburg et Essen, c'est carrément le leader Cologne, le nouveau club de Heinz Weisenbach, qui est épinglé. Le classement est donc une nouvelle fois modifié après la disqualification du KEC. On refait donc jouer les quarts de finale avec les nouveaux appariements. Mannheim se retrouve finalement contre Rosenheim, et la qualification est beaucoup plus difficile - il faut pour cela un but de Ron Andruff à la prolongation du premier match et une belle réaction d'orgueil lors de la belle, alors que les Bavarois menaient au score.

Enfin, on peut tranquillement procéder aux demi-finales. Tranquillement ? Pas vraiment, en tout cas pas à Mannheim... Pour protester contre une décision arbitrale, les joueurs de Mannheim rentrent prématurément au vestiaire à huit minutes de la fin du match contre Düsseldorf. Pas consulté, l'entraîneur Ladislav Olejnik se montre très déçu du comportement de ces joueurs qu'il ne cautionne pas. Leur réaction à domicile est plus saine, et c'est cette fois sur la glace qu'ils s'expriment : 6-2. Retour à Düsseldorf, où le DEG et le MERC livrent un grand match, sans le moindre accroc, où Mannheim ne s'incline finalement qu'en prolongation. Düsseldorf sera ensuite battu en finale. Ce sera finalement le SC Riessersee, si mésestimé en début de saison parce que son effectif faisait figure de parent pauvre avec tant de joueurs formés au club, qui deviendra un champion mérité mais malheureusement occulté par la résonance du scandale.

Même si l'affaire des faux passeports n'est pas encore close judiciairement et si Weisenbach continuera d'officier à Cologne, on peut à cette date considérer que "l'ère Weisenbach", en tant qu'acteur majeur du hockey allemand, vient de s'achever, et on peut donc en dresser un bilan. Il s'avère bien vite que Mannheim est en quelque sorte le grand gagnant de ce chapitre qui s'est ouvert avec un innocent voyage au Canada. Le MERC a en effet eu les avantages sans les inconvénients. D'une part, il a bénéficié de l'apport des Germano-Canadiens pour gagner son premier titre et s'installer au sommet du hockey allemand, et d'autre part, il n'a pas été éclaboussé par les scandales qui en ont découlé, et qui n'ont pas frappé l'instigateur de la mode, mais les copieurs - et faussaires.

 

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