Grenoble

Chapitre VI - L'entrée dans l'ère moderne

 

Chapitre précédent (Une lente descente aux enfers)

Les Brûleurs de Loups n'ont pas vu venir le début du professionnalisme du hockey français dans les années 80 engendré par des clubs de villes de plaine, comme Tours, Amiens ou Rouen. La renaissance des Français Volants de Paris et la tentative de l'entente Saint-Gervais-Megève d'y faire face ont accéléré le phénomène qui a bien failli entraîner par le fond le club grenoblois resté familial dans son fonctionnement. Les années 90 vont permettre aux Brûleurs de Loups de refaire leur retard, et de rattraper la meute se battant pour le titre de champion de France. Même au prix de difficultés financières. Mais à ce jour, les BDL n'ont plus quitté que ponctuellement les sommets.

 

 

De l'air dans les poumons

Après l'immense frayeur de la saison passée, 1988/89 sonne l'heure de la réaction et des changements.

Changements à la tête du club tout d'abord. Jean Le Blond prend la présidence de la section hockey du CSGG, deux ans après avoir arrêté sa carrière de joueur. Il remplace Jacques Fouletier à un poste longtemps occupé par son père, Robert Le Blond.

Changements ensuite au sein de l'équipe première, pour enfin la renforcer après des années de disette et éviter la "galère" de la saison précédente. Jean-Luc Chapuis se souvient : "Le recrutement avait tellement été léger les années précédentes, à cause du manque de moyens, que cela faisait du bien de retrouver l'ambition après toutes ces saisons de difficultés."

Côté départs : Serge Trépanier et Yves Lapointe sont repartis au Canada et Guy Fournier a été recruté par Rouen. Philippe Badin rejoint lui Clermont-Ferrand. De plus, Jean-Philippe Schoch, gardien des Brûleurs de Loups depuis quatre saisons, s'en va à Reims. Le gardien alsacien se souvient avec émotion ses années dauphinoises : "Ce sont mes meilleures années. Nulle part ailleurs, je n'ai retrouvé un tel environnement. À Saint-Gervais, le public était également chaud, mais très chauvin. À Grenoble, ce sont vraiment des connaisseurs. Je serais bien incapable de citer la liste des joueurs avec qui j'ai joué à Reims et à Nice, mais je me rappelle de tous et de tout à Grenoble. C'est vraiment une ville de hockey pour qui la culture hockey est quelque chose d'important."

Des départs certes, mais surtout des arrivées, beaucoup d'arrivées. Sept en tout et de qualité. C'est en premier le secteur défensif qui est remodelé. Une défense délaissée depuis trop longtemps. C'est tout d'abord le retour au club du gardien international, qui vient de faire les Jeux Olympiques de Calgary, Jean-Marc Djian. Il sera associé à son frère Serge, comme cela aurait pu se faire en 1985 !

Jean-Marc se souvient : "Grenoble redevenait ambitieux, donc cela m'intéressais, car c'est quand même mon club de cœur et de formation. De plus je ne m'entendais pas avec l'entraîneur-joueur de Villard-de-Lans, Gaston Therrien, qui avait le soutien des dirigeants. Une mésentente qui rendait pesante l'ambiance alors qu'avec les joueurs cela se passait super bien, en particulier avec Pat Dunn ou Louis Coté."

Revoilà donc Jean-Marc dans son club d'origine, un club où il a tout connu chez les jeunes :

"Les débuts de l'histoire d'amour entre la famille Djian et le hockey sont presque devenus une légende où l'on ne sait plus ce qui est vrai ou faux, en tout cas, la légende dit que mes parents sont allés voir le fameux Tchécoslovaquie-URSS des Jeux de Grenoble, invités par un collègue médecin tchèque, et qu'après mon père ne jurait plus que par le hockey. C'est ainsi que mon frère Serge a débuté en 1969 et moi aussi... à l'âge de 3 ans sur des patins d'artistique à double lame ! Très rapidement, Clémenceau est devenu ma seconde maison. J'en connaissais tous les recoins et toutes les personnes. D'ailleurs, en ayant commencé à l'âge de trois ans, je suis resté dans la catégorie poussin une éternité et chaque année on me demandait : Mais, tu es encore poussin."

Tout de suite, Jean-Marc a été comme Serge dans les cages : "Pour faire comme mon frère et parce que j'aimais bien l'équipement !" Un gardien qui se souvient de son premier but encaissé... en moustique : "C'était à Villard et avec Grenoble on menait 18-0, sans que j'aie eu un seul tir, ce qui valait mieux, car je tenais à peine sur les patins, et puis j'entends mes parents crier le long de la balustrade, je viens donc vers eux... Au moment où arrive un tir lointain qui rentre dans la cage que j'avais désertée... J'en ai pleuré !" Et voilà le premier but encaissé par celui qui a été l'un des plus grands gardiens de l'histoire du club et en tous cas le meilleur gardien français de sa génération !

C'est ensuite le retour après un an à Tours du défenseur international Jean-Philippe Lemoine : "J'avais un contrat de deux ans à Tours, mais le club ne marchait pas bien financièrement, alors j'ai récupéré ma licence et je suis revenu à Grenoble, où l'ambition était de retour."

Arrivée également en défense du Canadien Réjean Cloutier au CV majestueux : 5 matches en LNH aux Red Wings de Detroit, 500 matches en AHL et une saison à Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne, dans le mythique club de Riesersee qui avait éliminé Grenoble de la Coupe d'Europe en 1982. Du lourd pour les Grenoblois plus vraiment habitués ces dernières saisons à ce genre de pedigree.

Autre joueur qui va incroyablement marquer ce club, le jeune international Gérald Guennelon : "J'étais venu faire mes études à Grenoble, l'année d'avant, mais comme Grenoble ne m'avait pas contacté, j'étais allé à Villard-de-Lans. Finalement, Grenoble m'a appelé la saison suivante, car Boja, qui avait besoin d'un défenseur, avait appris que je voulais devenir défenseur. Je l'avais déjà été en équipe de France junior 20 ans, d'après une idée de Dany Grando et ça me plaisait." Gérald qui ajoute : "En plus, il y avait un projet ambitieux à Grenoble, celui d'être champion en trois ans."

Du coup, l'enfant du pays, Stéphane Vissio joue moins : "Je n'ai pas compris pourquoi on a tourné toute la saison à quatre défenseurs, surtout après la bonne saison que j'avais effectué l'année précédente. Mais bon, cela a été quand même plus tranquille que la saison d'avant..."

L'attaque est également renforcée avec l'international, formé à Caen et déjà champion avec Saint-Gervais, Éric Lebey, l'espoir parisien Fabien Malherbe et surtout le Tchèque Karel Svoboda en provenance du Canada, qui va faire exploser les compteurs sous le maillot rouge et bleu des BDL.

Karel est le frère de la star Petr Svoboda, alors défenseur du Canadien de Montréal. Une histoire familiale extraordinaire. Petr, grand espoir du hockey tchécoslovaque, s'était enfui de son pays, avait obtenu l'asile politique au Canada, pour devenir l'un des plus grands défenseurs de la Ligue Nationale.

Pendant ce temps, Karel était resté à Prague où il était très surveillé en tant que frère de "traître" par le régime communiste. Mais le temps a passé, la surveillance s'est assouplie, et à la première occasion, lors d'une tournée en occident, Karel a lui aussi fait défection pour rejoindre son frère au Canada ! L'histoire s'est achevée à Nagano aux Jeux de 1998, où c'est Petr, redevenu citoyen tchèque, qui a marqué le but vainqueur en prolongation en finale olympique... contre la Russie, l'ancien pays oppresseur des Tchèques ! Quel symbole ! Ah oui, Svoboda, en tchèque, cela veut dire "liberté" !

C'est toujours Bohuslav Ebermann qui entraîne les BDL. Duo technique tchèque puisque, pour le hockey mineur, c'est encore Adolf Sprincl qui œuvre à la baguette de chef d'orchestre. Le magicien morave a même accueilli, chez lui à Jihlava, des jeunes de Grenoble, Villard-de-Lans et Chamonix pour un stage d'été.

Une dernière répétition, réussie, pour l'équipe première, avec une belle victoire en amical face à une grosse cylindrée, Briançon (5-2). Tout est prêt, alors partez !

Se frotter aux gros

Et le championnat 1988/89 démarre très fort, avec un déplacement chez l'un des très gros favoris pour la Coupe Magnus : Rouen. Les Normands ont sortis l'artillerie lourde avec un recrutement cinq étoiles. Outre l'ex-Grenoblois Guy Fournier, le club a fait venir comme entraîneur-joueur, un autre ancien Grenoblois, Larry Huras. Et c'est une défaite 7-4 à l'Île Lacroix, avec quatre points pour Guy Fournier...

C'est un autre énorme favori que les Grenoblois affrontent, encore à l'extérieur, en cette deuxième journée : les Français Volants de Paris et leur redoutable armada. Mais le Palais Omnisports de Paris Bercy étant indisponible pour des raisons techniques, c'est à Rouen que les Brûleurs de Loups se rendent à nouveau pour affronter les Parisiens. Est-ce le fait de jouer en terrain neutre ? En tout cas, les Dauphinois dominent largement cette rencontre et s'imposent 7-2. "C'était l'euphorie totale, ce match, se souvient Gérald Guennelon. Certainement parce qu'on avait déjà joué à Rouen la semaine d'avant. Cette victoire a été un déclic, la prise de conscience que l'on pouvait réaliser de belles choses cette saison." En tout cas, cette année, il n'aura pas fallu attendre la 16e journée pour gagner un premier match, c'est toujours cela d'engrang" !

Autre équipe renforcée au cours de l'été : Tours ! Les Mammouths sont les premiers adversaires de la saison à Clémenceau, avec leurs triplette formée au Canada : Robert Millette et Guy Dupuis (ex Villard et Mont-Blanc) en attaque et le gardien Delfour, le tout entraîné par un autre Canadien, Jeff Barratt. Mais cela n'impressionne pas plus que cela les Brûleurs de Loups qui remportent leur seconde victoire en trois matches en s'imposant 6-4.

C'est donc confiants que les Brûleurs de Loups reçoivent les promus de Bordeaux, section hockey du club de foot des Girondins, avec dans ses rangs l'ancien Grenoblois Pierre-Yves Gerbeau. Mauvaise surprise sous forme de défaite 5-4.

Mais peut-être que les Grenoblois avaient déjà dans la tête le rendez-vous du mardi suivant, à Villard-de-Lans, avec son nouveau gardien vedette, le Canadien d'origine italo-maltaise, Corrado Micalef, qui va faire une belle carrière en France. Cela fait deux saisons que les Brûleurs de Loups n'ont pas gagné le moindre match face aux Ours, alors cela commence à bien faire ! Bien sûr, il faut aller sur le plateau, mais les Grenoblois ont vraiment soif de revanche. Et quelle revanche ! Le Dauphiné Libéré peut bien titrer le lendemain : "La ballade grenobloise !" Avec un Karel Svoboda époustouflant, quatre buts et trois assistances, les Brûleurs de Loups terrassent les Ours chez eux 10-3.

Autre belle équipe avec la réception de Gap et ses Christian Pouget, Kazimierz Jurek, Lionel Roux ou Laurent Vaissaire. Ne manque que le Tchèque Jaroslav Korbela blessé. Mais les joueurs du président Jean Le Blond sont déchaînés en ce début de saison et ils remportent un deuxième succès consécutif sur le score de 10-3 avec les deux frères Djian qui se relaient dans les cages : Jean-Marc puis Serge. Et hop, voilà les Grenoblois avec quatre succès en six journées... Ouf, on est loin de l'an passé !

La rencontre face à la deuxième équipe des Hautes-Alpes est plus ardue. Une défaite 4-2 à Briançon, entraîné cette année par le Canadien Nelson Tremblay. Il faut donc revenir dans le coup avec la venue du Mont-Blanc, que les Grenoblois n'ont jamais réussi à vaincre. C'est chose faite, mais dans la difficulté : 3-3 à huit minutes de la fin, mais Jean-Luc Chapuis à la 52e puis Éric Lebey à 26 secondes de la fin donnent de l'air aux Dauphinois pour un succès 5-3 face aux coéquipiers de Philippe Bozon.

Le CSGG se rend ensuite à Amiens, premier club français à faire appel à l'école soviétique avec deux authentiques étoiles (rouges bien sûr) du CSKA Moscou et de l'équipe nationale : le défenseur Vladimir Zoubkov et l'attaquant Vladimir Loubkine. C'est d'ailleurs ce dernier qui inscrit le but de la victoire picarde 5-4 à deux minutes de la fin du match.

Tenir son nouveau rang

Et voilà le leader Rouen qui pointe ses patins à Clémenceau pour le premier match retour. Des Normands qui s'imposent de justesse 5-4. En revanche, scénario mieux ficelé pour la venue des Français Volants (6-1). Pour ce match, Gérald Guennelon retrouve son poste d'origine, à l'attaque. Mais le CSGG peine à enchaîner les bons résultats et trébuche le mardi suivant à Tours 3-2 face à un excellent Delfour dans les cages tourangelles.

Les Grenoblois aussi ont un gardien brillant... Jean-Marc Djian le prouve une nouvelle fois avec un superbe blanchissage à Bordeaux (5-0). Jean-Marc Djian se souvient de ce "premier grand blanchissage de ma carrière, quand l'équipe jouait comme cela, c'était parfait, on aurait pu joueur trois heures sans en prendre un, en revanche le jour où cela n'allait pas... En fait on était talentueux, mais fragiles." Après ce match, Karel Svoboda, en Tchèque passé par le Canada, commet une faute de goût impardonnable en mélangeant du Coca avec un bon bordeaux ! Le sommelier en fait encore des cauchemars !

Et revoilà le derby des derbies ! Clémenceau est plein à ras bord pour une rencontre qui, contrairement au match aller sur le plateau, est très serrée. Il faut attendre en effet la mi-match pour voir l'ouverture du score par le Canadien de Villard Ronald Fillion. Les locaux égalisent deux minutes plus tard par Fabrice Téxier, puis de nouveau les buteurs restent muets, jusqu'à deux minutes de la fin où un autre Canadien, Marc Crawford, donne la victoire aux Ours. Après la rencontre, les deux équipes sont à égalité à la cinquième place avec 14 points. Briançon et les Volants sont en tête avec 21 points devant Rouen et Amiens, 20 points.

Et c'est justement le leader briançonnais qui vient à Grenoble le samedi suivant. Une équipe grenobloise handicapée par les blessures de Bernard Séguy et Fabrice Téxier. Tout se joue dans le dernier tiers, mais cette fois ce sont les Grenoblois qui inscrivent le but de la victoire 3-2 dans les dernières minutes, à neuf minutes de la fin, par Sylvain Locas. Briançon n'est plus leader !

Grenoble reste cinquième, mais doit faire attention, car seuls les six premiers joueront les play-offs. Il faut donc encore engranger quelques points. Ce qui est fait avec un match nul 3-3 à Gap avec une égalisation grenobloise de Boja à cinq secondes de la fin ! Et voilà les Brûleurs de Loups qualifiés pour les play-offs, la galère de l'an passé est bel et bien oubliée...

Il faut quand même finir la première phase avec deux rencontres à disputer. C'est tout d'abord un nul à domicile 6-6 contre Amiens avec un but de Lionel Barin : "Je jouais cette année-là avec Fabien Malherbe et Sylvain Locas et c'était vraiment un plaisir d'évoluer avec des joueurs d'un tel niveau." Et c'est ensuite une défaite 6-5 au Mont-Blanc. À noter que Philippe Bozon est présent sur les six buts du Mont-Blanc !

Grenoble ne passe pas la 4e

On attaque donc les play-offs avec la réception des Français Volants de Paris, que les Dauphinois ont déjà battus deux fois. Les Grenoblois sont d'ailleurs bien partis pour prendre encore un point aux Parisiens puisqu'à une minute de la fin le score est de 4-4. Mais, Laurent Lecomte marque à 57 secondes de la fin avant que le Canadien (et futur international italien) Patrice Lefebvre n'inscrive un sixième but dans la cage vide à six secondes du coup de sirène !

Mésaventure également le mardi d'après, toujours à la maison, contre Briançon avec une défaite 3-1. Et pas de miracle à Rouen avec une lourde défaite 8-4. Comme, cette année, on ne repart pas avec les points de la première phase, voilà les Grenoblois derniers de ces play-offs avec un zéro pointé...

Autant dire que la défaite est interdite lors de la venue d'Amiens. Et pourtant, cela ne peut pas plus mal débuter avec un but picard dès la neuvième seconde par Sylvain Beauchamp ! Heureusement, la suite est plus au goût du fidèle public de Clémenceau avec six buts de suite. Est-ce le déclic ? On va le savoir avec le déplacement à Villard-de-Lans. Sauf que c'est Villard qui a le dernier mot dans la cage vide à l'ultime minute pour un succès des Ours 5-3.

Letton est donné

Une petite trêve équipe de France avec le match à Grenoble entre les Tricolores et les Lettons du Dynamo de Riga. Une équipe vice-championne d'URSS en 1988 et cinquième du championnat soviétique au moment de venir à Grenoble. Une équipe du Dynamo dont le gardien est un certain Arturs Irbe, qui fera ensuite, à la mort de l'URSS, une brillante carrière en LNH et en équipe nationale lettone... Deux Brûleurs de Loups sont retenus en équipe de France pour ce match, Jean-Marc Djian et Jean-Philippe Lemoine.

Le championnat de France reprend ses droits avec le déplacement des Brûleurs de Loups dans la petite patinoire de Bercy. Les Français Volants ne jouant plus dans la (trop) grande salle du POPB et ses 14 000 places. Peu à l'aise sur les petites glaces, les patineurs grenoblois sont dépassés et seul un but de Philippe Treille sauve l'honneur face aux six buts parisiens.

C'est la trêve, bienvenue pour des Grenoblois qui souffrent dans cette poule finale. Une trêve mise à profit pour l'organisation d'un tournoi international junior à Grenoble et Annecy. C'est l'équipe tchécoslovaque du Modeta Jihlava qui s'impose devant l'équipe de France, une sélection alpine, et des sélections suédoises, suisses et américaines.

Le championnat redémarre le samedi 7 janvier avec un très difficile déplacement à Briançon (défaite 7-3). Il est donc grand temps de réagir lors de la venue du leader Rouen. Un match qui s'achève sur un score de parité 4-4, et qui est le premier comme véritable titulaire pour un jeune joueur du club, un certain Stéphane Barin, qui dispute sa place à son frère Lionel. Stéphane se souvient : "C'était délicat, car Boja m'avait plus ou moins mis en concurrence avec mon frère, même si lui était centre et moi ailier. C'était plutôt désagréable de savoir qu'il n'y avait qu'une place pour deux frangins..."

Mais on l'a dit, les Grenoblois ont encore du mal à enchaîner les bons résultats, surtout à l'extérieur. Confirmation à Amiens où les Dauphinois s'inclinent 6-2. "On était une équipe en construction, explique Gérald Guennelon, au début, personne ne nous attendait. En play-offs, c'était devenu plus difficile, car même si on avait un bon groupe, nous n'étions pas encore assez forts pour le haut de tableau."

Heureusement, cela va mieux dans cette vieille maison de Clémenceau... Villard-de-Lans descend de sa montagne en chantant pour y affronter une équipe grenobloise privée de Wilfrid Girod blessé. Une nouvelle fois, la rencontre reste indécise jusqu'au bout. Les visiteurs frappent les premiers par Derek Haas dès la 14e. Les locaux réagissent (manquerait plus qu'ils ne le fassent pas, tiens...) en inscrivant trois buts de suite par Karel Svoboda à la 25e et 28e et Sylvain Locas, pourtant malade, à la 32e. Mais Pat Dunn ramène les Ours à portée de griffe à la 44e avant que Philippe Treille ne redonne de l'air à Grenoble. Un ultime but à trois minutes de la fin de Ronald Fillion ne change rien, le CSGG s'impose 4-3 devant son éternel rival et lui laisse, avec joie, la dernière place.

Adieu le top 4

De quoi donner des ailes avant d'aller défier les Volants dans leur patinoire garage de Bercy, surtout que quarante supporters grenoblois se sont déplacés. En vain, l'attaque dauphinoise reste muette et l'on retourne à la maison avec un 5-0 dans les valises... Les déplacements sont difficiles cette saison, avec une nouvelle "sortie de route" à Briançon (7-3). Les Grenoblois sont toujours cinquièmes, mais les quatre premières places synonymes de demi-finales sont beaucoup trop loin...

Ce n'est pas une raison pour ne pas réaliser quelques beaux coups à la maison ! Pour la rencontre face à Rouen, et en l'absence de Guennelon qui souffre d'une élongation des adducteurs, Boja Ebermann ne joue pas, il reste sur le banc pour mieux voir ce qui ne colle pas dans le jeu de son équipe. Et ça marche ! Les Brûleurs de Loups réalisent un match parfait et s'imposent 8-5. Un succès à confirmer lors de la venue d'Amiens pour le match de la dernière chance d'accrocher les demi-finales, les Picards étant quatrièmes avec six points d'avance sur les Dauphinois. Patatras, c'est raté. Un seul but grenoblois par Sylvain Locas à la 32e et une défaite 5-1 qui ferme les portes des demi-finales...

C'est donc déconcentrés et déçus que les Brûleurs de Loups encaissent quatre défaites de suite dont trois raclées : 7-3 à Villard-de-Lans (ouille !), 10-0 (aïe!) à la maison face aux Français Volants et 7-2 (ouch !) à Rouen et 4-2 (pff...) à Amiens.

Les Grenoblois sauvent quand même l'honneur lors des deux dernières rencontres à domicile en battant Briançon 2-0 avec des buts aux deux "extrémités" du match, à la première minute par Réjean Cloutier et à la dernière par Karel Svoboda, et Villard-de-Lans 4-1. Les juniors, eux, réalisent une superbe performance en atomisant les Suédois de Västerås 15-5 !

En conclusion, les Brûleurs de Loups terminent cinquièmes. Une place qu'ils auront pratiquement tout le temps occupée. Une saison de recomposition, après les énormes difficultés de l'an passé. "Défensivement, on tenait la route, offensivement, c'était un peu juste pour aller plus haut", concède Jean-Philippe Lemoine.

Vivre sans Boja !

Alors, place aux vacances ? Et bien non, car la fédération a inventé une nouvelle corvée pour équipes ne participant pas aux demi-finales : la finale pour la cinquième place ! Il faut donc reprendre un dessert en forme de deux derbies contre Villard-de-Lans ! Le premier à lieu sur le Plateau et se termine par la victoire 5-4 des Brûleurs de Loups avec un but en mort subite de Fabien Malherbe. Auteur d'un but ce soir-là, Lionel Barin se souvient : "Vraiment une super année pour moi, et comme en plus l'ambiance hors glace était restée comme avant et donc que l'on se voyait beaucoup en dehors des matches, cela reste de très bons souvenirs."

Les Grenoblois confirment lors du match retour avec un succès 6-1 et un doublé de Boja Ebermann... Les tout derniers buts du magicien numéro 25 des Brûleurs de Loups qui, ce soir-là, met un terme à sa carrière immense. Il faudra s'y faire, Le Trans-Bohémien-Express ne sifflera plus dans le dos des défenseurs. Difficile à s'imaginer sans se lever d'admiration devant ses exploits...

C'est Paris qui est champion, enfin, après toutes ces années d'attente, en battant en finale Amiens.

Pendant ce temps, Jean-Marc Djian et Jean-Philippe Lemoine partent au Mondial B en Norvège à Oslo. Le gardien grenoblois se souvient : "Ce Mondial est l'un de mes meilleurs souvenirs. Je joue le premier match contre la RDA, on le perd, mais Kjell Larsson me fait confiance et le lendemain je fais un blanchissage contre le Danemark. Du coup, je vais disputer tous les matches et être élu meilleur gardien du Mondial. En plus, pour la première fois on bat les Suisses ! Parfait ! Le tout dans une très bonne entente avec l'autre gardien, qui donc n'a pas joué, Patrick Foliot."

Les cadets sont eux champions de France, une habitude pour cette génération, celle des Stéphane Arcangéloni, Stéphan Tartari, Antoine Huet, Pierre Bourgey, Alan Chauvin, Maxence Fontanel ou Grégory Rochas...

Buteurs en championnat 1988-89 : Karel Svoboda 38, Sylvain Locas 18, Bohuslav Ebermann 15, Fabien Malherbe 14, Philippe Treille 10, Réjean Cloutier 10, Éric Lebey 9, Jean-Philippe Lemoine 9, Wilfrid Girod 7, Gérald Guennelon 7, Jean-Luc Chapuis 6, Lionel Barin 4, Bernard Séguy 3, Fabrice Texier 3, Pierre Villessoubre 2.

 

Des arrêts de joueurs historiques

Avec la qualification pour les play-offs, les Brûleurs de Loups ont évité les angoisses de la saison précédente. Mais ce n'est pas une raison pour s'endormir sur ses lauriers, car les autres équipes se renforcent. Une "course aux armements" effrénée sans que les clubs ne s'aperçoivent (du moins on l'espère...) qu'ils creusent leurs propres tombes.

À Grenoble, on note un départ important, celui du défenseur canadien Réjean Cloutier qui repart dans son pays et ceux de trois jeunes : Pierre Villesoubre à Caen, Olivier Baills à Lyon et Lionel Barin à Viry-Châtillon. Des départs pour cause d'études pour les deux derniers : "Il fallait que je fasse des choix, rappelle Lionel Barin. Le hockey ne faisant pas vivre, je suis donc parti à Paris, même si je regrette un peu de ne pas avoir pu essayer, au moins quelques années, de ne faire que du hockey, juste pour voir jusqu'où j'aurais pu aller."

En ce mois de septembre 1989 manque dans l'effectif le défenseur Joël Chapuis. L'un des derniers doubles champions de France 1981 et 1982 met un terme à sa carrière à l'âge de 30 ans, ne pouvant plus mener de front vie professionnelle et passion du hockey. "Jamais je n'oublierai ces années au sein d'un seul club. Ce sont des moments inoubliables, et au-delà des titres de champion et des matches en équipe de France, le hockey m'a donné la chance de voyager, de rencontrer des amis. Je peux aujourd'hui retrouver, pratiquement partout en France, des joueurs avec qui, ou contre qui, j'ai joué. Le hockey m'a également permis de me reconvertir dans l'architecture grâce à Marc Audrain, un père de joueur et ancien dirigeant du hockey, bref, c'est une part tellement importante de ma vie..." Joël, dont le fils Thomas évolue dans les catégories de jeunes des Brûleurs de Loups... La relève est assurée !

On signale également un autre arrêt important, celui de Serge Djian, le gardien fidèle de Grenoble, dix ans en équipe première, l'un des joueurs préférés du public : "J'ai arrêté parce qu'après toutes ces années, il fallait bien passer à autre chose, mais que cela a été dur, aussi difficile que pour un grand fumeur d'arrêter la cigarette ! Au début, on tourne en rond, on se demande quoi faire de son temps."

Lui qui a été d'une fidélité sans faille aux Brûleurs de Loups, quitte a être substitut, ne regrette-t-il pas de ne pas être allé ailleurs et être ainsi titulaire ? " Non, pas du tout, si j'étais allé à Tours, par exemple, comme cela aurait pu se passer, qu'est-ce que j'aurais eu après ma carrière ? En restant à Grenoble, j'étais chez moi, dans mon club, et je pouvais, avec mes études, préparer l'après hockey. J'ai tout connu à Grenoble, de l'amateurisme complet avec un repas après le match, au semi-professionnalisme avec des primes de match et des mini-salaires. La seule chose qui aura été difficile, c'est la montée en puissance de mon frère, au début Jean-Marc était mon frère, ensuite, je suis devenu le frère de Jean-Marc, cela m'a filé un coup de vieux... (rires)"

Des arrivées de joueurs qui vont devenir historiques

En revanche, quatre arrivées : le défenseur canadien Steve Harrison qui arrive de Finlande : âgé de 32 ans, il est originaire de l'Ontario, où il a grandi dans une famille de hockeyeurs, avec un père entraîneur et un frère joueur. Un défenseur au palmarès impressionnant : vainqueur de la Coupe Memorial - le championnat junior canadien - en 1975, puis, en pro aux États-Unis, de la Central Hockey League en 1981 et 1982 puis de l'International Hockey League en 1986, toujours avec Salt Lake City.

"Le plus lent patineur du championnat !", se souvient Jean-Marc Djian, "mais aussi le plus roublard, le plus intelligent et le plus sympa. En plus, avec sa femme, on avait la meilleure supportrice du pays. On pouvait même l'entendre au milieu de 3000 personnes et en plus elle faisait les meilleurs cookies !"

Pouj' et Boz'

L'attaquant villardien Jérôme Boudon pose également ses patins pour un long bail grenoblois ainsi que les deux plus grands espoirs du hockey français de l'époque : le Megevan Philippe Bozon et le Gapençais Christian Pouget, tout deux âgés de 23 ans. Un parcours semblable avec un passage au Canada : trois ans en junior majeur et deux mois en ligue pro canadienne pour Bozon, deux ans en junior majeur pour Pouget.

Bozon et Pouget à Grenoble, c'est comme cette même année Cantona et Paille à Montpellier en football : les transferts de l'année !

Philippe Bozon est né dans le hockey, avec son père international, meilleur joueur de sa génération, qui a évolué à Chamonix, Gap et Megève. Son père qui a Megève tenait le bar-restaurant le Puck (le bien nommé) avec une glace artificielle devant où Philippe a fait ses premiers pas sur les patins vers trois ans ! Philippe qui a tout gagné à Megève, tous les titres de champion de France dans toutes les catégories de jeunes et en sénior...

Une venue à Grenoble des duettistes qui est la réalisation d'un vieux rêve : "Avec Christian, on voulait vraiment jouer ensemble. À mon retour du junior majeur, je ne voulais pas obligatoirement revenir à Megève, mais j'y étais obligé pour une histoire de licence, ensuite j'y suis resté parce que c'était mon année à l'armée. Il a donc fallu attendre encore, surtout que Christian, lui, ne pouvait pas partir de Gap ! Mais cette année-là, Boja et Raymond Riondet nous ont contactés tous les deux. C'était enfin possible !" Le règlement de l'époque oblige un joueur à effectuer ses trois premières années seniors dans son club de formation.

Christian Pouget est issu d'une famille de sportifs. Sa mère et sa sœur sont basketteuses et son oncle n'est autre que Jean-Paul Coche, l'un des meilleurs judokas français. Une famille originaire du Gard et de la Lozère arrivée à Gap lorsque sa mère, professeur d'éducation physique, est nommée dans la préfecture des Hautes-Alpes.

Christian débute le hockey tard, vers 7 ans, tous ses camarades de classes pratiquant déjà ce sport. Mais une expérience qui aurait pu très vite s'arrêter : "J'avais du retard en patinage sur les autres, et le nouvel entraîneur du club, le Tchèque Zdenek Blaha, voulait faire une sélection. Lors des tests en plus, j'étais malade, et donc, j'ai été écarté de l'équipe. Mais les parents de mes copains, en particulier le père de Norbert Périnet, ont fait le siège de Blaha pour qu'il me garde... Sans cela, je n'aurais pas fait de hockey..." Ouf !

Changement de standing

Pour Jean-Marc Djian, ces deux arrivées ont tout changé : "Rien qu'avec eux, on passait d'une équipe moyenne à une équipe se positionnant pour le haut de tableau. Par ailleurs, c'étaient des copains, on avait le même âge et on avait la même ambition : prendre le pouvoir dans le hockey français et en équipe de France à la place des Franco-Canadiens." Impression confirmée par Jean-Philippe Lemoine : "Il y avait beaucoup d'étrangers aux Volants, à Rouen et à Briançon, on essayait une autre voie et la mayonnaise commençait à prendre..."

Vous ajoutez deux jeunes qui sont incorporés à plein temps en équipe première : Stéphane Barin en attaque et David Molinier dans les cages et vous avez une équipe du CSGG ambitieuse qui part en stage de préparation en Tchécoslovaquie et qui vise les demi-finales.

Surtout que les matches d'avant-saison se déroulent à merveille : 11-0 contre Lyon, 11-3 face aux Autrichiens de Vienne, 10-4 à Genève, 7-4 et 3-1 contre Briançon et 9-2 face au promu Reims.

À signaler, enfin, qu'un joueur grenoblois ne va pas chômer cette saison, c'est le défenseur Gérald Guennelon. Il devra jongler entre ses études pour devenir prof de gym, son armée à Fontainebleau et l'aide qu'il apporte à Adolf Sprincl pour l'entraînement des jeunes. Gérald s'occupera des benjamins et poussins... Courage ! "Le problème était qu'à l'armée, au Bataillon de Joinville, à Fontainebleau, les conditions étaient mauvaises pour le hockey. On s'entraînait à Dammarie-les-Lys sur une patinoire entourée d'une balustrade en béton !"

Le championnat 1989/90 débute par un déplacement à Tours avec sa forte coloration canadienne (Jean-François Sauvé, Robert Millette et Pierre Aubry) face à une équipe grenobloise handicapée par les blessures de Jean-Marc Djian et Karel Svoboda, ce dernier jouant quand même. Les Tourangeaux en profitent d'ailleurs pour partir à fond et mener 3-0 au bout de cinq minutes seulement, puis 5-1 après 23 minutes, seul Christian Pouget ayant réussi à tromper un certain... Daniel Maric. Les Brûleurs de Loups parviennent certes à revenir dans la partie , mais les Tourangeaux conservent un but d'avance, puis deux, dans la cage vide à deux secondes de la fin pour une victoire tourangelle 7-5.

Les Grenoblois ont donc mal débuté avec trop de désinvolture au premier tiers. Il faut donc se rattraper lors du déplacement chez le promu caennais et ses Canadiens Godin, Marengère et Bourbonnais, leur gardien villardien (et ex-Gapençais) Patrice Gervasoni et le Grenoblois Pierre Villesoubre. Du côté grenoblois, c'est toujours David Molinier dans les cages, Jean-Marc Djian étant encore blessé.

Humiliés par leur défaite à Tours, les Brûleurs de Loups passent leurs nerfs sur Caen avec un large succès 12-4.

La machine est lancée

Une machine qui ne doit pas avoir de ratés pour son premier match à domicile contre Briançon qui, d'une manière surprenante, a raté son début de championnat malgré un fort recrutement dont le gardien slovaque Pavol Svarny ou encore l'international chamoniard, en provenance de Rouen, Yves Crettenand. Un match où le vaincu se prépare des nuits blanches... Mais tout se passe bien avec un succès 4-3. Rouen se pointe à Clémenceau lors de la prochaine journée. Une équipe qui a encore recruté énormément cette saison avec comme but toujours avoué le titre. C'est ainsi qu'ont débarqué sur les bords de la Seine le gardien franco-finlandais de Briançon Petri Ylönen ou encore le défenseur canadien Dave Randall. Deux buts de Christian Pouget et Sylvain Locas seront insuffisants pour une défaite dauphinoise 4-2.

Et il faut se rendre dans l'antre du co-leader : Amiens et sa petite patinoire ! Un extraordinaire Jean-Marc Djian dans les cages et un match exceptionnel de toute l'équipe permettront une magnifique victoire 5-1. L'unique but picard est marqué par l'inusable ancien champion de France avec Grenoble, Jean-Paul Farcy. "C'était très chaud, se souvient Jean-Marc Djian, avec Antoine Richer et le public qui était à un mètre de notre banc ! Ce soir-là, nous voulions absolument la victoire en répondant physiquement en en marquant des buts aux bons moments psychologiquement."

 

Les Volants au tapis... comme d'habitude !

L'entraîneur grenoblois Boja Ebermann peut être content de ses troupes, avant la venue de l'autre leader, les Français Volants de Paris qui viennent d'aller s'imposer 7-4 à Rouen ! Une équipe parisienne certes privée de Christophe Ville blessé, mais qui bénéficie du retour sur la glace d'André Péloffy.

Grenoble doit se passer de Gérald Guennelon, blessé au genou... à l'armée ! Une rencontre dans une patinoire comble, mais est-ce besoin de le préciser, qui démarre à fond avec le premier but dauphinois dès la 24e seconde par Philippe Bozon. Une fois le choc encaissé, les Parisiens égalisent par leur Canadien Bourgeois à la 6e, Christian Pouget redonne un but d'avance à la 11e, mais une minute plus tard Luc Baud égalise pour les Volants. Ce sera le chant du cygne parisien, puisqu'ils ne marqueront plus, au contraire des Grenoblois qui scorent trois fois pour une belle victoire 5-2. Cela leur permet de revenir à la quatrième place à deux points seulement du trio de tête : Rouen, Paris et Amiens.

Bordeaux débarque trois jours plus tard avec son imposante colonie canado-polono-st-pierraise ! Les Grenoblois doivent attendre la toute fin de match pour se défaire de cette armada, avec à la 54eme minute, le but de la délivrance et de la victoire 4-3 inscrit par Éric Lebey... "Il y avait beaucoup de rivalité avec les autres équipes, se souvient Philippe Bozon. On était presque les seuls qui ne jouaient pas la carte canadienne."

The wings of change

Mais en ces jours d'octobre 1989, le monde a plutôt les yeux tournés vers la RDA, où ses citoyens sont dans les rues pour réclamer la démocratie, ou fuient en masse en Allemagne de l'ouest via la Hongrie, les ailes du changement se déploient sur la vieille Europe...

Un air de liberté que les Grenoblois vont aller célébrer chez le promu Reims et ses trois renforts soviétiques : Vladimir Kovine (ex CSKA Moscou), Sergueï Toukmatchev (ex Dynamo Minsk) et Sergueï Gorbouchine (ex Sokol Kiev). Une équipe champenoise dernière, qui n'a gagné qu'un seul match, c'était à Villard-de-Lans. Pas trop de frayeurs pour les Dauphinois pour s'imposer, 6-2, lors de leur première venue en Champagne. Une équipe grenobloise qui en ce soir du 14 octobre pointe à la seconde place avec Tours à deux points du leader Amiens.

Et devinez qui vient dîner à la maison ? Les Ours du Vercors bien sûr ! Une équipe villardienne qui connaît un début de championnat difficile avec quatre points seulement dans la besace. Elle a connu des départs importants à l'intersaison, dont l'emblématique Franco-canadien Derek Haas ou encore ses compatriotes Ronald Fillion et Marc Crawford. Heureusement, il reste encore l'exceptionnel gardien Corrado Micalef, et on signale l'arrivée de deux Canadiens, l'attaquant Patrick Sauriol et le défenseur Pierre Lacroix, et de trois joueurs originaires de Haute-Savoie : les Sangervollains Christian Bozon et Gilbert Lepregassin et le Megevan Nicolas Ligeon... Mais cela est un peu juste pour viser le haut du tableau, les années folles canadiennes sous la houlette de Gaston Therrien sont finies pour les Ours.

Pourtant, les derbies restent les derbies, très accrochés ! Les Ours ouvrent la marque par Gilbert Lepregassin, mais à peine le temps d'engager que 17 secondes plus tard Grenoble égalise par Fabien Malherbe ! Philippe Bozon inscrit deux buts et hop, Patrick Sauriol ramène Villard à 3-2 ! Le dernier mot sera grenoblois avec à la 48e le dernier but des Brûleurs de Loups inscrit par Jean-Luc Chapuis, le numéro 17 de poche donnant donc la victoire aux siens 4-2.

Retour vers le futur !

Grenoble est donc désormais leader, à égalité de points avec Tours. On se croirait dix ans plus tôt ! Tours qui vient justement à Clémenceau. Comme d'habitude, Grenoble encaisse le premier but ! C'est l'ancien Brûleur de Loups Pierre-Yves Gerbeau qui marque dès la 5e minute... et la course-poursuite peut s'engager ! Égalisation grenobloise par Karel Svoboda, puis Grenoble prend l'avantage par Fabien Malherbe avant que les Tourangeaux n'inscrivent trois buts de suite par Robert Milette (deux fois) et Jean-François Sauvé. 4-2 pour Tours à l'entrée du dernier tiers, il faut se secouer ! Christian Pouget (43e) Philippe Bozon (44e) et Karel Svoboda (51e) s'en chargent ! Une nouvelle fois, la première ligne de Grenoble, la PBS, en passe de devenir mythique, a frappé, permettant à la fois la victoire 5-4 et l'éviction de la première place des Mammouths de Tours... "Ça allait tout seul avec Karel et Philippe, précise Christian Pouget. C'est l'un de mes meilleurs souvenirs de ligne. Avec Philippe on patinait vite, et Karel, c'est l'archétype du centre tchèque, avec un remarquable sens du jeu. Il passait le palet puis de démarquait dans le plus pur style tchèque. Il était parfait..."

Hasard du calendrier, le leader grenoblois, avouez que ce n'est pas arrivé depuis longtemps (six ans exactement), reçoit pour la troisième fois de suite. Les Dauphinois accueillent le promu caennais qui célèbre son retour en élite et qui va vivre un "calvaire" avec un sévère 11-1 dont quatre buts de Philippe Bozon. Les Brûleurs de Loups restent premiers à égalité de points avec Amiens.

Des Grenoblois euphoriques qui s'en vont cartonner 8-3 Briançon, où décidément la sauce ne prend pas. Pour Fabrice Texier c'était "une période fabuleuse, j'apprenais tous les jours avec de tels coéquipiers, c'était un réel plaisir quotidien d'aller à l'entraînement."

Du coup, pourquoi ne pas être confiants avant d'aller défier le favori rouennais sur sa glace de l'Île Lacroix ? Après une passe lumineuse de Stéphane Barin ("Rouen montait en puissance, mais avec des Canadiens, nous aussi, mais avec des joueurs français et plus jeunes. On était donc hyper-motivés"), Bernard Séguy ouvre la marque à la 17e, mais Luc Tardiff égalise quelques instants plus tard. Qu'à cela ne tienne, les Brûleurs de Loups reprennent un but d'avance par Christian Pouget à la 38e... et vont conserver cette maigre avance jusqu'à la fin pour un superbe succès, surtout que l'autre leader Amiens à perdu 5-3 à Tours. Voilà donc les Dauphinois seuls en tête... Mais les Picards vont pouvoir se reprendre et revenir à hauteur des Dauphinois le match suivant en venant gagner à Grenoble 2-0.

Du Canada à Berlin en passant par Paris, les têtes tournent !

C'est ensuite la trêve, un arrêt de quinze jours pour permettre à l'équipe de France de partir en tournée au Canada. Les internationaux vivront donc de loin l'événement le plus marquant de cette fin de siècle : la chute du mur de Berlin qui illumine ce mois de novembre 1989 !

Une centaine de supporters grenoblois se rend à Paris pour la reprise du championnat... Et ils ne vont pas le regretter avec une magnifique soirée et un large succès 6-2. Le lendemain, les Grenoblois s'envolent pour Bordeaux, via Toulouse et un entraînement sur la patinoire de Blagnac, pour y affronter les Girondins. Est-ce la fatigue, en particulier pour les internationaux qui rentrent d'une longue tournée ? En tout cas, les Grenoblois sont à côté de leurs patins et s'inclinent 6-3. Mais ils restent premiers en recevant Reims (5-3).

Les cars sont gratuits pour les supporters grenoblois en ce mardi 28 novembre, mis à la disposition des établissements Lazier pour transporter en toute sécurité les aficionados des Brûleurs de Loups, 25 kilomètres plus haut à Villard-de-Lans. 44 secondes de jeu et 1-0 par Philippe Bozon, 3e minute et 2-0 avec Gérald Guennelon, c'est bien parti ! Sauf que les Ours sortent les griffes et inscrivent trois buts de suite, par Christophe Bonnard deux fois (8e et 36e) et Nicolas Ligeon (16e). Les Brûleurs de Loups sont donc menés 3-2 jusqu'à la 44e et l'égalisation de Christian Pouget, mais trois minutes à peine plus tard et Villard reprend une longueur d'avance par Laurent Daudens. Il faut attendre la 55e minute pour assister à l'égalisation par Philippe Treille. Et cette saison, pas de match nul, il faut jouer les prolongations sous la forme de la mort subite, c'est-à-dire que l'on arrête le match au premier but. Un but, œuvre de Philippe Treille, au bout de quatre minutes. Les Grenoblois peuvent redescendre, en bus, dans la vallée, toujours leaders...

La Coupe Nestlé ?

Mort subite et Coupe Nestlé : ce sont les deux nouveautés de l'année ! La Coupe Nestlé doit désigner le champion d'automne à la mi-saison. Une nouveauté dont on a du mal à saisir l'intérêt, puisqu'elle ne donne pas un point supplémentaire au classement, malgré ce qui avait été décidé par la fédération dans un premier temps... Mais cela reste un match officiel !

Donc, c'est à Boulogne-Billancourt qu'en ce jeudi 30 novembre (quelle date médiatique, un jeudi !) que Grenoble affronte son second Amiens. Une coupe Nestlé qui revient facilement aux Brûleurs de Loups 6-2. C'est en tout cas la première fois que le géant suisse de l'agroalimentaire Nestlé s'intéresse au hockey français... et la dernière aussi, je vous rassure.

Jean-Marc Djian se rappelle : "Il n'y en n'a eu qu'une, mais on l'a gagnée ! En fait on s'était surtout amusé ! Particulièrement après le match, lors de la réception, où l'on cachait Stéphane Barin, que l'on appelait le merdeux Barin... car il avait bu un coup... et il y avait Kjell Larsson, l'entraîneur national qui songeait à le sélectionner !"

"J'avais 18 ans, se souvient Stéphane, et je ne connaissais pas Larsson, ni l'équipe de France, et ils me disaient tous de me planquer, car j'avais une bière à la main... Enfin, avec le match que je venais de faire, il était de toute façon obligé de me prendre (rires)"...

Après ce surprenant intermède, retour au "vrai" championnat avec des déplacements à Tours (7-5) et à Caen (6-3). Tout roule pour les Brûleurs de Loups qui volent de succès en succès et remportent leur sixième victoire de suite en étrillant Briançon 8-4 avec encore cinq buts pour la première ligne ! C'est le jeune David Molinier qui est rentré dans les cages grenobloises à la mi-match. "Le groupe était fort, en particulier grâce aux arrivées de Philippe et Christian, se souvient Gérald Guennelon. On était capable de renverser des montagnes, avec en plus des caractères forts dans l'équipe pour cela..."

Grenoble au sommet

Grenoble est la capitale du hockey français en ce mois de décembre 1989 avec les Brûleurs de Loups seuls en tête du championnat et l'équipe de France qui revient à Clémenceau pour y affronter l'Italie. Des Coqs avec cinq Brûleurs de Loups : Jean-Marc Djian, Gérald Guennelon, Jean-Philippe Lemoine, Philippe Bozon et Christian Pouget qui dominent largement l'Italie 6-1. Jean-Marc Djian se souvient d'une anecdote qui situe bien les difficultés du hockey français : "L'une des vedettes Italo-canadiennes de l'équipe, Dino Pellegrino, me demande combien je gagne. Je lui donne un chiffre et il me demande : Dollar US ou canadiens ? Je suis parti sans oser lui répondre : non, en francs, tiens !"

Mais bon, tous ces succès commencent à inquiéter les autres postulants au titre qui doivent réagir et vite. C'est en particulier le cas de Rouen qui doit absolument recoller aux basques du CSGG, privé ce soir-là de son attaquant Fabrice Texier souffrant d'une otite. Les Dragons s'imposent 4-2, avec un dernier but dans la cage vide à dix secondes de la fin. La première défaite depuis plus d'un mois...

Il faut donc ne pas laisser trop d'espoir aux autres équipes et leur montrer que ce n'est qu'un accident. Mission accomplie là Amiens avec un beau succès 3-1.

Les Brûleurs de Loups sont seconds à un point des Volants. Un leader parisien qui vient à Grenoble en ce samedi 23 décembre, où décidément le vent de la révolution souffle puisque c'est le jour de la chute du tyran Nicolae Ceausescu en Roumanie ! Le leader parisien tombe également au pays de la Révolution de 1789 et repart dans la capitale avec une défaite 7-3. Des Parisiens heureux quand même, puisque dans la semaine, la municipalité a annoncé la création d'une nouvelle et grande patinoire dans la capitale. De quoi soulager les Volants beaucoup trop à l'étroit dans leur hangar de la petite patinoire des sous-sols de Bercy. On attend toujours ladite patinoire, remarquez...

Relents de guerre froide au moment où tout s'effondre

C'est donc sur ces espoirs que se profile la trêve de Noël avec deux grands moments à Grenoble : le deuxième tournoi international junior des Alpes à Grenoble et Annecy, et un match entre des sélections tchécoslovaques et soviétiques, 22 ans après le fameux URSS-Tchécoslovaquie des Jeux de 68 ! Dans le tournoi junior, l'équipe nationale de Suède s'impose devant les clubs tchécoslovaques du Modeta de Jihlava et de l'Étoile (Hvezda) de Prague et l'équipe de France. Dans le match des "grands" le 28 décembre, l'URSS bat la Tchécoslovaquie 4-2 devant 2500 Grenoblois aux anges devant le spectacle proposé. Une sélection tchécoslovaque avec les frères Kames ou encore Petr Rosol et des Soviétiques emmenés par des joueurs du Dynamo et du Spartak de Moscou et du Khimik Voskresensk. En tout cas, l'un des derniers URSS-Tchécoslovaquie de l'histoire, car dans un an l'URSS sera morte, et dans trois se sera la "séparation de velours" entre Tchèques et Slovaques...

Le championnat revient avec la réception de Bordeaux, toujours aussi difficile à manier (6-5). Même scénario à Reims (7-6) avec le but de la victoire inscrit au bout de cinq minutes de mort subite par Christian Pouget ! Les Brûleurs de Loups sont à nouveau seuls en tête, avec désormais trois points d'avance sur Paris et quatre sur Rouen. L'objectif des demi-finales est pratiquement atteint, même s'il reste encore dix matches à disputer.

En tout cas, ces résultats entraînent la grande foule à Clémenceau, puisqu'en plus, c'est Villard-de-Lans qui rend visite à ses voisins. Devant plus de 2000 supporters aux anges, du moins les Grenoblois... Les hommes de Boja Ebermann laminent les Ours 10-0 ! Stéphane Barin fête ainsi, lui qui est encore junior pour deux saisons, sa première sélection en équipe de France sénior !

La dernière vendange de Treille

Comme tout va bien, on ne va rien changer ! Trois jours plus tard, les Grenoblois se déchaînent en recevant les Caennais qu'ils battent largement 9-5. Et voilà le CSGG premier avec six points d'avance sur Rouen ! On attaque donc ainsi la dernière série de matches retour avec la réception de Tours. Malheureusement cette nouvelle série de six victoires consécutives s'achève par une défaite à domicile 6-5. On ne le sait pas encore, mais Philippe Treille, le plus prolifique attaquant Grenoblois de tous les temps, vient, en ce samedi 20 janvier 1990, d'inscrire le dernier but de sa carrière, lui qui avait inscrit son premier, le samedi 12 octobre 1974 à St-Gervais contre Megève, le palais des sports megevan étant indisponible, avec une victoire 6-2. Une carrière longue de 16 ans en équipe première. Sous un seul maillot : celui des Brûleurs de Loups !

En attendant, le championnat se poursuit avec un déplacement à Briançon, où décidément, cette année, les résultats ne sont pas en rapport avec les investissements engagés. Jean-Marc Djian est blessé aux adducteurs, sa spécialité ! "C'est le début de mes gros problèmes physiques, se souvient l'intéressé, j'ai tout collectionné : adducteurs, ischio-jambiers, épaule." Des soucis chroniques qu'avec le temps Jean-Marc tente d'expliquer : "Je m'entraînais peut-être trop et pas très bien. De plus mon style de jeu était basé sur la tonicité, j'aurais dû jouer plus coulé comme Cristobal Huet." C'est donc David Molinier qui œuvre, fort bien, dans les cages pour un large succès grenoblois 11-3.

Et revoilà les choses très sérieuses avec trois matches de suite face aux trois poursuivants de Grenoble. Autant le dire tout de suite, cela va très mal se passer ! Deux claques de suite à l'extérieur : 9-3 à Rouen, et 9-2 à Paris, et une défaite à domicile 3-2 contre Amiens et voilà les Grenoblois bien obligés d'oublier leur première place !

Comment expliquer cette soudaine chute de tension ? Il y a certes les blessures de Sylvain Locas, cervicales, et Jean-Marc Djian, adducteurs, mais pas seulement. Et pour cela, laissons la parole à un certain Pete Laliberté, présent à Bercy lors de la déroute, et qui s'exprime ainsi dans le Dauphiné Libéré : "Une certaine démobilisation s'est faite sentir, parce que nous sommes en tête." Avez-vous remarqué, comment, malgré toutes ses années, Pete dit toujours "nous" quand il parle de Grenoble ?

Il ne reste que trois rencontres avant les demi-finales, alors ce n'est pas le moment de perdre des points en route. C'est pourtant ce qui arrive le 17 février avec un large revers 7-2 à Bordeaux. Le CSGG est alors troisième à quatre points de Rouen et à trois des Français Volants. Heureusement, Grenoble bat facilement Reims 8-4. Et puis arrive la dernière journée avec un déplacement... à Villard !

Grenoble prend une demie

On peut rêver plus facile pour aller chercher sa qualification pour les demi-finales ! Les Brûleurs de Loups sont troisièmes à égalité de points avec Amiens, qui va à Paris, et avec un point d'avance sur Bordeaux, qui se rend chez le leader Rouen. Chaud ! Le suspense va en fait durer une bonne partie de la nuit !

Les Grenoblois ouvrent la marque dès la troisième minute par Philippe Bozon, mais Laurent Daudens égalise à la 29e. Philippe Bozon redonne de l'air aux siens une minute plus tard, mais Christophe Robert égalise à la 42e... Plus aucun but n'est marqué, il faut donc jouer les prolongations et la délivrance arrive au bout de six minutes par Karel Svoboda. Grenoble est en demi-finale, d'autant plus qu'Amiens et Bordeaux ont perdu ! Le classement est donc le suivant : Rouen devant Paris, Grenoble et Amiens, avec des demi-finales Rouen-Amiens et Paris-Grenoble. Il faut gagner deux fois pour se qualifier pour la finale.

Bercy beaucoup

La demi-finale arrive bien vite, trois jours plus tard dans les sous-sols de Bercy. Mais quelle soirée pour le hockey grenoblois ! Les Brûleurs de Loups terrassent les Volants 7-1. Karel Svoboda s'en donne à cœur joie avec quatre buts, ses camarades de ligne Christian Pouget et Philippe Bozon marquant un but chacun, soit six buts rien que pour le premier trio !

À peine le temps de savourer, que c'est la deuxième manche, à Clémenceau cette fois. Et cela part on ne peut mieux avec dès la quarantième seconde l'ouverture du score par l'inévitable Karel Svoboda, mais les Parisiens ne se laissent pas faire, ils sont quand même champions en titre. Ils égalisent dès la 5e par Raphaël Krepser puis prennent l'avantage à la 21e par Christophe Ville. Les Grenoblois égalisent à 2-2 à la 36e par Christian Pouget, mais en cinq minutes les Volants s'envolent par Jean-Marc Gaulin à la 49e et par Laurent Lecomte à la 54e. Pourtant, rien n'est fini, Karel Svoboda marque à deux minutes de la fin. Les Grenoblois poussent, à vingt secondes de la fin, Stéphane Botteri, le défenseur international de Paris, se couche pour empêcher le palet de rentrer dans la cage. C'est le pénalty ! Mais Christian Pouget le rate... À la plus grande consternation du public, les Brûleurs de Loups s'inclinent 4-3, la victoire à Paris est annulée, tout est à refaire et il faut retourner à Bercy !

Ah, cette troisième manche de la demi-finale ! Elle peut rentrer dans la légende du club au même titre que le barrage d'accession à l'élite contre ces même Volants en 74. Quel suspense ! Le premier tiers s'achève sans le moindre but et dans une patinoire archi-comble, on peut juste entasser 400 personnes dans ce "hangar", avec un très fort contingent de supporters dauphinois. C'est une nouvelle fois Karel Svoboda qui délivre tout le monde en marquant le premier but à la 22e, suivi deux minutes plus tard par Steve Harrison : 2-0, ouf ! Puis bientôt 3-0 à la 37e par Christian Pouget. On se dit que c'est bon et qu'il faut juste serrer les rangs lors du dernier tiers.

Seulement, les Parisiens le font sauter, ce verrou ! Stéphane Botteri, Luc Baud et Charlie Bourgeois les font revenir à 3-3. En quatre minutes, Grenoble a tout perdu ! À six minutes de la fin, Philippe Bozon décroche un tir puissant : poteau !

Il faut donc jouer les prolongations... Une mort subite insoutenable, mais vraiment insoutenable et... interminable ! C'est tout d'abord Christian Pouget qui va en prison, mais les Parisiens n'en profitent pas ! C'est ensuite au Parisien Jean-Marc Gaulin de goûter au banc des pénalités... là aussi sans conséquences ! Derek Haas touche le poteau de son ancien coéquipier à Villard, Jean-Marc Djian : "J'étais sûr de l'avoir pris... Et j'entends : bing ! À partir de là, je suis certain que plus rien ne peut nous arriver !"

Il va bien falloir que la victoire choisisse son camp. Mais elle prend son temps ! Il faut attendre 15 minutes et 28 secondes de prolongation pour que, sur un tir lointain, le capitaine et défenseur Bernard Séguy ne délivre la colonie grenobloise... "On a chanté la Marseillaise dans les vestiaires après le match. C'était une idée de Christian Pouget !" se souvient Stéphane Vissio.

La légende du chocolat magique

Des supporters grenoblois, pas du tout superstitieux, ont une explication à ce but. Selon eux, c'était écrit ! Lors de leur voyage le matin pour venir à Bercy, ils se sont arrêtés sur une aire d'autoroute. L'un d'entre eux, pour couper la faim, achète alors un produit chocolaté, vous savez, ceux avec un cadeau à l'intérieur. Il l'ouvre donc et trouve... une figurine de hockeyeur ! Et ce petit hockeyeur porte le numéro 2. Or, Bernard Séguy joue, depuis toujours, avec le numéro... 2 ! Que voulez-vous répondre à de tels signes du destin ?

"Quand les supporters m'ont raconté cette histoire, se souvient le héros, j'ai bien ri, sauf que maintenant, elle fait partie de la légende du club..." Et Gérald Guennelon d'ajouter dans le mysticisme : "Dans les vestiaires, avant les prolongations, je n'étais pas loin de Bernard et j'étais certain que c'est lui qui allait marquer..." Comme quoi ! En tout cas, les joueurs vont payer à boire à tous les supporters durant une gigantesque fiesta dans un bar de la Gare de Lyon !

Les Brûleurs de loups sont donc en finale ! Une finale qui se déroule selon la même formule que la demie. Le CSGG résiste... un quart d'heure en Normandie. Les Dauphinois partent patin au plancher et enchaînent les buts : 1-0 Christian Pouget à la 5e, 2-0 Fabrice Texier à la 6e, 3-0 Philippe Bozon à la 12e ! Incroyable ! Jusqu'au moment où Rouen se décide à jouer... En deux minutes, entre la 15e et la 17e, les Dragons égalisent par Dave Randall et Benoît Laporte deux fois. Ils enfoncent le clou en marquant cinq buts sans en encaisser un seul au second tiers. Certes les Grenoblois reviennent dans l'ultime tiers grâce à deux buts de Philippe Bozon et Christian Pouget, mais c'est trop tard, la machine à gagner rouennaise a tout balayé sur son passage pour un large succès 8-5.

"On n'a pas résisté à la machine rouennaise, explique Gérald Guennelon. On était content d'être là, on s'est relâché après l'euphorie de la demi-finale. En plus, on était fatigué."

Jamais Clémenceau n'a été aussi bondé

La deuxième manche se déroule deux jours plus tard dans une patinoire municipale Clémenceau pleine comme un œuf. On n'a même jamais vu autant de monde, plus de 4 000 spectateurs et 200 000 francs de recette. Il y a du monde de partout, même sur le toit du bar ! Pour rejoindre les tribunes côté joueurs, le plus simple est de... traverser la glace ! Il n'est pas certain, c'est le moins que l'on puisse dire, que toutes les conditions de sécurité sont réunies ! Mais pour l'ambiance...

Jean-Marc Djian joue avec une luxation à l'épaule et un début de pubalgie : "Ça a été un calvaire !" Mais pas question de rater un tel événement. Pourtant, cela commence très mal, les Rouennais marquent trois buts d'entrée à la première par Dave Randall, à la 6e sur pénalty par Benoît Laporte et à la 10e par Guy Fournier. Mais, après tout, au match aller, c'étaient les Grenoblois qui avaient fait le trou 3-0 avant de se faire remonter puis dépasser... On peut y croire à la 14e quand Steve Harrisson marque, mais c'est le chant du cygne. Gérald Guennelon était particulièrement remonté pour ce match : "J'avais fait une belle performance pour montrer à Larsson qu'il aurait dû me retenir pour les championnats du monde..."

Bernard Séguy, le héros de Bercy, sort sur une civière, la bouche entaillée, puis les Rouennais accélèrent et marquent deux nouveaux buts par Franck Pajonkowski et Guy Fournier (5-1).

Pour Jean-Marc Djian : "On était au bout du rouleau. En fait, on avait déjà joué notre finale contre Paris. Et puis, pour la première fois, on avait vraiment la pression devant un tel public. En fait on a été chloroformé par les Rouennais qui ont verrouillé le match, on n'a rien pu faire." Mais Jean-Philippe Lemoine l'annonce le soir même : "L'an prochain, le titre sera à nous !"

En inscrivant 52 buts à lui tout seul, Philippe Bozon bat le record du nombre de buts inscrits par un joueur grenoblois en une seule saison ! "C'était vraiment une bonne saison, se souvient l'intéressé, mieux que ce que l'on espérait, on n'avait pas un gros effectif, mais notre bel enthousiasme à fait le reste." Et 130 buts pour la première ligne Pouget-Bozon-Svoboda, Impressionnant, non ?

Buteurs en championnat 1989-90 : Philippe Bozon 52, Karel Svoboda 39, Christian Pouget 39, Sylvain Locas 15, Fabien Malherbe 14, Éric Lebey 9, Stephen Harrison 8, Bernard Séguy 8, Fabrice Texier 7, Stéphane Barin 7, Philippe Treille 6, Jean-Philippe Lemoine 4, Wilfrid Girod 3, Gérald Guennelon 3, Jean-Luc Chapuis 2, Stéphane Vissio 1.

 

LA saison mythique

La saison 1990/91 est vraiment à part dans l'histoire du club, elle commence et se termine... au tribunal ! En tout début de saison, le Tribunal de Grande Instance de Grenoble sauve la section hockey du CSG Grenoble du redressement judiciaire grâce à un montage financier de dernière minute qui prévoit une augmentation du sponsoring et une baisse de 10% des salaires.

En cause, une situation financière difficile, mais Grenoble n'est pas seul dans ce cas. Les joueurs d'Amiens subissent deux baisses successives de salaires, de moins 20%, puis de moins 15%. Les Volants en sont réduits à voir partir tous leurs gros salaires, et Villard-de-Lans a quitté l'élite. Briançon, un moment menacé, est sauvé par un apport de cinq millions de francs de la part de la municipalité de Robert de Caumont.

Rassuré par le feu vert du tribunal, Les Brûleurs de Loups commencent la saison à la poursuite du titre avec une équipe sérieusement renforcée par l'arrivée de trois attaquants internationaux formés dans les Alpes et soucieux d'y rejouer dans une grande équipe. Tout d'abord, deux joueurs formés à Saint-Gervais, Christophe Ville, en provenance de Paris, et Christian Bozon : "J'avais contacté Grenoble avant d'aller à Villard, mais cela n'avait pas abouti. Comme j'avais fait une bonne saison à Villard, Grenoble m'avait finalement recontacté. C'était un défi intéressant de venir dans une équipe à vocation française, avec des joueurs avec qui j'avais vraiment envie de jouer. Le tout avec le titre comme ambition suprême."

Quant aux problèmes financiers : "J'avais l'habitude ! J'avais connu cela dans d'autres clubs. Mais à Grenoble, cela a été très bien géré, dans la clarté. Les dirigeants ont joué cartes sur table avec nous, nous les joueurs étions solidaires du défi proposé. On savait où l'on allait."

Enfin, il y a Yves Crettenand, le Chamoniard qui vient de passer une année difficile à Briançon. Un sacré joueur de cette fameuse génération 63, qui a donné au hockey Christophe Ville, Christian Bozon, Thierry Chaix ou encore Bruno Saunier. "J'ai débuté le hockey naturellement, explique Yves. Mon père s'occupait de la patinoire des Houches, une glace naturelle, où j'ai joué jusqu'en benjamins, avant d'aller juste à côté à Chamonix". Yves qui a toujours été barré en mineur par les voisins de St-Gervais, les Ville, Ganis, Christian Bozon, Lepregassin, champions de France tous les ans : "La seule année, où on les a devancé comme premiers de la poule, on s'est fait battre en finale des juniors par Gap et les Chaix, Masse, Chevalier ou Bruno Saunier !"

Yves qui joue son premier match en équipe première à Chamonix en 1980... juste après le dernier titre des Chamois. C'est donc quelqu'un d'affamé, car jamais champion de France, qui arrive à Grenoble, après une saison galère à Briançon. "Je voulais relever un défi, avec d'autres joueurs alpins de ma génération. Celui d'être champion sans une armada de Franco-canadiens".

À ceux qui seraient étonné qu'un club connaissant des difficultés financières ait recruté trois internationaux, les dirigeants répliquent que la mairie d'Alain Carignon a promis de financer ces arrivées. Un engagement sans lequel jamais les dirigeants, des gens sérieux (Jean Le Blond le président ou Jean-Michel Covet, le trésorier), et les sponsors (Jean-Pierre Gravier et Raymond Riondet qui tiendront tous leurs engagements) n'auraient pris ce risque.

Un trio décisif

En tout cas, cette arrivée de Christophe Ville est déterminante pour Jean-Marc Djian : "Le groupe était déjà très fort. On a certes tous encore progressé, mais le petit plus c'est Christophe qui nous l'a apporté, tellement il est fort, courageux, motivé et avec un mental à toute épreuve. Yves Crettenand nous a également beaucoup apporté dans ce sens."

L'équipe enregistre également l'arrivée d'un jeune défenseur : Nicolas Carry, formé à Grenoble, mais parti ensuite à Villard-de-Lans.

Dans la rubrique départs, on note le nom de Wilfrid Girod : "Je jouais depuis l'âge de 16 ans en équipe première, je commençais à être vraiment fatigué psychologiquement".

Stéphane Vissio quitte également le club pour Anglet après neuf saisons en équipe première : "Je ne jouais plus assez, je ne le vivais plus bien. J'étais même désabusé. J'avais fini mes études et je pensais arrêter le hockey lorsqu'Éric Gusse, un ancien Grenoblois, m'a fait venir à Anglet." Mais l'ancien numéro 23 des Brûleurs de Loups n'en garde pas d'aigreur : "C'est mon club, je suis grenoblois et je garde les bons souvenirs en oubliant la fin. D'autant plus que les dernières années, j'ai quand même joué avec des garçons du talent de Philippe Bozon, Christian Pouget ou Karel Svoboda, ça c'est quand même génial, non ? Comment oublier que j'ai joué 23 ans sous le maillot de Grenoble ? Mon seul regret c'est d'avoir perdu le titre de champion de France en 1984 à Megève." Stéphane Vissio dont le talent et la gentillesse ont durablement marqué l'histoire des Brûleurs de Loups.

Autre départ, celui de Sylvain Locas, le serial-buteur canadien des années difficiles qui arrête la compétition. Sylvain aura également marqué le club avec 68 buts en quatre saisons ! Malheureusement, des saisons sans titre. Départ également de Fabien Malherbe pour Reims.

La vie sans Philippe Treille

Mais c'est surtout l'année de l'arrêt de Philippe Treille, le monument du hockey grenoblois, le meilleur buteur de l'histoire du club. Un arrêt qui s'est mal passé : "Déjà, la saison d'avant, Boja m'avait enlevé le capitanat sans me le dire, un soir, en arrivant au match, je m'aperçus que le C de capitaine, n'était plus sur mon maillot !"

Et Philippe de poursuivre : "Je n'avais pas décidé de m'arrêter, on l'a décidé sans me prévenir, sans me demander mon avis. En septembre, quand je suis arrivé avec mon sac pour le premier entraînement, on m'a indiqué que je ne faisais plus partie de l'effectif ! Alors que je ne voulais pas être titulaire, encore moins être payé, juste donner un coup de main à l'équipe. Ça a été très dur. Après 23 ans de club, je demandais juste une dernière saison, on me la refusé. C'est choquant ! Mais pour ma famille aussi, cela a été difficile, j'entendais Yorick pleurer dans son lit le soir. Il avait 10 ans..." Yorick n'a jamais porté le maillot de l'équipe première des BDL, puisqu'il est parti à 15 ans.

Pourtant, Philippe Treille continue à vouer une passion totale à son seul club : "Je n'ai jamais envisagé d'aller jouer ailleurs, c'est mon seul et unique club. J'y serais resté même en cas de descente." Le meilleur buteur de toute l'histoire du club reste modeste : "Si j'ai marqué beaucoup de buts, je le dois à des coéquipiers extraordinaires comme les frères Leblond avec qui on s'entendait incroyablement bien. C'est grâce également à Adolf Sprincl qui nous avait donné une longueur d'avance sur les autres en nous inculquant le jeu de passe à la tchèque. Il y a eu aussi Boja Ebermann et Jean-Paul Farcy. Mais ce dont je suis peut-être le plus fier, c'est de notre ligne avec Jean-François Beaudoing et Antoine Sangiorgio. On n'avait pas encaissé le moindre but durant tout les play-offs, avec le premier titre de champion à la clé en 1981 !" En tout cas, si le livre s'est fermé d'une manière abrupte, les pages écrites par Philippe Treille dans le livre d'or des Brûleurs de Loups sont ineffaçables. Son numéro 7 qui "flotte" au-dessus de Pôle-Sud en est la preuve.

C'est en tout cas une équipe à fortes ambitions qui attaque cette saison par trois belles victoires en amical. 11-4 contre les juniors du Dukla Jihlava et Gap et surtout 5-3 à Megève contre les... Diavoli de Milan que Silvio Berlusconi, le patron du Milan AC a fait renaître de leurs cendres et qui ont recruté une véritable star de la LNH, le Finlandais Jari Kurri. Une photo d'un engagement entre Christian Pouget et Jari Kurri, ornera même le salon du numéro 26 et capitaine grenoblois en souvenir...

10 ans plus tard

Le championnat du dixième anniversaire du premier titre débute à... Tours justement ! Une équipe tourangelle où l'on retrouve des "vieilles connaissances" comme Gaston Therrien et Pierre Lacroix de Villard-de-Lans, François Perreault de Gap ou encore le gardien Jean-François Ribordy, ancien champion avec St-Gervais. Un début en forme de promenade avec un beau succès 5-2.

En revanche, le premier match à domicile de la saison 1990/91 contre Rouen est des plus agités ! 75 minutes de prison et une expulsion pour Pat Daley, et 73 minutes pour Grenoble et deux expulsions pour Jean-Philippe Lemoine et Christian Pouget. Autant dire qu'il y a eu des bagarres ! Mais c'est presque normal puisqu'il s'agit des deux finalistes de l'an passé. Les Dragons ont certes perdu Calder, Tardif ou Barray, mais ont récupéré Stéphane Botteri, Franck Saunier, Michael Babin ou Philippe Ranger. Ils mènent 4-0 avant que Christophe Ville et Karel Svoboda ne ramènent le score à 4-2. La pénalité de match infligée à Jean-Philippe Lemoine a au moins permis à Nicolas Carry de faire ses grands débuts en équipe première contre le champion !

Autre gros match, un déplacement à Briançon où l'on a recruté sec à l'intersaison sous la houlette de Richard Sévigny. Pour ce match, il manque, outre Christian Pouget et Jean-Philippe Lemoine suspendus après leurs "dérapages" rouennais, Philippe Bozon blessé pour trois semaines et Yves Crettenand, arrêté pour 45 jours avec une entorse au genou droit. Stéphane Arcangéloni et Alan Chauvin font donc leur entrée en équipe première pour un match héroïque des Brûleurs de Loups qui s'inclinent certes 4-3, mais en prolongation, les Briançonnais ayant égalisé à six joueurs contre cinq, à vingt secondes de la fin !

Stéphane Arcangéloni et Alan Chauvin, deux purs produits de l'école grenobloise de hockey, même si Stéphane a débuté par le foot ! "J'avais un bon niveau en foot, et puis je suis allé voir un Grenoble-Tours de la grande époque en 1980... Et alors, plus question d'autre chose que le hockey ! J'ai donc débuté à huit ans avec Stéphane Barin et Stéphan Tartari, et ça a été dur, car ils se connaissaient tous depuis longtemps et j'avais en plus du retard de patinage. Mais je me suis accroché en allant tous les soirs au patinage public." Stéphane qui est sacré champion de France dans absolument toutes les catégories de jeunes, faisant de Clémenceau sa deuxième maison : "J'en connais tous les recoins. Je ne lâchais jamais ma crosse, même le soir des matches des séniors où l'on jouait avec des balles de tennis, derrière la cage, près de la surfaceuse, ce qui est interdit bien sûr ! Pour nous, le vestiaire de l'équipe première, c'était le lieu saint, alors m'y retrouver..."

Mais en plus, comble de malheur, en cours de match à Briançon, Bernard Séguy se blesse gravement au visage et sera absent un mois ! Du coup, c'est Christophe Ville qui passe en défense et réalise une performance époustouflante !

Boja Ebermann doit donc mettre la jeune garde sur la feuille de match pour la réception de Bordeaux, même si Jean-Philippe Lemoine et Christian Pouget ont purgé leur suspension. On retrouve donc Antoine Huet, Alan Chauvin, Stéphane Arcangéloni et Maxence Fontanel sur la feuille de match. Les Brûleurs de Loups diminués s'imposent cependant 6-4, avec le premier but de Nicolas Carry. Voilà donc les Dauphinois troisièmes à quatre points des deux leaders Rouen et Briançon que toute la presse (sauf grenobloise...) annonce comme les cadors intouchables de l'édition 1991. Grrr !

La cigale et la fourmi

Il faut dire que les Brûleurs de Loups ne sont pas encore au top. Témoin ce mauvais match perdu à Reims (4-2). Les Dauphinois touchent le fond une semaine plus tard en recevant les Français Volants de Paris, bons derniers avec zéro point. Les Brûleurs de Loups enregistrent le retour de Philippe Bozon et mènent 4-2 jusqu'à neuf minutes de la fin. Pourtant, la machine se dérègle et les Parisiens reviennent à 4-3, puis égalisent à deux minutes de la fin, avant de l'emporter en prolongation au bout de trente et une secondes seulement. Deuxième mort subite perdue de suite et une plongée au cinquième rang du classement...

Mais l'équipe ne panique pas. Elle sait qu'une fois au complet et au point, elle aura les moyens de devenir irrésistible. D'ailleurs elle note le retour de son attaquant international Yves Crettenand pour un difficile déplacement à Amiens, chez les Écureuils de Picardie. Sérieux et appliqués, les Dauphinois s'imposent 5-3. Au classement, les Brûleurs de Loups, laborieux, restent cinquièmes, alors qu'en tête du classement Briançon chante telle une cigale avec ses sept succès en autant de rencontres.

Les Brûleurs de Loups ne sont pas épargnés par la malchance puisqu'à la vingtième minute contre les Mammouths de Tours, le gardien international Jean-Marc Djian se blesse une nouvelle fois. Heureusement, cette année, le CSG Grenoble compte dans ses rangs un deuxième gardien de haut niveau : Yaël Cravero, international junior en provenance de St-Gervais. Et malgré une équipe tourangelle très accrocheuse, le jeune gardien ferme la boîte et les Grenoblois s'imposent 4-2.

C'est un tout autre défi qui attend les Grenoblois trois jours plus tard avec le déplacement chez le champion de France rouennais. Surtout que les Dragons démarrent patins au plancher et mènent 5-0 à l'entrée du dernier tiers ! Vexés, les Dauphinois vexés relèvent la tête et reviennent petit à petit, mais échouent à 5-4.

Course-poursuite à Clémenceau

Surtout, ne pas douter, dix jours plus tard, après une pause équipe de France, en accueillant le leader Briançon qui compte huit victoires et une défaite. C'est encore Yaël Cravéro qui est dans les cages, car Jean-Marc Djian s'est encore blessé en équipe nationale ! Un match d'un très haut niveau avec une course-poursuite fabuleuse.

Ce sont les Dauphinois de l'Isère qui ouvrent les hostilités dès la quatrième par leur défenseur moustachu et roublard Steve Harrison. Les Dauphinois des Hautes-Alpes réagissent cinq minutes plus tard par leur défenseur canadien d'origine ukrainienne, Taras Zytynsky, puis prennent l'avantage en début de deuxième tiers par Pierre Pousse. À peine le temps de souffler, et c'est l'égalisation des Brûleurs de Loups par l'ancien Briançonnais Yves Crettenand. Une minute encore et tout s'affole avec un but dans chaque camp, par Jacky Pampanay et Gérald Guennelon. Une petite minute se passe et Pierre Pousse donne l'avantage à Briançon, avant que sur l'engagement Christian Bozon n'égalise à 4-4 ! Mais ce n'est pas fini dans ce deuxième tiers de folie, avec Briançon qui repart à la 38e par Dennis Murphy, avant qu'une minute plus tard Steve Harrisson n'égalise de nouveau : 5-5 et toujours pas le temps de respirer ! Malheureusement, dans l'ultime tiers, les Grenoblois cèdent par deux fois devant Dennis Murphy et s'inclinent finalement 7-5. À la fin du match, l'entraîneur national Kjell Larsson déclare que "Christian Pouget est le meilleur joueur français, avec un patinage extraordinaire".

Quoi qu'il en soit, cela fait deux bons matches, mais deux défaites de suite pour les Brûleurs de Loups... et bientôt trois avec une courte défaite 6-5 à Bordeaux où Roger Dubé inscrit cinq buts !

Ça chauffe en coulisses

Le mois de décembre est agité et décisif pour l'équipe. Cela débute par le premier succès depuis un moi, 7-3 devant le promu Reims.

Mais le sort du club se joue, le 6 décembre, au Tribunal de Grande Instance. Le million de francs promis oralement maintes fois par la mairie ne venant toujours pas, et les salaires n'étant pas versés depuis deux mois, le président de la sixième chambre du TGI Philippe Greiner se voit dans l'obligation de mettre la section hockey du CSGG en redressement judiciaire. Il nomme Maître Régis Barbey administrateur judiciaire. Les dettes sont gelées et les salaires pris en charge par le Fonds National de Garantie des Salaires. Un soulagement pour les joueurs qui vont être payés.

Jean-Marc Djian se souvient de ces moments difficiles : "Les problèmes financiers nous ont soudés et motivés pour prouver que l'on pouvait gagner avec des joueurs français. Cela nous pesait bien sûr au quotidien, mais on en parlait avec nos dirigeants pour qui on avait un respect énorme, en particulier Jean-Pierre Gravier et Raymond Riondet qui ont été toujours derrière nous et qui ont été exemplaires pour tenter de sauver la situation".

En ce mois de décembre, les joueurs se promettent, dans le secret de leur vestiaire, de ne rien lâcher jusqu'au titre de champion ! Gérald Guennelon raconte : "C'était une première pour nous, ces problèmes financiers, même si l'on n'avait pas de contrats mirobolants. C'est Christophe Ville, qui avait déjà connu ce genre de situation avec les Volants, qui a pris les choses en main. Il nous a simplement rappelé que l'on avait une équipe capable de battre Rouen, que l'on était venus à Grenoble pour cela et que si en plus des problèmes financiers, cela ne marchait pas sportivement, la saison allait être longue. Donc la solution était simple : être champions pour, au moins, se faire plaisir."

Une bonne résolution qui se voit, deux jours après la décision du tribunal, avec un succès 6-3 à Paris. Christian Bozon se souvient : "On a décidé d'appliquer le système de jeu de Kjell Larsson en équipe de France. On a serré les coudes et on est allé de l'avant. Avec en plus le sentiment d'être investi d'une responsabilité vis-à-vis du public qui nous soutenait. On savait vraiment pourquoi on allait tous les jours à la patinoire."

C'est une autre équipe en difficulté, Amiens, qui vient à Grenoble. Les Picards eux ne sont pas passé par la case dépôt de bilan, mais directement à la liquidation, ce qui leur évite, puisque nous sommes en cours de saison, d'être relégués ! Exit les Écureuils de l'Amiens Sporting Club et bonjour les Gothiques du Hockey Club Amiens Somme. Quoi qu'il en soit, dans ce match des "désargentés", c'est Grenoble qui s'impose 4-0. Revoilà en tout cas les Brûleurs de Loups revenu à une quatrième place plus en accord avec leur niveau. Un retour en forme confirmé par une écrasante victoire 10-5 à Tours.

La trêve est mise à profit par le club pour organiser un tournoi international benjamin qui voit la victoire des Slovaques de Bratislava devant les Grenoblois avec Laurent Meunier, Yorick Treille ou Cyril Trabichet. Ils devancent Chamonix, St-Gervais, Strasbourg et Lahr.

JMD ? Blessé ! Pourquoi ?

Jean-Marc Djian s'étant une fois encore blessé durant la trêve, c'est Yaël Cravero qui joue dans les cages grenobloises avec Jérôme Veyron en substitut pour la reprise à Briançon. Un Yael Cravero qui avec Stéphane Barin et Stéphane Arcangéloni reviennent de Pologne, où ils ont décroché la médaille de bronze des championnats du monde junior du groupe B. Les Grenoblois qui visent la troisième place s'inclinent cependant une nouvelle fois. Une défaite 2-1 avec un but de Gérald Guennelon.

Alors que le monde bruisse de dangers avec des menaces de guerre dans le Golfe et les forces de sécurité soviétiques qui massacrent des civils lituaniens à Vilnius, les Brûleurs de Loups doivent plus modestement s'imposer devant Bordeaux. Toujours privés de Jean-Marc Djian et Yves Crettenand blessés, les Dauphinois sont menés 0-2 avant de rétablir la situation et gagner un match important 4-3.

Mais, alors que Jean-Philippe Lemoine est papa d'une petite fille Mélissa, l'équipe rechute en déplacement à Reims 3-1. Le yo-yo continue avec une victoire 4-1 devant les Français Volants, puis une défaite à domicile 4-2 devant Rouen et 2 600 spectateurs et malgré les retours de Jean-Marc Djian et Yves Crettenand.

Encore une défaite et encore un blessé, en l'occurrence Gérald Guennelon, à Amiens. Une défaite en prolongation, 4-3, par Pat Dunn. Les Brûleurs de Loups vont cependant avoir quinze jours pour se remettre car les matches contre Tours et à Rouen sont reportés à cause des intempéries qui s'abattent sur l'Hexagone. Une mini-trêve mise à profit pour recharger les accus et pouvoir battre enfin cette saison Briançon. Un succès difficile 7-5.

Opération tempête de la glace de Christian Pouget

C'est Christian Pouget qui prend les choses en main le 23 février. En ce jour de déclenchement de l'offensive terrestre contre l'Irak, le capitaine des Brûleurs de Loups clame à ses troupes qu'il n'est pas question de perdre à Bordeaux... Sinon, il ne rentre pas dans le car avec eux après le match ! Non mais ! C'est du moins, la légende, telle qu'elle a traversé les années... Et ça marche ! Les Grenoblois réalisent un match presque parfait et s'imposent 5-2. Les Grenoblois sont de nouveau dans le sens de la marche avec quatre points de retard sur le troisième et deux matches en moins...

Une victoire 3-2 contre Tours, puis un match dont on va parler encore longtemps. Le samedi 2 mars, à la fin de la guerre du Golfe, le CSGG reçoit Reims. Le match est très serré (2-2) lorsque survient un incident : Antoine Mindjimba écope de cinq minutes de pénalité après une charge sur Stéphane Barin. Une bagarre générale plus tard, les Champenois sont donc en infériorité. Déchaînés, les Brûleurs de Loups inscrivent sept buts dont un de Stéphane Barin, qui se venge ainsi du coup de crosse et le fait savoir bruyamment. Un succès 9-4 qui libère définitivement les Brûleurs de Loups.

Stéphane Barin "explose" cette saison : "Tout est parti en fait d'un pari en 1987, lors de l'attribution des Jeux de 1992 à Albertville. Mon père disant que mon frère aurait l'âge parfait pour être sélectionné... et moi de dire : Non, ce sera moi qui irai aux Jeux ! J'avais 16 ans et je débutais à peine en équipe première de Grenoble ! Donc toute l'année, j'avais ce but unique dans la tête. J'y allais à fond, au détriment de l'école d'ailleurs, et à la plus grande inquiétude de mes parents ! Heureusement, les anciens comme Djian, Pouget ou Ville me remettaient dans le bon sens, quand je n'allais plus assez souvent au lycée ! Mais de toutes façons, je n'avais pas le choix, il fallait que je réussisse..."

Il ne reste que trois matches dans cette première phase et les Dauphinois ne lâchent plus rien. Cela commence par un 6-2 chez les Français Volants, cela se poursuit deux jours plus tard par un coup de tonnerre 5-3 chez le champion Rouen, et cela s'achève par un 5-1 devant Amiens. "C'est le déclic, ce match à Rouen, se rappelle Yves Crettenand. Surtout qu'il s'agit d'un match reporté à cause de la neige. À l'époque, on n'était pas au complet, là si. On a compris ce soir-là que l'on pouvait être champions, qu'ils étaient prenables."

Les Brûleurs de Loups ont gagné leur pari, ils sont troisièmes suite à sept victoires consécutives. "On était enfin sorti du bourbier, estime Christian Bozon. On était regonflé à bloc avec la certitude que désormais, plus rien ne pouvait nous arriver."

Miracles slovènes et picards

Huit BDL, un record pour le club, Djian, Guennelon, Lemoine, Bozon, Ville, Pouget, Barin et Crettenand, peuvent partir le cœur léger aux championnats du monde du groupe B à Ljubljana dans une Yougoslavie au bord de la décomposition, où l'indépendance slovène n'est plus qu'une question de mois. Un Mondial que les Bleus mènent de main de maître avec une montée historique en groupe A après un match devenu mythique contre l'Autriche à Jesenice, à quelques encablures de la frontière autrichienne et devant des milliers d'Autrichiens d'abord très bruyants et ensuite très médusés...

La montée en groupe A mondial à peine digérée, il faut penser aux quarts de finale du championnat de France : "On avait été un peu décevant en saison régulière, concède Philippe Bozon, mais on abordait ces séries finales très confiants, car on savait que l'on pouvait rivaliser avec n'importe qui. On avait une équipe homogène avec trois lignes capables de faire la différence."

Les Brûleurs de Loups ont deux blessés importants, Christophe Ville entorse du genou et Jean-Marc Djian aux adducteurs. Mais cela ne trouble pas les Dauphinois qui atomisent Amiens 7-1 avec le premier but en équipe première de Stéphane Arcangéloni juste après être monté sur la glace ! "Mon premier palet, pour mon premier match sur la glace ! C'est Yves Crettenand qui me fait la passe et ça rentre ! Yves, mais également Ville, Bozon ou Pouget, ont vraiment été des exemples parfaits pour moi."

La deuxième manche se déroule à Amiens trois jours plus tard et dans la petite enceinte picarde, les Grenoblois chutent en mort subite 3-2. Pourtant, ils tenaient la victoire en menant 2-1, buts de Steve Harrisson et Fabrice Texier, mais les Amiénois égalisent par Antoine Richer à trois minutes de la fin et s'imposent au bout de 38 secondes de prolongations par Michel Galarneau. "Amiens était très bon en défense, se rappelle Christian Bozon, et nous on avait du mal à concrétiser nos nombreuses occasions."

Qu'à cela ne tienne, deux jours après, pour ses 20 ans, le gardien Yaël Cravéro s'offre un blanchissage pour un succès grenoblois 1-0, but de Steve Harrisson à la 21e minute. Une rencontre où les Grenoblois sont handicapés par une nouvelle blessure, celle de Philippe Bozon à l'épaule qui a dû se contenter d'un rôle défensif sur la deuxième ligne avec Yves Crettenand et Christian Bozon, Stéphane Barin passant en première ligne.

Il ne reste donc plus qu'une victoire à obtenir pour aller en demi-finale, et la série se poursuit désormais à Grenoble. Un match terriblement tendu. Amiens mène 2-0, Grenoble revient à 2-1 par Yves Crettenand puis prend l'avantage en une minute par Gérald Guennelon et Jean-Luc Chapuis, d'un but magnifique : "Je récupère le palet devant notre banc, ensuite c'est pivot, slap, lucarne !"

Les Picards marquent à leur tour deux buts avant que Steve Harrisson, moustache au vent, n'égalise à quatre minutes seulement de la fin ! Prolongation, pas de but. Au bout du suspense, les Grenoblois sont plus sereins que les Amiénois. Seuls deux Picards marquent leurs tirs au but : Michel Galarneau et Petr Nachtigal, alors que quatre Dauphinois y parviennent : Christian Bozon, Karel Svoboda, Stéphane Barin et Philippe Bozon qui inscrit le dernier dans une liesse rarement attente dans cette patinoire qui en a pourtant vue ! Il est le héros du soir avec le jeune gardien Yaël Cravero, une nouvelle fois impeccable pour suppléer Jean-Marc Djian toujours blessé, mais qui va rentrer pour les demi-finales, tout comme Christophe Ville.

Le mythe briançonnais

En demi-finale, les Grenoblois retrouvent Briançon. Le premier match se déroule dans la ville la plus haute d'Europe. Les Briançonnais partent à fond inscrivant deux buts dans les deux premières minutes, puis mènent 3-0 à la 25e. Les Grenoblois reviennent également en une minute, à la 36e, par deux buts de leur phénoménal défenseur Steve Harrisson. Mais le score ne bouge plus à 3-2, Philippe Bozon ratant un penalty à la dernière minute, le défenseur Juraj Bondra ayant volontairement bougé la cage. Pendant ce temps, certains "supporters" briançonnais trouvent intelligent de crever tous les pneus de la voiture de Radio France Isère...

Retour à Grenoble pour la deuxième manche de ces demi-finales. Et une nouvelle fois, ce sont les Haut-Alpins qui marquent dès la première minute ! Les Isérois égalisent à la 16e par Yves Crettenand, mais Briançon reprend l'avantage par le Franco-américain Éric Lemarque à la 32e. Cela émoustille les Brûleurs de Loups qui inscrivent deux buts en une minute par Jean-Philippe Lemoine et Philippe Bozon, puis mènent même 4-2 à dix minutes de la fin grâce à Christophe Ville. Le dernier but briançonnais de Côté ne change pas la tendance. Grenoble égalise une victoire partout en dominant largement ce match avec 52 tirs contre 28 !

La troisième manche se déroule toujours à Grenoble : cette année-là, pour égaliser les chances, le plus mal classé lors de la première phase, joue d'abord à l'extérieur avant de disputer deux matches consécutivement à domicile...

Une nouvelle fois, les Briançonnais ouvrent la marque, par Pierre Pousse à la 28e. Dernier but de Briançon dans cette série ! Jean-Marc Djian ferme la boîte à double clé ! Égalisation de Christian Bozon à la 34e, son homonyme Philippe le suit deux minutes plus tard, et à la 40e Stéphane Barin s'offre un tour de la cage de Corrado Micalef pour le quatrième but, avant que sur l'engagement, Philippe Bozon n'inscrive le but de la victoire 5-1. L'ouragan Brûleurs de Loups a soufflé fort et ce n'est pas fini !

Le samedi 4 mai mérite de rester gravé en lettre d'or dans l'histoire du club, comme l'un des matches les plus extraordinaires des Brûleurs de Loups. "On s'était mis au vert chez Luc Alphand, à Chantemerle", se rappelle Gérald Guennelon.

L'accueil est des plus "limites" : insultes peintes sur la route du col du Lautaret, projecteur placé de façon à éblouir Jean-Marc Djian et 3 000 personnes dans une patinoire chauffée à blanc ! Remarquez, la clameur briançonnaise ne dure pas bien longtemps. Dès la 11e, à la suite d'une magnifique action de la première ligne, Karel Svoboda ouvre la marque. Onze minutes plus tard, c'est au tour de la troisième ligne d'entrer en scène. Christian Bozon, Éric Lebey et Fabrice Texier sont tout simplement en état de grâce ce soir-là. "On avait un tempérament de feu, de guerrier, précise Christian Bozon, en plus Briançon avait un style de jeu qui nous allait bien." Et Fabrice Texier de rendre hommage à son coéquipier : "Christian ne lâchait jamais rien. Son expérience m'a servi. En plus, on s'entendait très bien en dehors de la glace."

Christian Bozon inscrit le 2-0 sous les ovations des supporters grenoblois qui font déjà le tour de la glace, un immense drapeau bleu et rouge en main, sous le regard stupéfait et sans réaction des 3 000 Briançonnais...

Et ce n'est pas fini, avec une précision digne de l'industrie horlogère suisse, les Grenoblois inscrivent des buts toutes les dix minutes : 32e par Philippe Bozon, 44e par Christian Bozon et 53e par Philippe Bozon ! Et comme Jean-Marc Djian fait le match de sa vie dans les cages, les Grenoblois humilient les Briançonnais chez eux 5-0. Les insultes du col du Lautaret ont fait leur effet !

"De toutes façons, on ne craignait rien !" explique Yves Crettenand... Pour Jean-Marc Djian, c'est encore, toutes ces années après, un souvenir impérissable : "La perfection, comme dans un rêve ! J'avais fait le match mentalement avant et tout s'est passé exactement comme rêvé ! J'avais un mur de brique mental devant la cage. Ils auraient pu tout essayer, rien ne serait rentré. C'est une sensation pratiquement unique dans une carrière."

Jean-Marc Djian est porté en triomphe par les supporters grenoblois qui sont montés sur la glace au coup de sirène final : Grenoble est en finale, comme l'an passé et encore contre Rouen, mais cette année, pas question de laisser filer la chance !

Rouen, bis repetita ?

Une finale aller disputée à Grenoble, à guichets fermés, devant 4200 personnes, comme l'an passé. "Plus de 4 000 personnes dans une patinoire qui ne compte que 2500 places assises, ça marque et ça fait du bruit, se souvient Jean-Luc Chapuis, en tout cas, ce sont des moments inoubliables."

Gérald Guennelon confirme : "Je n'avais jamais vu autant de monde, c'était infernal. Je pense que sans le public, on n'y serait pas arrivé."

Et comme la saison précédente, ce sont les Normands qui démarrent les plus forts en menant 3-0 par son armada formée au Canada, Benoît Laporte (6e), Guy Fournier (13e) et Franck Pajonkowski (22e). Mais à la différence de l'an passé, les Dauphinois ne se laissent pas faire et leur réveil est terrible. Sept minutes de pure folie et de communion avec un public au bord de l'hystérie collective... "Le public nous a sauvés ce soir-là, cela restera à jamais dans ma mémoire" estime Yves Crettenand. C'est tout d'abord Philippe Bozon qui ramène le score à 3-1 à trois minutes de la fin du deuxième tiers. Sur les ondes de Radio France Isère, Christophe Ville confie après le match : "On s'est dit, que l'on était quand même chez nous et qu'il était impensable de lâcher comme cela !"

Christophe Ville, exceptionnel de hargne et de talent, inscrit deux buts coup sur coup aux 41e et 43e. Une minute plus tard, c'est au tour d'Yves Crettenand de "faire l'enfer" avec un but tout en rage. Cinq minutes plus tard, Jean-Philippe Lemoine cloue le cercueil d'un shoot lointain. "La différence avec l'année passé, explique Christian Pouget, c'est que l'on avait trois lignes capables de marquer, Christophe et Yves, nous ont beaucoup apportés." Rouen est sonné, mais pas KO. Les champions de France reviennent à 5-4 à six minutes de la fin par Benoît Laporte. Les Grenoblois remettent les gaz, mais Karel Svoboda rate une belle occasion en solitaire dans les ultimes minutes !

5-4, un petit but d'avance, c'est maigre, mais jamais cette saison, les Dauphinois n'ont renoncé, ce n'est pas aujourd'hui qu'ils ont une main sur la coupe Magnus qu'ils vont la retirer. Luc Tardif, le manager de Rouen, résume parfaitement la situation dans le magazine "Crosses et Patins" de Laurent Bellet et Thierry Adam sur FR3, quand on lui demande si 5-4 c'est du zéro-zéro pour le second match : "Non, non, c'est un but de retard et il faudra aller le chercher..." Cela doit s'appeler une prémonition...

Apothéose caennaise

La finale retour à lieu le samedi 18 mai 1991 à Caen, la vieille patinoire de Rouen étant détruite pour faire place à une nouvelle enceinte, toujours sur l'Île Lacroix. C'est donc dans la petite patinoire caennaise et devant les caméras de FR3 national, qui retransmettent le match en différé le lendemain après-midi, que se joue le titre de champion de France.

Un titre que personne en Normandie n'envisage pouvoir perdre : "Ils avaient déjà préparé la fête du sacre, tout était déjà prêt, se souvient Fabrice Texier. Cela nous a encore plus motivés." Fabrice qui "accueille" sur sa ligne, Christian Pouget blessé et qui doit se contenter d'un rôle défensif... "J'en garde un sentiment de frustration, explique Christian. Non seulement je n'ai pas pu jouer à fond ce match, mais en plus, j'ai passé la rencontre à éviter les charges et les mauvais coups. Les Rouennais ont pendant tout le match essayés de me casser, ils se sont focalisés sur moi... au lieu de jouer leur match."

"On était un certain nombre à jouer sous infiltrations, pour ne pas trop sentir la douleur, précise Philippe Bozon. Christian, Jean-Marc, Christophe et moi étions blessés et normalement pas en état de jouer. Mais c'était une finale, alors on a serré les dents. De toute façon, rien ne pouvait nous arrêter..." 150 supporters grenoblois ont réussi à trouver une place parqués derrière la cage... se disant, eux, qu'après tout, Grenoble a toujours été sacré champion à l'extérieur !

Et c'est parti pour le plus grand suspense de la saison avec des renversements de situation à volonté !

Les Rouennais ouvrent la marque par Franck Pajonkowski à la 11e minute et égalisent donc sur l'ensemble des deux matches. Les Dauphinois n'abdiquent pas. Yves Crettenand commence son festival en marquant à la 14e, suivi dans les ultimes secondes du tiers par Karel Svoboda : 2-1 pour Grenoble et 7-5 sur l'ensemble des deux matches.

Il ne reste plus "que" quarante minutes à tenir pour aller embrasser LA Magnus... Le début du deuxième tiers est terrible pour les Grenoblois avec un but de la ligne rouge (!) de Patrice Fleutot qui surprend Jean-Marc Djian (ça arrive Jean-Marc...) dès la première minute du tiers (ouille !). Puis Benoît Laporte trois minutes plus tard égalise au score cumulé, avant que Franck Saunier ne donne un but d'avance aux Dragons, toujours sur les deux rencontres. Les observateurs, qui ne connaissent pas la volonté inoxydable des Brûleurs de Loups, pensent que c'est le tournant et que les Dragons vont s'envoler vers leur second titre consécutif...

En deux minutes, les Grenoblois rétablissent la situation par Christophe Ville à la 30e, puis par un phénoménal Yves Crettenand, qui slalome dans la défense normande semant la panique pour loger la rondelle dans la cage de Petri Ylönen. Un but lumineux qui a marqué tout ceux qui l'on vu : "Avec Christophe, on se trouvait les yeux fermés. De toutes façons, je n'avais jamais gagné un titre, c'était donc hors de question de laisser passer cette chance. Honnêtement, il nous était impossible de perdre avec notre volonté..." Surtout que le gardien franco-finlandais de Rouen craque à six minutes de la fin en laissant filer dans sa cage un tir de Philippe Bozon qu'il aurait dû bloquer...

Cependant, rien n'est fini, Benoît Laporte égalise sur ce match à 5-5 à la 57e permettant ainsi aux Normands d'espérer encore inscrire un but et arracher ainsi la mort subite... Mais Jean-Marc Djian, sa défense, toute l'équipe, sont héroïques pendant ces minutes qui paraissent des heures ! "Rouen n'a pas bien géré la pression, pense Christian Bozon. Ils ont cherché des solutions individuelles alors que nous avons réagi en groupe, avec notre fierté tricolore."

Christophe Ville marque même un dernier but dans la cage vide, refusé par l'arbitre estimant que le tir avait franchi la ligne après le coup de sirène, ce que réfute encore aujourd'hui le numéro 21. Peu importe ! Les casques et les crosses peuvent voler sur la glace caennaise envahis par les supporters rouges et bleus, Grenoble est champion de France pour la troisième fois de son histoire, neuf ans après le deuxième sacre.

La liesse est absolue, à la hauteur de l'angoisse de ce match et des difficultés de l'équipe et du club toute la saison... "On a vécu beaucoup de problèmes, se souvient Philippe Bozon, mais le groupe est resté très uni. On se côtoyait tous en équipe de France, on était tous copains. On a donc mis notre enthousiasme au bénéfice du but commun : le titre avec des joueurs français, qui ne veulent pas baisser la tête."

La fête dans une pizzeria caennaise est épique ! Certains supporters finissent leur (courte) nuit dans des abribus, en attendant leur train ! "Ça a vraiment été une année forte, rappelle Jean-Luc Chapuis, avec une équipe exceptionnelle, même s'il y avait des étincelles avec des caractères forts, mais c'est aussi cette concurrence qui nous a poussés vers le titre."

Cette équipe mérite, à jamais, le respect des supporters des Brûleurs de Loups : Jean-Marc Djian et Yaël Cravéro dans les cages. Jean-Philippe Lemoine, Gérald Guennelon en première ligne défensive, Steve "Big Moustache" Harrisson, et Bernard Séguy en seconde, Nicolas Carry, Maxence Fontanel et Alan Chauvin également en défense.

Christian Pouget, Philippe Bozon et Karel Svoboda, sur la première ligne d'attaque.
Stéphane Barin, Christophe Ville et Yves Crettenand, sur la seconde.
Éric Lebey, Fabrice Texier et Christian Bozon, sur la troisième.
Jean-Luc Chapuis, Stéphane Arcangéloni et Jérôme Boudon sur la quatrième.

Avec comme entraîneur Boja Ebermann auquel Jean-Marc Djian tient à rendre hommage : "Finalement, avec le recul, je pense que Boja a été l'entraîneur de la situation pour cette équipe de fortes têtes. Un entraîneur plus sévère nous aurait certainement bridés." Impression confirmée par Gérald Guennelon : "Il y avait tellement de fortes têtes dans cette équipe qu'un entraîneur dirigiste aurait été une catastrophe. Boja a eu l'intelligence de comprendre cela."

Pour Jean-Philippe Lemoine, recordman de France des titres de champion, avec Saint-Gervais, Rouen et Brest, ce titre de 1991 est vraiment à part : "Je n'ai jamais connu quelque chose d'aussi fort ailleurs. On n'était pas au-dessus des autres, mais on a appliqué sérieusement le système que Kjell Larsson nous avait appris en équipe de France, avec une très forte autodiscipline. Cela a été possible grâce à un groupe extrêmement soudé qui a arraché la Coupe Magnus avec ses tripes."

Une saison qui, on l'a dit, à vu l'éclosion au plus haut niveau de Stéphane Barin. Ce pur produit de l'école grenobloise rend hommage à ses deux coéquipiers de ligne : "Yves, c'est la crème des crèmes, tu ne peux même pas imaginer te fâcher avec lui, et Christophe, c'est la rage de gagner. Tu ne peux pas te planter avec eux, ils m'ont appris le hockey..." Une année d'autant plus exceptionnelle que les juniors sont également champions de France !

Reste juste un problème à régler, le club a rendez-vous avec le tribunal de grande instance de Grenoble, le 6 juin pour la fin du règlement judiciaire. Mais le club est optimiste, avec le titre et la coupe d'Europe l'an prochain. D'autant plus que Grenoble devrait obtenir l'organisation des demi-finales au palais des sports avec les Tchécoslovaques de Jihlava et les Suédois de Djurgården. Cela devrait donc passer, surtout que la mairie a une nouvelle fois promis le "célèbre" million de francs attendu depuis le début de la saison et dont l'absence a fait tout capoter...

Malheureusement, rien ne vient, pas de million espéré et même retrait au dernier moment du repreneur Europole, qui dépend de la mairie... Le résultat est tout autant catastrophique qu'incompréhensible, alors que tout aurait pu, aurait dû, être fait pour trouver la somme maintes fois promise, le club meurt à cause d'un million et demi de francs de trésorerie qui manque !

Un club champion de France est rayé de la carte, privé de coupe d'Europe, et des internationaux au chômage à un an des jeux d'Albertville ! Alors que tous voulaient rester, même au prix d'efforts financiers.

Jean-Marc Djian, formé au club, en garde encore de l'amertume : "Je n'ai toujours pas accepté, toutes ces années après, ce que l'on a ressenti comme un abandon de la mairie. Il y avait le titre, la coupe d'Europe, le public, les joueurs, les sponsors, les Jeux olympiques et on est mort pour un million que l'on a n'a pas voulu nous donner comme promis et qui aurait tout simplement fait accepter le plan de reprise..."

Il n'est pas le seul à ne pas comprendre, surtout que durant ces années-là, l'argent ne manquait pas pour renflouer, plusieurs fois, un club de foot qui naviguait entre la deuxième et la troisième division...

"Les joueurs avaient fait beaucoup de sacrifices, rappelle Jean-Philippe Lemoine, tout le monde y a cru jusqu'au dernier moment, la preuve je n'ai trouvé un club qu'en août..."

"J'aurais tellement aimé rester, explique Gérald Guennelon, quel gâchis ! Tous les efforts des dirigeants ont été balayés, pareil pour la coupe d'Europe... En fait, je n'ai jamais revu ailleurs un tel enthousiasme pour le hockey que cette année-là..."

C'est donc la catastrophe avec l'exil de toute une équipe... Dans les cages, Jean-Marc Djian part à Bordeaux et Yaël Cravero à Caen En défense, Jean-Philippe Lemoine va à Rouen, Bernard Séguy à Nantes et Gérald Guennelon à Chamonix. En attaque, même hémorragie, avec Karel Svoboda au Canada, Christian Pouget, Philippe Bozon, Stéphane Barin et Christophe Ville à Chamonix, Éric Lebey à Caen. Stéphane Barin avait même envisagé de tout laisser tomber : "Si Christophe et Christian ne m'avaient pas bougé et présenté au président de Chamonix, je n'aurais peut-être pas fait de carrière du tout..." Même Boja Ebermann s'en va après huit ans à Grenoble, il part entraîner Sierre en Suisse.

Adieu la coupe d'Europe, bien vite récupérée par Rouen, adieu cette équipe de rêve, de hargne et de talent, adieu le CSGG, liquidé dans la tourmente. D'autant plus que les joueurs étaient fortement attachés au club, comme le précise Jean-Philippe Lemoine : "J'ai passé à Grenoble des années très fortes émotionnellement."

Bernard Séguy s'en va également, lui qui est le seul joueur à avoir été sacré trois fois champion de France avec les BDL dont il a été capitaine : "Sportivement, j'ai connu le meilleur en 1981 et 1982, puis le pire, puis de nouveau le meilleur en 1991, donc je pouvais partir tranquillement. J'ai débuté avec Larry Huras et terminé avec Steve Harrison, on peut difficilement faire mieux."

Reste cependant un petit goût amer : "En 91, c'était moins mon histoire qu'en 81 et 82. J'avais l'impression que c'était un peu fini pour moi. C'était une autre histoire qui m'appartenait moins. À mes débuts, c'était l'amateurisme et l'amour du maillot où l'on avait été formé qui comptait, là on était passé à quelque chose de plus professionnel. Je n'avais pas forcément la mentalité pour cela, étant vraiment attaché au côté terroir du club. Je suis très sensible à l'histoire, à la mémoire et au vécu de ce club. Je trouve donc triste que les anciens joueurs formés à Grenoble n'aient pas toujours la reconnaissance qu'ils méritent au sein du club..." Bernard part à Nantes pour s'occuper des jeunes du club tout en jouant en nationale 2, avant de revenir à Grenoble pour une "seconde" carrière d'entraîneur de l'équipe de France de roller-in-line hockey.

En attendant, aux Brûleurs de Loups, il faut absolument tout reconstruire. Heureusement, il n'y a pas que de l'amertume dans le hockey grenoblois, il y a également du talent et une génération championne de France junior qui va reprendre le flambeau et rejoindre les sommets, encore plus vite que l'on croyait...

Buteurs championnat 1990-91 : Philippe Bozon 31, Karel Svoboda 22, Christophe Ville 22, Christian Pouget 18, Stephen Harrison 15, Yves Crettenand 13, Stéphane Barin 9, Jean-Philippe Lemoine 8, Jean-Luc Chapuis 7, Christian Bozon 5, Gérald Guennelon 5, Fabrice Texier 4, Éric Lebey 3, Nicolas Carry 1, Bernard Séguy 1, Stéphane Arcangéloni 1.

 

La reconstruction sur l'enthousiasme du titre

Reconstruire, il faut donc tout reconstruire ! Il faut un nouveau club, des nouveaux dirigeants, un nouvel entraîneur et une nouvelle équipe... Rien que cela !

Après la catastrophe de juin, il a fallu faire vite. Des dirigeants du hockey mineur ont pris les choses en main. Ils ont crée un nouveau club qui prend la suite légale de la section hockey du CSGG. Un club qui prend comme nom le surnom de l'équipe première : Les Brûleurs de Loups de Grenoble. À sa tête Pierre-Olivier Durand, le vice-président est Marc Audrain et le trésorier Joseph Calvat. Ils commencent par nommer comme entraîneur, quelqu'un qui connaît parfaitement la maison : Daniel Grando, ancien double champion de France senior avec Grenoble, entraîneur du hockey mineur grenoblois et entraîneur national junior depuis de longues années. C'est l'homme de la situation, car il a formé l'immense majorité des joueurs appelés à prendre la relève en équipe première.

Parmi ces joueurs aurait dû se trouver Christian Bozon : "J'avais décidé de rester à Grenoble, même en Nationale 1. Je m'étais organisé pour cela. Ma femme avait trouvé un travail, on allait signer pour un appartement, bref, tout allait bien. Et puis, le jour où j'allais signer le bail, je passe à la patinoire et le président me dit que la fédération ne veut pas de nous en Nationale 1, mais que l'on va faire appel, que ça va marcher, mais qu'il faut juste attendre... C'était la galère totale, et comme Bordeaux me talonnait, j'ai signé à Bordeaux, pour la pire saison de ma carrière... Alors que finalement Grenoble est bien reparti en Nationale 1..."

Christian n'est donc resté qu'un an dans une ville qu'il estime être "vraiment très agréable quand on joue au hockey. Le public, l'encadrement sont très passionnés, et pourtant, même dans les difficultés, personne ne s'est jamais engueulé. À Grenoble, le hockey passe avant tout. Il n'y a vraiment pas d'ombre au tableau."

Une équipe première qui se retrouve donc avec uniquement trois titulaires champions de France l'an passé. Yves Crettenand tout d'abord, le seul international à être resté, malgré des offres d'Amiens :

"J'avais acheté un terrain pour construire ma maison à Villard-Bonnot, ma femme attendait notre troisième enfant et j'en avais vraiment assez de déménager. Je me sentais tellement bien dans cette région que je n'avais pas envie de refaire une nouvelle fois mes valises, alors finalement tout naturellement je suis resté, en tentant le pari de ne pas jouer en élite tout en étant en équipe de France à un an des Jeux d'Albertville..."

Pari réussi en tout cas... Le public grenoblois est reconnaissant à "Yvon" de ne pas être parti quand le bateau tanguait... Yves précise également : "En plus, je sentais que leur ligue soi-disant pro, à six équipes, ne tiendrait pas longtemps, je savais que je faisais le bon choix. En plus, Raymond Riondet, qui nous avait déjà tellement aidés l'année du titre, m'a permis de tenir avec un projet professionnel."

Fabrice Texier reste également, ce joueur entièrement formé à Grenoble dont les performances en demi-finales contre Briançon restent gravées dans les mémoires : "C'était étrange, d'un seul coup, tout ces grands joueurs partis, je me suis soudainement retrouvé parmi les anciens. J'avoue qu'après l'immense joie d'un titre, ma motivation en a pris un coup. J'ai trouvé un travail, sans cet arrêt brutal, j'aurais poursuivi une carrière dans le hockey. C'est un peu dommage."

Enfin, troisième joueur grenoblois à rester et à prendre du galon, Jean-Luc Chapuis : "C'était plus du hockey axé sur le plaisir avec comme but d'amener les jeunes vers le sommet, sans pression. Les joueurs internationaux n'étaient plus là, mais ils nous avaient appris à gérer le haut niveau. Ces années d'après titre sont de très bons souvenirs, même si les sensations ont été moins fortes que lors du titre".

Le jeune défenseur Nicolas Carry qui avait joué l'an passé lors de la blessure de Bernard Séguy est également toujours là, tout comme l'attaquant Jérôme Boudon.

Pour compléter l'effectif, on fait appel à la jeune garde : une pléiade de joueurs issus des juniors champions de France. Les gardiens David Molinier et Jérôme Veyron, les défenseurs Yann Guérin, Alan Chauvin, Julien Novella et Maxence Fontanel, et les attaquants Stéphane Arcangéloni, Benjamin Agnel, Alexis Boccard, Antoine Huet, Pierre Bourgey, Olivier Serpollier et le plus "ancien" Olivier Baills.

Une génération de jeunes Grenoblois pour faire remonter le club.

Témoin Benjamin Agnel, un feu follet qui à la particularité, unique pour un hockeyeur, d'être né à Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso, qui à l'époque s'appelait encore la Haute-Volta. En Afrique, son père travaillait sur les chantiers et sa mère était professeur de français. Rentré en France, Benjamin découvre le hockey à Gap en jouant à 5 ans dans la cour avec son voisin, avant d'aller à la Blache où il évoluera en mineur avec deux autres futurs Brûleurs de Loups, Benoît Bachelet et Laurent Deschaume. Il rejoint Grenoble en terminale, afin de pouvoir dépendre administrativement de l'université de Grenoble et non de Marseille s'il était resté à Gap. Une arrivée qui coïncide avec la mutation de son père à Grenoble pour son travail. En 1991, Benjamin s'est régulièrement entraîné avec les séniors et a remporté le titre national junior.

À cela vous ajoutez cinq joueurs venus de l'extérieur. L'attaquant Fabrice Hurth, de la célèbre génération 66 (Pouget, Bozon, Djian, etc) qui a fait toute sa carrière en élite à Briançon : "J'en avais assez de la tournure prise à Briançon. Il y avait le clan des Canadiens, celui des Tchécoslovaques, celui des Français venus des autres clubs, celui des Briançonnais de souche, cela commençait à me peser. À 24 ans, j'avais envie de respirer. J'ai contacté Grenoble, Gap et Villard. Cela a failli se faire avec Gap, mais au dernier moment, Grenoble n'a pas pris Christian Bozon, donc le président Pierre-Olivier Durand m'a rappelé et je suis venu." Fabrice qui change de statut chez les Brûleurs de Loups : "À Briançon, j'étais un joueur du cru, là j'étais un renfort. C'était un défi très intéressant. J'ai retrouvé à Grenoble le plaisir de jouer au hockey que j'avais perdu à Briançon."

François Ferrari, formé à Morzine, débarque en provenance de St-Gervais : "Je cherchais une ville universitaire avec un club de hockey. Dany Grando me connaissait à travers l'équipe de France junior dont il était l'entraîneur. Cela c'est donc fait simplement et je me suis inscrit en DUT Tech de co à l'IUT 2 de Grenoble. Tout était à reconstruire à Grenoble, j'avais donc de la glace, c'était parfait, surtout que j'ai joué en première ligne avec Yves Crettenand et Jérôme Boudon."

Arrivées également des défenseurs Stéphane Gros, champion de Nationale 1B en 90 avec Chamonix, et Martin Roh, jeune joueur de talent en provenance du Slavia Prague qui ne sait pas qu'il a signé pour une très longue carrière à Grenoble... avec un slap devenu célèbre à Amiens ! Martin a débuté le hockey à 7 ans à Prague, ses parents ayant lu une petite annonce dans les journaux sur un club qui cherchait des joueurs : "Je suis donc allé six mois dans la patinoire de Stvanice, mais c'était loin de chez moi, alors lorsque le Slavia a construit sa nouvelle patinoire à deux pas de la maison, je m'y suis inscrit pour y rester jusqu'à ma venue en France..."

Au départ, Martin ne devait pas venir à Grenoble, mais à Val Vanoise, en Nationale 2 : "Je devais remplacer comme étranger mon ami Mika Lansky qui allait devenir français, mais sa naturalisation ne s'est pas faite. Lors du stage de Grenoble à Pralognan, Mika a donc proposé mes services à Dany Grando. J'ai fait un essai et je suis resté..." Même si les débuts seront surprenants pour le jeune défenseur du Slavia : "C'était tellement différent de chez moi. Le club n'était pas pro, on ne s'entraînait pas le matin, quand je suis arrivé à la patinoire, je croyais que c'était la patinoire d'entraînement, pour quelqu'un qui sortait du monde communiste, l'occident capitaliste faisait un peu pauvre ! Et puis je me suis vite adapté, en particulier grâce à Benjamin Agnel ou Maxence Fontanel..." Une intégration parfaite même, avec très vite l'apprentissage du français... et voilà comment débute une belle histoire d'amour entre les Brûleurs de Loups et Martin Roh.

Enfin, vous ajoutez quelques jours avant le début du championnat la signature d'un gardien qui lui aussi va profondément marquer le club, Patrick Rolland, et vous avez une équipe qui a les moyens de bien faire dans le championnat de Nationale une. Patrick Rolland est un cas dans le hockey puisqu'il a débuté ce sport à 15 ans ! Natif du Canada, dans une famille française expatriée pour le travail, il avait envie de faire un sport à son retour à Paris. Venant du Québec, il choisi naturellement le hockey et s'inscrit au club d'Évry. Il a donc 15 ans et décide d'être gardien de but, car au Canada, il avait joué au base-ball et comme un gardien de hockey a également un gant...

Ne se débrouillant pas trop mal, Patrick décide de s'inscrire au sport-études de St-Gervais : "C'est Marc Djelloul qui va tout m'apprendre. On va passer un pacte : je ne lui pose pas de question, j'en bave, mais il me fera rattraper mon retard." Et il va en baver, il enchaîne les entraînements, avec les cadets, les juniors, le sport-études, les entraînements spécifiques gardiens avec Patrick Foliot, le gardien du Mont-Blanc et de l'équipe de France : "Je sortais des entraînements totalement carbonisé, en hypoglycémie, je mettais vingt minutes à m'en remettre." Mais ce régime spartiate fonctionne ! Patrick progresse, part à Viry-Châtillon, joue en équipe de France junior, va à Reims et arrive donc à Grenoble : "Dany m'avait contacté en équipe de France junior, et comme j'avais envie de revenir dans les Alpes, je me suis décidé tout de suite. J'ai quitté Reims en une semaine !" À 22 ans seulement, Patrick se voit propulser "ancien" et parmi les joueurs d'expérience, alors qu'il ne fait du hockey que depuis sept ans !

La Nationale 1 ? C'est quoi ?

Les Brûleurs de Loups, après un moment d'incertitude, sont donc en Nationale 1. Au niveau supérieur, l'élite baptisée (très) pompeusement Ligue Nationale, pour faire comme là-bas, compte huit clubs. Rouen, Briançon, Reims, Amiens, seuls survivants de l'an passé, plus quatre clubs que l'on fait monter : Chamonix (grâce aux cinq anciens Grenoblois pris sur la bête du CSGG), Viry-Châtillon... et Épinal et Clermont-Ferrand qui ne savent pas encore dans quelle galère ils se sont lancés. Il faut terminer dans les six premiers pour continuer, les deux derniers étant "relégués" pour disputer les phases finales de la Nationale 1.

Les Brûleurs de Loups se retrouvent donc cantonnés dans la poule des Alpes de la nationale 1, à cinq équipes : Gap, St-Gervais, Megève, St-Gervais et Villard, où de toute façon tout le monde sera qualifié pour la suite du championnat, mais où le premier se verra gratifié d'un bonus de trois points, le second de deux et le troisième d'un point... Sympa comme formule, non ?

Le public n'a pas déserté

Ce championnat passionnant débute avec la venue de Saint-Gervais. La première interrogation concerne la réaction du public.... Comment va-t-il réagir à cette descente aux enfers après les fastes de l'an passé ? La réponse est positive et rassurante : ils sont plus d'un millier à se presser dans les travées pour ce match qui n'a rien à voir avec le dernier qui s'était déroulé là, soit la finale aller contre Rouen. Il s'est véritablement passé quelque chose en 1991 entre le public grenoblois et son équipe de hockey. Une nouvelle génération de spectateurs a craquée sur les BDL, et depuis, elle est restée fidèle. La médiatisation locale a également fait beaucoup, puisque le Dauphiné Libéré et Radio France Isère ont poursuivi leur couverture comme en élite.

Malgré la défaite, l'équipe ravit le public, elle se bat et possède d'évidentes qualités qui ne demandent qu'à exploser avec un peu d'expérience. Le score est serré, 5-4 pour Saint-Gervais dans les dernières minutes, Daniel Grando fait sortir Patrick Rolland de ses cages pour tenter la supériorité numérique, en vain puisque Patrick Alotto marque dans la cage vide le but du 6-4, son cinquième de la soirée. Qu'importe, il c'est passé quelque chose ce soir-là : le public grenoblois est tombé sous le charme de cette jeune équipe grenobloise.

Yves Crettenand a compris qu'il a fait le bon choix : "Ce match, malgré la défaite, nous a fait comprendre que le hockey à Grenoble n'était pas près de mourir." Impression confirmée également par Fabrice Hurth : "Ce match m'a rassuré. Je marque et Dany me félicite à la fin du match. Et en plus, la patinoire était bien remplie." Fabrice sera le meilleur buteur de l'équipe... Dany Grando peut être tranquille, il possède un groupe qui ira loin ! Le Dauphiné Libéré peut alors titrer, fort justement, le lendemain "Comme au bon vieux temps". Un "bon vieux temps" qui va forcément revenir...

Cette équipe connaît son baptême de la victoire, la semaine suivante à Gap (6-5). Les Brûleurs de Loups sont lancé dans cette première phase avec en plus, enfin une bonne nouvelle, la première depuis de longs mois, le retour au club de... Steve "Big Moustache" Harrison ! Le premier retour d'une longue série qui verra pratiquement tous les acteurs de l'épopée du titre de 1991 revenir un à un au club ! Un Big Moustache qui signe l'un des buts de la victoire grenobloise 12-7 à Megève ! Un retour de Steve qui "rassure" encore plus Yves Crettenand : "Avec Steve, mais également d'autres joueurs d'expérience, comme Roh, Texier, Chapuis, Hurth ou Boudon, on était vraiment bien armés et ce n'était pas difficile dans ces conditions d'être capitaine."

L'avantage (le seul !) de cette relégation administrative est certainement le retour du derby de feu ! Le vendredi 11 octobre, les Brûleurs de Loups accueillent les Ours de Villard-de-Lans entraînés par un certain Daniel Maric... Devant plus de 1500 spectateurs les Brûleurs de Loups, privés de Jérôme Boudon blessé à la hanche à Megève, s'imposent 5-3.

Une petite trêve d'une semaine, à cause de l'équipe de France qui prépare Albertville et voilà déjà les matches retours de cette première phase avec un déplacement à Saint-Gervais. Une équipe des Aigles du Mont-Blanc que, décidément, les jeunes Grenoblois ont du mal à aborder puisqu'ils s'inclinent une nouvelle fois, avec une défaite 8-6. Mais cela n'entame pas l'incroyable enthousiasme des supporters qui font tous les déplacements et qui garnissent confortablement Clémenceau, comme pour la venue de Gap. Et ils ne le regrettent pas avec un succès de leurs favoris 9-5 et un quadruplé d'Yves Crettenand.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, une semaine plus tard, où le soir de la mort d'Yves Montand, les Grenoblois peuvent chanter "Tu vois, je n'ai rien oublié" des joutes d'antan puisqu'ils dominent largement Megève, comme jadis, sur le score de 7-3. C'est privé de leur champion de France Fabrice Texier, blessé à l'épaule, que les Brûleurs de Loups rendent visite à leurs voisins villardiens pour le dernier match de cette première phase. Un match sans soucis pour les Grenoblois qui s'imposent en leaders 4-1. En terminant facilement premiers de leur poule, les Brûleurs de Loups partent donc dans les séries finales avec trois points de bonus... sauf que la fédération décide finalement d'annuler cette disposition qu'elle avait pourtant mise en place elle-même ! Va comprendre !

Ne pas s'éterniser en N1

Une phase finale à douze équipes (!) qui démarre par un déplacement à Clermont-Ferrand dont l'expérience en élite aura été plutôt courte ! Les Brûleurs de loups résistent bien, perdent leur international Yves Crettenand blessé suite à un mauvais geste de Christophe Gaulmain, mais s'inclinent finalement 4-3. À signaler les quatre points côté auvergnat de l'ancien Grenoblois Fabien Malherbe et la présence d'esprit des supporters grenoblois qui en fin de match répondent aux quolibets des Clermontois par un définitif "Nous on s'en fout, on est champions !"

Et c'est vrai que la coupe Magnus trône toujours dans le bureau du club et que personne n'y peut rien ! Jean-Philippe Lemoine raconte même qu'il a joué la coupe d'Europe avec Rouen au nom de ces anciens coéquipiers grenoblois et que personne chez les Dragons n'a osé, devant lui, dire quelque chose sur cette finale 1991. L'orgueil a certainement été l'une des clefs de la renaissance grenobloise...

Les Brûleurs de Loups retrouvent une semaine plus tard pour la troisième fois de la saison, grâce à cette formule sans queue ni tête, les Boucs de Megève. Et comme lors des fois précédentes, pas de frayeurs pour des Grenoblois qui s'imposent 7-3. Une semaine plus tard, retour d'une équipe connue, Saint-Gervais, mais cette fois, les Dauphinois ne tremblent pas et gagnent 4-1. Un succès, le 10 décembre 1991, la veille de la dislocation de l'URSS !

Une semaine plus tard, alors que la flamme olympique arrive en France, les Brûleurs de Loups ont justement la flamme en recevant les Ours. Ils démarrent patin au plancher en menant 5-0 dont trois buts pour François Ferrari : "On pratiquait un jeu en mouvement, c'était très créatif. Dany a vraiment tenu compte des spécificités de chacun. Avec en plus Steve derrière qui se frisait ses (grandes) moustaches, on pouvait être décontractés en attaque." Les Ours reviennent à 5-3 en sept minutes en fin de deuxième tiers, mais les Grenoblois repartent à 6-3 par Stéphane Gros avant que le villardien Patrick Gélinas, ne clôture le score à 6-4.

Au feu !

Premier long déplacement des jeunes pousses des Brûleurs de Loups, tout là-haut à Dunkerque. Un match sur une petite glace, où les Dauphinois plient physiquement et s'inclinent 8-3... et un Steve Harrisson fort dépité en apprenant qu'au bar de la patinoire de Dunkerque on ne sert que de la bière sans alcool ! Damned ! Décidément une mauvaise soirée puisqu'au retour le monospace de Radio France Isère prend feu et brûle en pleine nuit sur l'autoroute à hauteur d'Auxerre, faisant fondre une partie du goudron de la chaussée !

Mais, le propre de la jeunesse est d'oublier les mauvais coups du sort, et une semaine plus tard, les Brûleurs de Loups, nouvelle génération, sont aux prises avec le premier sommet de leur jeune carrière !

Ils reçoivent le leader Caen avec un certain Yaël Carvero dans les cages. Le champion de France junior et senior avec Grenoble connaît une mauvaise soirée face à ses anciens coéquipiers déchaînés. La troupe de Dany Grando explose le leader 7-1. "Une année exceptionnelle, se souvient Stéphane Arcangéloni. Une équipe de jeunes, avec des joueurs en majorité formés à Grenoble, qui a collectivement prit ses responsabilités pour sauver le club, c'est beau !".

Des Grenoblois quatrièmes qui reçoivent un autre ténor de la nationale 1, Anglet. Une équipe basque, emmenée par Robert Ouellet, qui ouvre la marque. Mais les Grenoblois s'accrochent, menés 2-0, ils inscrivent trois buts par Stéphane Gros deux fois et Stéphane Arcangéloni. Les Basques égalisent puis prennent l'avantage avant que Stéphane Arcangéloni n'arrache l'égalisation 4-4 à trois minutes de la fin. Ces jeunes ont du caractère et de la volonté !

Ils le prouvent avec un large 10-5 à Gap et avec un match parfait et le premier blanchissage pour Patrick Rolland, 2-0 contre Épinal qui avait pourtant débuté la saison en élite. "Petit à petit, se rappelle Martin Roh, l'équipe prenait de l'assurance, les jeunes apprenaient très vite." Martin qui effectivement, avec ses 23 ans, était un joueur d'expérience, par rapport à ses coéquipiers !

Et c'est la trêve olympique avec les Brûleurs de Loups qui comptent un sélectionné dans leurs rangs en la personne d'Yves Crettenand, mais qui peuvent également être fiers de la présence à Méribel de deux joueurs formés au club : Jean-Marc Djian et Stéphane Barin.

Un Yves Crettenand qui va être le porte-drapeau d'un club qui veut prouver au monde entier qu'il n'est pas mort ! Des supporters grenoblois déployant même dans la patinoire olympique de Méribel, une banderole avec inscrit ces simples mots : "Grenoble avec Yves !". L'intéressé en étant bien conscient : " Je représentais mon club. J'étais la preuve au plus haut niveau que l'on n'était pas mort. D'ailleurs, le public en remplissant la patinoire à chaque journée, même en Nationale 1, le prouvait tout autant..." Malheureusement, Yves se blesse gravement lors de ces Jeux.

Pendant les Jeux, qui se disputent en France, le championnat continue ! Peut-on faire pire ? En tout cas, cela n'empêche pas les Brûleurs de Loups de gagner à Angers 6-4 où pourtant la communauté d'origine canadienne est importante : Sylvain Beauchamp, Luc Marengère ou encore Claude Lefebvre...

Djian et Bozon à Clémenceau

Les Jeux Olympiques terminés, les internationaux retournés dans leurs clubs, Grenoble accueille le sommet de cette nationale 1 avec la venue du leader Bordeaux et ses anciens champions de France Grenoblois, Jean-Marc Djian et Christian Bozon. Mais surprise, Karlos Gordovil, l'entraîneur espagnol des Girondins; ne fait pas jouer Jean-Marc Djian, mais Fabrice Lhenry. Jean-Marc qui est humilié ; ce qui explique, en partie, sa décision d'arrêter sa carrière et de revenir vivre à Grenoble. Un match devant près de 3 000 spectateurs ! Ce qui est peut-être trop pour cette jeune équipe, pas encore habituée à de tels rendez-vous. Les Bordelais s'imposent 4-1, Fabrice Hurth sauvant l'honneur.

Comme "Captain' Yvon" est blessé, c'est Jérôme Boudon qui est capitaine des Brûleurs de Loups. Le deuxième Villardien capitaine grenoblois, après Roland Gaillard, à la fin des années 60.

Un public incroyable. Ils sont encore plus de 2 000, quatre jours après l'échec contre Bordeaux, pour recevoir Clermont-Ferrand et prendre sa revanche du match aller en gagnant 5-2. Et la fête continue avec un 12-0 à Megève ! Et un triplé pour Fabrice Hurth. Même si cette saison, il sera dit que les Brûleurs de Loups ont du mal avec Saint-Gervais, puisque les Aigles du Mont-Blanc battent pour la troisième fois en quatre matches les Grenoblois. Un succès haut-savoyard 6-4.

Et revoilà le derby ! Avec encore une fois 3 000 spectateurs entassés dans Clémenceau. Des moyennes de spectateurs qui en cette année 1992 font parler, avec envie, dans certaines patinoires d'élite. Cela doit s'appeler la culture hockey ! Les Grenoblois ouvrent la marque à la 22e par Martin Roh, les Villardiens égalisent à la 38e par Bertrand Robert, puis les Brûleurs de Loups pensent avoir fait le plus difficile en marquant par Stéphane Arcangéloni à huit minutes de la fin, mais Bertrand Robert, encore lui, égalise à huit secondes de la fin du match !

Est-ce le reflux ? Surtout qu'une semaine plus tard, les Dauphinois concèdent un autre match nul 4-4 à domicile, cette fois-ci face à Dunkerque. Impression confirmée avec une défaite lors du difficile déplacement à Caen perdu 6-4. Mais, l'exploit, les Grenoblois le réalisent ensuite, à Anglet avec un succès 4-3. Confirmation une semaine plus tard à Gap avec une victoire 9-7 et quatre buts de l'enfant du pays Benjamin Agnel. Mais ce championnat est vraiment difficile avec beaucoup de grosses équipes. C'est ainsi que les Dauphinois s'inclinent de peu 5-3 lors de leur déplacement à Épinal.

Et c'est le dernier match à domicile d'une saison que l'on craignait et qui c'est superbement bien passée. Les dirigeants ont prévu une petite fête à la fin de ce match contre Angers, qu'il serait donc de bon ton de remporter. Ce qui est fait, de justesse, 5-4 grâce à deux buts de François Ferrari et Steve Harrisson, pour ses adieux au public grenoblois, et un d'Antoine Huet. Le tout devant 2 000 personnes ravies !

Victoire de prestige à Bordeaux avant un retour en élite

Mais il faut terminer ce championnat et les Brûleurs de Loups le font le faire de la plus belle des manières en allant gagner chez le champion Bordeaux et devant une très forte colonie grenobloise qui a fait le déplacement. Un public grenoblois "on tour" qui sidère les joueurs bordelais, en particulier Christian Bozon qui regrette encore plus de ne pas être resté à l'intersaison. Poussés par l'odeur de l'exploit, les jeunes Brûleurs de Loups marquent quatre buts par Stéphane Arcangéloni, Jérôme Boudon, Pierre Bourgey et François Ferrari.

Et voilà les Grenoblois troisièmes de ce championnat, ce qui correspond à une neuvième place nationale. Plus que bien pour une équipe en mort clinique un an plus tôt ! "C'était la fête cette année-là, se souvient Benjamin Agnel, avec plein de buts, de joie et d'insouciance. La découverte de la fac, de la liberté... Le tout avec un entraîneur parfait pour notre équipe."

Dany Grando auquel Patrick Rolland rend également hommage : "Il est droit, honnête, bosseur. C'est un très bon entraîneur qui a beaucoup apporté à Grenoble."

"J'ai retrouvé mes 18 ans, explique quant à lui Fabrice Hurth. Je jouais avec Antoine Huet et Alexis Boccard qui patinaient comme des avions. Il fallait se mettre dans le rythme ! Le tout devant plus de 2 000 spectateurs qui venaient par amour du beau hockey et pas pour les résultats. C'était vraiment une nouvelle jeunesse, de quoi oublier mes dernières années à Briançon où le hockey était devenu une corvée..."

Et comme pour bien se persuader que Grenoble est une place forte du hockey français, le trophée des champions avec les meilleurs joueurs du pays est organisé à Clémenceau les 1er, 2 et 3 mai 1992. Les juniors, eux, conservent leur titre de champions de France.

Buteurs en championnat 1991-92 : Fabrice Hurth 20, François Ferrari 16, Stéphane Arcangéloni 15, Stephen Harrison 14, Yves Crettenand 13, Benjamin Agnel 13, Stéphane Gros 10, Martin Roh 10, Pierre Bourgey 10, Jean-Luc Chapuis 9, Fabrice Texier 7, Nicolas Carry 7, Antoine Huet 6, Jérôme Boudon 5, Alexis Boccard 4, Olivier Baills 3.

 

Une lutte d'influence contre la montre

Ouf ! Le retour à la normale, à une place correcte dans le monde du hockey français, a eu lieu plus vite que prévu. Il s'agit juste de confirmer ce retour... Sauf que, parfois, on a l'impression que Grenoble "cherche", sinon les ennuis, du moins les difficultés !

Pierre-Olivier Durand, le président du club, n'a pas envoyé à temps, une journée de retard, la lettre d'inscription en championnat des Brûleurs de Loups ! Oubli ? Séquelle des relations difficiles entre le club et les instances fédérales ? Tradition frondeuse des Dauphinois face à tout pouvoir ? Quoi qu'il en soit, la réponse fédérale est aussi sèche qu'un coup de trique. Les Brûleurs de Loups ne sont inscrits dans aucun championnat ! Du coup, l'été va être chaud !

Dans un premier temps, Pierre-Olivier Durand démissionne, condition première pour tenter de renouer les fils totalement rompus avec la fédération. Un duo de présidents par intérim prend la place : Philippe Salamand et Jacques Fontanel. C'est eux, avec l'aide de Dany Grando, l'entraîneur, qui passent l'été à faire du lobbying pour réintégrer Grenoble.

Accompagné de la presse locale, cela finit par payer, mais in extremis... Puisque quelques jours avant le début du championnat, en septembre, une solution est trouvée. Annecy, champion de Nationale 2, ne souhaite pas monter dans l'élite, devenue une Nationale 1 élargie. Une place se libère donc qui est accordée à Grenoble. Comme quoi, le pari d'Yves Crettenand était juste, lui qui considérait que l'élite à six clubs n'était pas viable et qu'il pouvait attendre à Grenoble que cela se casse la figure à l'étage supérieur.

Ouf ! Le couperet est cependant passé près, les négociations serrées de Jacques Fontanel, à tous les échelons, y compris ministériels, ont fini par payer... Les Brûleurs de Loups réintègrent donc cette nouvelle élite élargie à 16 équipes. Les Grenoblois sont dans la poule sud avec Rouen le champion (pas vraiment sudiste !) et les autres équipes alpines.

Briançon, n'est plus là, repartant en D3, les caisses vides... "J'ai compris que j'avais fais le bon choix" explique Fabrice Hurth, content d'avoir quitter le navire un an avant la catastrophe...

Les deux premiers seront qualifiés pour une nationale 1A à quatre équipes. Les trois suivants disputeront la Nationale 1B à six et les autres la superbe Nationale 1 C. On se demande où les instances fédérales vont chercher des formules aussi médiatiques...

Les Brûleurs de Loups, qui se sont entraînés tout l'été sans savoir s'ils seraient inscrits en championnat, repartent sans Fabrice Texier. Il abandonne la compétition après sept ans en équipe première et un titre de champion de France : "J'ai arrêté pour travailler. Après le choc de la liquidation de 1991, j'ai compris qu'il fallait que je pense à ma reconversion. Mais je continue à transmettre ma passion du hockey en entraînant les jeunes des Brûleurs de Loups, avec un message simple : faites-vous plaisir en jouant..."

Le championnat débute par un déplacement à Gap. Un match où Martin Roh manque, car, encore un problème de fax cette saison, son autorisation de jouer en France de la fédération tchécoslovaque n'est pas arrivée à la fédération française... Cela n'empêche pas les Grenoblois de s'imposer à la Blache 5-3.

On change de président(s)

Une semaine marquée par de nouvelles élections à la présidence du club, l'intérim de Philippe Salamand et Jacques Fontanel venant à terme.

Et c'est un autre duo qui est élu. Le joueur de l'équipe loisir Jacques Galbrun et le parent de joueur du mineur Jean-Jacques Bellet : "On a été élu par surprise, car personne n'était vraiment chaud pour prendre la place, après tous les problèmes de l'été. De plus, on avait découvert une situation financière et administrative pas vraiment florissante, avec peu d'argent en caisse et un manque d'organisation dans le club. Bref, cela ne se bousculait pas pour accéder au fauteuil de président !" et Jean-Jacques Bellet de poursuivre avec humour : "Mais cela a été un début formateur ! Après tout cela, on sait gérer un club dans la difficulté !"

De la difficulté sportive également, le lendemain de l'élection des nouveaux présidents, c'est le champion Rouen qui revient à Grenoble pour la première fois depuis la finale triomphante de 1991. Alors, bien sûr, Grenoble est encore loin de pouvoir lutter avec le niveau des Dragons, mais l'essentiel ce soir-là est dans l'affiche proposée, pas dans le résultat qui est sans surprise avec un sévère 10-2 en faveur des Rouennais.

D'ailleurs, 2 500 spectateurs ne s'y sont pas trompés, venus applaudir les champions de France et les buts d'Yves Crettenand (comme en finale !) et Stéphane Arcangéloni... "Ce n'était pas simple, se souvient Fabrice Hurth. Tu es quand même le club champion 1991 et tu affrontes une armada battue justement en 1991 et qui est redevenue championne de France en 1992. Même si ton équipe est jeune, tu dois impérativement défendre le maillot... Même si c'est mission impossible !"

En revanche, la contre-performance de la semaine suivante est moins logique. Les Brûleurs de Loups perdent 3-2 à Morzine-Avoriaz. Seuls Jean-Luc Chapuis et François Ferrari (formé à Morzine !) ont réussi à tromper le gardien grenoblois de Morzine, Stéphane Baills, dont le frère Olivier joue dans l'attaque grenobloise : "J'arrivais de Reims à Morzine, se rappelle Stéphane. On était un petit club venu de nulle part, donc on était certain de perdre. Notre entraîneur Stéphane Botteri nous avait demandé d'être décontractés, car on n'avait rien à perdre. On a fait un très gros match collectif, tous ensemble et c'est Grenoble qui craque..." Morzine qui fera quelques beaux coups cette saison en battant Viry-Châtillon, Anglet ou Chamonix en coupe de France et en terminant neuvième au classement final de sa première saison en élite.

Une semaine plus tard, Grenoble revient en Haute-Savoie, à Chamonix pour les retrouvailles avec les champions de France 1991 partis au pied du Mont-Blanc : Philippe Bozon, Christian Pouget, Stéphane Barin, Christophe Ville et Gérald Guennelon. Là encore, la marche est trop haute pour Grenoble qui s'incline 9-5 après avoir pourtant mené 2-0, puis 4-3.

C'est le premier match en équipe première d'un junior prometteur : Benoît Bachelet qui fait des débuts chocs en marquant deux buts. "C'est un concours de circonstance. Je n'étais pas prévu dans l'effectif du début de saison, donc je n'avais pas fait le stage de préparation durant l'été. Je suis arrivé tranquillement en septembre pour rejoindre les juniors. Et puis, pour ce match, il manquait des joueurs, je suis donc monté, face à une équipe quand même impressionnante..." Après ce match, Benoît n'est plus jamais parti de l'équipe première des Brûleurs de Loups, sauf pour l'année en D3 ! Une fidélité exemplaire pour ce joueur formé à Gap qui a commencé à patiner...à 4 ans ! Des débuts en 1978, à une époque où Gap était champion de France et dont le rival principal s'appelait... Grenoble ! Benoît arrive chez les Brûleurs de Loups en 1991, en première année junior, pour s'inscrire en fac de droit. Grenoble où il est double champion de France junior et vice-champion dans cette même catégorie.

Décidément, les Brûleurs de Loups ont bien des soucis avec la Haute-Savoie puisqu'ils s'inclinent 3-2 la semaine suivante à Clémenceau contre Megève. Quatre défaites de suite, cela commence à bien faire, surtout avant de se rendre à Villard. Une équipe villardienne qui a cette saison comme entraîneur-joueur l'ancien champion de France grenoblois Christian Bozon. Emmenés par un Stéphane Arcangéloni étincelant et auteur d'un triplé, les Grenoblois s'imposent 5-3.

C'est ensuite une trêve de quinze jours pour permettre à l'équipe de France de partir en tournée au Canada, en cette année pré-olympique, avant les Jeux de Lillehammer, puisque le Comité International Olympique à décidé de décaler les Jeux d'hiver et d'été, pour avoir des Jeux olympiques tous les deux ans et ainsi mieux remplir les caisses.

Le championnat reprend donc le vendredi 30 octobre avec la venue de Saint-Gervais, la quatrième équipe de Haute-Savoie en élite cette saison. Une équipe des Aigles du Mont-Blanc qui avait causé tellement de soucis aux Grenoblois l'an passé. Mais cette fois avec un Yves Crettenand en forme internationale, et qui marque quatre buts, les Dauphinois s'imposent 7-4.

Match à l'ancienne contre Gap

Même score (7-4) pour la venue de Gap, le troisième au classement, qui est placé en redressement judiciaire depuis huit mois. La partie se déroule normalement, et puis cela dérape avec une bagarre entre Pierre Villesoubre et Philippe Combe qui s'étend vers le banc de Gap avec Laurent Vaissaire, le coach gapençais qui s'en prend aux spectateurs.. Les Gapençais quittent alors la glace... puis reviennent, pour subir leur sixième défaite d'affilée face aux Grenoblois !

C'est donc en troisièmes au classement, que les Brûleurs de Loups se rendent chez le champion de France et leader, les Dragons de Rouen. Devant 2 000 spectateurs, les jeunes Dauphinois font bonne figure et s'inclinent 5-2, avec un 4-0 encaissé dans le premier tiers.

C'est donc regonflés que les Grenoblois attendent les Pingouins de Morzine-Avoriaz, bien décidés à se venger de la défaite du match aller. Mais, une nouvelle fois, l'excellent système défensif des Pingouins, mis en place par l'ancien défenseur international Stéphane Botteri, fait merveille, et les Dauphinois se heurtent au mur Stéphane Baills, le gardien grenoblois de Morzine, pour un nul 3-3.

Pas le temps d'être trop déçu, puisque sept Brûleurs de Loups partent en équipe de France en Norvège : Yves Crettenand avec les seniors et Pierre Bourgey, Jean-Christophe Rochas, Benoît Bachelet, Benjamin Agnel, Nicolas Carry et Cristobal Huet en juniors A...

Le retour des héros

Une quinzaine de jours de trêve et c'est l'événement, la cohue, la bousculade ! Pour la première fois depuis le titre, les Barin, Ville, Guennelon et Pouget sont à Grenoble avec en plus deux autres anciens Grenoblois : Gros et Dimet. C'est en effet Chamonix, le vice-champion de France qui rend visite aux Brûleurs de Loups devant 3 000 spectateurs et plus une seule place assise disponible ! Des spectateurs qui ont de la mémoire. Christian Pouget, blessé pour ce match, est happé par les supporters pour une interminable séance d'autographes ! On note même la présence d'Alain Carignon, le maire de Grenoble, pour la première fois depuis la finale de 1991...

C'est d'ailleurs le plus Grenoblois des Chamoniards, Stéphane Barin, qui ouvre la marque à la troisième minute, avant que douze secondes plus tard, le plus Chamoniard des Grenoblois, Yves Crettenand n'égalise ! Les Huskies remettent les gaz avec deux buts en une minute à la dixième par Lionel Orsolini et Alain Beaule avant que Stéphane Arcangéloni ne ramène le score à 3-2 à la fin du premier tiers. Deux nouveaux buts chamoniards à la moitié du match par Laurent Spinetti et Alain Beaule, avant qu'Yves Crettenand ne redonne l'espoir (5-3). Le troisième tiers sera grenoblois, après un sixième but de Christophe Ville, avec pour le jour de ses 19 ans, la réduction du score par Benjamin Agnel, suivi deux minutes plus tard par le troisième but d'Yves Crettenand. Les Brûleurs de Loups sont donc revenus à 6-5. Daniel Grando fait sortir Patrick Rolland de sa cage, ce dont profitent les Chamoniards pour s'imposer 7-5.

Mais les jeunes grenoblois ont prouvé ce soir-là qu'ils avaient du talent et sortent sous les ovations du public. D'ailleurs, Stéphane Arcangéloni est retenu en équipe de France espoir.

C'est pourtant une équipe diminuée qui se rend à Megève, avec Olivier Baills malade, Alan Chauvin et Pierre Bourgey blessés. Avec David Molinier dans les cages, les Grenoblois font un match sérieux s'imposant 4-3 avec un triplé d'Yves Crettenand.

Clémenceau toujours plein !

C'est à guichets fermés qu'une semaine plus tard, les Brûleurs de Loups accueillent leurs voisins de Villard-de-Lans pour l'éternel derby... Un match décisif pour aller en nationale 1B pour les Grenoblois et pour éviter la nationale 1C pour les Villardiens... Dans un match serré (c'est quand même un Grenoble-Villard !), les Grenoblois s'imposent 6-4 grâce à leur capitaine et international Yves Crettenand, auteur d'un triplé. Alea jacta est, Grenoble jouera donc la nationale 1B, Villard la 1 C.

Il ne reste plus qu'à disputer, pour du beurre, le dernier match de cette première phase à Saint-Gervais, d'où les Brûleurs de Loups reviennent avec une victoire 6-4. Une mauvaise soirée pour Fabrice Hurth qui se blesse gravement, le pied cassé par... Jean-François Bonnard : "Trois mois d'absence, avec la rééducation, pour la première grave blessure de ma carrière !"

Rouen, Reims, Amiens et Chamonix partent donc se disputer à quatre le titre de champion de France, en Nationale 1A. Grenoble tentera donc celui, honorifique, de Nationale 1 B avec Gap, Morzine-Avoriaz, Angers, Anglet et Viry-Châtillon afin de savoir qui est le cinquième club français. Ouais ! Enfin, Villard, Gap, Saint-Gervais, Nantes, Dunkerque et Valenciennes joueront la seule Nationale 1C de l'histoire (heureusement d'ailleurs...) avec comme ambition de ne pas descendre.

En attendant, c'est la trêve avec pour quatre juniors grenoblois : Benjamin Agnel, Benoît Bachelet, Jean-Christophe Rochas et Nicolas Carry, les championnats du monde en Norvège avec un exceptionnel Benjamin Agnel avec sept buts en autant de matches !

Les plus jeunes disputent eux le tournoi minime international de Grenoble avec deux équipes des Brûleurs de Loups, les Tchèque du Slavia de Prague (le club de Martin Roh), les Suisses du HC Léman, les Canadiens de Charlesbourg et les voisins de Lyon et Briançon.

Difficile d'arrondir les "Ang"

La poule de classement de 5 à 9... euh, pardon, la Nationale 1B, débute avec la venue de Morzine-Avoriaz. Et comme lors de la première phase, les Brûleurs de Loups connaissent des difficultés face aux Pingouins, sauf que cette fois-ci, ils finissent par s'imposer 4-2 ! Ils confirment, la semaine suivante, à la Blache avec une victoire 6-1.

C'est la ligne Arcangéloni-Agnel-Bachelet qui fait tout exploser une semaine plus tard, le 23 janvier contre Viry-Châtillon à Clémenceau. Quatre buts pour Benjamin Agnel et deux pour Stéphane Arcangéloni pour un succès 8-4. Trois matches et trois victoires, cette poule de classement débute bien pour les Dauphinois, sauf qu'ils n'ont pas encore affronté les deux grosses écuries, les deux "Ang", Anglet et Angers !

Les "Ang" basques débarquent à Clémenceau devant plus de 2 500 spectateurs. Une équipe de haut niveau. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nom des buteurs de ce succès 4-1 de l'Hormadi : Yannick Goécoéchea (international), Jean-Michel Lutaud, Tony Heudes et un certain Robert Ouellet. Vous ajoutez Patrick Foliot, le Saint-Pierrais de l'équipe de France dans les cages, ou les Canadiens naturalisés comme Michel Galarneau ou Michel Leblanc ou encore le défenseur grenoblois Stéphane Vissio ! Bref, c'est du solide et Grenoble privé de Pierre Bourgey et Fabrice Hurth blessés ne peut inscrire qu'un but par Jérôme Boudon à la 23e.

Et Angers, c'est encore plus fort ! Avec un accent québécois très prononcé : Michel Vallière, Sylvain Beauchamp, Luc Marengère, Pierre Lacroix, Claude Devèze, plus un Slovaque solide, Petr Nachtigal, et des Français de haut niveau comme les trois Gapençais Jean-Christophe Filippin, Laurent Deschaumes et Alain Roux. Et comme du côté de Grenoble manquent à l'appel Benoît Bachelet, Benjamin Agnel, Nicolas Carry et Alan Chauvin... Il n'y a pas de miracle et une défaite 7-2.

Une petite victoire amicale 5-2 contre Villard-de-Lans (mais y a-t-il des matches amicaux contre Villard ?) pendant que l'équipe de France dispute le tournoi de Rouen, et revoilà le championnat avec un déplacement à Morzine-Avoriaz, remporté dans la douleur (6-7). Une victoire difficile qui permet cependant à Grenoble d'être certain de terminer dans les quatre premiers et donc de participer aux demi-finales de la 1B. Des demi-finales dans une poule de classement, enfin...

Pendant ce temps, en élite, où quatre équipes s'affrontent jusqu'à la nausée, les Dragons de Rouen ont remporté leurs dix matches...

Une place en demie confirmée de belle manière avec un beau 8-3 devant Gap. C'est donc avec le moral au beau fixe et un Patrick Rolland impérial que les Brûleurs de Loups s'imposent sans soucis à Viry-Châtillon 7-2. Pourtant, il y a du beau monde venu du Québec dans cette équipe castelviroise : Alain Rioux, Pierre Lacroix, Gaston Therrien, Benoît Groulx et Patrice Tremblay. Rien que ça !

Mais rien n'arrête la jeunesse insouciante de Grenoble, même pas les matches internationaux. Le 9 mars 1993, ils sont sept à être sélectionnés en équipe de France espoir pour accueillir à Clémenceau l'équipe d'Italie : Arcangéloni, Chauvin, Agnel, Bachelet, Ferrari, Rolland et Carry. Des jeunes coqs qui s'imposent 5-4, alors qu'en face, il y a de sacrés joueurs : Comploi, Iovio, Mansi, Moroder, Pixner ou Cupolo... Qui d'autre que le comédien italo-grenobois le plus célèbre du Dauphiné, Serge Papagalli, pouvait donner le coup d'envoi de ce match ? À Villard-de-Lans, on fait encore plus fort : le coup d'envoi du match entre les Ours et Dunkerque est donné par Serhyï Bubka ! L'Ukrainien prépare dans le Vercors les masters de la perche de Grenoble !

Retour à la (dure) réalité du championnat avec une lourde défaite à Anglet 9-3. Les Dauphinois qui ne tirent à la cage que 9 fois au premier tiers contre 23 aux Basques ! En revanche, pour le dernier match avant les "demi-finales", les Brûleurs de Loups font plaisir à leurs supporters avec la traditionnelle petite fête de fin de saison après le match. Ils "explosent" les Angevins 7-4 avec des triplés des "dynamiteros" Stéphane Arcangéloni et Benjamin Agnel. Les Angevins, vexés, craquent en fin de match avec dix minutes de méconduite à Beauchamps, Nachtigal, Filippin, Dusseau et Babin ! Contre dix minutes à Hurth...

C'est terminé pour cette seconde phase, place aux "demi-finales" en deux manches face à Anglet.

Duel au soleil basque

Et c'est vrai que l'on ne donne pas beaucoup de chance aux jeunes Dauphinois. Pourtant, emmenés par un Patrick Rolland exceptionnel dans les cages, les Brûleurs de Loups créent l'exploit au match aller à Grenoble : Martin Roh à la 11e, Yves Crettenand à la 17e donnent deux buts d'avance aux Rouges et Bleus. Et ils tiennent comme cela presque tout le match...Jusqu'à la 47e où Robert Ouellet trouve la faille. Abattus, les Grenoblois ? Demandez à Benoît Bachelet qui marque deux fois en deux minutes pour un succès 4-1 !

Trois buts d'avance dans la fournaise de la petite glace de la plage d'Anglet, c'est à fois beaucoup et pas grand chose quatre jours plus tard. D'ailleurs, d'entrée au premier tiers, les Angloys refont leur retard : Robert Ouellet à la 9e, Fabien Cisneros à la 10e et Tony Heudes à la 18e. C'est bien l'enfer promis ! Sauf qu'en une minute à la 35e, les Grenoblois marquent deux fois par Benoît Bachelet et Benjamin Agnel : 3-2 pour Anglet et deux buts d'avance pour Grenoble sur l'ensemble des deux matches. Les Grenoblois tiennent huit minutes dans le dernier tiers, jusqu'à que Robert Ouellet ne marque, avant qu'une minute plus tard Xavier Daramy n'égalise sur l'ensemble des deux matchs puis n'inscrive le but décisif à cinq minutes de la fin. 6-2 pour Anglet, un but de mieux pour les Basques sur l'ensemble des deux matches. C'est le premier revers de cette jeune génération !

Les larmes coulent longtemps dans les vestiaires grenoblois... Benoît Bachelet se souvient : "C'était surtout dur physiquement. On n'avait pas encore l'habitude d'enchaîner les matches. Notre ligne avec Benjamin Agnel et Stéphane Arcangéloni n'a pas pratiquement pas quitté la glace. C'est la fatigue qui explique que les nerfs aient craqué après le match..."

Yves Crettenand, en bon capitaine, a cette phrase de consolation pour ces jeunes coéquipiers : "Ne vous inquiétez pas, vous en gagnerez d'autres et pas dans cette 1B qui ne sert à rien." Il faut toujours écouter les "anciens"...

Quoi qu'il en soit, la saison n'est pas terminée, il faut se "fader" la corvée du match pour la "petite finale de la 1B" qui donne accès à une superbe septième place nationale. Non, quand même pas ? Et si ! Totalement démobilisée, la jeune troupe de Dany Grando dispute le match de trop et s'incline à Viry-Châtillon, 7-4. Elle se reprend le 3 avril pour le match retour en s'imposant 9-8, mais cela ne suffit pas. Les Brûleurs de Loups terminent huitième club national, soit une place de mieux que l'an passé. Pour un petit but encaissé à cinq minutes seulement de la fin !

Les jeunes pousses dauphinoises ont de l'avenir et la déception basque ne va pas durer...

Buteurs en championnat 1992-93 : Yves Crettenand 25, Stéphane Arcangéloni 21, Benjamin Agnel 20, François Ferrari 17, Benoît Bachelet 15, Jean-Luc Chapuis 8, Jérôme Boudon 7, Alexis Boccard 6, Martin Roh 5, Fabrice Hurth 3, Julien Novella 2, Nicolas Carry 1, Jean-François Corront 1, Antoine Huet 1, Olivier Mérignac 1.

 

L'année de la Coupe de France

Comme ce n'est pas passé loin la saison précédente et que l'équipe est trop inexpérimentée, Jean-Jacques Bellet et Dany Grando décident de renforcer la troupe. On note donc l'arrivée de cinq joueurs. Deux attaquants, Stephan Tartari, formé à Grenoble puis parti trois ans au Canada, et Sylvain Girard, formé aux Français Volants et passé par Villard-de-Lans en hockey mineur et Valenciennes.

Stéphan Tartari a donc débuté le hockey à Grenoble à 4 ans : "Lors de mon premier 'entraînement', je m'étais fait une belle cicatrice au menton en tombant alors que je poussais une chaise sur la glace !" Des débuts difficiles vite oubliés aux côtés d'une génération exceptionnelle qui a tout gagné chez les jeunes, les Barin, Bourgey, Carry, Rochas, Arcangéloni, Chauvin, Girard...

Stéphan est parti au Canada, sur les conseils de son ancien entraîneur à Grenoble, Guy Fournier, et après avoir découvert le hockey canadien lors du tournoi pee-wee de Québec. "J'avais d'abord fais le camp de l'équipe Midget AAA de Ste Foy, cela c'était bien passé, mais j'étais rentré à Grenoble. Deux ans plus tard, à 17 ans, j'y suis retourné et j'ai été pris dans l'équipe de junior majeur des Harfangs de Beauport où j'ai joué un an et demi."

Stéphan qui se jette alors sans retenue dans son rêve américain : "Je faisais de la musculation, ce que je n'avais jamais fait en France ! Je jouais à fond, des recruteurs m'avaient d'ailleurs repéré lors des championnats d'Europe juniors A en Tchécoslovaquie, j'étais très motivé."

Malheureusement, il se blesse au dos lors de sa deuxième année junior, où en plus son club perd en finale... Cette blessure brise son rêve, il rentre : "Jean-Jacques Bellet m'a proposé de revenir à Grenoble, j'avais 20 ans."

Arrivées également de trois défenseurs, ce secteur pêchant le plus par inexpérience surtout après le départ de Nicolas Carry à l'intersaison pour le promu brestois. Arrivent ainsi Olivier Dimet, le Chamoniard qui a fait une partie de son hockey mineur à Grenoble, et Serge Djelloul en provenance de Reims et qui vient finalement à Grenoble, 10 ans après une tentative avortée, à l'époque où il évoluait dans son club d'origine Megève : "Je n'avais pas envie de rester à Reims. C'est Patrick Rolland qui m'a dit que Grenoble recherchait des joueurs. En plus, cela me plaisait de revenir dans ma région."

Arrivée également de Jean-François Bonnard de Villard-de-Lans qui débute ainsi une longue histoire avec les Brûleurs de Loups : "J'avais arrêté le hockey pendant deux ans, suite à des problèmes à Villard, et Dany m'a appelé. J'ai rencontré les dirigeants grenoblois Jean-Jacques Bellet et Jacques Galbrun dans le bar le Beaulieu, et mon histoire grenobloise est ainsi partie... Surtout que l'intégration dans une équipe jeune s'est très bien faite avec des gars que je connaissais déjà comme Jérôme Boudon, Jean-Luc Chapuis ou Fabrice Hurth."

Jeff a d'abord pratiqué le ski de fond avant de débuter le hockey à l'âge de 7 ans à Villard, pour faire comme son frère. Un premier entraînement plus que difficile : "J'ai dû pleurer 50 minutes sur une heure quinze !" Cela a bien changé !

Quatre victoires amicales en pré-saison : 5-2 et 7-3 contre Villard, 8-4 contre St-Gervais et 4-3 face à Chamonix et place au championnat.

Je vous sers la formule du chef ?

Comme d'habitude, la formule du championnat a une nouvelle fois changé durant l'été. Je vous rassure, on oublie la 1A, B, C de l'an passé. Même si cela reste folklorique. Cette fois-ci, on part à seize équipes divisées en quatre poules. Très médiatique. Cela ressemble au championnat de France de rugby des années 70...

Grenoble est en poule D avec Reims, Brest et Megève appelé (de force) à quelques jours du début du championnat pour faire le nombre et qui n'avait rien demandé à personne.

Pour aller en nationale 1A, il faudra terminer dans les deux premiers, soit dans le cas de Grenoble éliminer un très gros, soit Reims soit Brest le promu aux dents très longues...

Volailles bretonnes à Clémenceau

C'est d'ailleurs Brest qui ouvre le bal à Clémenceau. Une équipe financée par le groupe agro-alimentaire Doux dont le numéro deux, Briec Bounoure, a pris en main les destinées des Albatros de Brest. Une équipe bretonne avec six joueurs natifs du Canada : Robert Boileau, Pat Daley, Stéphane Dugal, Louis Côté, Michel Galarneau et Karl Goupil, qui avait fait une apparition à Grenoble au début de la saison 1988. Il y a également un Russe, Andreï Vittemberg, et deux autres anciens Grenoblois : Nicolas Carry et Éric Mindjimba. Une rencontre extrêmement serrée avec, au final, l'expérience brestoise qui paie avec une courte victoire des Albatros 6-5.

Une semaine plus tard, déplacement a priori facile, chez les Boucs de Megève. A priori seulement, car les Brûleurs de Loups ne s'en sortent qu'au ras des célèbres moustaches de Dany Grando ! Megève mène 3-2, à quelques minutes de la fin, Yves Crettenand égalise enfin, mais cela ne suffit pas, si les Dauphinois veulent se qualifier pour la nationale 1A... et c'est Olivier Dimet qui marque le but décisif, celui du 4-3 à 23 secondes de la fin ! Ouf !

Ayant joué leur joker contre Brest, les Brûleurs de Loups n'ont pas le choix en recevant Reims. Il faut obligatoirement faire tomber cette grosse écurie pour se qualifier. Cela n'en prend pas le chemin puisque les Grenoblois sont menés 1-0 à la fin du premier tiers. Mais, comme aux plus belles heures, un ouragan dauphinois se lève et balaye les Champenois 6-0 ! Les deux équipes font jeu égal au troisième tiers, les Brûleurs de Loups créent l'événement en s'imposant 8- 3. Pour Serge Djelloul, venu de Reims à l'intersaison, cette victoire "avait un petit goût de revanche, c'était en tout cas la preuve que j'avais fais le bon choix".

Pour les plus jeunes, c'est plus simple : "On jouait sans aucune pression, précise François Ferrari. À la limite, on ne se rendait pas vraiment compte, on était insouciants..."

Le calendrier étant surprenant, une semaine plus tard, les Grenoblois se rendent à Reims où ils tombent 3-0, mais ils conservent deux buts d'avance sur les Rémois au goal-average direct, ce qui peut servir en cas d'égalité... Mais, pour cela, il ne faut pas perdre les deux derniers matches.

En évitant de se refaire des frayeurs contre Megève ! Sauf que les Megevans recommencent ! Ils mènent 1-0 au début du dernier tiers ! Les Brûleurs de Loups finissent par trouver la clé et s'imposent 5-1.

Tout se joue lors du dernier match à Brest. Il faut au moins un nul aux Grenoblois pour se qualifier et éliminer Reims, l'un des favoris de l'épreuve ! Cela démarre de la plus mauvaise des façons avec un but brestois d'André Coté dès la 59e seconde ! Les Grenoblois s'accrochent et repassent devant au deuxième tiers par Alan Chauvin et Alexis Boccard. Robert Boileau égalise pour Brest, mais à l'ultime minute de ce deuxième tiers, François Ferrari redonne un but d'avance aux Brûleurs de Loups : 2-3. Il faut juste tenir les dernières vingt minutes ! On craint le pire avec dès la troisième minute avec l'égalisation de Frédéric Asselineau, mais à 3-3, Grenoble est toujours qualifié, sauf qu'il ne faut plus en prendre ! C'est François Ferrari qui redonne un peu d'air à la 48e (3-4), et c'est Stéphan Tartari qui libère les siens avec deux buts en vingt secondes à la 55e. "Je marque deux buts, mais c'était le résultat d'un gros travail d'équipe explique le héros de la soirée, cette qualification est vraiment collective". Le dernier but brestois deux minutes plus tard ne change rien (4-6). Grenoble est qualifié pour la nationale 1A et condamne Reims à la 1 B !

"On n'était pas les plus forts, se rappelle Stéphane Arcangéloni, mais on était une telle bande copains que cela compensait."

"C'était vraiment le début d'autre chose pour le club, précise Serge Djelloul. Le club sortait de l'ombre et en avait définitivement fini avec l'après 91."

À nouveau dans la cour des grands

Et pour bien comprendre que désormais, les Brûleurs de Loups sont bien revenu dans l'élite, ils attaquent la nationale 1A chez le triple champion de France, Rouen. Et s'ils n'avaient pas compris, les Grenoblois n'ont qu'à regarder le tableau d'affichage : 12-0 ! Patrick Rolland, Alan Chauvin, Olivier Dimet, Jean-François Bonnard, Benjamin Agnel et Stéphane Arcangéloni n'ont plus qu'à partir à Albertville pour un France-Suisse espoir.

L'apprentissage de l'élite se poursuit avec un déplacement à Amiens qui se solde par une autre lourde défaite 8-2. Troisième match et troisième ténor, avec la venue de Chamonix (5-7).

En cette année olympique, pour meubler les trêves de préparation de l'équipe de France pour Lillehammer, la fédération a ressorti de ses cartons la Coupe de France. Et mine de rien, cette idée va totalement relancer les BDL vers le haut niveau pour de longues années.

L'épreuve débute dans l'indifférence, le 13 novembre pendant que les Bleus sont au tournoi pré-olympique en Norvège. Les Brûleurs de Loups sont dans une poule de qualification pour les quarts de finale avec Villard-de-Lans, Gap et Rouen, il faut terminer premier pour aller en quart. Ils débutent par une victoire au petit trot 7-3 à Gap. "On ne peut pas dire qu'au début, on ait pris cela au sérieux, avoue Serge Djelloul. Ensuite, en revanche..." C'est le moins que l'on puisse dire, mais nous y reviendrons...

En attendant, préparation pour Lillehammer toujours avec un match de l'équipe de France à Grenoble contre les États-Unis. Cinq Grenoblois sont retenus : Patrick Rolland dans les cages, Alan Chauvin en défense, Benjamin Agnel, Sylvain Girard et Stéphane Arcangéloni en attaque où ils retrouvent un autre joueur formé à Grenoble, Stéphane Barin. Mais les "Boys" sont implacables et battent les Bleus 7-1...

Un deuxième épisode coupe de France le 20 novembre avec un 8-3 sans problème devant Villard-de-Lans et c'est le retour du championnat. Pour la troisième fois de la saison, les Dauphinois retrouvent Brest ! C'est à Grenoble et les locaux partent les plus vite en menant 2-0 à la fin du premier tiers par Olivier Dimet et Benoît Bachelet. Mais les Albatros reviennent à égalité au second tiers par André Côté et Andreï Vittemberg. Les Grenoblois repartent à 3-2 par Stéphane Arcangéloni au bout de 57 secondes seulement dans le dernier tiers...Et puis plus rien, Patrick Rolland ferme héroïquement la porte pour la première victoire grenobloise dans cette nationale 1A...

Un succès confirmé tranquillement trois jours plus tard à Gap sur le score de 9-1. Ce ne sera pas le cas, en revanche, avec une défaite 5-2 à Angers etun petit match nul 6-6 à Viry-Châtillon.

Polémique et drame contre Rouen

Mais le gros choc de cette fin d'année 1993, c'est la venue de Rouen. Le champion de France vient en Dauphiné fortement diminué par les absences de Lemoine, Lemarque, Fournier, Pajonkowski, Fleutot, Pinard, Verret, Marie et Mainot. Et même si les Dragons ont de la ressource dans leur effectif, cela fait beaucoup !

Les Brûleurs de Loups en profitent pour réaliser le match (presque) parfait... Ils ouvrent la marque par leur jeune défenseur international Alan Chauvin dès la 3e, mais Franck Saunier égalise une minute plus tard. Qu'à cela ne tienne, Benjamin Agnel redonne un but d'avance à la 10e. La seconde période débute par une égalisation rouennaise, encore par Franck Saunier, avant que Grenoble ne se détache en cinq minutes par Yves Crettenand et Stéphan Tartari. La fin de match est Rouennaise, avec à la 47e minute, Benoît Laporte qui revient à 4-3. Pas pour longtemps, 54 secondes plus tard, Stéphane Arcangéloni redonne de l'air à Grenoble 5-3.

Mais le tournant du match se déroule à huit minutes de la fin avec un nouveau but de Benoît Laporte inscrit du patin et validé par l'arbitre. Alors, du patin certes, mais volontaire où pas ? La polémique fait rage longtemps... et relance les champions de France qui égalisent par Éric Calder à trois minutes de la fin. Benoît Laporte affirme qu'il n'a pas volontairement dévié ce palet du patin. Fermons donc la parenthèse.

Les Grenoblois auraient pu être partagés entre déception de ne pas gagner sur un but litigieux et satisfaction d'avoir accroché l'ogre rouennais... Ils sont surtout atterrés par l'agression dont a été victime au cours du match leur prometteur défenseur Alan Chauvin. Le Grenoblois a été défiguré par un coup de crosse d'une violence inouïe en pleine face donné par le jeune attaquant rouennais Jonathan Zwikel, expulsé sur le champ par l'arbitre. Le résultat de cet acte inqualifiable est dramatique pour Alan. Il perd six dents et la partie supérieure de son maxillaire inférieur est... arrachée !

Transporté dans un sale état à l'hôpital de Grenoble, la carrière d'Alan Chauvin s'est dramatiquement arrêtée ce soir-là. Certes, il reviendra sur la glace, mais quelque chose s'est brisé psychologiquement en lui ce soir-là. Jamais il ne retrouvera son niveau d'avant cette agression, ni l'équipe de France. Il était l'un des plus grands espoirs en France au poste de défenseur et son envol a été fauché. L'affaire se règle d'ailleurs au tribunal, où Alan gagne des dommages et intérêts.

La Coupe de France pour oublier

Grenoble retrouve Rouen une semaine plus tard, le 18 décembre, mais pour la Coupe de France. Une équipe rouennaise qui n'a pas assez de joueurs à présenter sur la glace pour ce match, une fois enlevés les sélectionnés et les blessés ! Du coup, on est obligé de faire jouer les entraîneurs pour faire le nombre ! Larry Huras rechausse donc les patins, tout comme Jean-Réné Tapia et même le Grenoblois Daniel Maric, devenu entraîneur du hockey mineur rouennais et qui ne pensait pas un jour revêtir son équipement pour un match dans sa patinoire de Clémenceau !

Les Grenoblois aussi ont des absents : Stéphane Arcangéloni, Benjamin Agnel et Sylvain Girard en équipe de France sénior en Russie et Benoît Bachelet en junior... Mais ils s'imposent cependant 11-3.

Retour des internationaux et donc du championnat, cinq jours plus tard pour une grosse affiche, la venue d'Amiens. Et enfin, la grosse performance que les Brûleurs de Loups attendaient dans cette phase finale après le nul contre Rouen et la courte défaite face à Chamonix : victoire 7-3 avec un triplé de Stéphan Tartari.

Un match qui termine la carrière de Fabrice Hurth. Il arrête le hockey pour raisons professionnelles et devient directeur de l'office de tourisme de Briançon, il le sera ensuite à Uriage-les-Bains et à Chamrousse. Fabrice est capitaine ce soir-là, pour ses adieux à 27 ans : "J'avais demandé à Dany de mener l'équipe pour mon dernier match. Un souvenir magnifique, avec le sentiment du devoir accompli. On m'avait engagé pour remonter l'équipe au plus haut niveau et je finissais par une large victoire sur un ténor du championnat. En plus, les supporters vont me faire une belle surprise avec une remise de souvenir après le match et une incroyable ovation. J'avoue que j'ai versé ma petite larme !"

Place désormais à la trêve de Noël où l'équipe de France qui prépare les jeux de Lillehammer va disputer son traditionnel tournoi du Mont-Blanc. C'est d'ailleurs au pied du Mont-Blanc que les Brûleurs de Loups reprennent le championnat. Un match à sens unique avec une défaite 8-2 face aux Huskies.

Une cascade de blessures chez les gardiens grenoblois entraîne un retour bien sympathique ! Patrick Rolland, le premier gardien et Cristobal Huet, le troisième, gardien des juniors, sont blessés. Du coup, comme il ne reste que le second gardien David Molinier de valide, on fait appel à... Jean-Marc Djian.

Le gardien indispensable du titre de 1991 était déjà revenu au club, après sa difficile année bordelaise, en tant que dirigeant et responsable de la communication. Jean-Marc s'entraîne puis rentre à la mi-match d'une rencontre amicale contre Villard et part comme second gardien, au cas où, à Brest, pour un match très important de championnat. Mais il n'aura pas l'occasion de rentrer, David Molinier, parfait dans sa cage, contribuant largement à une seconde victoire consécutive des Dauphinois à la pointe de la Bretagne, un succès 6-5. Une victoire confirmée sans soucis (8-3) à Gap, où Grenoble ne perd plus depuis bien longtemps.

Une tête pour une demi-finale

C'est donc devant une foule digne des plus grandes heures du club que les Brûleurs de Loups, trois ans seulement après leur liquidation, vont tenter de se qualifier pour les demi-finales. Pour cela, il faut impérativement battre Angers. Et Dieu sait que les Brûleurs de Loups vont essayer et essayer d'y parvenir. Difficile de dominer plus un match... sans marquer le moindre but !

En revanche, les Angevins ont la baraka pendant soixante minutes. Cela commence par un but... inimaginable. Luc Marengère marque... de la tête ! En fait il dévie involontairement dans la cage de Patrick Rolland un palet qui passait par là. Il s'ouvre le front et le palet finit sa course dans les cages grenobloises. Comme on n'en est qu'à la onzième minute, on se dit que la chance va tourner, y compris pour ce pauvre Marengère qui a quand même le crâne fendu !

La suite n'est qu'une incroyable litanie d'occasions manquées, de poteaux, de malchance, d'arrêts miracles angevins. Et bien sûr, dans ces cas-là, qu'arrive-t-il ? Des contres assassins ! Michaël Babin à la 36e et Pierre Lacroix à la 54e tuant les espérances grenobloises.

"On avait trop de pression et pas assez de chance" résume Yves Crettenand. "On avait du dynamisme, de la fougue, du culot, de l'insouciance, mais pas d'expérience, explique Benjamin Agnel, alors dans les moments importants, ça coinçait."

Pour Benoît Bachelet, l'équipe était à son maximum : "Il faut se rappeler que sur le papier, on n'était pas au niveau. C'est le public qui nous a forcé à nous surpasser et à battre les grosses équipes". Ce fameux "environnement hockey".

Pas de demi-finale et une énorme déception, comme l'an passé lors de la défaite à Anglet, qui plombe la fin de saison en championnat de l'équipe. Cela se sent lors du dernier match (pour du beurre) de cette seconde phase avec la défaite à domicile, quatre jours plus tard contre Viry-Châtillon, 6-4 en faveur des Essonniens.

Jeux et Coupe

Place désormais aux Jeux Olympiques et des souvenirs plein la tête pour trois jeunes Brûleurs de Loups : Stéphane Arcangéloni, Benjamin Agnel et Sylvain Girard ! Une première pour le club et une sacré réussite pour Dany Grando, surtout qu'un autre de ses poulains, issus de l'école de hockey de Grenoble, Stéphane Barin, est également présent en Norvège.

Pour Stéphane Arcangéloni : "Le meilleur souvenir de ma carrière. Pas forcément au niveau sportif, mais pour l'ambiance olympique, se retrouver au village olympique à côté d'Alberto Tomba, ou encore jouer dans la patinoire de Gjøvik, construite sous la montagne ! Ce furent quinze jours de rêve. J'y retournerai d'ailleurs un jour, pour aller revoir ces sites."

Pour Benjamin Agnel, c'est également le rêve : "À l'issue du tournoi pré-olympique de Lillehammer, où je finis meilleur buteur français, Kjell Larsson m'a fait confiance. C'est un souvenir énorme, puisque l'on rencontrait toutes les équipes, car il n'y avait pas de poules. En plus ces jeux furent une totale réussite, une grande fête du sport, l'occasion de rencontrer plein de grands sportifs hors hockey." Benjamin qui en plus marque un but d'anthologie contre les États-Unis : "Michel Vallière, qui était gardien remplaçant me dit juste avant de monter sur la glace, allez tu marques ! Et but !"

En revanche, c'est une cruelle déception pour Stéphan Tartari, pas retenu : "J'avais pourtant fait une grosse saison, peut-être ma meilleure..."

Pendant cette trêve olympique, Grenoble poursuit sa route immaculée en Coupe de France avec trois victoires : 7-4 à Rouen, 5-2 à Villard et 8-6 contre Gap. Si vous ajoutez une victoire amicale contre les Diavoli de Milan, comme jadis, sur le score de 4-3, on peut dire que la trêve olympique a été bénéfique.

Surtout que cette équipe milanaise, finaliste de la dernière coupe d'Europe, est vraiment très forte avec le Russe Frolov ou les Italo-canadiens, De Benedictis, Iob, Brunetta ou un certain Maurizio Catenacci... À signaler que l'article sur ce match dans le Dauphiné Libéré est signé Alan Chauvin, qui peut ainsi rester dans le hockey après son accident.

Une trêve olympique avec également un tournoi international junior à Clémenceau qui voit la victoire de nos éternels amis de Jihlava d'Adolf Sprincl devant une sélection alpine, les Brûleurs de Loups et les Suisses de Tramelan.

Tiens, vous n'appréciez pas les poules de classement ?

Fini le rêve olympique pour nos trois mousquetaires, il faut revenir à la dure et grise réalité de la phase de classement du championnat, après l'élimination de justesse pour les demi-finales. Une poule de 5 à 8 qui débute comme la seconde phase s'était achevée : par une défaite contre Viry-Châtillon ! Un revers 3-2 au bord de la Nationale 7. Comme glamour...

Un coup de blues qui se confirme une semaine plus tard avec la venue de Brest. Autant lors des deux premières phases, les Dauphinois avaient réalisé des exploits contre les Bretons, autant là, en cette fin de saison, le cœur et l'enjeu n'y sont plus et les Brûleurs de Loups ne marquent qu'un seul but par Stéphane Arcangéloni pour en encaisser cinq ! Brest, où il faut retourner pour un nouveau revers, 8-6.

Et cela continue par une défaite à domicile contre Viry-Châtillon 5-4, qui prive les Brûleurs de Loups d'une place honorable dans ce championnat, eux qui ont battu Reims, Brest, Amiens et fait le nul avec Rouen ! Avouez que cette formule de championnat est étrange !

Il faut quand même éviter la dernière place, ce qui ferait mauvais genre après une saison pareille, en écartant Gap de la huitième place. C'est fait en deux jours, 8-0 avec un triplé de François Ferrari en match en retard à Clémenceau, et 5-3 le lendemain à la Blache.

Les Brûleurs de Loups sont donc, comme l'an passé, septième club national, et là aussi, on ne peut s'empêcher de penser qu'il n'a pas manqué grand-chose pour faire beaucoup mieux. Moins de malchance contre Angers et c'était une place dans les quatre premiers. Cette frustration, les Dauphinois la font disparaître grâce au placebo de la Coupe de France.

Et soudain, Maxence Fontanel... pour l'éternité !

Cela commence en quart de finale, le mercredi 20 avril à Grenoble contre...Rouen (troisième fois dans cette épreuve !) avec un succès sans problème 9-2. C'est plus difficile en demi-finale à Anglet avec un succès 4-2 qui sonne comme une revanche sur l'an passé 4-2 grâce à deux buts dans les cinq dernières minutes d'Yves "Captain Yvon" Crettenand.

Et voilà la finale ! En ce samedi 30 avril 1994, dans une patinoire du boulevard Clémenceau archi comble, les Brûleurs de Loups reçoivent les Huskies de Chamonix pour un match d'anthologie ! Une rencontre sans Dany Grando, en Italie ce soir-là, pour un colloque international d'entraîneurs. Ce sont les deux défenseurs blessés, Jean-François Bonnard et Serge Djelloul, qui font office de coach avec béquilles !

Les Huskies ouvrent la marque dès la première minute par leur Franco-polonais Didier Cauzlovsqui. Égalisation dauphinoise deux minutes plus tard par Stéphan Tartari et la course-poursuite est engagée... Sixième minute, David Opacko redonne un but d'avance aux Haut-savoyards et le score en reste là de longues minutes... Jusqu'à la moitié du match, où Yves Crettenand, qui aime les finales, nous refait un coup "à la 91" en inscrivant deux buts en quatre minutes. Grenoble mène donc 3-2. Pas pour longtemps, Laurent Deschaume égalise deux minutes plus tard, avant que Sylvain Girard à la 48e ne redonne un but d'avance aux Brûleurs de Loups, 4-3. Des Grenoblois qui tiennent, qui tiennent... jusqu'à trois minutes de la fin et cette égalisation de Didier Cauzlovsqui (4-4).

Mort subite. Et quel dénouement ! Il ne faut qu'une minute de prolongation aux Grenoblois pour déclencher l'hystérie de Clémenceau avec ce but venu d'ailleurs du défenseur Maxence Fontanel. "Un sacré bon coup de coaching, se souvient en riant Jean-François Bonnard. J'avais décidé de lui faire confiance sur ce bloc pour la mort subite !" Max, qui au départ, n'était pas prévu pour jouer cette mort subite. Un tir de la ligne bleue qui se loge dans la cage chamoniarde... et qui entraîne une liesse indescriptible.

"On s'amusait vraiment sur la glace, se souvient Serge Djelloul, coach d'un soir. Cette Coupe de France, on l'a vraiment mérité, car on l'a voulait plus que les autres."

Une joie populaire totalement démesurée par rapport à l'importance à l'époque de la Coupe de France, mais qui prouve une chose : le public grenoblois est orphelin de 1991 et ne rêve que de reconquête... En 1994, c'est encore un peu tôt, alors cette coupe de France sert d'exutoire. "On a fait la fête comme pour un titre, se souvient Jean-Luc Chapuis, car il y avait une telle frustration de victoire depuis 1991".

"Un titre c'est un titre, explique Stéphan Tartari. On aurait perdu, cela aurait été une saison moyenne, mais là, c'est devenue une saison réussie"... François Ferrari ajoutant avec humour : "Ça n'intéressait peut-être que nous, mais nous, ça nous a fait plaisir ! C'était un peu l'ambiance coupe du monde. Mais il faut dire qu'il y avait tellement de monde ce soir-là..."

"Un scénario parfait, tout y était : le parcours sans faute, l'incroyable ambiance, la mort subite. C'est mon meilleur souvenir avec le titre de 1991." C'est Yves Crettenand qui le dit, alors !

Buteurs en championnat 1993-94 : Stéphan Tartari 20, Sylvain Girard 14, Stéphane Arcangéloni 13, Yves Crettenand 12, Benjamin Agnel 10, François Ferrari 10, Benoît Bachelet 8, Alexis Boccard 5, Martin Roh 4, Jérôme Boudon 4, Olivier Dimet 4, Pierre Bourgey 3, Alan Chauvin 2, Serge Djelloul 2, Fabrice Hurth 2.

 

Bruno Cadène

 

 

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