HC Fribourg-Gottéron

Chapitre III - Fribourg perd son Gottéron

 

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1967, c'est l'année de la grande révolution. Le changement le plus marquant, c'est celui de dénomination. Le club abandonne son titre de "HC Gottéron" pour devenir le "HC Fribourg", reniant ainsi une part de son histoire pour s'accoler au seul nom de sa ville, plus passe-partout. Mais le public, lui, n'oubliera pas. Il restera fidèle à son identité et continuera à scander des "Hopp Gottéron" des années durant. Le nom sera ainsi conservé et redeviendra officiel le temps voulu.

Ce nouveau "HCF" a un nouveau président, en la personne de Luigi Musy, mais aussi un nouvel entraîneur, l'ex-international suisse Michel Wehrli. Celui-ci n'a toutefois pas le droit d'évoluer comme joueur la première année, car les Fribourgeois ne se sont pas entendus avec son ancien club Martigny.

Ce n'est qu'en 1968/69 que Wehrli peut cumuler les fonctions d'entraîneur-joueur, mais il ne le reste pas bien longtemps. Trois matches et autant de défaites, et le voilà déjà remercié et remplacé par Tim Haines. Ce Canadien qui avait bourlingué en Europe dans les rangs des Wembley Lions (Angleterre) et du CP Liège (Belgique) fit remonter Fribourg et le qualifia même pour le tour de promotion après un barrage remporté contre le cinquième du groupe est Saint-Moritz. Le club n'avait pas vraiment d'ambitions de montée, mais ainsi l'objectif premier, le maintien, était rempli.

Fribourg terminait à la sixième place de la LNB, une place confirmée en 1969/70. Le point fort de l'équipe dirigée par Tim Haines était la défense, avec un très bon Joseph Boschung dans les buts. Mais l'évènement de la saison est la construction de nouveaux vestiaires, car les anciens, situés près de la buvette, étaient vétustes et inconfortables. Pour la phase finale, les joueurs du HCF bénéficient ainsi d'un local plus vaste aménagé sous la tribune du côté de la rivière Sarine. Ce championnat disputé dans une ambiance détendue et sympathique a comme conclusion une escapade exotique, puisque l'équipe est invitée à jouer un match amical contre Bolzano à... Madrid. Les organisateurs espagnols, qui cherchent à développer le hockey sur glace dans le pays, n'ont pas hésité à survendre cette exhibition en présentant sur l'affiche Fribourg comme le champion de Suisse !

Le HCF engage en 1970/71 un nouvel entraîneur, Peter Schmidt, un ex-international qui sait allier atmosphère de travail apaisée et envie de vaincre. De plus, les clubs de LNB ayant de nouveau droit à un joueur étranger dans leurs effectifs, Fribourg opte pour Richard Lavoie, qui a commencé sa carrière européenne par un pays au hockey encore balbutiant, le Danemark. Malgré un coup de crosse qui atteignit Peter Schmidt à l'œil lors d'un match à Lausanne, heureusement sans conséquences graves, le championnat se déroule comme les années précédentes, c'est-à-dire que Fribourg est capable de jouer les premiers rôles dans la poule préliminaire romande mais pas d'être un candidat sérieux dans la poule de promotion.

Berne-Fribourg, un derby s'annonce

Lavoie est remplacé pour la saison 1971/72 par Germain Bourgeois, un autre Canadien venu de Villard-de-Lans (France), à ne pas confondre avec Villars, le club suisse d'où arrive l'international Daniel Piller. En outre, Peter Schmidt est rejoint par son frère Roger, avec lequel il avait formé un beau duo au SC Berne. Et cela tombe bien, car c'est justement Berne qui s'avère être le principal adversaire de Fribourg, qui termine en tête de la poule ouest. Une grande rivalité entre les deux voisins est en train de naître, et le premier d'une longue série de derbys de légende se déroule à l'Allmend. La monumentale patinoire bernoise enregistre ce jour-là le record d'affluence pour un match de hockey sur glace "indoor" en Europe : 16137 spectateurs, pour un match de LNB suisse ! Fribourg s'incline 4-3 sans avoir à rougir, car il encaisse un triplé de Brian Smith, un Canadien qui a participé quatre ans plus tôt à la première saison de NHL de la nouvelle franchise des Los Angeles Kings. Il laisse donc aux Bernois la promotion en LNA, mais celle-ci paraît de nouveau à sa portée.

Tout paraît donc contribuer à un climat serein et optimiste à l'orée de la saison 1972/73. Mais des contre-performances inquiétantes lors d'un tournoi de pré-saison, la Coupe Kybourg à Thoune, conduisent les dirigeants, emmenés par le nouveau président Jean-Pierre Dorthe, à changer de cap à la dernière minute. On demande à Peter Schmidt de se concentrer uniquement sur son rôle de joueur et on recrute l'entraîneur canadien Reynald Lacroix, celui qui avait mené Lugano jusqu'en LNA. Mais, malgré la présence dans ses rangs de deux internationaux, Piller et la nouvelle recrue Jenni, Fribourg ne termine que cinquième, après avoir été battu sans contestation possible aux Augustins par le futur promu Zurich (0-5). Lacroix n'a pas été l'homme-miracle attendu et Schmidt reviendra à la barre.

Après une saison au sein du club, Gerry Aucoin se blesse en pleine préparation de la saison 1973/74. Il faut trouver un autre Canadien, et le HCF fait appel au petit gabarit mais à la belle technique collective et individuelle du jeune Normand Piché, à qui l'on propose sans tarder un contrat de trois ans après l'avoir vu à l'œuvre. La poule finale commence par une victoire surprenante sur Lausanne, qui avait pourtant écrasé à deux reprises les Fribourgeois lors de la première phase. De quoi donner confiance avant un match à Bienne qui aurait des conséquences fâcheuses. Les deux arbitres de ce match étaient Ehrensperger - un arbitre zurichois avec lequel le club avait un contentieux depuis deux ans après un but accordé à tort à Zurich (coïncidence ?) alors que le palet était passé hors cadre, action qui fut capitale dans l'échec pour la montée en 1972 - et Frei. Le duo de directeurs de jeu refuse un but à Fribourg, en accorde un à Bienne pourtant marqué du gant, et, également excédés de la répartition des prisons, les visiteurs s'emportent. Roger Schmidt bouscule l'arbitre Frei et est suspendu jusqu'à la fin de l'année 1974. Quant à son frère Peter, il tire sa révérence après quatre années d'une forte implication au sein du club.

La marche funèbre

Fribourg est frappé durement en cette année 1974, avec le décès de Raymond Eltschinger, le président de la commission technique du club, dont le travail avait été salué au point qu'il avait été nommé à la direction technique nationale. À ce deuil s'ajoute la maladie de Normand Piché. Celle-ci est heureusement bien moins tragique, mais elle l'oblige à raccrocher les patins dans l'immédiat. or, le HCF avait tout misé sur le Canadien à qui il comptait également confier la responsabilité des entraînements. À nouveau, il faut trouver une solution dans l'urgence. C'est le vieux Reto Delnon qui prend l'initiative de tendre une perche au club et de l'aider. Mais après quatre rencontres et une seule victoire, il demande à prendre du recul et cède le poste d'entraîneur à Gerry Aucoin. Celui-ci n'a cessé d'être en relation avec Fribourg, et c'est d'ailleurs son beau-frère qui avait déniché le nouveau joueur étranger du club, Bernard Nadeau. Celui-ci est d'une aide précieuse dans cette saison 1974/75 en gagnant plusieurs rencontres à lui seul, et contribue à assurer un maintien pas si évident.

Mais Fribourg regarde désormais plus vers le bas que vers le haut, et il est évident qu'une page se tourne. C'est d'ailleurs une vraie figure marquante du club qui prend sa retraite avec Joseph ("Seppel") Boschung, qui prend du repos mérité après quinze années de bons et loyaux services pendant lesquels il a été reconnu comme un des meilleurs gardiens de la LNB. Malheureusement, ce n'est qu'après leur départ qu'on se rend compte de l'importance des gens. Fribourg porte certes plus d'attention à sa défense, mais est trop irrégulier dans ses performances.

Les changements d'entraîneur n'ont rien arrangé. En effet, Germain Bourgeois, encore le retour d'une vieille connaissance, a été écarté et remplacé par Maurice Renevey, qui avait fait ses armes avec les juniors, avant d'être rappelé en fin de saison - uniquement comme joueur - lorsqu'il y a besoin de tout le monde pour une union sacrée. En effet, Fribourg a perdu son Canadien Bernard Nadeau, qui s'est fait une fracture de la rotule lors d'une victoire à Davos. Voilà un handicap flagrant lorsque l'on se repose sur la contribution offensive d'une seule individualité. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé... On a pourtant cru au miracle à la dernière journée lorsque le HCF mène 4-0 au premier tiers-temps contre Sion avec un hat-trick du "joker" Bourgeois. Mais il s'effondre alors littéralement, perd les fondamentaux de sa jeu et sa concentration, et s'incline finalement 4-9. Après vingt-deux ans sans interruption en LNB, Fribourg descend en 1ère ligue. Un faire-part de décès au nom du club est même réalisé pour marquer l'évènement.

Cette relégation dans l'anonymat de la 1ère ligue ne provoque pas d'hémorragie. Le groupe est conservé, et il est même blindé par le retour de Robert Meuwly. Ce gardien formé à Fribourg avait montré son talent pour son club lors de ses rares titularisations quand Boschung était blessé, mais il était barré par "Seppel" et avait dû se résoudre à l'exil pour pouvoir jouer. Avec Genève-Servette, Sierre et La Chaux-de-Fonds, il s'était affirmé comme un des meilleurs gardiens suisses, gratifié même de quelques sélections en équipe nationale. Et maintenant, il revenait à Fribourg, sous forme de prêt de La Chaux, avec presque un statut d'homme providentiel.

La pénitence de la 1re ligue

Mais en 1re ligue 1976/77, face à des adversaires plus faibles, ce sont surtout les attaquants qui se mettent en valeur. Fribourg ne perd pas un point dans son groupe qualificatif et écarte Martigny en demi-finale, mais Rudolf Raemy se casse le bras lors du match retour. Malgré cette absence, Fribourg semble tranquillement se diriger vers la montée en battant Neuchâtel 4-0 à l'aller en finale... mais se fait battre exactement sur le même score au retour ! Il faut jouer un match d'appui, qui a lieu à Berne. Fribourg ne se refuse rien et loue les services d'un sophrologue. Avant la rencontre, le conseiller psychologique demande aux joueurs de noter leurs peurs sur un bout de papier, qu'il s'applique ensuite à brûler. Peu après la mi-match, les joueurs de Fribourg, sans peur et sans reproche, mènent 2-0. Les cendres de leurs craintes soi-disant exorcisées sont-elles retombées à ce moment-là sur la glace ? Toujours est-il que l'expérimentée équipe de Neuchâtel renverse la situation et s'impose 4-2...

Ce qui n'aurait dû être qu'une courte pénitence au niveau inférieur menace ainsi de s'éterniser. Foin des cérémonies et rites aux effets douteux, on fait confiance au métier et au vécu. Fribourg rappelle donc Raymond Maisonneuve, celui qui avait été son entraîneur-joueur vingt ans plus tôt. Ayant désormais atteint la cinquantaine, le Canadien a conservé son charisme, et il est chargé de maintenir la concentration d'une équipe que guette le piège de la monotonie. Dans la saison 1977/78, elle ne réussit plus le carton plein, et perd même un match contre Martigny (ainsi qu'un par forfait à Montana parce que le bus transportant l'équipe arrive en retard...), mais elle a gardé toute son énergie et sa gnac pour les play-offs. Après avoir écarté Worb en demi-finale, elle se retrouve contre Martigny, et si les deux formations en sont à une victoire partout en saison régulière, les deux confrontations tournent cette fois en faveur de Fribourg, alors que leurs adversaires avaient pourtant pu récupérer deux joueurs prêtés à Sierre en LNA.

Pour son retour en LNB en 1978/79, c'est en France que Fribourg va chercher l'inspiration, au cours d'un camp de pré-saison à Villard-de-Lans. C'est aussi en France que Fribourg trouve son renfort étranger, l'attaquant canadien Jean Lussier. Celui-ci a bien été obligé de quitter Tours après une lourde suspension de quinze rencontres pour avoir provoqué une bagarre en prison et craché sur l'arbitre. Il est cependant victime d'une déchirure ligamentaire lors d'un match remporté 14-3 contre Sion, symbole d'un championnat entamé avec le vent en poupe. On fait alors venir son frère Michel Lussier, lui aussi passé par Tours. Il marque son premier but en Suisse en seulement trente-huit secondes contre Neuchâtel, mais est ensuite en panne de rendement en même temps que l'équipe. Il est donc licencié et remplacé par un autre Canadien, Luc Saintonge, qui ne convainc pas plus et ne reste que cinq rencontres. La nouvelle du rétablissement de Jean Lussier est alors accueillie avec satisfaction. Mais ces péripéties au sujet des renforts étrangers ont détourné l'attention de problèmes plus sérieux, des dissensions internes qui aboutissent finalement à la démission de Maisonneuve.

Gaston Pelletier aux commandes

Le tout nouveau président fribourgeois Anton Cottier a alors la main chaude en réussissant à engager un remplaçant de renom, Gaston Pelletier, l'ancienne vedette de l'ACBB, qui avait remporté deux Coupes Spengler avec le club de la banlieue parisienne. Lorsque le mécène Philippe Potin et sa femme quittèrent Boulogne-Billancourt pour investir en Suisse à Villars-sur-Ollon, Pelletier suivit le mouvement et ajouta des trophées suisses à ses titres de champion de France. Après deux titres avec Villars, il en avait remporté six d'affilée avec La Chaux-de-Fonds, devenant ainsi le joueur le plus bardé de titres en Suisse. Pelletier avait pourtant tout sauf un comportement de star, il prit le temps de tâter le pouls de l'équipe en laissant d'abord le coaching à l'ancien joueur Daniel Waeber avant de s'en occuper lui-même. Ses objectifs étaient à plus long terme, et il avait un contrat de trois ans pour les obtenir. Ce que l'on imaginait pas, c'est qu'il n'en aurait pas besoin d'autant...

Rien n'indiquait que la saison 1979/80 dût être fondamentalement différente de la précédente, soldée par une bonne sixième place, en milieu de tableau. L'effectif est resté le même, la préparation a également lieu en France (à Morzine ce coup-ci), la principale modification concerne la formule de championnat. Après deux saisons en poule unique, la LNB revient en effet à sa formule traditionnelle, en deux poules géographiques. Et il faut terminer dans les deux premiers de son groupe pour jouer le tour de promotion. Pas une mince affaire quand on sait que l'adversaire principal des Fribourgeois s'appelle Sierre, qu'il vient tout juste d'être relégué de LNA, et qu'il a engagé un monument du hockey en la personne de Jacques Lemaire, qui reste sur quatre Coupes Stanley consécutives avec les Canadiens de Montréal - et en a remporté huit au total - lorsqu'il débarque en LNB suisse, où il tourne évidemment à un but par match.

Les affrontements face à Sierre sont particulièrement tendus, voire musclés puisque le nez de Jean Lussier est cassé dans le dernier, et Fribourg en perd trois sur quatre. Mais les Sierrois n'ont pas tenu la pression causée par l'arrivée de Lemaire et ont laissé trop de points en route. Ils comptent cinq points de retard sur Fribourg et huit sur Villars à l'heure des comptes. Ces deux équipes accèdent donc au tour de promotion où l'étiquette de favori est cette fois apposée sur Zurich, qui a un point d'avance en se rendant aux Augustins pour la dernière journée. Mais ce 4 mars 1980, le système de Gaston Pelletier est parfaitement en place, les joueurs sont disciplinés et le gardien "Robelon" Meuwly ne laisse rien passer. Solides et confiants dans leur jeu, les Fribourgeois atomisent le ZSC 6-0 et s'ouvrent les portes de la LNA.

La relégation en 1ère ligue, loin de détruire le club, lui a permis au contraire de mieux rebondir et d'accéder au Graal qu'il avait souvent frôlé mais jamais atteint. C'est après un retour aux sources qu'ont pour naître de nouvelles ambitions, et maintenant l'envie est grande de découvrir l'élite. Non, Fribourg n'a pas perdu son Gottéron, et le nom conservé dans le cœur des supporters fera bientôt sa réapparition officielle. Car c'est sous le nom de HC Fribourg-Gottéron que le club effectuera sa première saison de LNA...

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