Amiens

 

Localisation : ville française de 140 000 habitants, située en Picardie, à 150 km au nord de Paris. Préfecture de la Somme, Amiens est célèbre pour sa cathédrale gothique.

Nom du club : Hockey Club Amiens Somme (Amiens Sporting Club jusqu'en 1990).

Fondation du club : 1967.

Couleurs : Rouge et noir (Blanc à parements rouges et bleus jusqu'en 1990).

Surnom : les Gothiques (les Écureuils jusqu'en 1990).

Palmarès :

- Champion de France 1999, 2004

- Vice-champion de France 1990, 1997, 1998, 2003

 

Avec l'inauguration de la patinoire d'Amiens à l'automne 1967 commença l'histoire du hockey sur glace amiénois. Autour du premier président Jack Renel, des hommes de bonne volonté, Yves Brasseur, Julien Burnay, Jean Désérable, Jean Goupil, Jacques Mandrin, Jean Dailly, et quelques autres malheureusement oubliés, ont créé la section sports de glace de l'Amiens Sporting Club à l'automne 1967, aussitôt la piste ouverte. C'est à ces pionniers, dont certains n'ont pas eu la chance de voir le formidable engouement actuel, que cette page est dédiée.

Un siècle plus tôt, Charles Tellier découvrait le moyen de produire du froid. C'est donc un peu grâce à un Amiénois, que les patinoires artificielles existent aujourd'hui, et que le hockey moderne a pu se développer.

Sans autre expérience que celle de quelques valeureux passionnés qui pratiquaient quand le gel saisissait la Hotoie, la ville picarde allait découvrir le hockey au sein de l'ASC. Grâce surtout à Jean Goupil, cadre de l'usine Philips d'Amiens, à Patrice Pourtanel (capitaine-assistant de l'équipe de France de l'époque), et Michel Abravanel, tous deux alors étudiants à l'école supérieure de commerce d'Amiens, à Gérard Faucomprez, un autre joueur de l'équipe de France, et à Lucien Momer, délégués par la Fédération, les Amiénois s'initiaient aux joies du palet.

Les deux premières saisons furent consacrées à la découverte du patinage, des rudiments de maniement de la crosse et du palet. Les dirigeants du club, notamment Jack Renel, Yves Brasseur et Julien Burnay, avaient décidé de consacrer tous les efforts à la formation de jeunes. Pas d'équipe senior donc, sauf un noyau de quelques "accros" qui "mangeaient" de la glace lorsqu'on voulait bien la leur laisser. La première équipe dirigée par Jean Goupil en 1969/70 était composée du gardien Francis Lefèvre, des arrières Jean-Pierre Batut, Michel Delarche, François Désérable, Jan Hartmann et Daniel Henriet, ainsi que des avants Laurent Brécy (capitaine), Jean-Philippe Brécy, Rémi Camors, François-Régis Cuminal, François de la Simone, Douchet, Jean Dupuis-Cuny, Didier Gatineau, Daniel Le Dour, Gilles et Olivier Mercier, Lucien Momer et Philippe Panier.

Les poussins deviennent la locomotive du club

À la rentrée 1970, Jack Renel (décédé en mars 1994) et Yves Brasseur (décédé en décembre 1996) avaient décidé de créer une école de hockey, placée sous la responsabilité de François Désérable et François-Régis Cuminal, pour permettre aux plus petits de découvrir le hockey.

L'année suivante, la FFSG créait un championnat poussin, pour les enfants de 10 et 11 ans. Dans l'indifférence totale, une équipe était constituée, sous la direction de François Désérable. Dans le même temps, le club faisait appel à son premier technicien canadien, Jean-Roch Dufour pour encadrer les équipes benjamin, minime, cadet et pour jouer avec l'équipe senior en deuxième série.

À la stupeur générale, en mars 1972, l'équipe poussin devenait championne de France en battant Megève. On ne savait pas alors qu'elle allait être le ferment du développement d'Amiens. Avec comme capitaine un certain Antoine Richer qui allait devenir une des grandes figures du hockey français, avec Dominique Testu, Cyrille Hartmann, Xavier et Philippe Désérable, le gardien Frédéric Mandrin, William Fourdrain, Denis Sgarban, Robin Dauphin, Éric Guillaume, Jean-François Gobe ou encore Alain Moitrier, l'équipe poussin d'Amiens faisait figure d'épouvantail. François Richer ne participait pas à cette finale, victime d'une fracture du bras à l'échauffement.

Les poussins d'Amiens, demeurant presque tous dans cette catégorie, renouvelèrent leur performance en 1973, toujours sous la direction de François Désérable.

L'équipe minime, dirigée par Daniel Lapierre qui avait remplacé Jean-Roch Dufour, pointait en finale de coupe de France contre Gap, à Châlons-sur-Marne. La défaite était courte et les joueurs allaient puiser là une expérience importante pour l'année suivante, en cadet.

Avec l'aide de Daniel Lapierre, les seniors disputaient un honorable championnat de la ligue du Nord, se qualifiant même pour les quarts de finale nationaux. Mais ils n'iront pas plus loin, sévèrement défaits par Metz. Jack Renel laissait la présidence du club à Yves Brasseur qui s'entourait de dirigeants comme Julien Burnay, Jacques Mandrin (décédé en février 1994), Jean et François Désérable.

Victime d'une supercherie

Pour la saison 73-74, nouveau changement d'entraîneur, Daniel Lapierre laissant la place à Philippe Duval, un Franco-Canadien. Mais un problème familial rappelait Duval outre-Atlantique au début de l'année 1974, laissant François Désérable seul à l'entraînement. Les benjamins, qualifiés en finale contre Saint-Gervais, s'inclinaient sur la glace. Des années plus tard, François Désérable découvrait une supercherie des montagnards qui avaient fait jouer un minime, évidemment le meilleur, Michel Petit-Jean, avec une licence benjamin. Lorsque le subterfuge fut révélé à l'assemblée générale des clubs de juin 1983 à Megève, la FFSG redonna le titre aux Amiénois sur tapis vert... mais ex-æquo avec Saint-Gervais.

L'équipe cadet avait fait un très beau parcours sous la direction de Philippe Duval ; avec des joueurs aussi talentueux qu'indisciplinés comme Hervé Petit, Christophe Caron, Pascal Waroquet, Pierre Goupil, Pascal Henriet, François Leroux, Marc Bertin-Boussu, Jean-Marc Pillot (décédé le 24 janvier 1997), les cadets se qualifiaient en quart de finale contre Épinal après un déplacement folklorique, passaient Viry-Châtillon de justesse en demi finale, et, défiant tous les pronostics, éliminaient Gap en finale, avec comme coach un garçon à peine plus âgé, un junior, Reynald Guillaume.

Deux titres de champion de France pour un petit club de province, la surprise était grande. Et puis, l'équipe benjamin emmenée par Antoine Richer avait pu vivre une expérience exceptionnelle en participant au quinzième tournoi international Pee-wee de Québec, devant plus de dix mille spectateurs.

Pour 1974-75, le club changea à nouveau d'entraîneur en l'absence de François Désérable retenu au service militaire. Michel Hénault tint seul le sifflet des entraînements. Ce solide Québécois, renforçant l'équipe senior, fit frémir par sa puissance toute la ligue du Nord. L'équipe senior se qualifiait facilement pour la phase finale, et obtenait son billet pour la nationale B. En six saisons de 2è série, les seniors avaient disputé seulement 38 matches de championnat. Chez les jeunes, ce fut disette. Aucune place en finale nationale.

Un petit Canadien nommé Dave Henderson

Avec une équipe en nationale B, Yves Brasseur, assisté de Jean Moitrier, souhaita donner un plus aux seniors. S'étant mis d'accord avec Philippe Duval et Michel Hénault pour qu'ils reviennent tous deux, il vit arriver en septembre 1975 un petit Canadien qui ne parlait alors pas un mot de français mais qui allait marquer considérablement le club, Dave Henderson.

Les débuts en nationale B furent laborieux : après une longue série de défaites, Amiens signait quelques victoires surprenantes, contre Caen et surtout contre Tours qui fut champion cette année-là. Amiens obtenait une honorable cinquième place (sur neuf).

Antoine Richer et les minimes s'inclinaient à nouveau en finale contre Saint-Gervais, victimes de la même tricherie qui sera rectifiée plus tard. Ils prendront leur revanche en remportant la coupe de France 76 contre la même équipe.

Le club fut endeuillé par le décès de Jean Moitier, président de la section hockey, le 18 octobre 1977. M. de Froberville fut alors nommé pour assurer la succession. Toujours avec Dave Henderson aux commandes, Amiens s'était entre-temps installé au milieu du classement de la nationale B, septième en 1977 comme en 1978.

Mais les jeunes restaient une priorité. L'équipe cadet obtenait une modeste quatrième place en finale 77, où allait éclater un nouveau surdoué, Jean-Paul Farcy, gagnant une place l'année suivante, tandis que surgissait une nouvelle génération de joueurs talentueux qui obtenaient la médaille de bronze en minime, avec François Richer, Christophe Moyon, Stéphane Berton, Henri Cousin, Guy de Froberville, Marc Leroux, Jean-Luc Douillet, Frédéric Allemand, Éric Quezin, etc.

1978 apportait une autre satisfaction avec une troisième médaille de bronze, en junior.

Un petit coup d'accélérateur apporta en 1979 une troisième place inattendue en nationale B derrière Caen et Lyon, et la victoire dans le critérium national. Les juniors gagnaient une place, l'argent, n'étant battus par Gap qu'au goal-average. Les cadets conservaient leur troisième place.

1980 donna à Amiens son premier grand titre, en junior. Les cadets glissaient à la quatrième place, tandis que l'équipe première conservait sa médaille de bronze.

L'accession à l'élite

L'équipe 1 était toujours en bronze en 1981, tandis que l'équipe junior, très rajeunie, ramenait aussi le bronze comme l'année suivante. Pour les seniors, ce fut un peu une déception car Amiens espérait bien aller plus loin, avec le renfort de Gord et Ron Armstrong. Dave Henderson, marié à une Française, avait obtenu sa naturalisation, et avait aussitôt été sélectionné avec l'équipe de France aux championnats du monde à Pékin où il allait marquer deux buts. Mais les Amiénois étaient devancés par Meudon, une équipe formée des anciens joueurs des Français Volants (qui avaient arrêté leur équipe senior) qui déclara forfait pour le barrage de promotion...

Cela déclencha un mouvement de frustration chez les Amiénois et des envies de départ. L'ancien international junior Dominique Brasseur ne parvenait pas à trouver d'autre club à temps, mais pour ce qui est des deux meilleurs espoirs du club, Antoine Richer était transféré à Tours et Jean-Paul Farcy prêté à Grenoble. L'un et l'autre étaient déjà en équipe de France et voulaient jouer en nationale A pour progresser. Pour compenser leur absence, le club recrutait un gardien franco-canadien, Patrick Marchand, et surtout un défenseur jeune mais déjà expérimenté, Dave Archambault, qui n'avait pas réussi à se faire une place dans l'équipe des Edmonton Oilers de Wayne Gretzky. Ce fut l'année folle avec le titre de champion de France Nationale B 1982 et l'accession à l'élite du hockey français. Les gradins d'une capacité théorique de huit cents places, qui étaient déjà pleins à chaque match depuis un an, disparurent sous plus de 2200 personnes le 6 mars, jour de la finale contre Briançon.

Toujours sous direction canadienne

À un an de la retraite, après cinq années de succès à la tête du club, Julien Burnay ne voulait pas quitter ses fonctions de direction de la patinoire sans assurer au préalable la transition de la présidence. François Désérable lui succéda, épaulé par Christophe Ziéba puis par Jean-Marie Quintard.

Avec l'accession en nationale A, Amiens découvrait une nouvelle dimension du hockey. Le club était totalement amateur, et seul l'entraîneur et le joueur étranger étaient rémunérés, les autres touchant de faibles primes de match. Pascal Waroquet, chirurgien-dentiste de son état, capitaine de l'équipe et doyen de la défense à 24 ans (!), annonçait : "Depuis trois ans, on était l'équipe à battre, il ne fallait pas décevoir. Aujourd'hui, on n'a rien à perdre, car on ne pourra pas rivaliser avec certaines équipes savoyardes... Moi, j'en profiterai pour faire un peu de ski."

Les frères Armstrong étant retournés chez eux, Amiens fit venir un défenseur américain de Boston, Mike Toppazzini (qui remplaça l'imposant Archambault reparti pour raisons familiales et professionnelles), récupéra Jean-Paul Farcy (mais pas Richer que Tours ne voulait pas rendre), alors que Dave Henderson assurait l'entraînement. Pour cette équipe extrêmement jeune, où seuls six joueurs avaient plus de vingt-trois ans, la tâche était difficile. Le vent de la descente souffla tout au long de la saison mais l'équipe se maintint en terminant onzième sur douze.

Un défenseur canadien, ancien pro de la NHL, Larry Sacharuk, fut le renfort étranger de l'année suivante, tandis que Jean-Paul Farcy retournait à Grenoble. Amiens signait un excellent gardien, Frédéric Malletroit, et poursuivait sa politique de formation de joueurs locaux, avec Frédéric Allemand, Philippe Cagnart, Olivier Jacob, Cyrille de Herrypon, Jean-Marc Pillot et Arnaud Ziéba. Mêmes moyens, même galère, aggravée par l'abandon de poste de Larry Sacharuk en cours de saison, même classement, la onzième place. Mais deux satisfactions, avec les troisièmes places nationales en benjamin et en junior.

Devant les difficultés, le club décida d'abandonner la technique de l'entraîneur-joueur. Dave Henderson ayant décidé de retourner au Canada, c'est en Suède qu'Amiens trouva son entraîneur, un Canadien toujours, George Tower, qui fit venir le premier renfort suédois vu en France, Thomas Moorehed. Avec le retour des deux anciens Amiénois, Dominique Brasseur et Robin Dauphin et la venue de deux jeunes, Marc Leroux de Dunkerque et Thierry Ouzelet d'Épinal, l'équipe se structura et récupéra en cours de saison Dave Henderson qui avait le mal du pays picard. La rigueur de George Tower porta ses fruits, avec une neuvième position et beaucoup d'espoirs pour l'avenir. Un pointage sur les dix dernières années plaçait Amiens au quatrième rang des clubs formateurs en France.

Les premiers podiums

C'est du Japon qu'Amiens fit venir son nouvel entraîneur, mais toujours canadien, Gaetan Clavet. Deux recrues seulement, Éric Mindjimba et Michel Galarneau comme joueur étranger, venant de la NHL (Hartford) en passant par Eindhoven. Après un début de saison 1985/86 en demi-teinte, l'équipe se qualifiait in extremis, contre Grenoble, pour la phase finale. Et là, avec une redoutable efficacité, elle fit tomber en Picardie les deux épouvantails Paris et Saint-Gervais et remonta jusqu'à la troisième place derrière les intouchables. Amiens était désormais un grand du hockey français.

La Nationale A fut réduite à dix équipes en 1986-87, avec le droit à deux joueurs étrangers. Michel Galarneau étant resté à la satisfaction de tous, Amiens recruta un autre attaquant, Greg Gravel, et renforça sa défense avec deux arrières de Saint-Gervais, Benoît Nicoud et François Dusseau. Une fois de plus, le poste d'entraîneur changeait, au profit d'un homme aux qualités de coach, Jean Bégin (qui sera malheureusement condamné pour attentat à la pudeur et agression sexuelle sur mineur deux ans plus tard au Québec).

Amiens réussit une belle saison, s'affichant à la quatrième place finale. Après cinq années de présidence, François Désérable souhaitait prendre du recul. Claude Studer lui succéda, mais garda auprès de lui Jean-Marie Quintard à la vice-présidence. La rotation d'entraîneur étant inscrite dans les faits, Amiens fit appel à un technicien pur, Yvon Gingras, pour la saison 1987-88. L'expérience tourna court. Le club s'était renforcé avec la venue de deux Franco-Canadiens, Sylvain Beauchamp, un buteur d'instinct, et Luc Marengère. Michel Galarneau restant le pilier comme joueur étranger, Amiens recruta un défenseur, Gaëtan Pélissier, élu trois fois de suite dans l'équipe-étoile du circuit universitaire canadien. Les turbulences de l'entraînement furent défavorables aux résultats, l'équipe finissant à la septième place, même pas qualifiée pour la phase finale. Néanmoins, la réserve amiénoise allait se signaler, remportant le championnat de Nationale 3 et accédant ainsi à la Nationale 2.

Jean-Marie Quintard allait organiser une nouvelle équipe pour l'année suivante. Se souvenant des qualités de George Tower, il le fit revenir à la tête de l'équipe. Michel Galarneau restait à Amiens dans l'attente de sa naturalisation. Pour compléter l'équipe, deux nouveaux Franco-Canadiens, Louis Côté en défense et Stéphane Lessard, un joueur rattrapé par le fisc pour impôts impayés lors de son passage à Saint-Gervais, à l'attaque. Mais surtout, l'innovation vint de l'est avec la venue de deux Soviétiques, le défenseur Vladimir Zubkov, ancien champion d'Europe avec le CSKA Moscou, et l'attaquant Vladimir Lubkin, capitaine du Dynamo Riga. Le jeune président Quintard expliqua ainsi les circonstances de leur arrivée : "Notre ancien entraîneur Clavet avait appris au Japon que les les Soviétiques étaient disposés à s'ouvrir à l'Europe de l'ouest. Nous avons alors contacté le Comité des sports à Moscou par le truchement du comité France-URSS à Paris, en 1987. Pas de réponse pendant des mois ! Et puis brusquement, début septembre 1988, un télégramme : vos deux joueurs arrivent après-demain à Roissu par tel vol ! M. Rogatchev, attaché à l'ambassade d'URSS à Paris pour le sport et le cinéma depuis un an, était passé par là..."

Avec cette équipe fantastique, Amiens pointait dans le groupe de tête du championnat 1988-89. En demi-finale contre le nouveau favori Rouen, après trois matches d'une intensité jamais atteinte (prolongations et tirs au but), Amiens obtenait le ticket pour la finale mais s'y inclinait devant les Français Volants de Paris.

Jean-Marie Quintard avait, entre temps, laissé à André Candas - alias "Monsieur Météo" - les rênes du hockey. Celui-ci conserva la même ossature l'année suivante y compris le fidèle entre tous, le dirigeant d'équipe Georges Fauquant, décédé le 16 février 1999. Amiens signait l'international Pierre Pousse et enregistrait le retour d'Antoine Richer après huit ans d'absence ; son frère, François, quittait le club pour Reims, en même temps que Christophe Moyon et Thierry Ouzelet. Mais peu avant le début de saison, Stéphane Lessard rejoignait son ami Roch Voisine (ancien hockeyeur avant qu'il n'interrompe sa carrière à cause d'une blessure au genou), qui commençait à percer au Québec, pour faire valoir ses talents d'auteur. "J'ai une opportunité formidable, et depuis que je l'ai appris, je n'arrive plus à dormir. C'est un truc que j'attends depuis huit ans, je ne pouvais pas dire non. Ce qui m'embête, c'est que ça arrive à quinze jours du championnat. Je ne voulais pas partir comme un sauvage, j'aurais pu prendre l'avion sans rien dire à personne mais moi je ne suis pas comme Aubry (ex-Chamonix)", annonce-t-il en lâchant le club. Ses ex-coéquipiers comprendront mieux ce départ l'été suivant en entendant le tube Hélène déferler sur la France. Amiens a toujours une grosse équipe, et le résultat en 1989/90 est à peine inférieur, avec une troisième place.

Dépôt de bilan "blanc"

Les finances du club étaient fragiles depuis longtemps ; ce n'est qu'à l'été 90, avec la démission du président Studer que l'ampleur du problème apparut. Non sans courage, Jean-Marie Quintard fut le seul à rester aux commandes et parvint à maintenir le club. D'audit en expertise, le déficit passait à près de huit millions et le dépôt de bilan devenait inévitable. Fin novembre, l'Amiens Sporting Club disparaissait. Mais les maux du hockey français étaient alors si profonds qu'il continua alors le championnat comme si de rien n'était.

Le championnat avait repris, à huit équipes, avec pour Amiens une équipe légèrement remaniée par les départs de Pierre Pousse et Sylvain Beauchamp à Briançon, et les arrivées de Patrick Dunn, un Franco-Canadien, et Petr Nachtigal, un Franco-Tchèque. La situation délicate du club n'était pas propice et malgré quelques succès, Amiens restait dans la deuxième moitié du tableau.

Début janvier 1991, avec l'aide de la ville d'Amiens, du Conseil Général de la Somme et de nouveaux sponsors, naissait le HCAS, Hockey Club Amiens Somme, qui reprenait le flambeau. Le nouveau club était maintenant détaché du patinage artistique et de la danse sur glace. Un comité provisoire présidé par Jean-Marie Quintard allait gérer le club et le mettre sur rails. La saison régulière s'achevait avec une petite sixième place, et Amiens échouait en quart de finale contre Grenoble, le futur champion.

Avec un budget très encadré, le HCAS s'organisait en faisant confiance aux joueurs locaux. Dave Henderson, après seize années, raccrochait ses patins de joueur et prenait le sifflet d'entraîneur. Abandon de la filière soviétique et retour à la tradition canadienne avec l'arrivée du défenseur Dave Reierson, un ancien "olympique" canadien, et de l'attaquant Garry Yaremchuk. Pour corser l'attaque, le pur buteur Roger Dubé, Canadien naturalisé venant de Bordeaux. Il fallait bien cela pour compenser les départs de Michel Galarneau après cinq ans de fidélité et de Patrick Dunn, tous les deux pour Briançon.

Le hockey français hoquetant gravement, le championnat commençait à huit équipes, puis se réduisait à six. Amiens achevait le championnat à la cinquième place. La grande satisfaction de la saison allait être la présence d'un Amiénois, Antoine Richer, aux Jeux Olympiques d'Albertville, comme capitaine de l'équipe de France, qu'il emmena jusqu'en quart de finale.

Enfin un peu de stabilité

En juin 1992, le hockey français était effondré par les faillites de plusieurs clubs. L'Amiénois François Désérable était alors porté à la présidence du Comité National du Hockey sur Glace (CNHG). Après bien des péripéties, un championnat fut construit avec seize équipes en nationale 1. À Amiens, la sagesse guidant l'action, Jean-Marie Quintard fit de nouveau confiance à Dave Henderson qui, devint, pour la première fois en dix ans, le premier entraîneur à se succéder à lui-même. L'équipe enregistrait deux retours notables, ceux de Patrick Dunn et de Pierre Pousse qui allaient former avec Laurent Lecomte, venu de Reims, une très belle ligne d'attaque.

La première partie du championnat fut confortable avec une seule défaite à Anglet. La seconde partie laissait la part belle à Rouen, invaincu, ses trois adversaires n'étant départagés qu'à la différence de buts... et malheureusement, Amiens récoltait la quatrième place qui allait l'opposer à Rouen en demi-finale. Amiens avait alors été diminué par l'absence de Dave Reierson, victime d'une grave fracture du péroné peu avant les play-offs, qui avait été cependant remplacé par un Canadien, Gerald Bzdel. À Rouen, une victoire en prolongation, suivie d'une défaite, laissait tout espoir, entretenu par une nouvelle victoire à domicile, puis une autre défaite. Ce n'est qu'à la cinquième joute que Rouen fit la différence. Amiens jouait alors le lot de consolation contre Reims, éliminé lui aussi en cinq manches par Chamonix. Et les "Gothiques", nouveau surnom du club désormais paré de rouge et noir, purent mettre autour du cou la médaille de bronze.

Au niveau international, cinq Amiénois vêtirent le maillot tricolore. Antoine Richer bien sûr qui fut honoré pour sa 300ème sélection, un record, Pat Dunn, Pierre Pousse, Christophe Moyon et Roger Dubé. Les trois premiers disputèrent le championnat du monde du groupe A, à Dortmund et Munich. Chez les jeunes, un cadet commence à faire parler de lui, Rémi Caillou, qui garde aussi les buts de l'équipe de France des moins de seize ans.

La saison 1993/94 est annoncée comme la dernière sur la petite glace de la petite patinoire Pierre de Coubertin. Les travaux de la nouvelle patinoire commencent réellement à l'automne 1993, après une année de fouilles archéologiques.

Les recrues de l'équipe première sont Gérald Guennelon, de Chamonix d'où vient aussi Bertrand Pousse, le frère de Pierre, Éric Blais de Saint-Gervais et Frédéric Nilly de Dunkerque. La première partie du championnat est remportée haut la main, les choses sérieuses ne débutant vraiment qu'en mars. Mais, juste avant, Amiens connaît la fierté de voir quatre de ses joueurs disputer les XVIIèmes Jeux Olympiques à Lillehammer : Antoine Richer, capitaine des tricolores, Christophe Moyon, Pierre Pousse et Gérald Guennelon. Sans Richer qui revient blessé, la deuxième partie du championnat est conforme aux pronostics, avec une deuxième place juste derrière Rouen. Las, en demi-finale, Amiens s'incline devant Chamonix et devra se contenter de la troisième place en battant Angers.

Coliséum, l'attente valait le coup

Déception en fin de saison : la nouvelle patinoire ne sera pas disponible avant la fin de la saison suivante. Contraint à l'attente, le club maintenait une équipe de transition pour la saison 1994/95. Les dirigeants rappelaient Vladimir Zoubkov au poste d'entraîneur-joueur. À noter la création d'une équipe féminine.

La création d'une division élite à huit clubs, avec trois étrangers et un nombre illimité de joueurs originaires de la CEE, modifiait les données du championnat. Amiens faisait appel à deux attaquants québécois, Karl Boudreau et Sébastien Laplante pour suppléer les départs de Roger Dubé pour Brest et de Pat Dunn pour Rouen. Karl Dewolf, de Reims, remplaçait Gérald Guennelon parti à Grenoble avec Éric Blais. Le départ prématuré de Sébastien Laplante entraîne l'arrivée d'un Finlandais, Tommi Kiiski.

Les Amiénois allaient devoir lancer réellement au jeu des jeunes joueurs comme Sébastien Flament, Alexandre Kalisa, Florent Quarante, Vincent Quintard, Christophe Carrencotte. Ils terminent sixième de la phase régulière et chute en quart de finale contre Chamonix, malgré l'exploit de son gardien, Antoine Mindjimba, qui marquera un but ! L'équipe ne joue plus que pour la cinquième place, perdue contre toute attente face à Viry pour son dernier match dans la "vieille" patinoire.

On croit alors que le dernier but marqué pour Amiens dans l'ancienne patinoire est l'œuvre de Dave Henderson avec l'équipe réserve, lui permettant de se maintenir en deuxième division. Mais il n'en sera rien.

Le club était prêt à prendre possession de la nouvelle patinoire, lorsque, en plein été, une, puis deux et trois vitres de la toiture de la patinoire ont explosé. Sagement, la municipalité refusait la réception du bâtiment. Le club devait alors trouver des solutions de remplacement, à Valenciennes et surtout à Compiègne. Ces conditions d'entraînement difficiles étaient acceptées dans la bonne humeur. Cela pouvait paraître surprenant, surtout pour les nouveaux, Pavel Kadykov, un attaquant russe venant de Slovénie, Serge Djelloul, arrière international venant de Grenoble, Stéphane Barin, attaquant international venant de Chamonix, et Michel Breistroff, arrière formé à Croix et Amiens, revenant de Harvard aux États-Unis où il a mené ses études.

Le début du championnat est difficile, jusqu'au moment où les Gothiques retrouvent l'ancienne patinoire, ouverte sur l'extérieure et toute de jaune repeinte. Un écrin de luminosité.

Un mois plus tard, l'équipe sort pour la première fois de son vestiaire sur la gauche, vers la grande patinoire. Un joyau de trois mille places assises, un chaudron rouge et bleu, baptisé le Coliseum. Le public se presse, l'atmosphère est enflammée, et tous les matches font le plein.

Le règlement permettant le recrutement d'un "joker", le club ne se trompe pas et engage Evgueni Davydov, qui emmènera Amiens en demi-finale grâce à un but marqué contre Chamonix en prolongation du cinquième match. La star russe faut un passage bref mais laisse un souvenir impérissable, même s'il ne permet pas à Amiens de passer l'obstacle Brest en demi-finale. Malgré le succès de la nouvelle patinoire, la saison s'achève en demi teinte à cause du divorce avec l'entraîneur Zoubkov, de la fuite des internationaux Djelloul, Barin, Breistroff attirés pas les charmes allemands ou autrichiens du fait de la libéralisation européenne, et de la relégation de l'équipe réserve en division 3.

Finale pour une saison endeuillée

L'intersaison est brutalement endeuillée par la disparition tragique de Michel Breistroff, victime de l'explosion du Boeing de la TWA, au large de New York, le 18 juillet 1996.

"À Amiens, on y revient". Pour illustrer cet adage, le club rappelle, une énième fois, son entraîneur emblématique Dave Henderson. Avec lui, on rappelle le Canadien Dave Reierson après trois saisons en Allemagne.

Pour compléter, deux joueurs de Viry, le défenseur néerlandais Leo Van Den Thillart et l'attaquant Olivier Duclos, deux joueurs de Chamonix, les attaquants Alain Beaule et Laurent Gras, un nouveau Dunkerquois, le défenseur Grégory Dubois, et deux attaquants canadiens, Martin Saint-Amour et Steve Cadieux.

En avant-saison, l'équipe signe une performance exceptionnelle, une victoire contre le Dynamo de Moscou (1-0) sur un but de Laurent Gras. Mais le championnat commence moyennement. N'ayant pas justifié leur réputation, les deux attaquants canadiens quittent vite le groupe, et sont remplacés par Patrick Deraspe, canadien, et Kari-Pekka Friman, un ancien défenseur international finlandais. Quelques semaines plus tard, l'équipe est complétée avec un attaquant ukrainien, Ramil Yuldashev. L'équipe achève l'année 1996 à la cinquième place. Elle commence la seconde partie du championnat en fanfare, caracolant en tête, et ne cédant que sur ses deux derniers matches.

La deuxième position acquise place l'équipe idéalement en "play-off". Viry est balayé en quart de finale. En demi-finale, Reims fait illusion en remportant, à Amiens, la première joute, mais succombe ensuite trois fois, notamment, lors du troisième match, à la deuxième série de tirs au but sur une réalisation de Laurent Lecomte. Au dernier match, Amiens étripe Reims, 6-1, dans une ambiance extraordinaire, et se qualifie, pour la deuxième fois de son histoire, en finale du championnat de France. Mais l'armada européenne de Brest est vraiment trop forte, et les Gothiques s'inclinent en trois matches magnifiques. La fête fut belle et rendez-vous à l'année prochaine, avec, pour la première fois dans l'histoire du club, une participation à une compétition européenne officielle.

Mais le club est encore dans la peine, avec les disparitions de Yves Brasseur, ancien président du club, de Jean-Marc Pillot, ancien de l'équipe première, qui s'effondre sur la glace, et de Raymond Dewas, supporter de toujours, qui s'éteint, à 95 ans...

François Désérable

 

 

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