Riikka Nieminen (épouse Välilä puis Sallinen)

 

"Je dis souvent aux plus jeunes : si j'ai pu m'améliorer à cet âge, alors le ciel est votre seule limite."

Éducation conditionnée par le sport

Hanna-Riikka Nieminen, prénommée communément Riikka, est née le 12 juin 1973 à Jyväskylä, la principale ville de Finlande-Centrale qui compte 140 000 habitants. À l'âge de deux ans, elle chausse déjà les patins. La petite fille sera alors très vite influencée par ses grands frères, Lasse et Juha, qui sont très sportifs. Le hockey sur glace fait évidemment partie des principales activités, mais également le pesäpallo, une forme de baseball extrêmement populaire en Finlande. "À Jyväskylä, toutes les filles et tous les garçons jouaient au pesäpallo à cette époque. Les garçons y jouaient en été, puis au hockey sur glace en hiver. Lasse a ensuite arrêté le pesäpallo et s'est concentré sur le hockey. Jussi a pris le chemin inverse, il a arrêté le hockey et s'est concentré sur le pesäpallo."

Les garçons ont semble-t-il fait le bon choix. Lasse Nieminen jouera près de 500 matchs de saison régulière en Liiga, exclusivement avec le grand club local, le JYP Jyväskylä, avec deux médailles d'argent à la clef. Juha atteindra avec son équipe de pesäpallo la finale de Superpesis (la ligue référence en Finlande) à douze reprises.

Riikka commence réellement le hockey à l'âge de sept ans. Jusqu'à ses douze ans, elle joue avec les garçons, le JYP Jyväskylä n'alignant pas d'équipe féminine. Les sections pour les filles sont encore très rares au début des années 1980. Elle alterne ensuite avec le bandy (un dérivé du hockey joué sur un terrain en extérieur très populaire dans les pays nordiques), le bowling, le basket. Et donc le fameux pesäpallo, discipline dans laquelle elle brille. Comme son frère Juha, elle évoluera en Superpesis, dès l'âge de 14 ans en 1988. Un an plus tard, elle remportera le championnat finlandais, elle sera élue meilleure joueuse de Finlande à trois reprises. Le basket la passionne également, attachant beaucoup d'importance à la lecture du jeu et aux schémas tactiques propres à cette discipline.

À vrai dire, elle devient une sportive très complète dès l'adolescence, conséquence des recommandations de son père qui souhaitait la voir pratiquer plusieurs disciplines, et pour qui l'avenir dans le hockey féminin ne pouvait être qu'une impasse. Elle gagnera vingt médailles dans les championnats finlandais, toutes disciplines confondues.

Le hockey rapidement adopté

Mais la passion du hockey prend le dessus. Ses parents acceptent alors qu'elle rejoigne en 1988 un camp de détection de l'équipe nationale, le premier du genre pour le hockey féminin en Finlande. Elle est la seule provenant de Jyväskylä, la plupart venant de la capitale Helsinki. Elle fait ses gammes et laisse de bonnes impressions au staff. Par ailleurs, elle s'installe à Vantaa, juste à côté de Helsinki et à trois heures de route au sud de Jyväskylä, pour rejoindre le club local : l'EVU, Etelä-Vantaan Urheilijat, qui évolue en élite finlandaise, la SM-sarja.

Nieminen est une attaquante avec de bonnes mains qui aime créer le jeu et l'implication sans retenue, le poste de centre lui va à ravir. Avec l'EVU, elle termine deuxième meilleure marqueuse de son équipe et sixième meilleure marqueuse du championnat... à 15 ans (!), et alors qu'elle a joué deux fois moins de matchs que la plupart des joueuses. La meilleure marqueuse du club, Liisa Karikoski, a alors le double de son âge. Dès sa première saison "professionnelle", Riikka Nieminen brille sur la glace et mène son équipe au titre de championne de Finlande, aux dépens d'Ilves. Quelle entrée fracassante !

L'adolescente réalise des performances qui lui ouvrent définitivement les portes de l'équipe nationale, et de la première grande compétition féminine. En accord avec les fédérations membres, l'IIHF décide d'organiser le Championnat d'Europe féminin. La première édition a lieu en Allemagne de l'ouest en avril 1989. La jeune Riikka n'a pas encore 16 ans mais elle est déjà à l'aise avec la sélection nationale, les Naisleijonat, en inscrivant 11 points (dont 9 buts !) en 5 matchs. Et c'est ainsi que Riikka Nieminen a participé à l'obtention du premier trophée international féminin, les Lionnes suomi laminant la Suède 7-1 en finale.

Cette première internationale est un avant-goût d'une autre compétition historique : le premier Championnat du monde féminin de l'histoire organisé en mars 1990 à Ottawa. Une autre dimension. Elle se remémore auprès de Jatkoaika : "Aucune d'entre nous n'avait joué outre-Atlantique. Nous sommes arrivées dans le meilleur pays de hockey, le Canada, où tout était vraiment bien organisé. Les matchs du Canada attiraient 10 000 spectateurs, et c'était génial de jouer dans la deuxième glace des Sénateurs d'Ottawa. Nous avons pu vivre quelque chose dont nous n'aurions jamais rêvé auparavant."

La première médaille d'une longue série

Riikka Nieminen et les Finlandaises découvrent alors le jeu à la nord-américaine, plus rythmé, plus intense, plus physique. D'autant plus que, à cette époque, les mises en échec sont encore tolérées dans le hockey féminin, avant d'être par la suite proscrites. Mais les Lionnes ne se laissent pas intimider, ne cédant que d'un but face aux Américaines (en match de poule) et face au Canada (en demi-finale). Et la Finlande confirme son statut de première nation européenne du hockey féminin en obtenant la première médaille de bronze aux Mondiaux, battant la Suède 6-3 avec 2 buts et 1 assistance de la jeune Nieminen.

Deux ans plus tard, l'éclosion du talent nordique se confirme à la maison. À Tampere en avril 1992, Nieminen (qui n'a encore que 18 ans) marque 8 points dans le tournoi, le même total que des pointures comme Nancy Drolet ou France Saint-Louis. Elle figurera alors au centre de l'équipe-type du Mondial entre deux légendes en devenir, Angela James et Cammi Granato. Comble du bonheur, la Finlande arrache de nouveau le bronze, de nouveau aux dépens des Suédoises.

Il n'y a finalement pas grand chose qui sépare la Finlande des deux puissances nord-américaines. Les Naisleijonat ont un potentiel offensif important, et Riikka Nieminen en bénéficie pleinement pour se développer et enfiler les buts. Trois titres européens en trois participations, et deux autres médailles de bronze aux Mondiaux agrémentent le palmarès d'une jeune hockeyeuse qui atteint tout juste la vingtaine. Elle sera la meilleure marqueuse du Championnat d'Europe 1995 (l'avant-dernière édition avant l'extinction de cette compétition), mais aussi des Mondiaux 1994 et 1997 avec deux nouvelles nominations sur l'équipe-type. 

Une joueuse d'élite hyperactive

Dans les années 1990, Riikka Nieminen est sans doute la meilleure attaquante du monde, peut-être la meilleure joueuse de la planète. Elle sera nommée dans l'équipe-type de la décennie par The Hockey News au milieu de Manon Rhéaume, Geraldine Heaney, Tara Mounsley, Cammi Granato et Angela James. Et elle survole les compteurs dans son propre pays, terminant en 1994 et 1997 meilleure marqueuse du championnat de Finlande avec à chaque fois la médaille d'or autour du cou. Celui de 1997 a d'ailleurs une saveur particulière puisqu'elle le gagne sous le maillot du JYP de Jyväskylä, le club de son enfance, qu'elle a retrouvé après une année en Suisse et une autre à Kerava.

Parallèlement au hockey, elle s'adonne toujours à une pratique intense du sport, notamment au pesäpallo. Mais cette hyperactive du sport commence à atteindre les limites, et son corps le lui fait comprendre. Elle décide alors de se concentrer uniquement sur le hockey sur le glace, surtout qu'une échéance inédite se profile : les Jeux olympiques. "Il y avait effectivement un projet pour que les femmes jouent à Lillehammer, mais cela ne s'est pas fait. À Nagano, je n'y ai cru que lorsque nous étions sur la glace. En tout cas, c'était une très bonne chose, une expérience formidable." [Leijonat.fi]

Et les Finlandaises y brillent. Elles tombent avec les honneurs contre le Canada et les États-Unis, et déroulent contre les autres formations. En comptant 1 but et 1 passe, Riikka Nieminen contribue à une énième médaille de bronze, la première médaille olympique, aux dépens de la Chine. Avec 7 buts (dont 2 en infériorité) et 5 passes durant le tournoi, la native de Jyväskylä, alors âgée de 24 ans, termine en tête des marqueuses de ce premier tournoi olympique. Un parcours très satisfaisant des Naisleijonat qui recevront alors la visite du Great One, Wayne Gretzky, qui n'a pas encore enduré la plus grande douleur de sa carrière (l'élimination du Canada par la Tchéquie interviendra trois jours plus tard). Sa visite a marqué l'esprit de Riikka, la rencontre d'une idole depuis l'enfance, un modèle qui s'est en plus intéressé à la discipline du hockey féminin. La fête olympique de Nagano est devenue un moment à part dans sa carrière.

"Y aller [aux Jeux olympiques, NDLR] était la chose la plus cool que je n'osais imaginer à ce stade de ma carrière. Ce tournoi est, encore aujourd'hui, l'une des expériences dont je suis fière de souligner. Jouer aux JO ne me semblait pas possible à cette période-là, et puis soudain, vous y êtes. Mon nom était numéro 1 sur le tableau des meilleures marqueuses, mais le succès de l'équipe importait plus."

Désillusions jusqu'à l'extinction de la flamme

Riikka Nieminen a connu l'apothéose en 1998. Mais les années qui vont suivre seront d'une toute autre couleur. Elle a limité ses activités sportives mais à Nagano, son genou s'est montré de plus en plus capricieux. De graves dommages au niveau du cartilage l'ont rendu particulièrement fragile, l'opération est inéluctable si elle veut poursuivre sa carrière. Elle ne coupera donc pas à la chirurgie, ce qui impliquera une très longue convalescence et un forfait aux Mondiaux de 1999 - qui avaient lieu en Finlande - puis ceux de 2000 et 2001.

Elle devra patienter jusqu'aux Jeux olympiques de Salt Lake City pour retrouver les Naisleijonat. Mais si Nagano a laissé un souvenir indélébile, les JO 2002 s'avèrent particulièrement frustrants. La réhabilitation de Riikka Nieminen ne lui a pas permis de retrouver son meilleur niveau, elle ne pèse plus sur le jeu comme avant (aucun but durant le tournoi), et son équipe repart de l'Utah bredouille, perdant le bronze aux dépens de Suédoises lassées des médailles en chocolat. Nieminen qualifiera d'année noire cette année 2002.

Riikka Nieminen ressort de ce tournoi olympique éprouvée physiquement et mentalement. À cet instant, après un retour raté, elle songe sérieusement à ranger les patins. Juhanni Tamminen, qui a mené l'équipe de France masculine à un quart de finale mondial en 1995 et qui prend ses fonctions derrière le banc de la sélection finlandaise féminine après les JO, tente de l'en dissuader. Elle accepte pendant un temps. Elle s'installe en Suède pour redémarrer de zéro et renforce l'équipe du Limhamn HK.

Mais un coup du sort s'en mêle. En 2003, les Championnats du monde devaient être organisés en Chine. Mais une grave épidémie de pneumopathie, le SRAS, déclarée dans le sud de la Chine, se propage à travers le pays, notamment à Pékin. Par sécurité, l'IIHF annule cette édition. C'en est trop, le signe pour Riikka Nieminen de prendre sa retraite de hockeyeuse, après 118 sélections en équipe de Finlande et 116 matchs dans le championnat finlandais. Elle aspire désormais à une autre vie.

L'envie d'une vie normale

"J'avais 29 ans. Je n'avais fait qu'étudier et jouer au hockey. J'ai alors pensé de plus en plus à entreprendre une vie normale, comme les gens normaux. Je veux commencer à travailler et fonder une famille, je crois que c'est le bon moment. Cela me paraît être une décision plus que naturelle." [Ice Garden]

Domiciliée en Suède à Ljungby, elle termine son cursus universitaire en obtenant une Maîtrise en sciences de la santé afin d'exercer une activité de physiothérapeute. Par ailleurs, elle se marie à Mika Välilä, un Suédo-finlandais qui a connu une carrière de hockeyeur dans ses deux pays. Ensemble, ils seront parents de trois enfants : les deux garçons Emil et Elis, et une fille prénommée Helmi, tous trois futurs hockeyeurs. À cet instant, tout le monde pense que Riikka Nieminen désormais Riikka Välilä se range définitivement.

Les années passent, mais le hockey n'est jamais bien loin. Les trois enfants s'y appliquent très sérieusement et leur maman entraîne les petites filles du club local. Elle n'hésite pas à faire plusieurs centaines de kilomètres pour voir ses anciennes coéquipières de l'équipe de Finlande. En 2007, elle est nommée membre du Temple de la renommée du hockey finlandais, puis trois ans plus tard à celui de l'IIHF, honneurs suprêmes d'une hockeyeuse définitivement rangée.

Le monde du hockey n'oublie donc pas Riikka Välilä. Y compris l'équipe nationale, qui lui propose alors de devenir Manager des Naisleijonat en 2012. Elle accepte alors le poste et ce challenge. Mais elle ne se doutait peut-être pas que la proximité de la glace et des joueuses de l'équipe nationale déclencherait une vieille étincelle.

L'appel du hockey

Cela fait une décennie que Riikka Välilä a mis un terme à sa carrière de joueuse, et elle approche de la quarantaine. L'idée revenait régulièrement dans la tête, même si elle l'a souvent réfutée. Et lors d'une réunion de famille, elle évoque le sujet : et si elle revenait ? Ses proches croient à une blague, avant de comprendre que la mère de famille est sérieuse. Une blague apparente va alors devenir son plus gros challenge : redevenir une hockeyeuse de haut niveau, avec un objectif en ligne de mire, les Jeux olympiques de Sotchi.

Encouragée par sa famille, elle souhaite néanmoins garder le secret pendant un temps, histoire de s'assurer d'une condition physique acceptable pour prétendre à un come-back. Elle prend contact avec Erkki Sääkslahti, un ami qui a été son préparateur physique entre 1993 et 2003. Ce premier objectif ne sera toutefois pas bien difficile à atteindre pour cette travailleuse acharnée dépendante au sport, qui a conservé une hygiène de vie irréprochable malgré trois grossesses.

La manager de l'équipe de Finlande évoque alors le sujet avec l'entraîneur des Naisleijonat de l'époque, Mika Pieniniemi, c'était lors des Mondiaux 2013 à Ottawa. Celui-ci raconte à The Sport Review : "Il nous restait un match contre la Suède, il me semble, je ne me souviens plus vraiment. Nous avions une réunion d'équipe, elle s'est approchée de moi et m'a dit : Mika, je veux jouer. J'ai rigolé. Et puis je lui ai dit de prendre des gants et d'y aller.

Sotchi, rendez-vous manqué

Le défi est lancé et maintenant annoncé. La supermaman, qui dit se sentir aussi bien qu'il y a dix ans, contacte son ancienne coéquipière et amie Katja Lehto, alors manager de la section féminine du JYP Jyväskylä. Lehto l'accueille alors à bras ouverts. Le succès est immédiat avec 35 points en 21 matchs de championnat... des performances plus qu'honorables après dix ans d'absence ! Il est alors évident pour Pieniniemi que l'ex-manager de l'équipe nationale (!) a retrouvé son niveau international, et qu'elle peut redevenir une pièce maîtresse des Lionnes. Après plusieurs matchs amicaux convaincants (dont un but gagnant à son premier match), Pieniniemi la retient pour les Jeux olympiques de Sotchi.

Avec leur doyenne quarantenaire, les Finlandaises arrivent à Sotchi particulièrement confiantes, invaincues dans le temps réglementaire en 13 matchs face aux nations européennes durant cette saison 2013-2014. Mais l'olympiade 2014 tourne au désastre. La Finlande se fait éliminer par la Suède, une nation qu'elle avait l'habitude de battre auparavant, et n'atteint pas le top-4 mondial pour la première fois de son histoire. Välilä inscrit 5 points en 6 matchs mais quitte la Russie avec une frustration identique à celle de Salt Lake City en 2002. C'est pour elle un constat d'échec.

La déception est grande mais les Naisleijonat et Riikka Välilä vont entamer un nouveau cycle, sous les ordres de Pasi Mustonen. Un nouvel entraîneur qui permettra aux joueuses finlandaises de changer littéralement de dimension.

Après Sotchi, les Finlandaises rectifient le tir en obtenant la médaille de bronze aux Mondiaux de Malmö en 2015 puis à ceux de Plymouth en 2017. L'insatiable travailleuse Välilä tient toujours un rôle-clef lors de ces succès, même si elle n'a plus les mêmes aptitudes qu'à 20 ans. Toujours très impliquée dans le jeu, elle est aussi une cadre respectée, "une leader intellectuelle" comme la définit le coach Pasi Mustonen. Mustonen a d'ailleurs de grandes exigences pour ses joueuses, il accentue leur patinage et et leur intensité, ce qui n'est pas pour déplaire à Riikka Välilä, peu encline à rester sur ses acquis et toujours prête à repousser ses limites, même à plus de 40 ans.

Välilä obtient également beaucoup de succès en championnat. Avec le club de sa ville natale, le JYP Jyväskylä, elle atteint deux fois la finale. Celle de 2016 se terminera avec le titre entre les mains mais aussi avec l'honneur d'être élue meilleure joueuse des playoffs en ayant marqué 10 points en 6 matchs, dont 3 buts durant la série finale. À 43 ans, la championne de Finlande épate par son standing, sa solidité, sa détermination et son leadership. Elle obtient des surnoms comme "Superwoman", "Ironwoman" ou "Super-Riikka".

Elle doit néanmoins dire adieu au club du JYP, dont la section féminine est dissoute. Elle retournera dans son "deuxième pays", la Suède. Le choix est tout trouvé : le HV71, où évoluent deux bonnes amies à elle, Rosa Lindstedt et Sanni Hakala. L'organisation de Jönköking veut également développer et valoriser son équipe féminine, ce qui attire la hockeyeuse quadra vers la SDHL suédoise. Elle va découvrir un club plus structuré et une ligue plus intense qu'en Finlande.

La saison 2016-2017 est néanmoins perturbée par une commotion cérébrale, un mal qui lui est familier par son activité de physiothérapeute. Sortir du lit, lire ou discuter tournent parfois au calvaire. Sa récupération n'est pas très longue mais elle est difficile à vivre. Elle jugera cette période comme la pire de sa carrière.

La doyenne des médaillés

Mais elle trouve néanmoins l'énergie, encore et toujours, pour revenir sur le devant de la scène. Elle sera finaliste du championnat suédois en 2017 avec le HV71. Au niveau statistique, Riikka Välilä, logiquement nommée capitaine, termine la saison 2017-2018 avec 47 points, elle fera encore mieux la saison suivante, sa dernière en club, avec 51 points, le septième meilleur total de la ligue.

2018 est une année olympique avec les Jeux olympiques de PyeongChang, très attendus par l'intéressée qui avait avoué que ceux de Sotchi étaient arrivés trop vite après son retour. Ceux en Corée du Sud sont ses quatrièmes et, comme ses compatriotes, elle a toujours la tournure des JO de Sotchi en travers de la gorge.

Mais malgré ses 44 ans, Riikka Välilä continue de faire l'unanimité, jouant près de 22 minutes par match au centre du premier trio avec Susanna Tapani et Michelle Karvinen. Elle inscrit quatre buts durant la compétition. Cette fois-ci, l'objectif de la médaille est rempli, les Finlandaises prennent leur revanche contre la Suède (7-2) en quart, elles battent ensuite les Russes pour la médaille de bronze. Vingt ans après Nagano, Välilä obtient sa deuxième médaille olympique ! À 44 ans, elle devient également la plus âgée des médaillés aux Jeux olympiques à l’issue de l’épreuve de hockey sur glace. L'ironie de l'histoire, c'est qu'elle a chipé ce record à son compatriote Teemu Selänne, doyen des hockeyeurs médaillés quatre ans plus tôt à Sotchi, et dont les deux fils de Riikka sont des fans absolus. Quel symbole.

Riikka Välilä est inarrêtable. Välilä qui deviendra Sallinen : elle se séparera de Mika Välilä, avant de se marier par la suite à Petteri Sallinen, qui a plaqué sa carrière d'acteur de cinéma et de théâtre pour ouvrir un cabinet d'ostéopathe en Suède.

Un final en apothéose

Satisfaite de l'aventure olympique 2018 et toujours productive en club, un dernier grand rendez-vous la motive : les Championnats du monde 2019 disputés à Espoo, dans son pays. Les Mondiaux féminins 2019 sont les quatrièmes à être organisés sur le sol finlandais. Riikka Sallinen a disputé ceux de 1992, mais elle était blessée pour ceux de 1999 et retraitée en 2009. Espoo 2019 lui permettra de disputer un deuxième championnat du monde à domicile à 27 ans d'intervalle !

Elle continue de travailler dur, de tester ses limites, s'évertue à prendre des décisions plus rapides. Le groupe entraîné par Pasi Mustonen est fort, celui-ci définit sa sélection comme "la plus compétitive et la plus mobile de son histoire". Désormais, l'objectif ambitieux qui anime Sallinen et les Naisleijonat, c'est de déstabiliser les deux superpuissances du hockey féminin, les États-Unis et le Canada, qui se sont partagé tous les titres. Les Finlandaises ne veulent plus se contenter du bronze : elles n'ont jamais atteint une finale olympique ou mondiale, et elles ont dans l'armoire 15 médailles de bronze en 25 Mondiaux / JO.

Si les deux duels face aux Nord-Américaines tournent à la déroute en phase de poules, les Finlandaises, une fois la Tchéquie éliminée en quart de finale, vont effacer les mauvaises impressions et réaliser deux matchs épiques. En demi-finale face au Canada, dans une Metro Areena d’Espoo électrique, les Finlandaises jouent comme des Lionnes et feront vaciller les Canadiennes. Riikka Sallinen sera présente sur la glace lors du but gagnant de Susanna Tapani, puis dans les derniers instants du match et le but en cage vide de Ronja Savolainen. Elle éclate de joie, comme ses coéquipières : ce samedi 13 avril 2019, pour la première fois de leur histoire, les Naisleijonat accèdent à une finale mondiale. C'est la première fois que le Canada en est évincé.

Rattachée à une équipe de Finlande qui devait jusqu'à maintenant batailler au mieux pour du bronze, dans l'ombre des pointures nord-américaines, Riikka Sallinen accède alors, à 45 ans, à sa première finale de championnat du monde, et chez elle. Elle ressortira du match contre le Canada très émue, en larmes, peinant à trouver ses mots devant les micros des journalistes.

Une finale frustrante, mais que de chemin accompli

Après cette demi-finale, l'émotion doit se contenir car il faut enchaîner le lendemain la bataille pour l'or, face aux États-Unis, apparemment invincibles. Sallinen et les Finlandaises joueront crânement leurs chances, résistant comme jamais aux assauts américains. Mais le but en prolongation de Petra Nieminen refusé à tort par le corps arbitral provoquera un horrible ascenseur émotionnel dont auraient pu se passer les joueuses finlandaises. Ces dernières s'inclineront à l'issue de la séance des tirs au but, une issue immensément frustrante malgré un parcours remarquable et un résultat en argent inédit.

"Nous avions remporté ce Mondial, puis on nous l'a repris. C'est cette impression désagréable qui subsiste. Nous ne pouvons rien y faire. Le match a été joué, et c'est le résultat. Mais évidemment, la médaille d'argent demeure une grande réussite pour la Finlande. Jamais notre sélection n'avait disputé une finale par le passé." [Vantaansanomat]

Malgré ce goût d'inachevé, Riikka Sallinen restera sur une note positive qui a servi le hockey féminin en Finlande et de manière générale. Une nation qui a vibré pour son équipe de hockey féminine avec une patinoire d'Espoo pleine et électrique, et 2,4 millions de téléspectateurs en Finlande (soit quasiment un Finlandais sur deux et en dépit d'une soirée électorale !) qui ont suivi la finale. Une ferveur inédite dans le pays pour le hockey féminin.

Et après tant de chemin parcouru, malgré la tournure scandaleuse (qui a valu un coup de fil du Président de la république de Finlande à l'IIHF !), Sallinen s'est permis de relativiser au micro d'Yle : "C'est une médaille perdue d'une manière très particulière. Mais lorsque je pense aux saisons précédentes, aux tournois, aux compétitions, c'est une médaille gagnée. Je ne pensais pas qu'un tournoi à domicile pouvait être aussi intense. C'était absolument incroyable. Le soutien du public nous a donné une incroyable énergie, une puissance. Ce seront des moments dont je me souviendrai toute ma vie. Nous avons probablement trouvé notre place dans le coeur des Finlandais."

L'étincelle n'est plus

Dès lors, beaucoup se posent une question. Cette finale mondiale était-elle la dernière partie de Riikka Sallinen ? Toujours la tête sur les épaules, elle ne donnera aucune réponse dans les jours qui ont suivi, préférant se donner un moment de réflexion.

Alors qu'elle avait démontré un rôle encore important en équipe nationale, et que son club du HV71 était prêt à prolonger son contrat car toujours intéressé par une centre n°1, elle annonce le 14 juin 2019, deux jours après avoir fêté ses 46 ans, la fin de sa carrière. L'étincelle qui l'a nourrie depuis ses débuts, qui l'a fait revenir après une pause d'une décennie, s'est définitivement éteinte. "Je ne voulais pas prendre une décision hâtive. Mais celle-ci est devenue facile à prendre dans le sens où il n'y avait plus cette étincelle. Il était clair que, si elle n'était plus là, j'arrêtais ma carrière."

On peut retenir tant de chiffres sur Riikka Nieminen Sallinen. Ses 315 points en 253 sélections avec la Finlande, ses huit médailles aux JO et aux Mondiaux, ses cinq titres nationaux, ... Mais ce qui fascine en premier lieu, c'est sa capacité à être revenue au plus haut niveau malgré dix ans d'absence. Plusieurs sportifs ont réalisé des come-backs, Mario Lemieux l'a fait après trois ans d'absence. Mais dix ans... Et comme si rien ne s'était passé, avec un niveau de jeu identique, et toujours prête à se développer. C'est ce qui fait la singularité de la carrière de Riikka Sallinen, dont le sommet sera atteint à l'extrême fin, la finale mondiale en guise de dernier match. D'ailleurs, très peu de sportifs peuvent prétendre à un final en apothéose.

Numéro immortalisé d'une future coach

Son excellente condition physique, en plus d'un mental d'acier, lui a permis de redevenir celle qu'elle était, une des meilleures joueuses au monde. Ce n'est donc pas forcément étonnant si, en dehors du temps libre avec sa famille, le sport prend encore aujourd'hui une part essentielle, jogging, musculation, tennis, golf, ...

Riikka Sallinen poursuit ses activités de physiothérapeute, s'orientant surtout sur la rééducation des patients. Le coaching est souvent une piste de reconversion pour les anciens joueurs. Outre le fait d'animer des séances physiques pour l'équipe de Ljungby, là où elle réside toujours, elle a été nommée en décembre 2019 entraîneure-adjointe de la section féminine du HV71, qui sera à un souffle du titre suédois avant que la saison 2019-2020 ne soit finalement annulée à cause du COVID-19.

Le 4 janvier 2020, Riikka Sallinen a reçu un honneur dont rêvent beaucoup de joueurs de hockey : voir son numéro retiré et hissé au sommet de la patinoire. Jyväskylä, elle y est née, elle y a grandi, elle y a été formée en tant que hockeyeuse, puis joué 11 saisons de sa carrière sous le maillot du JYP. Avant le match de Liiga masculine contre les Pelicans, son numéro 13 a été hissé au sommet de la LähiTapiola Areena devant 4 500 spectateurs. Cet évènement est historique. Elle est la troisième hockeyeuse de Finlande à voir son numéro retiré, après Marianne Ihalainen (Ilves) et Päivi Halonen (Blues). Mais c'est la première dont cet honneur est commun aux hommes et aux femmes : contrairement à ses deux prédecesseuses, même les hommes du JYP ne peuvent plus porter le n°13.

"Quand je regarde ma carrière, je constate que de grands progrès ont été réalisés dans le hockey féminin. Bien sûr, tout le monde voudrait que les changements se produisent en un clin d'oeil, mais ce n'est pas possible." Quand Riikka Nieminen Sallinen a commencé sa carrière, le hockey sur glace féminin était un passe-temps. Elle a vécu de près le développement d'une discipline, l'élargissement de ses licenciées, son expansion, la professionnalisation de l'encadrement et des entraînements. Jusqu'à une électrique finale de championnat du monde, à la médiatisation sans précédent, qui a rendu une fin digne à la carrière de cette doyenne, la Dame de fer.

Nicolas Jacquet

 

 

Statistiques

                                          (saison régulière)             (playoffs)
                                         MJ   B   A  Pts   Pén     MJ   B   A  Pts   Pén
1988/89 EVU Vantaa         Finlande       6  19   7   26    2'
1989    Finlande         Ch. d'Europe     5   9   2   11    2'
1989/90 JYP Jyväskylä      Finlande       4   5   3    8    0'
1989/90 Finlande           Amicaux        4   6   0    6    0'
1990    Finlande           Mondiaux       5   8   2   10    4'
1991/92 JYP Jyväskylä      Finlande      10  41   3   44    2'
1991/92 Finlande           Amicaux        1   2   0    2    0'
1992    Finlande           Mondiaux       5   6   2    8    0'
1992/93 SC Lyss             Suisse          
1993    Finlande         Ch. d'Europe     3   2   2    4    0'
1993/94 Shakers Kerava     Finlande      21  73  56  129    8'     5   11  11   22    4'
1993/94 Finlande           Amicaux        3   3   3    6    6'
1994    Finlande           Mondiaux       5   4   9   13    4'
1994/95 JYP Jyväskylä      Finlande       8  35  13   48   25'
1994/95 Finlande           Amicaux        8  11   6   17    2'
1995    Finlande         Ch. d'Europe     5   9  14   23    2'
1995/96 KalPa Kuopio       Finlande      10  10   8   18    0'
1995/96 Finlande           Amicaux        3   2   4    6    0'
1996/97 JYP Jyväskylä      Finlande      24  26  38   64    0'     6    3   5    8    4'
1996/97 Finlande           Amicaux       17   7   9   16    0'
1997    Finlande           Mondiaux       5   5   5   10    0'
1997/98 JYP Jyväskylä      Finlande      12  13   8   21    2'     6    2   8   10    0'
1997/98 Finlande           Amicaux       16  14  14   28    2'
1998    Finlande       Jeux olympiques    6   7   5   12    4'
1999/00 JYP Jyväskylä      Finlande       2   1   0    1    0'
2000/01 JYP Jyväskylä      Finlande       9  10   9   19    6'     1    4   2    6    0'
2001/02 JYP Jyväskylä      Finlande      13  10  12   22    2'     2    1   1    2    2'
2001/02 Finlande           Amicaux       11  10   5   15    2'
2002    Finlande       Jeux olympiques    5   0   3    3    2'
2002/03 Limhamn HK          Suède                                  3    3   3    6    0'
2013/14 JYP Jyväskylä      Finlande      13   7  12   19   18'     8    5  11   16   12'
2013/14 Finlande           Amicaux       14   4   4    8    6'
2014    Finlande       Jeux olympiques    6   1   4    5    0'
2014/15 JYP Jyväskylä      Finlande      14  12  25   37    8'     7    5   7   12    4'
2014/15 Finlande           Amicaux       18   7   9   16    8'
2015    Finlande           Mondiaux       6   0   6    6    0'
2015/16 JYP Jyväskylä      Finlande      11  20  19   39    6'     6    5   5   10    2'
2015/16 Finlande           Amicaux       15   4  15   19    2'
2016    Finlande           Mondiaux       6   1   5    6    0'
2016/17 Troja-Ljungby       Suède         1   2   3    5    0'
2016/17 HV71 Jönköping      Suède        23  10  11   21   12'     6    3   3    6    4'
2016/17 Finlande           Amicaux       13   2  13   15    4'
2017    Finlande           Mondiaux       6   1   2    3    2'
2017/18 HV71 Jönköping      Suede        36  15  32   47   24'     2    1   1    2    2'
2017/18 Finlande           Amicaux       20   2  11   13   10'
2018    Finlande       Jeux olympiques    6   4   1    5    0'
2018/19 HV71 Jönköping      Suède        33  14  37   51    8'     4    1   1    2   25'
2018/19 Finlande           Amicaux       17   3   7   10   12'
2019    Finlande           Mondiaux       7   0   4    4    8'
Totaux aux Jeux olympiques               23  12  13   25    6'
Totaux en championnats du monde          45  25  35   60   18'
Totaux en matches internationaux        241 134 166  300   82'

 

Palmarès

- Vice-championne de Suède 2017
- Championne de Finlande 1989, 1994, 1997, 1998, 2016
- Championne d'Europe 1989, 1993, 1995
- Médaillée de bronze aux Jeux olympiques 1998, 2018
- Médaillée de bronze aux Mondiaux 1990, 1992, 1994, 1997, 2015, 2017
- Médaillée d'argent aux Mondiaux 2019

Honneurs individuels

- Meilleure buteuse du championnat finlandais 1994
- Meilleure marqueuse du championnat finlandais 1994, 1997
- Meilleure joueuse des playoffs du championnat finlandais 2016
- Équipe-type des Mondiaux 1992, 1994, 1997
- Meilleure attaquante des Mondiaux 1994

 

 

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