Bilan des championnats du monde 2023

 

Il est très rare qu'une équipe en dehors du top-6 mondial historique accède au dernier carré. En avoir deux d'un coup (Allemagne et Lettonie), et les voir toutes les deux sur le podium, c'est une véritable révolution. Le résultat de ce championnat du monde, dont la valeur est souvent dénigrée en Amérique du Nord et maintenant en Russie, a été salué par des messages de félicitations du Bundeskanzler et de la Ministre des Affaires Étrangères en Allemagne. En Lettonie, c'est carrément un jour de congé national qui a été décrété par le Parlement letton pour fêter cet évènement exceptionnel. Un vote effectué peu après minuit, et que la population qui s'était endormie au lieu de vivre une nuit de fête a donc appris le matin. Si les Allemands ont vécu bien d'autres succès sportifs, il n'y a pas d'équivalent dans l'histoire de la Lettonie.

Et pourtant, rien ne laissait penser à ce dénouement en bonheur total. L'organisation du championnat du monde semblait même virer au désastre pour la Lettonie. Même les matches du pays-hôte ne faisaient pas le plein après les premières défaites : les billets y étaient de 25 à 48 euros pour les moins bonnes places, de 89 à 149 euros pour les meilleures places dans les tribunes inférieures. Ces prix, usuels pour un Mondial, étaient trop chers pour un pays où le salaire moyen est de 1000 euros, et où l'inflation est une des plus élevées de l'Union Européenne (+20% en février et +3% en mars). Les organisateurs comptaient sur des visiteurs étrangers, mais certaines de leurs prévisions étaient trop optimistes, surtout les très hypothétiques 1500 supporters de la Slovénie qui étaient censés venir d'un petit pays au niveau de vie pas plus élevé.

Après avoir repoussé l'échéance jusqu'au dernier moment en espérant que les ventes de dernière minute renfloueraient son budget, la fédération lettone (LHF) a dû se résigner. D'une part, elle a demandé une subvention exceptionnelle de 500 000 euros pour couvrir ses frais et notamment les coûts du congrès IIHF qui reposent sur les pays organisateurs (même si le congrès a eu lieu à Tampere et non à Riga). D'autre part, elle a bradé les billets restants pour remplir au moins les tribunes des matches de la Lettonie... au risque d'agacer les spectateurs qui avaient acheté plus cher de moins bonnes places. Les critiques étaient alors virulentes. Mais une semaine plus tard, tout était oublié. Les supporters baltes dépensaient sans compter pour se déplacer en masse vers Tampere et participer à un évènement unique dans l'histoire de leur pays. Quant au gouvernement, il versait d'un coup plus de 570 000 euros (220 000 comme primes pour les joueurs et 356 000 pour la fédération à utiliser notamment pour l'entraînement des jeunes), prélevés sur les fonds spéciaux gardés en réserve pour les évènements exceptionnels.

La fédération finlandaise, elle, a bien mieux dosé la billetterie des matches de poule. Les places chères étaient vendues aux entreprises, les billets pour les rencontres les moins attractives étaient donnés à des écoles ou à ceux qui s'étaient portés candidats pour être bénévoles (qu'ils aient été choisis ou non). Le bilan financier était donc positif... mais l'ambiance populaire était moins au rendez-vous. La fédération finlandaise a donc été accusée de cupidité, et son bilan sportif de la saison est peu reluisant avec zéro médaille cette saison (ni en juniors, ni en féminines, ce qui n'était plus arrivée depuis onze ans). Les organisateurs qui étaient satisfaits avant le tournoi l'étaient donc sans doute bien moins à la fin... Que vaut-il mieux ? Le profit ou le succès sportif et populaire ? On verra l'an prochain si les Tchèques savent concilier les deux...

Résultats et comptes-rendus des Mondiaux 2023

 

Canada (1er) : l'effectif le plus faible reste le plus fort

Pendant le premier tour, le Canada a été le favori le plus discret de ce championnat du monde, faisant peu parler de lui. Son action la plus commentée, ce fut la tentative de coup de patin volontaire de Joe Veleno sur la cheville de Niederreiter, un geste effrayant qui lui a valu une suspension pour le nombre maximal de matches restants dans la compétition (5). Le comité de discipline du tournoi n'avait pas autorité pour infliger une sanction supérieure, et il est quand même resté pour recevoir sa médaille, mais on peut penser qu'on ne reverra plus le Québécois sous le maillot canadien, qu'il a si souvent porté dans les catégories juniors. Il y a tellement de potentiels sélectionnables qu'un tel geste ne sera pas pardonné de sitôt.

Ce Mondial l'aura prouvé une fois de plus : le Canada regorge encore de hockeyeurs de qualité. Son effectif soulevait pourtant peu d'intérêt. Les explications les plus variées ont été invoquées, du nouveau formulaire autorisant Hockey Canada à vérifier les casiers judiciaires et l'activité des joueurs sur les réseaux sociaux (processus évidemment mis en place après les récents scandales mais critiqué par un mémo de la NHLPA) à la destination - la pourtant jolie ville de Riga - pas assez attractive. Les organisateurs tchèques du Mondial 2024 croient à cette dernière théorie puisqu'ils souhaitent changer le Canada de groupe - pour le faire jouer dans la capitale Prague et non à Ostrava - afin de faire venir ses stars !

Ce n'est bon pour personne de voir le Canada gagner avec l'effectif quantitativement le plus faible (seulement 20 joueurs en plus des 3 gardiens, devenus 18 joueurs après un blessé et un suspendu, quand tous les autres en avaient 22), et qualitativement mis en cause. Tyler Myers a publié sur Instagram les images du titre avec la mention "pire effectif du Canada", preuve que la critique avait touché les joueurs. Quand un journaliste finlandais avait demandé à Tyler Toffoli si ce n'était pas un des plus faibles alignements canadiens de l'histoire, il avait répondu que c'était quand même des joueurs de NHL. C'est vrai à un détail près : Adam Fantilli ne l'est pas encore, mais le sera très bientôt. Il est le deuxième Canadien après Jonathan Toews (2007) à avoir été champion du monde junior et senior la même année, et s'il n'a mis qu'un but, il a été à la fois magnifique et capital puisque ce fut le but gagnant de la demi-finale.

Même très jeunes, les hockeyeurs canadiens ont cette capacité à être décisifs dans les matches-clés. Il y a toujours un héros inattendu, et ce fut cette année l'autre attaquant québécois, Samuel Blais, qui a déjà vécu ces moments-là (une victoire en Coupe Stanley avec Saint Louis en 2019) et qui a mis trois buts le dernier week-end. On a beaucoup parlé du bilan de 19-0 des États-Unis lors des derniers tiers-temps en phase de poules, mais ce qui compte, c'est d'y parvenir dans le dernier carré. Le Canada y a réussi deux fois 3-0 (ou 2-0 sans les buts en cage vide), faisant basculer la médaille d'or sans son escarcelle. Il y est parvenu en équipe, avec un défenseur comme meilleur marqueur, MacKenzie Weegar. N'oublions pas de souligner au passage le rôle essentiel du partenaire purement défensif de celui-ci, Jacob Middleton (meilleure fiche du tournoi avec +12), et notamment de la paire qu'ils formaient en infériorité numérique.

 

Allemagne (2e) : énergie et sang-froid

L'Allemagne a obtenu sa première médaille depuis 70 ans, quand elle avait obtenu l'argent dans un Mondial 1953... où seules trois équipes avaient été classées. Ce succès arrive cinq ans après l'argent olympique de 2018, alors même que l'équipe a beaucoup changé. Il ne reste que cinq joueurs de cette époque, les techniciens Noebels et Kahun en attaque, les deux Müller en défense. Le capitaine Moritz Müller, qui a débuté en 2009 par une position de relégable (l'Allemagne ne pouvait pas descendre car elle organisait l'année suivante), est le meilleur témoin de la transformation psychologique opérée dans cette équipe nationale, qui n'a jamais douté cette année malgré les trois défaites initiales d'un but contre les "gros" qui la mettait au pied du mur. Ces joueurs allemands, qui se baignaient ensemble la veille de chaque match dans les eaux fraîches du lac Pyhäjärvi à côté de leur hôtel, savaient se ressourcer et conserver leur sang-froid avec une bonne récupération physique et mentale.

Moritz Müller a expliqué qu'autrefois les matches face aux grandes nations étaient perdus d'avance par le défaitisme dans le vestiaire, ce qui traduit la vision que tous les Allemands avaient du potentiel de l'équipe nationale. Un titre de champion du monde était longtemps jugé impossible. Il ne l'est plus pour la jeune génération, à l'instar des larmes sincères du jeune John Jason Peterka (21 ans) après la défaite en finale. L'Allemagne a finalement été plus performante en compétition que la Suisse ces dernières années, alors qu'elle était bien moins cotée a priori. Psychologiquement, elle s'est montrée supérieure. À peine installé en poste, Harold Kreis a su affirmer son autorité, sans les hurlements d'un Zach autrefois, mais avec son style calme et sérieux. Il n'a pas hésité à clouer sur le banc J.J. Peterka en troisième période du match contre l'Autriche parce que celui-ci ne prenait pas les décisions les plus raisonnables. L'ailier de première ligne a digéré la sanction sans faire la moindre vague et une semaine plus tard il fut élu meilleur attaquant du championnat ! Pendant la préparation, Kreis avait agi de même avec Dominik Bokk, mais le jeune talent n'avait pas compris le message et avait donc été renvoyé à la maison.

Les supporters déploraient l'absence des cinq meilleurs buteurs de la saison de DEL. Harold Kreis savait ce qu'il faisait et son équipe n'a eu aucun problème à marquer, terminant avec la meilleure efficacité aux tirs du tournoi (13,5%). À l'évidence, il a su construire son effectif, en réussissant à improviser un mix parfait avec des joueurs arrivés à des moments différents. Personne n'aurait misé sur sa quatrième ligne Parker Tuomie - Wojciech Stachowiak - Justin Schütz, trois débutants en compétition internationale qui n'avaient aucun passé commun : ils se sont entendus parfaitement et ont impressionné à l'instar des buts et assists magnifiques de Stachowiak (en photo). Tous ont su amener leur pierre au collectif, notamment Nico Sturm qui a mené par l'exemple en bloquant des tirs, en plus de planter lui-même six buts.

La vieille étiquette de coach défensif de Kreis n'a jamais gratté. Comme il l'avait promis, il a maintenu le style récent de l'Allemagne, qui cherche à dominer la possession du palet. Simplement, pour éviter les revirements vus en début de tournoi, il a insisté pour que l'on abandonne toujours le palet vers une zone sûre plutôt que de le mettre en risque, quitte ensuite à le reconquérir par un forechecking intense dans les coins. Ce système de jeu a été assez intense, et le réservoir était vide en finale lors du troisième tiers-temps face au Canada. Mais c'était une volonté assumée de l'équipe d'avoir tout donné pour n'avoir rien à regretter.

 

Lettonie (3e) : numéro 1 de l'ambiance festive

La Lettonie glissait dans l'ennui par sa stagnation au classement dans des Mondiaux qui se ressemblaient trop, mais cette folle quinzaine a réveillé sa passion pour le hockey sur glace à un niveau insoupçonné. Elle n'a pas seulement accroché in extremis un quart de finale, elle est allée plus loin en remportant une médaille dès son premier accès au dernier carré. C'est un évènement rare dans le hockey mondial à la hiérarchie presque immuable : c'est la première fois dans ce siècle qu'un nouveau pays monte sur le podium ! La Lettonie est le plus petit pays à remporter une médaille avec moins de 2 millions d'habitants.

Les 50 000 personnes qui se pressaient autour du Monument de la Liberté le lundi 29 mai 2023 représentaient donc 2,5% de la population du pays. Ce rassemblement impressionnant de population a mis en panne les réseaux de téléphone mobile du centre ville ! Ils ont bénéficié du jour de congé historique accordé à tout un pays (sans aller jusqu'à annuler les examens scolaires toutefois). L'afflux des supporters habillés de grenat en Finlande pour vivre la fin de la compétition a suscité l'admiration générale. "La Lettonie est numéro 1 mondiale quand il s'agit de faire la fête. Vous avez vu que Tampere ne faisait qu'attendre ça, ils ne savaient pas ce qu'était le championnat du monde avant que les Lettons arrivent, qu'ils leur montrent comment le hockey devait être célébré par des supporters", a proclamé Rihards Bukarts, le meilleur marqueur de l'équipe balte.

Ces hockeyeurs sont rentrés dans la légende d'un pays. Rodrigo Abols a été un formidable leader offensif, dans le jeu et dans l'émotion. Arturs Silovs, élu meilleur joueur de la compétition, a rejoint la liste des gardiens héros de la Lettonie, véritables marathoniens de l'effort face aux assauts adverses : entré à la cinquième minute du premier match à la place du malheureux Punnenovs, il a joué 10 matches de suite sans jamais craquer. Mais l'amélioration la plus nette dans l'équipe balte concerne le niveau de ses lignes arrières. Elle dispose de défenseurs offensifs capables de construire le jeu, comme Uvis Balinskis et Janis Jaks - plus Kristjans Rubins qui a endossé ce costume pour une journée le jour du match pour le bronze - mais aussi d'un fantastique Kristaps Zile, devenu un symbole du sacrifice avec ses tirs bloqués y compris par le visage.

Autre changement remarqué de statut, celui de l'entraîneur Harijs Vitolins. Il n'est définitivement plus l'assistant discret, l'ombre gentille du méchant Znarok, mais a montré qu'on pouvait être à la fois un tacticien et un entraîneur humain, qu'il n'y avait pas besoin de hurler pour susciter des émotions et rallier un groupe uni à sa cause.

 

États-Unis (4e) : l'anti-Canada

Après huit victoires de suite, les États-Unis étaient devenus les favoris de ce championnat du monde, avec un hockey rapide et séduisant. Et puis, patatras : deux nations non considérées parmi les meilleures mondiales (Allemagne et Lettonie) ont battu les Américains qui ont fini à une triste quatrième place, la même que l'an passé. Ces deux échecs consécutifs sont fatalement un échec pour le coach David Quinn, mais si on remonte plus loin en arrière, on a l'impression qu'aucune recette ne fonctionne. Blashill changeait trop ses lignes, David Quinn pas assez.

Il serait tentant de chercher l'explication facile : ces jeunes Américains sont talentueux et énergiques mais manquent simplement d'expérience. Sauf que ça ne tient pas vraiment. Les États-Unis étaient moins jeunes que d'habitude, en particulier aux postes-clés. Trois des quatre centres étaient trentenaires après l'arrivée de Patrick Brown en joker. Le meilleur joueur n'était pas un universitaire (même si Cutter Gauthier a aussi marqué les esprits), mais un formidable ailier de 32 ans - Rocco Grimaldi - qui n'a dû qu'à sa petite taille (1m68) d'être confiné à l'AHL sans avoir le droit de jouer chez les "grands". Le gardien titulaire, Casey DeSmith, a 31 ans, et il a été juste moyen, ce qui n'a pas été suffisant dans les moments décisifs.

On a l'impression que, quoi que fassent les États-Unis, ils échouent toujours. Les douze demi-finales perdues d'affilée tiennent tout de même d'une série à peine croyable. Ils sont exactement le contraire du Canada, qui soulève moins l'enthousiasme par ses actions et sa vitesse du jeu, mais qui finit toujours par gagner à la fin. Un contraste saisissant : les réservoirs de talents de ces deux pays sont censés se rapprocher, mais ce n'est clairement pas le cas quand il s'agit de faire mûrir une équipe de gagneurs.

 

Suisse (5e) : pas de fraîcheur mentale, mais du réchauffé en quart de finale

La Suisse a l'impression de revivre le même cauchemar encore et encore. Comme l'an passé, elle a dominé la phase de poules pour échouer ensuite lamentablement en quart de finale. Elle semblait pourtant avoir plus que jamais les atouts de son côté. Elle n'a plus l'excuse d'il y a deux ans, celui du manque de vitesse de quelques vétérans, surtout pas dans une équipe dont le quasi-quarantenaire Andres Ambühl a été le meilleur buteur. Même si Robert Mayer était en faute sur le premier but, on ne peut imputer l'élimination au choix du gardien puisque le résultat fut le même avec Genoni l'an passé.

En phase de groupes, la Suisse avait réussi à imposer son hockey en zone offensive. Il y avait du volume dans son jeu, elle réussissait souvent à placer deux joueurs devant la cage et à créer du trafic. Mais son jeu semble s'être délité en quart de finale. Est-ce pour des raisons psychologiques, parce que les Suisses ne sauraient pas gérer les attentes d'un match éliminatoire, encore moins en position de favoris (l'équipe nationale de football n'a gagné qu'un match à élimination directe dans son histoire, face à la France à l'Euro 2020) ? Est-ce pour des raisons tactiques, parce que Harold Kreis a décodé et contré le système de jeu helvétique ? L'Allemagne est décidément le pire adversaire pour les Suisses, qu'elle a éliminés pour la quatrième fois consécutive en quart de finale. À chaque fois, les mêmes circonstances se sont répétées : la Nati rêvait ouvertement de médaille pendant que l'Allemagne travaillait dans l'ombre...

Est-ce le contrecoup d'une erreur morale ou stratégique ? Le choix de Patrick Fischer de reposer ses meilleurs joueurs pour le dernier match de poule contre la Lettonie a fait débat, et pas seulement en Slovaquie où les supporters se sont sentis lésés par cette attitude peu équitable qui a précipité l'élimination de leur équipe. L'argument d'un match sans enjeu, développé par Fischer lui-même, n'était pas tout à fait exact : même si la Suisse était assurée de la première place de poule, elle aurait pu finir première absolue de la phase de groupes en cas de succès, ce qui permet de rencontrer l'adversaire le plus faible en demi-finale. Encore faut-il être en demi-finale, car ce n'est pas ce stade de compétition qui pose problème aujourd'hui... Toujours est-il que les joueurs volontairement mis au repos n'étaient plus dans la même dynamique (les autres non plus ?). Les séances d'entraînement optionnelles ou annulées n'ont pas permis d'atteindre une quelconque fraîcheur mentale. Si l'on fait le bilan de ce qu'ont fait les joueurs "ménagés" le mardi soir deux jours plus tard, le gardien Mayer a été pris à froid sur l'ouverture du score et les stars offensives des NHL sont passés à côté de leur match, à l'instar d'un Nico Hischier qui disparaît à chaque quart de finale.

 

Finlande (6e) : Tout a une fin

Entraîneur national le plus titré de l'histoire finlandaise, Jukka Jalonen a laissé entendre indirectement qu'il quitterait son poste après la fin de son contrat en 2024. Quoi qu'il arrive, ce tournoi manqué à domicile ne saurait ternir son bilan. Son système n'a pas arrêté de fonctionner d'un coup. La Finlande a été l'équipe la plus disciplinée du tournoi. Elle a même été l'équipe la plus imperméable en infériorité numérique, juste derrière la Lettonie et le Canada en pourcentage d'efficacité mais meilleure si on tient compte de son bilan général dans cette situation : un but pour, un but contre !

Néanmoins, tout a une fin. Même le héros national Marko Anttila qui a senti que son corps ne suivait plus et a annoncé sa retraite internationale. Certains piliers défensifs sont devenus trop lents, tel Atte Ohtamaa, dépassé en patinage sur le premier but canadien en quart de finale. Avec 29 ans de moyenne d'âge, les Leijonat étaient plutôt en fin de cycle et cherchaient un renouvellement.

Le vainqueur de la Coupe Stanley Mikko Rantanen était attendu comme le nouveau leader offensif, mais l'homme aux 55 buts cette saison en NHL (plus 7 en playoffs) n'en aura marqué aucun. Il n'a pas trouvé la bonne chimie sur la première ligne, où le petit centre Sakari Manninen peut-être affecté par son expérience difficile en AHL n'avait plus le même niveau que l'an passé. Rantanen était surveillé mais cela n'a pas libéré d'espace à l'ailier gauche Teemu Hartikainen qui recevait moins de palets, et les brèves expériences pour essayer un autre troisième homme en cours de match (Kapanen contre l'Autriche, Kakko contre le Canada) n'ont rien donné. Trop rares, trop tardives ? En tout cas Jukka Jalonen n'avait plus la formule magique.

Dans quelle direction faut-il aller ? Le hockey finlandais a souvent eu du succès par sa stabilité, mais il faut aussi réussir à s'adapter. L'ancien joueur devenu récemment entraîneur Olli Jokinen estime qu'il faut rompre avec certains principes selon lequel les cinq joueurs doivent toujours travailler ensemble au même rythme, pour laisser place à plus de vitesse et d'initiative individuelle. Y aura-t-il une révolution ? Probablement pas. Plutôt un changement en douceur, bien pesé, bien anticipé avec près d'un d'avance, bref, un changement à la finlandaise.

 

Suède (7e) : pas d'excuses... et pas d'émotions ?

Au début de ce siècle, la Suède impressionnait par son incroyable régularité dans l'accès aux demi-finales. Aujourd'hui, elle n'y arrive plus. Elle boucle sa cinquième saison sans la moindre médaille, une disette qu'elle n'avait pas connue depuis... la Seconde Guerre Mondiale ! Pendant les deux dernières saisons, les fiascos successifs avaient été attribués au sélectionneur Johan Garpenlöv. Son successeur Sam Hallam était un entraîneur plus reconnu. Il n'a pas eu la partie facile à cause de la volte-face soudaine autour de la venue de William Nylander, tellement tenue pour acquise qu'on avait renvoyé des joueurs devenus surnuméraires à la maison.

Au fur et à mesure du premier tour, Hallam a fini par mettre en place une hiérarchie "jeuniste" courageuse dans son attaque. Pendant que le capitaine Jakob Silfervberg (zéro point) était rétrogradé en quatrième ligne, un premier trio se constituait autour des trois plus jeunes joueurs, Jonatan Berggren (22 ans), Leo Carlsson (18 ans) et Lucas Raymond (21 ans). Mais avant le quart de finale contre la Lettonie, patatras. Berggren était rétrogradé treizième attaquant et le centre plutôt défensif Pär Lindholm le remplaçait sur le premier trio. Un changement un peu forcé parce que le grand espoir Carlsson avait des douleurs au poignet et ne pouvait plus prendre les engagements. Mais un bon motif pour déverser des torrents de boue sur Hallam, qui a beaucoup plus mis en valeur les jeunes que ses prédécesseurs. N'oublions pas non plus que la Tre Kronor a perdu deux joueurs sur blessure au dernier match de poule, le défenseur Rasmus Sandin et l'ailier André Pettersson. Ce dernier, qui était le doyen de l'attaque (ce qui rappelle que tous les joueurs d'expérience n'ont pas déçu) jouait sur la première unité de supériorité numérique, amputée d'une pièce importante lors du quart de finale.

Mais aucune excuse n'est audible. La Suède n'a tout simplement pas le droit de perdre contre la Lettonie, encore moins quand l'adversaire prend cinq minutes de pénalité. La presse et les supporters se sont forcément déchaînés, et les joueurs en ont autant pris pour leur grade que leur coach. Un twitt de l'ancien joueur de légende Jonas Bergqvist a vite fait le buzz : "Aucun joueur n'a célébré les buts marqués dans les sept matches de poule. Montré sa passion du hockey. En quart de finale, ils ont rencontré une équipe qui vit de ses émotions. Le résultat n'est pas surprenant." Le twitt a vite été effacé, mais il était trop tard. Bergqvist a dû détailler sa pensée auprès du tabloïd Expressen : "Je ne vois pas d'excitation dans les joueurs d'aujourd'hui. Peu importe si on joue le Danemark, la Hongrie ou la France. Il doit y avoir de l'excitation et de la joie. Si les joueurs s'en fichent, pourquoi devrais-je faire autrement chez moi sur mon canapé ? Les joueurs entrent sur la glace en pensant que c'est facile de gagner contre les petits pays de hockey. Et après on joue une équipe comme la Lettonie qui est passionnée de jouer dans une patinoire pleine - et on n'arrive pas à le gérer. [...] Ne vous épargnez pas, mais apprenez de vos erreurs. Le point bas a été atteint. Nous avons perdu trop de fois, contrôlez vos humeurs."

Les joueurs ont été touchés par ces propos. Dennis Everberg a répondu dans le Helsingborg Dagblad : "Je pense que c'est quelque chose qui a été écrit dans le feu de l'action et ça m'énerve. J'ai été absent pendant huit semaines de ma famille et je n'ai pas reçu un sou pour la peine. Qu'est-ce que c'est sinon la passion pour l'équipe nationale ?" C'est peut-être la passion des hockeyeurs qui ne répondent pas aux convocations qu'il faut interroger...

 

République Tchèque (8e) : le pire résultat mais un entraîneur soutenu

Les hostilités ont commencé avant le premier match pour les Tchèques. Le président de la fédération tchèque Alois Hadamczik publiait le message suivant sur son compte Twitter : "Je suis dégoûté par l'article du quotidien Sport. C'est un mensonge délibéré, publié de plus sans le moindre tact pour le début du championnat du monde. C'est un non-sens absolu que je remplacerais Kari Jalonen en formant un tandem avec Radim Rulík. Ma carrière d'entraîneur est finie depuis longtemps. Cela me rend triste." On aura remarqué que Hadamczik ne démentait qu'une partie des informations relayées par l'article incriminé, c'est-à-dire son propre retour derrière le banc, ce qui aurait été effectivement très osé et inédit de la part d'un président de fédération (Satan n'est "que" manager en Slovaquie). Mais il ne démentait pas le remplacement du sélectionneur finlandais Jalonen, qui avait été nommé avant qu'il arrive et dont on sait qu'il n'était pas son candidat favori...

Auréolé de la médaille de bronze de l'an dernier, Kari Jalonen était intouchable avant le tournoi, au moment où ces indiscrétions dirigées fuitaient. Mais après une huitième place - pire résultat jamais obtenu dans l'histoire tchécoslovaque et tchèque - il pourrait y avoir un boulevard pour rompre son contrat. Sa gestion des gardiens, avec une rotation à trois sans hiérarchie clairement prédéfinie, a notamment été décriée. L'hymne américain était encore en train de retentir pour sceller l'élimination tchèque en quart de finale qu'un autre twitt surgissait sur les réseaux sociaux, celui de Petr Dedek, le riche propriétaire de Pardubice, disant qu'il était temps de revenir à un entraîneur tchèque... Du populisme au bon moment pour se faire valoir, mais pas seulement. Dedek, qui a largement soutenu la campagne de Hadamczik, aurait un intérêt personnel à "refiler" Radim Rulík - qu'il a dans sa masse salariale à Pardubice - à l'équipe nationale, comme l'ont alors expliqué des articles de presse.

Hadamczík et Dedek se sont alors retrouvés dans le mauvais rôle des manipulateurs, et Jalonen dans le beau rôle du coach innocent et honnête... que tout le monde sait qu'il est réellement ! Il ne cache pas que ne pas savoir lire le tchèque est un avantage pour lui car il est moins atteint par les critiques. Il n'est entré en conflit avec aucun journaliste, et il est donc apprécié de tous, même s'il n'est pas forcément un "bon client" dans ses déclarations. Il ne comprend pas l'obstination des journalistes tchèques à poser des questions sur des joueurs individuels, alors qu'en Finlande on raisonne par le collectif. Mais ces différences culturelles, il les a comprises. Il savait qu'on lui reprochait un style trop passif et a essayé de jouer plus offensif cette année. Mais il a été limité par l'équipe à sa disposition.

En perdant ses deux premiers centres sur blessure (Filip Chytil et Lukas Sedlak), la Tchéquie a clairement été affaiblie. Comme il faut décompter Sedlak qui n'était plus là, seuls quatre attaquants ont réussi à marquer des buts : les indispensables Dominik Kubalik et Roman Cervenka, le "non-buteur" (de réputation) Jakub Flek et le nouveau venu Martin Kaut. Trop peu : les adversaires savaient qui surveiller. Un joueur comme Michael Spacek n'arrive toujours pas à transcrire ses qualités offensives en équipe nationale. Bien sûr, on pouvait toujours mettre en cause la sélection. Le jeune Jakub Lauko y a contribué en se plaignant de ne pas avoir été contacté et en se portant candidat... par Twitter, décidément le mode de communication privilégié. Dans une conférence de presse défensive, Martin Havlát - manager de l'équipe nationale et chargé en particulier de la communication avec les joueurs de NHL - a expliqué que Lauko n'était pas sur la liste de renforts intéressants qu'ils avaient définis avec Jalonen. Difficile de croire qu'il aurait faire la différence en arrivant sans connaître le système.

La superstar tchèque David Pastrnak, grand absent de ces Mondiaux (et coéquipier de Lauko à Boston), a peut-être sifflé la fin du bal en déclarant son soutien à Jalonen, dont il avait apprécié la compétence au Mondial 2022. Dans un sondage en ligne, 65% des Tchèques se sont dits en faveur du maintien en poste de l'entraîneur finlandais, une popularité rare après un échec cuisant. S'il y avait des comploteurs qui voulaient scier la planche de Jalonen, force est de constater qu'ils ne sont pas doués pour manipuler l'opinion. Celle-ci garde une bonne image du toujours poli et "ennuyeux" Jalonen...

 

Slovaquie (9e) : trahie par ses attaquants, ses adversaires et ses clubs

On s'inquiétait pour les gardiens débutants d'Extraliga slovaque : ils se sont finalement bien débrouillés : 93% d'arrêts pour Samuel Hlavaj - en photo et 95% pour Stanislav Skorvanek. Ce sont les attaquants qui ont failli, en dessous de 7% aux tirs dans ce championnat ! L'offensive restait trop dépendante du premier trio Regenda-Hrivik-Panik. Peter Cehlarik, qui aurait dû jouer un rôle majeur dans cette attaque, n'a pas vraiment pu le faire à cause de problèmes de genou. En plein doute, le sinusoïdal Libor Hudacek aura mis zéro but en 23 tirs, un anti-record de ces Mondiaux. Les autres n'étaient pas faits pour ça, tel le centre de troisième ligne Matus Sukel, vraiment excellent en infériorité numérique mais moins redoutable en zone offensive.

La victoire dans le match-clé supposé contre la Lettonie n'aura pas suffi à la Slovaquie. Les deux points perdus en route face au Kazakhstan malgré une large domination ont coûté très cher. L'équipe à la Double Croix a été victime du résultat des autres. D'abord la victoire sur la Suisse a permis aux Lettons de lui passer devant. Elle pensait alors que sa trop habituelle neuvième place - pour la sixième fois en dix ans ! - assurerait au moins la qualification directe pour les Jeux olympiques. C'était sans compter sur le parcours de l'Allemagne, qui était juste derrière mais qui s'est alors envolée au classement IIHF. C'est ainsi que la fédération slovaque (SZLH), la seule des grandes fédérations européennes à garder une attitude plutôt conciliante avec les Russes, aura intérêt à voter leur exclusion en mars prochain puisque cela lui donnerait automatiquement le huitième ticket olympique !

Même sans quart de finale, Craig Ramsay a battu avec 125 matches le record de longévité à la tête de l'équipe nationale slovaque, qui était co-détenu par Jan Filc et Julius Supler. Après six ans, le Canadien a pris un moment pour se relaxer avant d'en discuter avec le président de la fédération slovaque Miroslav Satan... mais il a finalement prolongé pour une année supplémentaire. Plusieurs personnalités avaient ouvertement réclamé le retour à un entraîneur slovaque, mais il y a sans doute moins de candidats potentiels que chez le voisin tchèque qui se pose la même question. Certains suggéraient la promotion d'un des entraîneurs-adjoints, Jan Pardavý, mais celui-ci a répondu très honnêtement qu'il ne s'en sentait pas capable (cela ne fait que 7 ans qu'il est entraîneur depuis la fin de sa carrière de joueur à Strasbourg) : "Je ne suis pas prêt pour ça. L'entraîneur de l'équipe nationale doit avoir du succès derrière lui. Et ce n'est pas mon cas."

Ce sujet réglé, la SZLH a un autre dossier brûlant. Neuf des douze clubs d'Extraliga veulent créer une "PHL" indépendante, qu'elle menace de dénoncer comme une ligue illégale, sans assentiment de l'IIHF. Mais le bras de fer dure et la fédération ne cesse de repousser les dates d'inscription pour l'élite, ce qui ne lui donne pas l'image d'être en position de force.

 

Danemark (10e) : toujours à sa place pendant le changement de personnel

Pour son dernier tournoi avant ses adieux, l'entraîneur Heinz Ehlers a encore mené son équipe à une performance solide. Si par moments il a mis en place son système défensif verrouillé, il savait aussi le changer en fonction de l'adversaire pour prendre la possession quand il le fallait. Son équipe n'a jamais marqué autant de buts (19), avec toujours la qualité de tirs élevée de ses attaquants, en premier lieu son fils Nikolaj Ehlers (5 buts).

En revanche, le Danemark n'avait jamais non plus encaissé autant de buts depuis qu'Ehlers est derrière le banc, et de loin (26 palets au fond de ses filets). La retraite du gardien Sebastian Dahm a pesé car Fredrik Dichow n'a pas encore donné les mêmes gages de sécurité. Il a surtout montré ses limites lors du match-clé contre l'Allemagne (4-6), lors duquel les Danois auraient pu décrocher une place anticipée en quart de finale après avoir battu les trois adversaires les plus abordables. Mais la suite de la compétition l'a prouvé, les Allemands étaient vraiment à un niveau supérieur.

Le Danemark est à sa place, car il a aussi de la marge sur les nations derrière lui comme la France. Le renouvellement générationnel semble plutôt bien anticipé. La retraite internationale de Mikkel Bødker survient alors que sa carrière est en bout de course et qu'il a fini le tournoi avec une fiche de -9, pire bilan d'un non-Autrichien (à égalité avec son coéquipier Morten Poulsen). Le grand talent Oscar Mølgaard a déjà intégré l'équipe après avoir joué les Mondiaux des moins de 20 ans et des moins de 18 ans et a commencé à engranger de l'expérience pendant ses 55 minutes de temps de jeu.

Participant stable dans l'élite mondiale, désormais participant olympique, le Danemark peut donc gérer le changement d'entraîneur... et le changement de dirigeants. Le directeur par intérim de la fédération Kim Pedersen a en effet été recruté comme directeur sportif de l'IIHF. Mais son successeur a été désigné avec Claus Fonnesbach et les deux hommes auront une période de tuilage de quatre mois pour passer les dossiers et assurer la transition. Cette nomination est ainsi bien gérée et elle traduit surtout le poids croissant de ce petit pays au sein des instances de l'IIHF. Le Danemark compte de plus en plus dans le hockey mondial.

 

Kazakhstan (11e) : doubles passeports invalidés, stratégie validée

Le choix du Kazakhstan de se passer des naturalisés a toujours ses détracteurs, notamment parmi ceux qui avaient mis en place le système de doubles passeports. Certaines personnes à la fédération avaient fixé l'objectif d'un quart de finale (jamais atteint dans l'histoire), pour prétendre qu'un autre résultat serait un échec. Même certains journalistes russes pressent le pays de revenir à des naturalisés en prétendant que son rajeunissement est excessif et que les jeunes n'ont pas le niveau. Certes, les vétérans ont joué leur rôle, notamment dans les avantages numériques et dans les contre-attaques où la vitesse d'exécution des joueurs d'Asie Centrale était redoutable.

Mais la réalité est que ce Mondial valide totalement la stratégie. Cette onzième place est le deuxième meilleur résultat de l'histoire du pays et dépasse les espérances. D'une contrainte, le Kazakhstan a fait une force. L'entraîneur Galim Mambetalyev a fait découvrir au monde entier des joueurs qui n'avaient pas eu leur chance dans leur propre pays. Le meilleur buteur de l'équipe Maksim Mukhametov - qui vient d'être engagé par le Metallurg Magnitogorsk sans que le Barys lui ait donné sa chance en KHL ! - a été le symbole de ces jeunes joueurs que l'entraîneur du Nomad Astana (la réserve du Barys) a développés toute la saison en championnat du Kazakhstan. Si ce travail peut se poursuivre pendant plusieurs années, il sera intéressant d'observer ce développement, alors que jusqu'ici le Kazakhstan sous-performait au niveau senior par rapport à ses résultats (sans naturalisés) au niveau junior.

Le Kazakhstan a donc réussi à attirer l'attention sur lui. Il l'a aussi fait en déployant le plus grand drapeau du pays (800 mē) dans une action couverte par une équipe de tournage de l'IIHF. Ce qui était présenté comme une action spontanée de supporters ne l'était évidemment pas, l'organisateur qui a commandé le drone pour les images aériennes et invité les journalistes est Duman Kozakhmetov, un diplômé en relations publiques qui travaille pour une agence d'État. L'objectif était de promouvoir la candidature à l'organisation du Mondial 2027. L'élection semblait perdue d'avance face à un concurrent aussi fort que l'Allemagne et le dossier Astana / Almaty n'a obtenu que 25% des voix contre 75% pour Düsseldorf / Mannheim. L'éloignement géographique rend la destination peu intéressante pour les supporters européens et on voit mal comment le Kazakhstan pourrait obtenir cette organisation tant que la Russie - qui pourrait déplacer des fans en nombre - est exclue des compétitions internationales. Mais là encore, le jour pourrait sans doute venir si le pays des steppes apprend la patience et continue de travailler à plus long terme.

 

France (12e) : frustrant et pénible, malgré du potentiel

Douzième (soit treizième avec la Russie), l'équipe de France est exactement à sa place au classement IIHF... et c'est justement ça qui est frustrant. S'il y a une année où il y avait beaucoup à gagner à sur-performer un peu (on ne parle pas là d'un quart de finale mais "juste" d'une cinquième place de groupe), c'est bien cette année avec une chance historique d'organiser un tournoi de qualification olympique à domicile. Au lieu de ça, on a l'impression que les Bleus sont condamnés à des déplacements en alternance à Oslo ou à Riga pour y jouer - et jusqu'ici pour y perdre - leur billet pour les JO.

Y avait-il la place pour mieux ? Par moments, les Bleus l'ont laissé croire. À d'autres moments, pas du tout. On le sait, le système de jeu de Philippe Bozon est intensif. Il nécessite que ses joueurs soient à 100% de leurs moyens physiques. Or, ils ne l'étaient pas. Plusieurs cadres offensifs étaient blessés, et le tournoi s'est achevé prématurément pour Jordann Perret, dont les jambes sont précieuses, et pour Nicolas Ritz, assez indispensable comme centre défensif. En plus, une gastro-entérite s'est invitée dans le vestiaire. Les trois expulsions (Texier, Claireaux et Farnier), qui ont fait de la France l'équipe la plus pénalisée du tournoi, ont sans doute coûté des forces, quand il faut défendre à quatre joueurs pendant cinq minutes.

Le début de championnat inspirait plutôt confiance. L'équipe de France a été assez forte pour s'imposer dans les duels contre une physique Autriche, et pour revenir au score face au Danemark. Mais tout n'était pas explicable. Les Bleus étaient incapables de gagner la possession dans les bandes face aux promus hongrois après deux jours de repos... mais ils y sont arrivés le lendemain contre la Finlande qu'ils ont vraiment bousculée. Quand la France arrive à imposer son jeu, elle arrive à créer du danger en zone offensive. Mais dès qu'elle a un temps de retard, elle est vraiment en souffrance. Elle est à la peine défensivement et n'est vraiment pas faite pour subir le jeu et tenir, surtout pas avec des gardiens inexpérimentés (leur pourcentage d'arrêts général était de 85,5%, soit le plus faible total des seize pays engagés). C'est pour ça que les trois dernières rencontres ont été pénibles à regarder et sûrement à vivre, avec 0 but marqué et 18 buts encaissés.

Il ne faut pas rester là-dessus et travailler sur les points positifs. L'un d'eux est l'excellent premier championnat du monde de Jules Boscq, avec des performances solides pour un temps de jeu déjà affirmé (18 minutes et demie par match). Mais il en va des performances individuelles comme des prestations collectives des Bleus : c'est dans la durée qu'elles se jugent, et il faudra les maintenir avec plus de constance.

 

Norvège (13e) : solide, mais offensivement déprimant

Après l'échec d'entrée aux tirs au but face au Kazakhstan, la Norvège s'est contentée d'un objectif minimal, assurer son maintien par le plus petit des scores face à la Slovénie (1-0). Mais le succès de prestige obtenu face au Canada, là encore aux tirs au but, a largement redoré le bilan final.

Les supporters norvégiens aiment se plaindre de leur point faible chronique dans les cages et de l'incapacité de leurs gardiens à boucler une compétition internationale au-dessus de 90% d'arrêts. Henrik Haukeland a signé de loin son meilleur Mondial avec 91,8% d'arrêts, et sa doublure Jonas Arntzen a même atteint 93,1% d'arrêts. La défense, qui a longtemps été un secteur très maigre, semble s'être bel et bien renouvelée, avec toujours la même tendance à donner un temps de jeu important à la première paire (plus de 24 et 23 minutes par match pour Johannes Johannesen et Emil Lilleberg).

Mais c'est l'attaque qui inquiète. La Norvège a fini le tournoi avec la pire efficacité aux tirs (5,2%) et les leaders offensifs ont été totalement en panne. Le seul joueur qui ait réussi à marquer 2 buts est Michael Haga (en photo), de manière contre-intuitive de la part d'un attaquant qui avait mis 1 but au total sur ses cinq précédents Mondiaux. Les attaquants les plus éprouvés sur le plan international, Ken Andre Olimb et Mathias Trettenes, sont restés muets (0 but et 1 assist chacun). Les jeunes de 20 ans ou moins dont la sélection avait été remarquée (Granath, Vesterheim, Steen) ont assez peu joué en réalité, même quand le danger de relégation était moindre.

On attend donc de voir l'apport de l'entraîneur suédois Tobias Johansson, qui ne paraît pas avoir si radicalement modifié la pyramide des âges réelle (en temps de glace) de l'équipe nationale. La Norvège arrive à former une masse critique de bons jeunes, mais ceux-ci ont toujours peiné à franchir le cap qui en ferait des attaquants de haut niveau international : les nouvelles générations y arriveront-elles ?

 

Autriche (14e) : encore sauvée in extremis

La statistique qui fait du bien : l'Autriche a obtenu son maintien sur la glace deux ans de suite. Cela faisait 19 ans que ce n'était pas arrivé... La statistique qui fait mal : l'Autriche termine ce championnat du monde sans jamais avoir mené au score ! Cela faisait 25 ans que ce n'était pas arrivé...

La période d'absence de la Russie et du Bélarus devait être l'occasion de conforter l'Autriche dans l'élite mondiale. Or, cela fait deux ans qu'elle obtient son maintien in extremis lors du dernier match de la peur. Et comme l'an passé, c'est le vieux gardien Bernhard Starkbaum qui l'a sortie d'un très mauvais pas grâce à ses capacités en un contre un. Il y a un an, il arrêtait trois échappées britanniques. Cette année, il a arrêté les quatre pénaltys hongrois. Or, Starkbaum a 37 ans et David Kickert n'arrive toujours pas à lui prendre la place de numéro 1, raison pour laquelle il ne joue plus ces confrontations décisives pour éviter la relégation depuis ce jour funeste de 2019 contre l'Italie. Mais il y a bien un jour où Starkbaum ne sera plus là et où le destin de l'équipe nationale sera sur les épaules de Kickert.

Le capitaine Thomas Raffl, lui aussi, aura 37 ans dans quelques semaines. Si l'Autriche a les meilleures statistiques en supériorité numérique, elle le doit évidemment à Raffl, son joueur le plus constant dans l'effort, toujours prêt à donner de sa personne devant la cage pour faire écran ou chercher le rebond gagnant. Le leadership de ce type de joueur est souvent sous-estimé, mais très important dans une équipe. Malgré le talent de leurs jeunes joueurs, les Autrichiens ne pourront pas se reposer éternellement sur ces vétérans qui évitent souvent le pire.

Cette problématique de leadership et de gardiens est commune à toutes les nations à ce niveau mondial, l'équipe de France le sait bien. L'Autriche n'a donc toujours pas prouvé qu'elle était un membre de l'élite mondiale si solide que ça. Certes, elle arrive souvent à tenir le score et ne paraît donc pas vraiment dépassée à ce niveau, mais son marquage individuel en zone défensive connaît ses limites quand l'attaque adverse à prendre ce système de vitesse par des permutations.

 

Hongrie (15e) : une bonne expérience malgré le dénouement cruel

La dernière fois que la Hongrie était apparue dans l'élite mondiale, en 2016, elle avait battu le Bélarus et aurait pu se maintenir... si l'équipe de France l'avait aidée et n'avait pas perdu son dernier match contre cet adversaire. Les Magyars se sont vengés en battant les Bleus en prolongation, et ils n'ont vraiment pas volé cette victoire. Ils se sont alors vraiment convaincus qu'ils avaient leur place dans l'élite mondiale. Juste après ce match, ils ont retiré leur candidature déposée un peu plus tôt à l'organisation du Mondial de division I A 2024. Les Hongrois ont eu leur destin en mains jusqu'à la fin pour rester dans l'élite cette fois, mais ils ont échoué d'un rien, aux tirs au but face à l'Autriche. Ils retourneront donc en D1A... à Bolzano, dans une probable lutte à trois pour deux places face à l'Italie et à la Slovénie.

Cette relégation est quand même logique. La Hongrie a fini bonne dernière en avantage numérique (1 but marqué... pour 1 but encaissé) et en désavantage numérique (où elle prenait un but une fois sur 2 !). La première ligne offensive a pâti de la faiblesse chronique du centre Janos Hari aux mises au jeu (35%). La deuxième ligne a été portée par les 4 buts en 9 tirs (!) d'Istvan Sofron, qui est le doyen de l'attaque à 35 ans.

La défense était quant à elle la pire du tournoi, avec 37 buts encaissés. Mais elle a perdu pour sa part son doyen Bence Sziranyi et était donc très inexpérimentée. Encore junior lors du dernier passage dans l'élite, Bence Stipsicz en est aujourd'hui le leader. Mais Milan Horvath (22 ans) et Zeteny Hadobas (20 ans) ont été des titulaires solides et ont engrangé une expérience très précieuse. Ce tournoi, joué sans le moindre naturalisé, a donc familiarisé la jeunesse hongroise avec une élite qu'elle pourrait fréquenter de manière moins épisodique.

 

Slovénie (16e) : compétitive... pour la dernière fois ?

Le zéro pointé au compteur de la Slovénie est difficile à avaler car elle était souvent compétitive. Seul le premier match face à la Suisse a été injouable pour elle, le temps de se remettre au niveau de l'élite. Elle a mené au score pendant un tiers-temps contre le Canada et surtout pendant deux tiers-temps contre la Tchéquie, passant tout près d'un exploit retentissant. Et face aux équipes théoriquement plus à sa portée, elle a perdu les quatre autres rencontres par un tout petit but d'écart.

Malheureusement, si le bilan n'est pas si mauvais qu'il n'en a l'air, les perspectives semblent moins florissantes. Le problème, c'est que 73% du temps de jeu des attaquants a été pris par les neuf trentenaires, qui auront tous au moins 33 ans si la Slovénie revient dans l'élite mondiale en 2025 ! Certes Jan Drozg, le plus jeune des avants (24 ans), a été le meilleur marqueur de l'équipe (à égalité avec Anze Kuralt) mais il risque bientôt de se sentir très, très seul. Pour un petit pays comme la Slovénie, la densité a toujours été un problème, mais pour remplir une attaque, il faut du monde.

Si ce n'était pas la dernière apparition de cette génération à ce niveau, c'était sans doute l'avant-dernière. La décennie dorée, marquée par deux qualifications olympiques, ne devrait pas se revivre de sitôt. Si la remontée semble possible l'an prochain, l'avenir du pays semble se situer plutôt en Division 1A.

 

Marc Branchu (photos Emmanuel Giraudeaux et IIHF)

 

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