Suisse 2022/23 : présentation

 

La National League accueille en son sein une quatorzième équipe avec Kloten (qui retrouve l’élite après quatre années en deuxième division). Première conséquence, les équipes sont dorénavant autorisées à aligner six joueurs étrangers sur la glace auparavant. Cette mesure était initialement destinée à freiner la spirale inflationniste sur les salaires des joueurs domestiques - notamment sur les joueurs de soutien - en permettant aux clubs de recruter deux joueurs importés supplémentaires, dit de "complément". Ceux-ci, moins réputés que les stars étrangères habituelles et/ou en provenance de championnats moins cotés, seraient surtout moins gourmands en termes de salaires que leurs homologues suisses. Mais ça, c’est la théorie...

En pratique, avec le conflit en Ukraine et le repli de la KHL, les équipes de National League ont pu recruter des joueurs autrefois inaccessibles financièrement mais qui ont accepté de revoir leurs prétentions à la baisse pour pouvoir jouer en Suisse. Si certains recrutements répondent à cette logique de joueur importé "de complément" (on pense à Juuso Vainio à Fribourg ou encore à Miikka Salomäki à Lausanne), ce sont surtout d’authentiques stars de KHL qui ont débarqué dans le championnat cette année : Teemu Hartikainen (photo) à Genève-Servette, Mikko Lehtonen à Zurich, Brian O’Neill à Zoug ou encore Markus Granlund à Lugano, etc. Aussi, le championnat 2022-2023 s’annonce comme peut-être le plus relevé de l’histoire en termes de densité de talent (hors saisons de lock out NHL).

Autres conséquences du passage à 14 équipes, le barrage de promotion/relégation entre le dernier de National League et le premier de Swiss League est réintroduit (sous réserve que le club de Swiss League réponde aux conditions de promotion). De plus, la "Lex Suter" (surnommée d’après Pius Suter) qui permettait à une équipe perdant un joueur sous contrat au profit de la NHL de le compenser par l’acquisition d’un joueur étranger supplémentaire est abolie. Enfin, les groupes régionaux disparaissent également. Chacune des 14 équipes rencontrera six fois chacun de ses adversaires pour un total de 52 matchs de saison régulière.

Accès direct à la présentation de chaque club : Zoug, ZSC Lions, Genève-Servette, Davos, Berne, Fribourg-Gottéron, Rapperswil-Jona, Lugano, Bienne, Lausanne, Ambrì-Piotta, Kloten, Ajoie, Langnau.

Accès direct à la présentation de Swiss League.

 

 

La "National League"

 

Zoug : en route pour la passe de trois

Champion incontesté en 2021, Zoug a récidivé en 2022 en gérant la saison régulière, en activant le mode « rouleau compresseur » en quart puis en demi-finale avant de s’imposer lors d’une finale homérique face à Zurich. Au regard de l’effectif 2022-2023, les Zougois se posent en candidats légitimes à leur propre succession. Rappelons que depuis l’introduction des playoffs dans le championnat de Suisse (1986), seuls Lugano (de 1986 à 1988) et Kloten (de 1993 à 1996) ont réussi la passe de trois (et même la passe de quatre dans le cas de Kloten).

L’EVZ mise sur la continuité et pourra toujours compter sur son trident offensif Gregory Hofmann – Jan Kovář – Dario Simion. Revenu d’une expérience avortée en NHL à Columbus (7 points en 28 matchs essentiellement passés en quatrième ligne), Hofmann a fait le choix de s’installer dans la durée à Zoug (son contrat court jusqu’en 2027-2028) et cherchera à confirmer son statut de meilleur attaquant suisse hors NHL. Révélé en 2020-2021, le Tessinois Simion a eu du mal à confirmer, du fait notamment d’une blessure qui l’a écarté pendant 16 matchs entre novembre et décembre. Revenu à la plénitude de ses moyens, il s’est avéré décisif dans les derniers matchs de la finale. Souvent orphelin de ses compères de ligne, Kovář a livré une saison 2021/22 en retrait par rapport à la précédente (43 points contre 63 points) avant d’élever son niveau séries éliminatoires qu’il a terminé avec le trophée de MVP (21 points en 15 rencontres).

Zoug pourra également compter en attaque sur Fabrice Herzog, précieux en séries. Ce dernier, initialement en fin de contrat et courtisé sur le marché (par Zurich et Lugano notamment) a prolongé son bail fin septembre avec l’EVZ pour trois saisons de plus. Seront également toujours présents Carl Klingberg et son abattage devant le filet, Yannick Zehnder, Sven Senteler (récemment prolongé pour trois ans) ou encore Reto Suri (blessé en finale et attendu de retour pour la fin 2022). L’équipe championne en tire pourra également compter sur le retour de blessure de Lino Martschini qui aura manqué toute la fin de saison passée (séries inclues). Dans sa dernière année de contrat, le joueur petit format (1,68 m sous la toise) souhaite demeurer à Zoug et l’a clairement exprimé dans la presse : « Je n'ai pas de plan B, l’EV Zoug est ma maison ». Les changements en attaque consistent en les départs d’Anton Lander (retourné en Suède à Timrå) et Marco Müller (à Lugano). Ceux-ci ont été compensés par les arrivées de deux calibres en provenance de KHL. Non drafté à sa sortie de l’Université de Yale, champion et MVP de la saison AHL 2014-2015 sans avoir pu s’imposer en NHL (seulement 22 matchs à New Jersey en 2015-2016), l'ailier américain Brian O’Neill a été fidèle au Jokerit Helsinki depuis 6 ans avec 311 matchs de KHL et 268 points au compteur. Quant au Slovaque Peter Cehlárik, il arrive "enfin" en Suisse après avoir été en contact par le passé avec Lugano (en 2020) et Lausanne (en 2021).

En défense, le top-6 est presque reconduit dans son intégralité (Christian Djoos, Niklas Hansson, Dominik Schlumpf, Samuel Kreis et Nico Gross) à l’exception de Claudio Cadonau (retourné à Langnau). Pour le remplacer, le club de Suisse centrale a rapatrié son ancien protégé Tobias Geisser depuis les Bears de Hershey en AHL. Enfin, l’EVZ dispose en la personne de Leonardo Genoni d’une assurance tous risques devant le filet. Genoni est un gagnant parmi les gagnants (7 titres en 7 finales jouées avec 3 équipes différentes), toujours capable d’élever son niveau de jeu quand l’enjeu l’exige.

On n’oubliera pas non plus de mettre en avant l’exceptionnelle formation zougoise avec pas moins de la moitié de l’effectif formés au sein de l’EVZ. Il sera d’ailleurs curieux d’observer comment le club maintiendra la qualité de sa formation et les passerelles avec l’équipe première à la suite du retrait de de son club-ferme de Zoug Academy de Swiss League.

Tant quantitativement que qualitativement, dispose de tous les arguments pour conserver son titre. La question fondamentale est de savoir si les Zougois auront encore assez faim pour réaliser les sacrifices nécessaires pour conquérir un nouveau sacre.

 

Zurich : le titre ou rien

Passés proches d’un titre qui les fuit depuis 2018, les ZSC Lions auront à cœur de laisser le dénouement tragique de la saison 2021-22 derrière eux. Ils seront aidés en cela par leur changement de patinoire puisque l’équipe va déménager de l’antique Hallestadion vers l’ultra-moderne Swiss Life Arena (dont le coût est estimé à plus de 170 millions de francs suisses) au cœur de l’automne. L’intersaison avait pourtant mal commencé pour Zurich puisque Denis Malgin, auteur d’une magnifique saison, a activé sa clause de sortie en NHL à l’été. Il retrouvera les Toronto Maple Leafs avec lesquels il avait déjà évolué avant de revenir en Suisse. Pour compenser ce départ, Zurich a procédé à un recrutement cinq étoiles. Devant le filet, le Tchèque Šimon Hrubec (champion de KHL avec Omsk) prend la suite de son compatriote Jakub Kovář (parti au Sparta Prague). En défense, pour remplacer Maxim Noreau (parti vers Rapperswil-Jona) à la pointe du jeu de puissance, c’est le champion olympique et champion du monde Mikko Lehtonen qui débarque sur les rives de la Limmat précédé d'une réputation flatteuse. L’autre recrue de taille à la ligne bleue se nomme Dean Kukan. Parti de Zurich à 18 ans pour poursuivre sa formation en Suède, le Suisse a ensuite évolué pendant 6 ans dans l’organisation des Blue Jackets de Colombus. Ses prestations réussies aux derniers Championnats du Monde ont rassuré sur sa capacité à sa s’adapter aux grandes surfaces de glace. Lehtonen et Kukan viennent ainsi grossir un contingent déjà bien garni avec Phil Baltisberger, Patrick Geering (le « clubiste » par excellence qui il n’a connu que Zurich en 15 années de carrière), le rugueux Christian Marti ou encore l’ex-NHLer Yannick Weber.

En attaque, Lucas Wallmark (en provenance du CSKA Moscou et passé pendant 5 saisons en NHL) devrait combler le vide laissé par Marcus Krüger. Le profil de Juho Lammikko est plus difficile à évaluer car, hormis une grosse saison 2019-20 avec Kärpät (51 points), il a fait carrière comme centre de quatrième ligne en NHL. La grande recrue pour les ZSC Lions qui pourrait faire oublier Malgin est le tricolore Alexandre Texier dont les qualités devraient s’exprimer à merveille en National League. Malheureusement, on ne le saura pas tout de suite car il s'est blessé au match inaugural de la saison à Rapperswil sur une charge contre la bande (de Jeremy Wick). Enfin, pour remplacer Marco Pedretti (parti à Lausanne) dans le rôle d’attaquant de profondeur, Zurich a rapatrié Jérôme Bachofner (double champion national avec Zoug). Ces arrivées s’additionnent à un effectif déjà bien complet composé (entre autres) du talentueux Sven Andrighetto, des expérimentés Denis Hollenstein (32 ans), Garrett Roe (34 ans, au club depuis 2018) et Justin Azevedo (34 ans, 39 points la saison passée)

Zurich s’est donc renforcé au poste de gardien et en défense tout en étant au moins aussi talentueux en attaque. Dans ses conditions, difficile de considérer les ZSC Lions autrement que comme un favori au titre suprême. À l’image de Lugano ou de Berne, les attentes sont grandes tant au niveau médiatique que populaire. Titré avec la sélection suédoise mais pas encore en club, l’entraîneur Rikard Grönborg sera épié. Rappelons que sa place avait sérieusement vacillé au cœur de l’hiver 2021 lorsque son équipe peinant dans le ventre-mou du classement avant de réaliser une superbe fin de saison. Bref, pour Zurich ce sera le titre ou rien.

 

Genève-Servette : la meilleure légion étrangère de la ligue

Éliminé la saison passée au stade en pré-playoffs après avoir atteint la finale un an auparavant, Genève-Servette s’est donné les moyens de retrouver les sommets. Grand artisan de la remontée des Aigles au classement après sa nomination (65 points en 29 matchs), Jan Cadieux a été reconduit dans ses fonctions. Il sera toujours assisté de Rikard Franzén tandis que le fidèle Louis Matte quitte les Vernets après 15 ans pour prendre le poste de coach principal à La Chaux-de-Fonds en Swiss League. Pour le remplacer, c’est Yorick Treille qui a été choisi comme second adjoint. Révélé derrière la bande à Mulhouse puis avec l’équipe de France et fortement pressenti pour prendre la succession de Gary Sheehan à Ajoie, Treille retrouve finalement un club qu’il a connu en tant que joueur (entre 2005 et 2007).

Genève aura également appris de ses erreurs et aura trouvé en Robert Mayer une solide doublure à Gauthier Descloux. Considéré comme l’un des meilleurs portiers de Suisse lorsqu’il est en santé, Descloux reste sujet aux blessures (encore 22 matchs manqués en 2021-2022) et doit être régulièrement ménagé. Pour Mayer, il s’agit d’un retour très naturel au bout du lac après avoir résilié son contrat de quatre ans avec Davos au bout de deux années sans saveur (et un prêt à Langnau).

Servette accueille également avec impatience le retour de Linus Omark. Décisif en 2020/21 (61 points), Omark avait demandé à décaler la deuxième année de son contrat pour jouer la saison passée en Suède à Luleå. La présence du fantasque Suédois a clairement joué dans le choix de Teemu Hartikainen de rejoindre la cité de Calvin (Lugano était également sur les rangs). En effet, Omark et Hartikainen se comprennent parfaitement sur la glace et sont amis en dehors. Leur duo, complété par l’infatigable Tanner Richard, fait déjà des étincelles en début de saison. À l’attaque, la légion étrangère est complétée par les toujours productifs Daniel Winnik (54 points en 48 matchs à 37 ans) et Valtteri Filppula (47 points), membre du Triple Gold Club toujours pas rassasié de titres. Avec les arrivées de Vincent Praplan – qui a besoin de se relancer après un passage compliqué à Berne – et d’Alessio Bertaggia complétant le contingent en place (notamment Noah Rod, Marc-Antoine Pouliot ou encore Josh Jooris), Jan Cadieux dispose d’une quinzaine d’attaquants de haut niveau à disposition.

La défense sera toujours emmenée par le meilleur défenseur du championnat Henrik Tömmernes (58 points en 51 matchs la saison passée). Rappelons que le Suédois arrive en fin de contrat et ne manquera pas de susciter les convoitises. Le reste de l’escouade défensive présente des garanties de talent (Sami Vatanen, Simon Le Coultre) et de solidité (Marco Maurer, Roger Karrer, Mike Völlmin) sans toutefois disposer de la même profondeur qu’à l’attaque.

Genève-Servette dispose ainsi de tous les atouts pour retrouver le haut du classement et se poser en candidat sérieux pour le titre. Le groupe grenat est pétri de talent mais également d’égos. Jan Cadieux saura-t-il trouver une place pour tout le monde et ménager les susceptibilités ?

 

Davos : un HCD à l’accent Tre Kronor

Malgré l’absence de Coupe Spengler - et de ses revenus associés - depuis deux ans, le HC Davos a su rester compétitif et n’est plus le monument en péril qu’il était à la fin de l’ère Del Curto en 2019. Le directeur général Jan Alston a su poursuivre le travail entamé par Raeto Raffainer et tempérer le caractère de l’impétueux Christian Wohlwend… si on met de côté le coup de sang en demi-finale où l’entraîneur Grison, excédé par une décision arbitrale avait jeté des bouteilles d’eau sur la glace.

Sur le glaçon justement, le HCD continue se structurer. Pour la seconde année consécutive, il peut réjouir d’avoir signé l’un des rares défenseurs majeurs suisses disponibles sur le marché. Après Dominik Egli la saison passée, c’est Michael Fora qui rejoint la Vaillant Arena. Plus encore, Alston est parvenu à sécuriser ses pépites : Valentin Nussbaumer (22 ans) a été prolongé jusqu’en 2027 et Simon Knak (20 ans, drafté en sixième ronde par Nashville en 2021) est quant à lui sous contrat jusqu’en 2026. Révélé sur le tard à 26 ans, le gardien Sandro Aeschlimann, auteur d’une saison 2021-22 stratosphérique (22 victoires dont 7 blanchissages, 1,78 but encaissé en moyenne et 94,2%) est lui aussi favosien pour quatre saisons de plus. Wohlwend pourra également compter sur l’apport de l’inoxydable Andres Ambühl (39 ans), sur lequel le temps ne semble ne pas avoir de prise, et sur l’élégant Enzo Corvi.

Concernant le contingent importé, le HCD a joué sur la carte suédoise avec cinq représentants. En défense, Klas Dahlbeck (depuis 4 ans au CSKA Moscou) rejoint le fidèle Magnus Nygren (au club depuis 2017). Le profil défensif de Dahlbeck est susceptible de bien compléter le jeu plus porté sur l’attaque de Nygren. À l’offensive, le Tchèque Matěj Stránský (meilleur buteur du championnat en 2021-22 avec 26 réalisations) et Dennis Rasmussen seront appuyés par Leon Bristedt (46 points en autant de parties avec Rögle) et Joakim Nordström (en provenance du CSKA Moscou).

Sans faire grand bruit, le HC Davos a réussi son intersaison et apparaît au moins aussi bon si ce n’est meilleur que la saison passée, de quoi viser une qualification directe en playoffs… si les blessures épargnent le club grison qui manque un peu de profondeur.

 

Berne : die Rückkehr des Berner Bären (le retour de l’Ours bernois)

C’est une forme de révolution qui s’est opérée à l’intersaison du côté du CP Berne. Après 24 années passées à la tête du club de la capitale, l’emblématique (et médiatique) Directeur Général Marc Lüthi passe la main. Ennuyé par des soucis de santé, il cède sa place à Raeto Raffainer (grand artisan du redressement de Davos), jusque-là directeur sportif. Sous la présidence de Lüthi (dorénavant président du Conseil d’administration) le CP Berne a conquis 6 titres de champion de Suisse (2004, 2010, 2013, 2016, 2017, 2019), mais reste sur trois exercices en net retrait, son modèle économique ayant été particulièrement mis à mal par la crise du coronavirus. Conséquence directe la promotion de Raffainer, c’est Andrew Ebbett, par ailleurs ancien joueur du club (de 2015 à 2020), qui endosse les responsabilités de directeur sportif. Après des années de vaches maigres, la fin des restrictions sanitaires sonne comme une bénédiction pour le SCB et Ebbett qui disposent de moyens bien supérieurs à ceux des saisons précédentes pour son recrutement. Exit donc les étrangers décevants (Phil Varone, Christian Thomas), sur le déclin (Kaspars Daugavins, Dustin Jeffrey, Cory Conacher), les anciennes gloires (Thomas Rüfenacht, Gregory Sciaroni) ou encore les joueurs plus désirés (Calle Andersson, Vincent Praplan).

Sur le marché domestique, le CP Berne a réussi à attirer (presque) tous les meilleurs joueurs suisses disponibles, au premier rang duquel Sven Bärtschi. Après douze années en Amérique du Nord dont dix entre la NHL et l’AHL (à raison de presque un demi-point par match dans la grande Ligue et presque 0,8 point par match dans la Ligue Américaine), l’attaquant a attendu d'avoir presque 30 ans pour jouer son premier match en élite suisse dans le club de "sa" ville (il est natif de la capitale fédérale) ! En effet, Bärtschi, formé à Langenthal (en deuxième division) était parti en WHL à 17 ans avant même d’avoir foulé une glace de LNA. C’est également un retour aux sources pour Joël Vermin (formé au SCB) après 3 trois saisons et demie en Amérique du Nord (entre Tampa Bay et son club ferme de Syracuse) et 5 saisons en Romandie (3 à Lausanne et 2 à Genève-Servette) dont une dernière bouclée à 21 buts, ce qui faisait de lui le deuxième meilleur buteur suisse du dernier championnat (à égalité avec Brunner et derrière les 22 unités de Malgin). Toujours en attaque, Marco Lehmann (23 ans) débarque également sur les rives de l’Aar. Auteur d’une saison pleine en 2020-21 avec Rapperswil-Jona (30 points en 50 matchs), sa progression a été fortement ralentie l’année passée par les blessures (seulement 24 rencontres disputées pour 5 points). En fin de mercato, le SCB a également pu rapatrier Benjamin Baumgartner dont le contrat avec Lausanne a été résilié. S’il retrouve le niveau qui était le sien à Davos (et qui lui a permis d’être drafté en 2020 par New Jersey), le jeune Autrichien à licence Suisse (22 ans) pourrait être une belle addition. En défense, Berne reçoit les renforts de l’international Romain Loeffel et de Jesse Zgraggen.

Par ailleurs, le SCB peut s’enorgueillir de toujours disposer de ses meilleurs éléments suisses sous contrat avec les internationaux Tristan Scherwey, Ramón Untersander et Simon Moser. Mais également d’une base de jeunes dont le gardien Philip Wüthrich (qui représente certainement l’avenir de la Nati à son poste) et des potentiels en devenir Mika Henauer et Joshua Fahrni. Du côté de la phalange étrangère, le recrutement est aussi luxueux. Rares satisfactions de la saison passée, le défenseur canadien Cody Goloubef et surtout l’attaquant allemand Dominik Kahun (prolongé jusqu’en 2027 !) porteront toujours le maillot des Ours à la reprise. Pour les accompagner, le staff bernois a signé Christopher DiDomenico étincelant avec Fribourg-Gottéron (54 points), Colton Sceviour (9 saisons de NHL dans un rôle d’attaquant à vocation défensive) et Oscar Lindberg (vu à Zoug en 2019-20 et qui reste sur deux saisons de KHL au Dynamo Moscou).

Avec ce recrutement XXL, le CP Berne s’est donné les moyens de réintégrer le haut du tableau. La pression sera notamment sur les épaules de l’entraîneur Johan Lundskog, arrivé la saison passée de Davos dans les valises de Raeto Raffainer qui l’avait recruté en tant qu’adjoint à Christian Wohlwend. Si les mauvais résultats de la saison dernière pouvaient s’expliquer par la faiblesse générale de l’effectif, l’excuse ne tiendrait plus cette année. Régulièrement tancé par la presse alémanique (Klaus Zaugg a écrit que Lundskog "ramenenait le SCB à l'âge de pierre sur le plan sportif" par sa surutilisation de ses cadres consécutive à une défaite face à Ajoie en début de saison), le Suédois n’aura pas d’autre choix que de réussir pour faire taire les critiques.

 

Fribourg-Gottéron : une fenêtre de tir qui se réduit

Longtemps leader de la dernière saison régulière, Fribourg-Gottéron n’a pas su passer l’écueil des ZSC Lions en demi-finale, malgré une belle résistance lors des trois premières rencontres décidées en prolongations. Les Dragons repartent un effectif quasi inchangé, donc avec les mêmes qualités… et les mêmes défauts. En termes de points forts, les leaders que sont Killian Mottet (43 points dont 18 buts), David Desharnais (43 points dont 19 buts), Julien Sprunger, Ryan Gunderson ou encore Raphael Diaz ont été performants en 2021-22 et porteront toujours la tunique des Dragons. L’ancien capitaine de la Nati a d’ailleurs apporté de la sérénité à la défensive de Gottéron, dont aura notamment profité Reto Berra, meilleur gardien de la Ligue la saison passée. Ça, c’est pour le côté pile.

Pour le côté face, on notera que les groupe de leaders est âgé, pour ne pas dire vieillissant : Gunderson, Diaz et Sprunger ont 36 ans, Berra et Desharnais ont 35 ans, Andrei Bykov a 34 ans et 8 autres joueurs dont atteint ou passé la trentaine (dont Mottet). Au final, le groupe affiche une moyenne d’âge de presque 30 ans. Son expérience sera certainement utile au moment des playoffs mais fait peser une contrainte temporelle pour Fribourg-Gottéron. Face au risque de déclin dû à la progression dans l’âge de ses joueurs phares, le temps presse pour Fribourg-Gottéron pour conquérir le titre suprême. D’autant plus que le club apparaît limité au niveau de sa relève, à l’exception de Sandro Schmid (22 ans, 27 points) dont le contrat vient d’être prolongé et de Nathan Marchon (25 ans), révélation de la dernière saison (20 buts soit autant que son cumul des 4 saisons précédentes).

Au rayon des arrivées, la prise de Gottéron se nomme Christoph Bertschy. Joueur du Lausanne HC depuis 4 saisons (bouclées entre 28 et 40 points), l’attaquant international revient dans son club d'origine avec un contrat de 7 ans (!), décidé à honorer cette confiance et ce risque pris en restant dans la meilleure forme possible jusqu'à ses 35 ans. Pour les dirigeants fribourgeois, l’idée sous-jacente à cette signature est certainement aussi de préparer l’après-Sprunger. En plus de Bertschy, le coach et manager Christian Dubé peut s’enorgueillir des arrivées des Suédois Marcus Sörensen (44 pts en 47 matchs à Djurgårdens et deux saisons à 17 buts en NHL à San José) et Jacob de la Rose (attaquant réputé pour son abattage défensif) ainsi que des Finlandais Janne Kuokkanen (en provenance des New Jersey Devils) et Juuso Vainio (défenseur au profil stay at home). L’un des grands défis de Fribourg-Gottéron sera de surmonter le départ de Chris DiDomenico, absolument indispensable durant ses deux dernières saisons mais impossible à conserver par le budget contraint des Dragons. Ces mêmes finances serrées qui limitent la profondeur de l’effectif fribourgeois. Aussi chaque blessure pourra rapidement se traduire par un trou béant.

Fribourg-Gottéron devrait continuer à rester compétitif en 2022-23 à condition que les leaders restent le plus longtemps possible loin de l’infirmerie (surtout Reto Berra) et que la pression médiatique (très forte à Fribourg-Gottéron) reste à un niveau bas. Mais pour cela, il faut des résultats !

 

Rapperswil-Jona : tenter de surprendre (encore)

Les Lakers n’ont eu de cesse de déjouer les pronostics depuis de deux saisons. Surprenants demi-finalistes en 2020-21, les Saint-Gallois ont atteint la 4ème place en 2021-22 (leur meilleur classement depuis 2005-2006). Le défi sera de rééditer ces performances et pour ce faire, Rapperswil-Jona va appliquer les mêmes recettes que précédemment avec un (très) bon gardien (Melvin Nyffeler qui sort d'une excellente saison à 2,23 buts encaissés et 92,1% d’efficacité), quelques grands talents, des jeunes prometteurs et quelques atouts cachés, le tout emmené par un excellent coach.

Le talent sera une fois de plus l’apanage de Roman Červenka. Épargné par les blessures depuis deux saisons, le Tchèque continue d’être un joueur à part au point d’avoir été élu MVP de la ligue à 36 ans. Les Lakers ont profité du retrait des Jokerit Helsinki de la KHL pour embaucher l’Américain Jordan Schroeder et surtout l’imposant ailier danois Nicklas Jensen (34 points en 37 parties la saison passée). En défense, le Suédois Emil Djuse a été convaincu de prolonger d’une saison et profitera de l’apport (et du slapshot) du Québécois Maxim Noreau encore très performant à 35 ans de l’autre côté du Lac de Zurich (38 points en 48 parties avec les ZSC).

L’expérience de Noreau sera particulièrement utile pour encadrer le développement des jeunes défenseurs Inaki Baragano (21 ans), Nathan Vouardoux (21 ans) et David Aebischer (22 ans). Dans l’impossibilité de percer l’alignement dans leurs clubs formateurs respectifs (Lausanne pour Baragano et Vouardoux, Fribourg-Gottéron pour Aebischer), les trois jeunes Romands ont su saisir leur chance à Rapperswil-Jona. Vouardoux a par ailleurs été nommé meilleur jeune joueur de la Ligue, succédant à Marco Lehmann (ex-Rappi et dorénavant à Berne). Les Lakers compteront également sur l’éclosion de Nando Eggenberger (23 ans, intégré au cadre élargi de la Nati) et des sous-cotés Nico Dünner, Sandro Zangger ou encore Dominic Lammer. Juste avant la reprise, Rappi a également ajouté de la profondeur en recrutant Tyler Moy qui risquait d’être borduré dans le pléthorique effectif de Genève-Servette.

L’ensemble sera toujours emmené par Stefan Hedlund qui pour sa première saison à la tête des Lakers a fait plus que convaincre en décrochant le titre d’entraîneur de l’année en pratiquant un hockey offensif et basé sur la possession du puck. Si les Lakers ne laissent pas trop de forces en CHL, que Roman Červenka et Melvin Nyffeler restent en santé, alors une qualification pour les séries pour une troisième année consécutive apparaît possible..

 

Lugano : toujours à la recherche du lustre d'antan

Seize années, c’est le nombre de saisons qui séparent le HC Lugano depuis son dernier titre (en 2005-06). Et depuis ? Deux finales perdues (2015-16 et 2017-18) et trois éliminations de rang au premier tour des playoffs. Le bilan est maigre et inversement proportionnels aux moyens mis en œuvre et aux attentes des tifosi. L’effectif de base est reluisant. Pensez-donc : des internationaux (Calvin Thürkauf, Mirco Müller) ou ex-internationaux (Santeri Alatalo, Julian Walker), des joueurs suisses de valeur (Luca Fazzini, Niklas Schlegel), des pointures étrangères (Mark Arcobello, Daniel Carr) et le tout coaché par le légendaire et charismatique Chris McSorley. Et pourtant, le HCL n’a pu faire mieux que neuvième l’an passé et la victoire en pré-playoffs face à Genève-Servette ne parvient pas à dissimuler un bilan très décevant. Chris McSorley aura d’ailleurs été (curieusement ?) épargné par la critique la saison passée dans un club pourtant réputé par la passion de ses fans et la propension de ses dirigeants à changer d’entraîneur. Larry Huras, Patrick Fischer, Doug Shedden, Greg Ireland, Sami Kapanen et Serge Pelletier se sont ainsi succédé derrière la bande du HCL durant la dernière décennie.

L’aura dont dispose McSorley l’a sans doute protégé mais faute de résultats sa place pourrait vaciller. D’autant plus que le coach ontarien dispose d’un effectif sérieusement renforcé. En plus des joueurs listés plus haut, le club tessinois est parvenu à attirer les Finlandais Markus Granlund (Ufa, 335 matchs de NHL et champion olympique), Oliwer Kaski (défenseur offensif en provenance d’Omsk) et surtout le cerbère Mikko Koskinen. S’il n’a jamais totalement fait l’unanimité à Edmonton pendant les 4 saisons qu’il a disputé avec les Oilers (3,01 buts encaissés en moyenne et 90,6% d’efficacité en 168 rencontres jouées), le gardien débarque en Suisse avec un pédigré impressionnant et l’expérience des grands championnats (il a été champion de KHL avec SKA Saint-Pétersbourg en 2015 et 2017). De quoi sécuriser un poste de gardien sur lequel Lugano a été en grande difficulté la saison passée avec un impressionnante cascade de blessures. Le HCL a également enregistré les arrivées de Marco Müller (précieux à Zoug la saison passée), du défenseur suédois à licence suisse Calle Andersson (qui viendra compenser le départ de Romain Loeffel à Berne) mais également de Brett Connolly (ancien 1er tour de draft, 11 saisons en NHL et un titre de champion avec les Capitals).

Sur le papier, le HC Lugano a les moyens de venir chasser sur les terres de Zoug et de Zurich et re-ressusciter « Il Grande Lugano » des années 1990/2000. Dans le cas où les résultats ne suivraient pas, Chris McSorley pourrait être menacé et la crise pourrait rapidement couver dans le sud du Tessin.

 

Bienne : contrecarrer le déclin

Troisième du classement et demi-finaliste en 2017-2018, le HC Bienne recule lentement (4e en 2018-2019, 5e en 2019-2020, 7e en 2020-2021 et sorti en pré-playoffs) mais sûrement dans la hiérarchie du hockey helvétique. Malheureusement pour le HCB, le retour à la bande du coach Antti Törmänen - revenu après un an de retrait pendant pour soigner un cancer – et du fils prodigue Gaëtan Haas (après avoir joué les utilités pendant deux saisons à Edmonton) n’ont pas permis d’enrayer le déclin. En effet, après avoir commencé la précédente saison par huit victoires d’affilée, le formation seelandaise est progressivement rentrée dans le rang. Passée proche d’un exploit en quart face à Zurich, la saison des Biennois s’est terminée au premier tour des playoffs et laisse un sentiment d’amertume, la faute notamment à un manque de production offensive. D’ailleurs, si le HCB peut toujours compter sur le sniper Toni Rajala, qui revit sous les ordres de Törmänen (48 points en 2021-22 contre 32 un an plus tôt) et sur la vista de Damien Brunner (44 points – dont 21 buts - en 44 matchs), Gaëtan Haas aura quant à lui déçu. Toujours précieux et responsable défensivement, le capitaine n’aura compté que six fois la saison passée, faisant de lui seulement le neuvième compteur de son équipe, bien en deçà des attentes liées à son statut.

Le HCB entame la nouvelle saison avec un groupe reconduit quasi-intégralement. Le principal changement intervient devant le filet où Joren van Pottelberghe, blessé en avril dernier à la suite d’un contact en match, a dû subir une opération du ligament croisé antérieur du genou droit entraînant une absence de six à neuf mois. Pour faire face à cette indisponibilité, les dirigeants biennois se sont tournés vers le marché des gardiens étrangers. Bienne pensait bien avoir réalisé l’un des gros coups du mercato en attirant Jussi Olkinuora, portier titulaire de l’équipe Finlandaise championne du monde en titre. Mais ses performances titanesques lors des derniers Mondiaux (8 victoires, 94,8% d’arrêts) ont attiré l’intérêt des Red Wings de Détroit en NHL qui lui ont offert un contrat. Bienne lui a rapidement trouvé un successeur en son compatriote (et doublure aux Mondiaux) Harri Säteri. Loin d’être un plan B, Säteri était titulaire avec la Finlande lors de la conquête olympique avec là encore des statistiques hallucinantes (1 but encaissé en moyenne et 96,9% d’arrêts en 5 matchs) et sort de trois saisons de KHL à 92,0% d’arrêts avec le Sibir Novosibirsk. En dehors du poste de gardien, on notera le départ de Michael Hügli vers Lausanne, compensé par l’arrivée du Suédois Jesper Olofsson, prolifique en 2021-22 (50 points dont 25 buts) mais dans une équipe de bas de tableau (Langnau) qui jouait pour lui.

Aussi, la marge de progression de l’équipe apparaît limitée, d’autant plus qu’à l’image de Fribourg-Gottéron, l’effectif biennois est âgé à l’image de ses leaders : 33 ans pour Etienne Froidevaux et Luca Cunti, 34 ans pour Noah Schneeberger, 35 ans pour Robin Grossmann, 36 ans pour Damien Brunner ou encore 39 ans pour Beat Forster. Mais à la différence des Dragons, le club de la cité horlogère dispose d’un réservoir de jeunes joueurs en devenir à l’image de Noah Delémont (20 ans) et Elvis Schläpfer (21 ans) qui ont déjà percé l’alignement ou encore Jérémie Bärtschi (20 ans) et Ramon Tanner (23 ans) qui tenteront de s’établir avec l’équipe première. Ce sont peut-être eux qui détiennent la clé du développement du HCB.

Au regard de son effectif, le HC Bienne s’est peu renforcé par rapport à l’année passée notamment en comparaison d’équipes qui le suivaient au classement 2021-22 (Genève-Servette, Lugano et Berne) rendant la perspective d’un recul de plusieurs rangs possible.

 

Lausanne : trop de bons joueurs, pas assez de très bons joueurs

Sixième en 2021, septième en 2022 pour un résultat identique (élimination en quart de finale), le Lausanne Hockey Club fait du surplace. Et pourtant, le club vaudois dispose de moyens qui permettraient d’espérer mieux mais la stratégie sportive dictée par le directeur des opérations hockey Petr Svoboda (par ailleurs actionnaire du LHC à hauteur de 20%) ne produit pas les résultats escomptés. Pire, l’instabilité qui pèse sur l’effectif – au point de régulièrement défrayer la chronique - s’est retrouvée sur la glace. L’ancien international tchèque est un collectionneur de contrats doublé d’un adepte des mouvements de joueurs. On ne compte plus les échanges (le dernier en date envoyant Luca Boltshauer à Langnau en retour d’Ivars Punnenovs), les joueurs bordurés puis finalement resignés (Joël Genazzi), les joueurs resignés puis finalement mis sur le marché (Cody Almond), mis sur le marché tout court (Guillaume Maillard, Floran Douay) ou les contrats résiliés avant terme (les derniers en date étant Michael Frolík, Mark Barberio ou encore Benjamin Baumgartner). Le cas Baumgatner est d’ailleurs symptomatique de la gestion sportive en vigueur à Lausanne. Recruté à prix d’or (on a évoqué 400 000 francs suisses par saison) pour 4 ans, le jeune Autrichien, totalement perdu sur les bords du lac Léman, a rompu son contrat après un seul petit exercice pour rejoindre Berne.

Le bilan sportif est terrible : depuis sa remontée en première division en 2013-2014, le LHC n’a remporté qu’une seule série de playoffs (en 2018-2019). Et depuis le rachat en 2020 par le trio Finger–Bakala–Svoboda, devenu duo au printemps (Zdenek Bakala ayant cédé ses parts à Gregory Finger) force est de constater que Lausanne n’a pas su attirer de star étrangère dominante ni même conserver ses meilleurs joueurs suisses (Denis Malgin, Christoph Bertschy et Joël Vermin sont tous partis sous d’autres cieux). Jamais avare d’un "bon" mot ou d’une polémique (rayez la mention inutile), le journaliste alémanique Klaus Zaugg qualifie le LHC de "casino" car il circule « énormément d'argent circule dans le club vaudois et tout peut s'y passer, y compris le pire. La faute au management de l'imprévisible Petr Svoboda, capable de chaque jour d'un coup de tête. (…) Mais nulle part ailleurs en Suisse, on ne paie autant en exigeant si peu de performances. » Le même Zaugg affirme même que le club aurait perdu 14 millions de francs suisses l’année passée…

Pour la saison 2022-23, la première interrogation concernant le LHC concerne le poste de gardien. L’année passée, le titulaire habituel Tobias Stephan a semblé rattrapé par le poids de ans (38 ans). Ennuyé par des pépins physiques, l’ancien international a livré sa plus petite saison sur un plan statistique (90,4%). Pour compléter son duo de portiers, Lausanne a obtenu les services d’Ivars Punnenovs. Fidèle à sa réputation d’homme imprévisible, Svoboda a accordé un contrat de cinq ans (!) au gardien letton à licence suisse pourtant réputé fragile physiquement et n’a connu qu’une seule saison avec une balance positive dans sa carrière (en 2019-2020). À sa décharge, Punnenovs a toujours évolué dans des équipes de bas de tableau (Rapperswil-Jona puis Langnau), à lui de prouver qu’il peut être performant avec une solide défensive devant lui. L’atout principal de Lausanne réside en effet toujours dans ses lignes arrières avec les internationaux Lukas Frick, Fabian Heldner et Andréa Glauser (révélation de la saison passée) ou encore les profils plus offensifs Martin Gernát (13 buts la saison passée) et Joël Genazzi (dernière figure historique de l’équipe qui a retrouvé l’élite en 2013).

La deuxième interrogation concerne l’attaque. La ligne Jiří Sekáč – Jason Fuchs – Damien Riat, irrésistible début 2022, a complétement disparu des radars en playoffs. Souvent dominant dans le jeu, le LHC aura souvent manqué d’un véritable buteur, notamment en supériorité numérique. Auteur de 27 buts en cumulé lors des deux exercices avec Bienne, Michael Hügli constitue une valeur ajoutée. De la même manière, Robin Kovács (21 buts à Örebro en 2021-22), Daniel Audette et Michael Raffl (presque 600 matchs de NHL) semblent être des bonnes pioches sans pour autant coller au profil tant recherché du "tueur" devant la cage. La bonne nouvelle pour l’équipe de la Vaudoise Aréna consistera en la prolongation de Ken Jäger, jeune centre suisse responsable des deux côtés de la patinoire (une denrée rare).

Le LHC s’est un peu renforcé mais sans doute moins que ses concurrents directs (Genève-Servette ou encore Berne) au point qu’une qualification directe pour les playoffs n’apparaît pas comme garantie.

 

Ambrì-Piotta : le meilleur des "petits" clubs

En 2021-22 le HCAP a entamé un nouveau chapitre de son histoire en quittant son antique patinoire de la Valascia pour intégrer la Gottardo Arena. Le club tessinois dispose dorénavant d’un outil de travail adapté aux exigences du hockey moderne et sécurise de fait le hockey professionnel dans la vallée de la Léventine. Cette première saison dans la Gottardo Arena fut d’ailleurs une réussite puis qu’Ambrì-Piotta a réussi in-extremis à rallier les pré-playoffs (en tombant avec les honneurs face à Lausanne).

Le chantier estival pour le binôme Luca Cereda (head coach) et Paolo Duca (general manager) a été de renouveler un contingent étranger globalement très peu productif la saison passée (seulement 28 buts marqués par des joueurs importés). Pour doper l’attaque, c’est un jeune duo tchèque (25 ans de moyenne) qui rejoint la formation tessinoise : Filip Chlapík a terminé meilleur scoreur de l’Extraliga pour le Sparta Prague et Michael Špaček sort d’une saison à presque un point par match à Frölunda. Ces deux-là devraient apporter leur écot à un attaque jusque-là portée par Inti Pestoni (revigoré par son retour "à la maison"), Dario Bürgler et André Heim, un trio auteur de 34,3% des buts du HCAP l’année passée. Pour compléter l’alignement offensif, Ambrì-Piotta a également mis la main sur le joueur de centre Nick Shore, entraperçu 2020-21 avec Zoug (22 points en 27 matchs).

En défense, le club du président Filippo Lombardi déplore la perte de son meilleur homme en la personne de Michael Fora (parti à Davos) et de Juuso Hietanen mais enregistre les renforts des défenseurs résolument offensifs Tim Heed (en provenance du Spartak Moscou), vu à son avantage en 2020-21 avec Lugano (34 points dont 14 buts en 47 matchs) et Jesse Virtanen, champion de SHL avec Färjestad. Parallèlement, le HCAP a réussi à conserver Brandon McMillan (l’une des rares satisfactions parmi les joueurs étrangers) et surtout le gardien Janne Juvonen. Le cerbère finlandais, grand contributeur au phénoménal rush de la fin de la dernière saison constituera avec Benjamin Conz un solide duo devant le filet.

Par rapport à sa version 2021-22, le HCAP version 2022-23 a clairement effectué un pas en avant (sur le papier du moins) au point d’être sans doute le meilleur des "petits" clubs de la Ligue (par rapport à Kloten, Langnau et Ajoie) et de regarder vers le haut du classement plutôt que vers le bas. Et si Chlapík et Špaček performent comme leur compatriote Dominik Kubalík l’avait fait par le passé en Léventine (MVP de la ligue en 2018-19 avant de rejoindre la NHL), alors Ambrì-Piotta peut se poser en candidat crédible aux pré-playoffs.

 

Kloten : promu oui, victime expiatoire non !

Après quatre saisons de purgatoire en Swiss League, Kloten est de retour dans l’élite. Disposant de moyens supérieurs à ceux des précédents promus (Rapperswil-Jona en 2019-20 et Ajoie en 2021-22) et sous la menace de la relégation (ce que ne craignait pas Ajoie la saison passée), les Aviateurs visent un maintien "tranquille" sans pour autant griller les étapes. En effet, le noyau dur des joueurs suisses de l’effectif possède certes l’expérience du plus haut niveau mais est globalement âgé (33 ans pour Alexei Dostoinov, 34 ans pour Flurin Randegger et Matteo Nodari, 35 ans pour le capitaine Steve Kellenberger) et a donc ses meilleures années derrière lui. Pour rajeunir son effectif, l’EHC a mis la main sur les jeunes Jordann Bougro - international français à licence helvétique - et Axel Simic (23 ans chacun) barrés dans leurs clubs respectifs (Fribourg-Gottéron et Davos) mais globalement le contingent suisse apparaît limité dans sa profondeur

Comme les autres clubs de bas de tableau, Kloten dépendra énormément du rendement de ses joueurs importés. Pour sécuriser le poste-clé de gardien – a fortiori dans un équipe plus destinée à subir le jeu qu’à le faire – les Zurichois ont recruté le Finlandais Juha Metsola (33 ans), valeur sûre de la KHL depuis sept ans (92,2% d’efficacité en 319 rencontres partagées entre Khabarovsk et Ufa). Il formera avec le vieux routinier Sandro Zurkirchen un duo solide devant le filet. Lucas Ekeståhl Jonsson (vainqueur de la CHL avec Rögle) et Jordan Schmaltz (HIFK) viennent compléter la brigade défensive. À l’attaque, Éric Faille (présent depuis trois saisons au club) se verra proposer une chance de jouer au plus haut niveau, lui qui n’a plus rien à prouver en Swiss League (1,51 point de moyenne par match !). Il sera accompagné par un autre Canadien très en vue au niveau inférieur (64 points dont 27 buts avec Thurgovie), à savoir Jonathan Ang et ses buts spectaculaires. L’escouade est complétée par le centre champion olympique Miro Aaltonen (42 points en 44 parties à Vityaz Podolsk en KHL) et Arttu Ruotsalainen (24 ans) dont l'accès à la NHL à Buffalo à été quelque peu barré par sa taille (1m75).

Au regard des forces en présence, le EHC Kloten apparaît mieux nanti que Langnau et Ajoie, notamment au niveau des recrues étrangères. Aussi, la douzième place apparaît comme un objectif atteignable. Pour cela, les pensionnaires de la Stimo Arena pourront compter sur le savoir-faire de leur entraîneur Jeff Tomlinson qui lors de son passage à Rapperswil-Jona a déjà connu une promotion et une installation dans la durée en première division.

 

Ajoie : du mieux à tous les niveaux

Bon dernier de National League (26 points) à l’issue d’une première saison dans l’élite particulièrement éprouvante, marquée par une série de 19 défaites de rang (record de médiocrité) et le renvoi du coach Gary Sheehan, le HC Ajoie se présente sur la ligne de départ avec un effectif nettement amélioré et calibré pour lutter contre la relégation. Avec ses moyens forcément plus limités que les autres clubs, le directeur sportif Julien Vauclair a su renforcer son effectif actionnant tous les leviers à sa disposition, et en premier lieu en misant sur des joueurs en fin de cycle dans leur club précédent. C’est le cas notamment de Damiano Ciaccio (en provenance d’Ambrì-Piotta) qui vient se relancer dans le Jura et fera office de doublure à un Tim Wolf sursollicité la saison passée. Suivant la même logique, Kevin Fey (ex-Bienne), Gilian Kohler (ex-Bienne), Thomas Thiry (ex-Berne) et Gregory Sciaroni (ex-Berne) débarquent en Ajoie avec l’esprit revanchard et toute leur expérience de la National League. Vauclair est également aller piger du côté de la Swiss League en proposant à Valentin Pilet (défenseur grand format de Viège), Kevin Bozon (ex-Winterthur) et Ian Derungs (37 buts en 50 rencontres à Thurgovie) un contrat et de l’exposition au plus haut niveau.

Du côté de la légion étrangère, les Québécois Philip-Michaël Devos, Jonathan Hazen, Guillaume Asselin et Jérôme Gauthier-Leduc seront toujours présents. Un cinquième représentant de la Belle-Province viendra compléter le contingent déjà en place en la personne de Frédérik Gauthier, centre format XXL (1m95, 108 kg), passé notamment par les Toronto Maple Leafs. La défense sera quant à elle renforcée par l’apport de l’expérimenté Américain T.J. Brennan (près de 700 matchs en carrière d’AHL et 53 de NHL) performant à Salzbourg la saison dernière (47 points dont 20 buts en 48 rencontres). Enfin, le Slovaque Martin Bakoš a été embauché juste avant la reprise le temps d’un intérim jusqu’en octobre pour permettre à Hazen de se remettre totalement de sa grave blessure contractée en 2021.

L’équipe sera dirigée par Filip Pešán qui avait officié par le passé à Liberec et en tant que sélectionneur de la Tchéquie. L’objectif de Vauclair et du coach Pešán est de construire une équipe "pénible" à jouer pour les autres équipes, regroupée en défense de manière à rester le plus longtemps possible au contact de ses adversaires.

Après une saison en forme d’un apprentissage à la dure, le HC Ajoie veut continuer à progresser et s’est donné les moyens pour le faire. Cela ne sera certainement pas suffisant pour viser les pré-playoffs mais cela devrait l’être pour éviter la relégation.

 

Langnau : toujours les mêmes maux

Englué dans les profondeurs du classement depuis trois saisons (avant-dernier ou dernier), Langnau tente de briser cette spirale infernale en changeant sa direction sportive. Fin avril 2022, Marc Eichmann a été du poste de manager général qu’il occupait depuis deux exercices au profit de Pascal Müller, ancien joueur (formé à Langnau) qui a déjà officié à un poste similaire à Kloten entre 2016 et 2018. La première décision de Müller fut de nommer un entraîneur, le quatrième en trois ans (après Rikard Franzén, Jason O’Leary - coupé en cours de saison passée - et Yves Sarault). Son choix s’est porté sur Thierry Paterlini, qui s’est tourné vers le coaching après une longue carrière de joueur (20 saisons dont 15 au plus haut niveau et deux titres de champion). Le Grison a ainsi officié entre 2015 et 2020 auprès des équipes nationales de jeunes puis à la Chaux-de-Fonds entre 2020 et 2022 au second échelon national.

Sur la glace, trois des quatre imports de l’année passée seront toujours là. Alexandre Grenier et Aleksi Saarela entameront leur deuxième année de contrat et dans le cas du récemment promu capitaine Harri Pesonen c’est même la quatrième année en Emmental. La légion étrangère sera complétée par les défenseurs finlandais Sami Lepistö et Vili Saarijärvi et l’attaquant allemand Marc Michaelis. Du fait de son expérience (37 ans et près de 200 matchs de NHL et plus de 500 matchs en KHL), le champion du monde 2011 Lepistö apportera son expérience à une défensive qui aura en grand besoin (plus de 34 tirs concédés en moyenne par match en 2021-22). Michaelis présente quant à lui un profil intrigant. Formé en grande partie aux États-Unis, cet attaquant rapide a tâté à la NCAA, un peu à la NHL (15 matchs avec Vancouver en 2020-21) puis à l’AHL (22 matchs avec Toronto en 2021-22) et s’est révélé plutôt performant avec l’équipe nationale allemande.

Si la légion étrangère des SCL Tigers fait plutôt bonne figure, le contingent suisse est beaucoup plus limité en termes de talent et de profondeur à l’exception d’Anthony Huguenin. Les principales recrues estivales sont le rugueux défenseur Claudio Cadonau (de retour à Langnau après deux saisons et deux titres à Zoug) et Marc Aeschlimann (joueur de quatrième ligne à Zurich). Le poste de gardien suscite également l’inquiétude. Ivars Punnenovs parti à Lausanne, c’est Luca Boltshauser qui fait le chemin inverse en direction de l’Ilfishalle. Parfois bon mais souvent irrégulier, Boltshauser ne s’est jamais imposé comme un titulaire indiscutable durant ses quatre saisons au LHC. Promis presque tous les soirs à un feu nourri de la part des adversaires des Tigres, comment va pouvoir réagir Boltshauser, lui dont le pourcentage d’arrêts était de 90,9% derrière une défense lausannoise pourtant bien plus solide que celle de Langnau ? Sa doublure sera le jeune Stéphane Charlin (22 ans), prêté par Genève-Servette et dont les premières sorties en National League avaient été particulièrement difficiles dans le marasme genevois du début de saison dernière.

Par rapport à ses concurrents directs au maintien, Langnau apparaît moins bien doté que Kloten et Ajoie notamment au niveau de ses portiers. Dans ces conditions, difficile d’envisager autre chose qu’une des deux dernières places pour la formation emmentaloise.

 

 

Swiss League : un avenir flou

 

Devenue indépendante de la National League afin de présider seule à sa destinée, la Swiss League (le deuxième échelon professionnel) vit des heures sombres et voit son avenir s’inscrire en pointillés. Tout d’abord, faute d’avoir trouvé un accord pour la diffusion télévisée des rencontres, les clubs de SL vont devoir affronter un manque à gagner de 400 000 francs Suisses sans compter les recettes publicitaires en moins et la perte de visibilité. Voilà qui fait peser une contrainte sur les budgets des clubs pour la plupart fragiles. Ensuite, sur le plan sportif, la deuxième division cumule les difficultés : le nombre d’équipes et le devenir de certaines, leur niveau très disparate, et un règlement de promotion vers la National League très défavorable.

Ainsi la Swiss League ne comptera que 10 équipes en 2022-23, là où l’élite en compte quatorze, ce qui cause un déséquilibre dans la pyramide du hockey professionnel suisse. En effet, après Ajoie, c’est une autre locomotive (Kloten) qui a rejoint le niveau supérieur. Depuis deux ans, la SL a connu trois départs (Ajoie, Kloten en plus du retrait de Zoug Academy) pour une arrivée, celle de Bâle qui retrouve le niveau professionnel depuis la faillite de 2014.

Le niveau des dix engagés est très hétérogène et peut se répartir en trois catégories. Viège et Olten font figure de favoris au titre et sont des candidats naturels au barrage de promotion/relégation. Viennent ensuite les équipes bien établies dans la division mais sans ambitions à la NL à court/moyen terme que sont La Chaux-de Fonds, Sierre, Langenthal, Thurgovie et même le promu Bâle. Enfin, Winterthur, les GCK Lions et les Ticino Rockets (les deux dernières étant des équipes fermes) sont vouées à la formation et semblent condamnées aux bas-fonds du classement.

Parmi ces dix clubs, au moins trois sont en danger. Le SC Langenthal, multiple champion ces dernières années (2012, 2017, 2019) envisage sérieusement de se retirer du hockey professionnel, la faute à des finances en berne (on parle d’une perte de 20% des recettes) et de l’absence de projet pour une nouvelle patinoire. En effet, le Schoren (inauguré en 1980) est à bout de souffle et ne pourra pas être utilisé au-delà de 2031. Le président de Langenthal, Gian Kämpf, a déclaré : « Il est envisageable que nous nous retirions du hockey professionnel pour le hockey amateur à la fin de la saison, que nous nous concentrions sur la promotion de la relève et que nous fassions de notre équipe féminine notre porte-drapeau. » L’hypothèse d’un déménagement à Huttwill (où joue la section féminine du HCL dans une aréna moderne) est également posée sur la table. Les perspectives sont aussi sombres à Winterthur. Depuis sa promotion en 2015, le club zurichois n’a jamais disputé les playoffs et commence à préférer le temps où il était compétitif chaque année au niveau inférieur. Enfin, les Ticino Rockets sont aussi menacés à court-terme, la faute notamment un manque criant de compétitivité et l’absence de soutien populaire (à peine plus de 200 spectateurs en moyenne).

La possibilité de promotion vers la National League demeure mais le chemin pour y accéder s’annonce particulièrement ardu. En effet, le règlement du barrage de promotion/relégation entre le champion de Swiss League et le perdant des playouts de National League prévoit que les rencontres se disputent avec quatre joueurs étrangers ce qui va obliger les clubs du deuxième échelon à recruter deux imports supplémentaires. Pas simple, d’autant plus que la date limite des transferts est fixée au 15 février alors que la saison de NL se terminera le 5 mars. De ce fait, le club titré en SL ne pourra aller recruter chez les équipes éliminées des playoffs au niveau supérieur. Notons que ce règlement a été accepté par les clubs de SL contre une aide de 50 000 francs suisses (par club) de la part des clubs de NL, signe de la précarité financière des équipes.

Pour survivre, la Swiss League va devoir se réinventer. Une piste mène à l’intégration de clubs de MyHockey League (troisième division qui compte 12 clubs) comme Martigny, Coire ou Arosa (qui aspirent à accéder à la SL) voire la fusion pure et simple entre la SL et le MH League avec la constitution de groupes géographiques afin de multiplier les derbys et minimiser les coûts de déplacements. Mais à vouloir réduire l’écart avec le niveau inférieur, le risque n’est-il pas d’accroître le fossé entre SL et NL ? D’autres plaident, comme le président d’Olten, au contraire pour un rapprochement entre les deux divisions professionnelles et l’instauration d’une promotion/relégation directe. Le problème semble en tous cas être pris au sérieux à la fois par la Fédération et la National League.

 

Nicolas Puccio (photos de Pierre Maillard)

 

 

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