Gap veut conserver sa belle homogénéité

 

Année après année, les Rapaces de Gap restent performants, même sans faire de folies sur leur masse salariale. Ils se sont placés nettement au-dessus de la meute à la lutte pour les play-offs, et ils y sont parvenus avec une équipe qui ne comptait initialement que quatre étrangers, et six au final. Le gros gabarit Oleg Sosunov a été recruté pour remplacer un défenseur blessé pour la saison (Raphaël Faure), en même temps que le joker offensif Johan Lorraine - dont l'intégration fut moins concluante.

Les deux jokers avaient été qualifiés avant la demi-finale de Coupe de France parce que Gap ne voulait pas gâcher une saison bien partie à cause de plusieurs absences. L'appétit vient en mangeant et les Rapaces ont vite découvert que la voilure supposée réduite ne nuisait pas à leurs ambitions. Mais avec l'appétit décuplé vient la frustration. La finale de coupe a été perdue en prolongation contre Angers. Et même si les Gapençais avaient pris 7 points sur 12 en saison régulière contre Rouen, ils ont dû s'incliner en six matches lors du quart de finale. Un bilan très honorable qui ne suffit pas à satisfaire l'entraîneur Éric Blais : "On a été plus qu'inconstant, il a fallu attendre le troisième match de play-offs pour qu'on se mette vraiment à jouer. On a battu des gros mais on a été incapable de prendre des points contre des équipes à notre portée. Je pense qu'on méritait mieux, on avait notre place dans le top-5."

L'aspect remarquable de la formation gapençaise a été son extrême homogénéité. Beaucoup d'équipes de Ligue Magnus avaient une ligne plus faible qui encaissait bien plus qu'elle ne marquait quand elle était sur la glace. Pas les Rapaces, où tout le monde s'est maintenu à niveau. Les joueurs les plus "négatifs" au bilan (comme Correia ou Golicic) sont ceux qui jouent en supériorité numérique, une situation de jeu où l'on ne peut pas scorer de "+". Cet équilibre savant, Gap tient à le conserver. Il faudra y parvenir avec une attaque renouvelée à 50%.

La mission s'annonce plus facile quand on a des hommes de confiance comme le duo Julien Correia - Bostjan Golicic, dont Éric Blais met en avant l'apport : "Ils sont toujours motivés, compétitifs. Ce sont des moteurs pour les jeunes. Je suis très fan de ce mix-là, il est important d'avoir des joueurs-cadres pour tirer nos jeunes. Ce n'est pas tout de dire qu'on veut une équipe de jeunes Français, il faut qu'ils soient encadrés aussi. C'est le boulot du coach mais pas que." C'est dans cette catégorie que rentre également Romain Gutierrez, compétiteur exemplaire sur la glace. C'est le capitaine depuis l'arrivée de Blais, l'homme qui fait passer ses messages au groupe et qui les remonte.

Le remplacement des deux attaquants étrangers majeurs (Lagarde et Mickevics) a été plus difficile que prévu. Alors que les Rapaces misaient jusqu'ici surtout sur des joueurs déjà connus en Magnus, il a fallu se frotter aux réalités du marché. "On a subi la concurrence des clubs polonais, hongrois. Ces nations-là proposent des salaires plus élevés qu'en France. On était sur des Nord-Américains, ça s'est compliqué à chaque fois. [Sislannikovs et Gainetdinov] sont sortis du chapeau au dernier moment."

Ce chapeau devait avoir un double fond digne des meilleurs prestidigateurs. Ces deux renforts ont leurs meilleures années devant eux à 26 ans et se sont déjà constitué un petit palmarès. Olegs Sislannikovs a été le meilleur attaquant du championnat letton 2017, le cinquième marqueur des Universiades 2017 et l'auteur du but du titre italien de Renon en 2019. Il a passé les deux dernières saisons en Ukraine, au Donbass Donetsk, marquant au passage 3 pts en 2 matches contre Rouen en CHL. Blais le décrit comme un joueur "habile, intelligent, mais qui a besoin d'être accompagné. Ce n'est pas quelqu'un avec un grand volume du jeu, mais plus quelqu'un pour la finition, un playmaker".

Egor Gainetdinov est pour sa part un Moscovite qui a fait toute sa carrière senior au Bélarus (deux titres de champion avec le Yunost en 2019 et 2020). Il a le sens du but mais c'est aussi un gros bosseur et un joueur de caractère. Ces deux étrangers ne jouent ensemble qu'en powerplay pour le moment. Gainetdinov complète le duo Golicic-Correia alors que Sislannikovs bénéficiera de l'abattage du capitaine Gutierrez sur la deuxième ligne.

Ce deuxième trio sera complété par un pur produit de la promotion interne au sein du club. Aucune recrue extérieure n'est venue remplacer Fabien Colotti (parti à Bordeaux). Le Saint-Pierrais Paul Joubert, à Gap depuis ses 10 ans, intègrera le top-6 offensif. Qui peut douter qu'il le mérite ? Il a déjà inscrit deux buts en avantage numérique sur des assists de son nouveau centre attitré Gutierrez pour battre Rouen en pré-saison. "Nous n'avons pas hésité à donner des responsabilités à Paul, il a gravi les échelons de la bonne façon. Il ne brûle pas les étapes, il a fait énormément d'efforts pour se développer physiquement. Il est capable de mettre des buts, mais fait aussi du bon boulot en infériorité. Il joue maintenant sur la deuxième unité de powerplay, et il le fait très bien. Ce que j'aime chez Paul, c'est qu'il engrange des responsabilités parce qu'il va les chercher par son travail. Aussi longtemps qu'il gardera cette implication, ce sera tout bénéf' pour lui et pour nous."

Si Joubert a obtenu cette chance, c'est aussi aux dépens d'un joueur plus établi depuis longtemps, Dimitri Thillet. Il a connu une saison plus moyenne, manquant parfois de concentration dans son positionnement ou dans sa gestion du puck, averc des pertes de palet en zone offensive. Son entraîneur veut aussi le mettre à l'épreuve : "Cela oblige Dimitri à chercher plus de constance, lui qui connaît de bonnes séquences dans une saison. Dimitri est quelqu'un de très attachant, à lui d'aller challenger ce choix. Je veux faire jouer beaucoup plus la concurrence. Les années précédentes, ma hiérarchie était établie, je n'aimais pas trop bouger les lignes."

Il n'est pas question de se priver des qualités de Thillet en supériorité numérique, il y participe évidemment toujours. Mais à cinq contre cinq, il n'évolue "que" sur la troisième ligne avec deux jeunes joueurs de retour dans leur club formateur, le centre Axel Tarabusi (qui a passé deux ans à Grenoble et à Angers mais a surtout été prêté en D1 où il a été très efficace) et un Loïc Coulaud que Blais voudrait voir acquérir plus de polyvalence : "C'est un gros travailleur, un joueur de devoir, qui fait beaucoup d'efforts sur la glace et se sacrifie dans les situations d'infériorité numérique. J'aimerais qu'il prenne plus confiance offensivement. Sur le côté défensif, on peut se fier à lui les yeux fermés."

La ligne qui change le plus radicalement de visage sera la quatrième. Il n'y reste plus que Sébastien Rohat, modèle de fiabilité qui a dépanné en défense à l'occasion - et qui est toujours entraîneur-adjoint. Mais il est désormais flanqué de deux ailiers à haute intensité qui doivent donner à ce fond d'alignement plus de vitesse et de robustesse. Leur objectif sera d'assurer les sorties de zone, gratter dans les bandes et forechecker à fond sur un temps de jeu limité. Gap a surpris beaucoup de monde en confiant ce rôle à faible temps de jeu à un étranger, Kevin Altidor, qui a joué six ans en D1 et qui obtient sa chance en Ligue Magnus au moment où son impact offensif a décru (son dernier but remonte au mois de décembre).

L'autre profil est plus classique : Lucas Colombin est parti à Genève-Servette à 15 ans jusqu'à devenir le capitaine de l'équipe junior, et l espère prouver sa capacité en senior en France pour obtenir par la suite une place en Suisse au bénéfice de sa licence helvétique ("un joueur très prometteur, au volume de jeu intéressant, assez complet offensivement et défensivement"). Altidor et Colombin ont aussi en commun de peiner à contenir un caractère teigneux, une réputation qui ne fait pas peur à Éric Blais : "Je vais prendre le temps pour leur en parler, je savais très bien que l'un comme l'autre ont des moments de relâchement dans leur comportement".

La défense peut toujours s'appuyer sur un joueur étranger qu'on oublierait presque tant il s'est fondu dans le paysage : l'Américain Chad Langlais tient parfaitement le rôle de défenseur offensif numéro 1, aligné en jeu de puissance avec les quatre attaquants majeurs. Éric Blais avoue son admiration : "C'est un joueur très important dans le vestiaire. Quand il met un maillot, ce qu'il véhicule, c'est juste top... C'est un compétiteur dans l'âme."

L'idée était de lui apparier un défenseur défensif physique, mais plus mobile que le colosse Sosunov. Il s'agit de Valtteri Meisaari, qui relance bien dans les phases sous pression mais qui aime aussi le jeu physique : "Nous étions déjà sur lui l'an dernier, mais son club Hermes avait mis son veto car il ne voulait pas le libérer. Il joue sur notre seconde unité de powerplay, c'est un défenseur complet avec un leadership incroyable pour son jeune âge. C'est un gros tempérament qui booste les gars non stop."

La deuxième paire restera composée d'Arnaud Faure et de Fabien Bourgeois, un joueur qui est appelé année après année en équipe de France mais qui a toujours été retranché avant les grandes compétitions. Peut-il franchir le cap ? Pour Éric Blais, "il se bonifie avec le temps. Quand il est arrivé à Gap, il était impatient, il voulait tout rapidement. C'est un gros bosseur, une machine sur et en dehors de la glace. Pour progresser, il faut comprendre les choses pour gagner en maturité dans le jeu. Il garde les mêmes qualités, il a toujours de la combativité et de l'énergie, mais il essaie de jouer un peu plus juste."

Comme son frère aîné Loïc, Yohan Coulaud fait son retour dans sa ville natale : "Il connaît la plupart des joueurs, ça aide. On a besoin de canaliser son énergie, mais c'est plus facile de le faire avec quelqu'un qui a envie d'aller de l'avant et de progresser. On lui demande de faire les choses dans l'ordre, de ne pas être trop impatient. Il est associé avec Louis Cirgues dans une paire très jeune, mais qui nous donne vraiment satisfaction."

Alors que Cirgues a supplanté Mathieu Mony la saison passée, il n'y aura cette fois plus de septième défenseur senior. L'international U18 Loris Chauvin tiendra ce rôle et les Rapaces pourront s'appuyer comme l'an passé sur la collaboration avec Marseille pour gérer cette profondeur d'effectif sans engager un arrière surnuméraire.

S'il n'y a aucun changement dans les cages, Éric Blais y voit quand même un axe de progrès : "Les blessures et soucis de santé de Jimmy Darier n'ont pas permis à Julian [Junca] de souffler. Julian doit évoluer mentalement. Pour franchir un palier, il faut qu'il prenne un peu plus de responsabilités. Il doit grimper d'un échelon pour monter en équipe de France." Il faut en effet rappeler que Julian Junca a connu sa première saison non tronquée comme gardien titulaire. Il a joué plus de quarante matches alors qu'il n'en avait jamais dépassé vingt par saison. Il n'est donc pas entièrement surprenant qu'il n'ait pas pu maintenir un niveau de performance aussi élevé en doublant son temps de jeu. C'est ce sur quoi il devra travailler avec le suivi individuel de Raphaël Rossy, délégué auprès de lui par la société BKP mandatée par le club. Or, le fondateur du BKP Sébastien Beaulieu s'occupe aussi depuis dix ans des gardiens de l'équipe de France (sur recommandation de Cristobal Huet), pour laquelle son développement est évidemment important. Il a connu ses premières sélections chez les Bleus la saison passée et fait figure de numéro 4 dans la hiérarchie nationale.

Gap a donc conservé les vertus qui ont fait sa force la saison passée, celle d'une équipe rapide et homogène qui travaille fort. Mais le plus grand risque ne naît-il pas des attentes trop élevées par les bons résultats répétés, alors même que les concurrents se sont renforcés ? Septième, quatrième et sixième lors de ses trois saisons à la tête de l'équipe, Éric Blais répond en avoir bien conscience : "Être dans les huit, ce serait bien, mais les joueurs ne veulent pas en entendre parler. Ils veulent plus. Alors, si vous voulez plus, à vous de faire le travail. À nous de faire le travail."

Marc Branchu

 

 

Effectif :

Gardiens

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2021/22  MJ   Min   Moy.     %
 1 BENILSI Swan          09/01/2004  185  80  Gap                Gap 2        FRA-4    7
33 JUNCA Julian          15/02/1998  197  93  JFL   (Fra.-Esp.)  Gap          FRA-1   41  2391   2,71   91,1%
60 DARIER Jimmy          10/07/1994  180  69  Villard            Gap          FRA-1   14   630   3,62   86,9%

Défenseurs

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2021/22  MJ   B   A Pts   +/-  Pén
 3 MEISAARI Valtteri     21/02/1999  192  95       (Finlandais)  Hermes       FIN-2   44   6   5  11   -7   83'
 6 FAURE Arnaud          15/12/1995  183  90  Grenoble           Gap          FRA-1   50   5   6  11   +2   28'
 7 LANGLAIS Chad         01/08/1986  173  77        (Américain)  Gap          FRA-1   44   4  26  30   -2   49'
 9 CIRGUES Louis         12/08/2001  181  68  Gap                Gap          FRA-1   41   0   8   8   +1   13'
65 COULAUD Yohan         30/08/2000  180  78  Gap                Amiens       FRA-1   41   0   6   6   -3   14'
74 BOURGEOIS Fabien      06/04/1995  173  81  Morzine            Gap          FRA-1   47   4  13  17   +4   28'
   CHAUVIN Loris         23/01/2004  186  76  Gap                Gap 2        FRA-4   13   5   2   7        22'

Attaquants

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2021/22  MJ   B   A Pts   +/-  Pén
11 BORTINO Maxence       20/08/2001  168  63  Briançon           Gap          FRA-1   25   1   0   1   -4    4'
                                                                 Marseille    FRA-2   18   1   3   4   -6    0'
12 JOUBERT Paul          14/09/2000  178  74  Saint-Pierre       Gap          FRA-1   50  10  17  27   -1   62'
15 TARABUSI Axel         06/02/2001  175  68  Gap                Angers       FRA-1   11   0   3   3   +2    0'
                                                                 Cholet       FRA-2   38  12  19  31   +16  37'
23 COLOMBIN Lucas        23/04/2002  177  76  Chamonix           Servette U20 SUIjr   24  17  10  27       106'
                                                                 Lake Tahoe   USPHL   10   5   4   9        32'
38 GOLICIC Boštjan       12/06/1989  183  90          (Slovène)  Gap          FRA-1   46  16  17  33   -9   45'
47 THILLET Dimitri       28/07/1993  186  90  Briançon           Gap          FRA-1   46  11   8  19   -3    7'
51 GAINETDINOV Egor      25/07/1996  184  83        (Blr/Russe)  Yunost Minsk BLR-1   40  14  15  29   +19  30'
72 COULAUD Loïc          25/05/1997  174  74  Gap                Chamonix     FRA-1   48   7   9  16   -22  34'
77 CORREIA Julien        14/01/1988  173  78  Rouen              Gap          FRA-1   50  15  25  40   -9   31'
82 GUTIERREZ Romain      09/09/1992  175  80  Franconville       Gap          FRA-1   48  14  21  35   +5   28'
85 ROHAT Sébastien       18/02/1985  175  74  Briançon           Gap          FRA-1   50   5   5  10   -1   16'
93 ALTIDOR Kevin         30/01/1993  185  83         (Canadien)  Épinal       FRA-2   28   7  14  21   +1   88'
96 SISLANNIKOVS Olegs    18/09/1996  177  85           (Letton)  Donbass      UKR-1   36  16  21  37   +26  14'

Entraîneur : Éric Blais (49 ans).

Partis : Nans Blanc (G, 0 MJ, Clermont-Ferrand, FRA-2), Axel Prissaint (D, 4+8, Bordeaux), Oleg Sosunov (D, 0+3, Debrecen, HON), Raphaël Faure (D, 0+2, Cergy-Pontoise), Mathieu Mony (D, 2+2, Nice), Benjamin Lagarde (A, 16+20, Montcalm, LNAH), Arturs Mickevics (A, 13+22, Nice), Fabien Colotti (A, 11+24, Bordeaux), Romain Chapuis (A, 6+15, Chamonix), Johan Lorraine (A, 2+5), Pierre Robert (A, 4+2, arrêt).

 

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